Ca se passe dans la même affaire que dans la brève précédente, ils sont trois, et la situation d’un autre gamin pose un problème à la Cour : il possède un casier judiciaire qui, malgré son jeune âge, est largement plus fourni que son camarade, puisque porteur de dix-sept mentions (!), la valeur comme chacun sait n’attendant point le nombres des années…
Oui mais voilà : est-il pour autant en état de récidive légale ?
La Cour n’en sait rien, le jugement, il est vrai prononcé par une juridiction du Nord avec vue sur mer connue pour l’opacité de certaines de ses décisions correctionnelles, étant totalement embrouillé sur ce point, l’appelant, entre ses deux gendarmes, bien incapable de dire clairement la date de sa dernière condamnation, le casier judiciaire un peu ancien et ne faisant donc pas apparaître les dernières décisions rendues à son encontre, et partiellement mal photocopié…1
La question est d’importance : pour qu’une peine-plancher s’applique, il faut que l’état de récidive légale soit constaté, c’est à dire en substance qu’une autre condamnation, pour des faits juridiquement similaires, soit intervenue moins de cinq années avant la commission des nouveaux faits : si ce n’est pas le cas, la juridiction est libre comme l’air dans l’appréciation du quantum et des modalités d’exécution de la peine; si c’est le cas, les minima légaux vomitifs dont je vous parlais juste avant s’appliquent, et dans son cas, nous parlons de trois ans automatiques !
Bref, personne2 n’y comprend rien, ça discute, ça vérifie, on demande un casier judiciaire plus récent qu’on n’obtient pas, et comme l’audience est chargée et que bon après tout l’absence éventuelle de peine-plancher n’empêche pas de condamner, on clôt les débats.
L’Avocat Général se voit donc donner la parole pour ses réquisitions, et elle3 commence par l’évidence, le seul mode de preuve auquel personne n’avait songé jusqu’alors, une démonstration implacable de ce que le droit est toujours empreint de rigueur et d’humanité, tout particulièrement lorsque l’on va demander une privation de liberté, et encore plus spécialement lorsqu’on s’apprête à requérir trois années d’emprisonnement ferme…
Elle dit :
“Madame le Président, on me dira ce qu’on voudra, mais pour en terminer avec cette question de la récidive légale, avec dix-sept condamnations au casier, il est évident qu’il doit bien y en avoir une de moins de cinq ans dans le tas”.
Elle n’y reviendra pas, c’est ainsi acquis, et requerra quelques instants plus tard trois ans fermes.
Authentique, au mot près.
- Je sais bien, vous vous dites que n’importe qui renverrait l’examen de cette affaire à une date ultérieure pour vérifier… Mais nous sommes à la Cour, malheureux, on ne renvoie pas, c’est laid pour les statistiques… [↩]
- Je n’ai pas su si son avocat le savait et se la fermait doucement, ou bien s’il ne savait pas lui non plus… [↩]
- Eh oui : je dois à la vérité de dire que c’était une femme… Aucun rapport évidemment, n’allez pas me faire dire des choses que je ne pense pas, ou alors pas souvent… [↩]
Mais ...?
Comment l'avocat général a-t-elle pu requérir une peine-plancher, venant donc sanctionner des faits commis en récidive, sans être certaine que l'état de récidive fût caractérisé puisque le premier terme en était incertain ??
Ou peut-être a-t-elle requis le quantum "plancher" en tout état de cause, sans application formelle de la loi d'août 2007 ?
Son argument est en tout cas, euh ... incroyable !
@Mussipont : c'est une hypothèse, hélas -car jamais au grand jamais de décision tu ne rendras en pensant devoir tenir compte de celle qui sera prise après toi ! C'est en tout cas ce qu'on s'acharne à demander aux Présidents qui tiennent compte des règles de l'Application des Peines dans leurs décisions; un contre-argument facile à évoquer par les temps qui courent : "Ah non Monsieur le Président, imaginez que la Loi change pour la sixième fois ce mois-ci en matière d'application des peines, on aura l'air fin avec vos deux ans fermes..."