Ordonnance de Clocloture.

Il y avait longtemps que je ne m’étais pas autorisé une imbécillité du vendredi, et que ça me manquait, donc je.

Je me suis servi du texte d’une chanson déjà  ancienne qui, comme le dirait mon Ami-Frère Hugo Renard, que je salue et embrasse au passage en espérant que son RSA suffise à  l’abreuver pendant ses vacances, là -bas, en Martinique (il est intermittent du spectacle, il crée, mais il souffre), ne marchera jamais mais qui est l’une des plus belles et des plus chantées et reprises du Monde, je crois bien.

C’est totalement idiot, mais ça me fait sourire et bien sûr, car rien n’est jamais totalement gratuit en ce Bas-Monde, en particulier lorsqu’il s’agit d’avocat, ça montre au passage à  quel point n’importe quel propos peut être interprété de n’importe quelle façon, et comme il est dès lors capital de bien les retranscrire, lorsqu’on les rapporte, ou de bien les lire, avec recul, lorsqu’on les utilise.

Comme je suis d’humeur facétieuse, non point au vu d’un grisant weekend de garderie trois jours, mais parce qu’il y avait deux chèques au courrier aujourd’hui1, attention, il y a un grand jeu-concours gratuit à  la fin : je vous laisse le soin de trouver et nous citer par commentaires tous les faits et qualifications légales pour lesquels Monsieur François peut valablement être renvoyé devant le Tribunal Correctionnel !

Je nomme derechef ma chère Marie arbitre final, en charge de vous donner les solutions mardi c’est son ancien métier, fastoche pour elle, et ça vous laisse tout ce merveilleux long week-end pour travailler !

A gagner On verra, je déciderai après, en fonction du gagnant !2

Affaire François, Claude, contre Ministère Public

Attendu que l’information a établi les faits suivants :

Je me lève
Et je te bouscule

Madame François déposait plainte auprès des services de police de X. Elle exposait subir des faits de violences volontaires de la part de son mari depuis plusieurs années, ce de façon quotidienne.

Tu n’te réveilles pas
Comme d’habitude

Elle essayait de l’en dissuader, en s’abstenant de répondre à  ses provocations. Elle indiquait, en larmes, aux gendarmes ayant procédé à  sa première audition, qu’elle faisait la plupart du temps semblant de dormir, en espérant que son mari la laisse tranquille, le plus souvent en vain.

Sur toi
Je remonte le drap

Elle déclarait encore que Monsieur François, outre ces violences régulières, avait à  plusieurs reprises tenté de l’étouffer dans la literie conjugale, notamment mis en rage par son absence de réaction apparente.

J’ai peur que tu aies froid
Comme d’habitude

(Expertise psychologique) La dissimulation n’est pas étrangère au comportement de Monsieur François, qui tentera tout au long de l’expertise et à  maintes reprises d’édulcorer les faits, ou de les justifier par de prétendues préoccupations de tendresse, dont nous ne retrouvons cependant par ailleurs, dans le reste du discours du sujet comme au travers des tests projectifs, pas la moindre trace, dans un contexte de perversion manipulatrice qui semble avoir sous-tendu ses comportements habituels depuis très longtemps.

Ma main
Caresse tes cheveux

Madame François, avec beaucoup de difficultés, allait également parvenir à  relater de nombreux actes d’agressions sexuelles, qu’elle ne parvenait pas à  dénombrer tant ils étaient régulièrement commis à  son encontre, “au moins une fois par jour, juste après les coups”.

Presque malgré moi
Comme d’habitude

(Expertise psychiatrique) Monsieur François finira par reconnaître quelques gestes qu’il qualifiera cependant de “gestes de tendresse peut-être mal pris” par Madame X, tout en les mettant devant l’expert sur le compte de “pulsions” qu’il ne “pouvait pas contrôler”, “comme si ce n’était pas moi mais que quelqu’un d’autre agissait à  ma place”. Nous ne pouvons avaliser cette explication, à  la fois du fait que nous n’ayons décelé chez le sujet aucune tendance à  la schizophrénie, ni aucun symptôme de dissociation, du fait que sa mémoire des faits soit suffisamment bonne pour qu’il les décrive précisément, n’ayant par conséquent nullement agi dans un état de conscience modifiée ou altérée, et du fait que l’organisation des comportements décrits, précise, répétitive et inscrite dans un scénario, semble devoir exclure tout passage à  l’acte réellement pulsionnel. Nous pensons que le sujet, soit organise ainsi, par un mobile supposé connu, sa défense, soit se met en scène inconsciemment sous le jour le plus favorable possible, aux limites de l’amnésie salvatrice.

Mais toi
Tu me tournes le dos
Comme d’habitude

Rapidement entendu, Claude François allait nier la totalité des faits qui lui étaient reprochés, arguant, pour les agressions sexuelles, dont il ne contestait pas la matérialité, d’une “mauvaise compréhension” de ses gestes de la part de son épouse, et contestant même la réalité des faits de violences volontaires, en dénigrant systématiquement la victime, alléguant au contraire que celle-ci se serait détournée de lui depuis de nombreux mois, et qu’il n’existait plus aucun contact physique entre eux au moment des faits dénoncés.

Alors
Je m’habille très vite
Je sors de la chambre
Comme d’habitude

Il n’expliquait pas en revanche la raison de ses départs précipités matinaux, sans même, ce qu’il confirmait, prendre la moindre douche ou se laver les dents.

Tout seul
Je bois mon café
Je suis en retard
Comme d’habitude

Interrogé, son ex-employeur semblait confirmer les indications de Madame X quant au moment de la journée et à  la durée quotidienne des sévices qu’elle subissait, puisqu’il indiquait que Monsieur François arrivait systématiquement en retard au travail, au point qu’il lui avait déjà  notifié de nombreux avertissements, verbaux comme écrits une copie de ces derniers, qu’il conservait au dossier de son salarié, était remise aux services de gendarmerie chargés de procéder à  son audition sur commission rogatoire. Interrogé sur ce point, Claude François n’apportait aucune explication crédible, bien qu’il confirmât se réveiller quotidiennement avant son épouse.

En outre, une perquisition démontrait que le couple ne possédait aucune cafetière.

Sans bruit
Je quitte la maison
Tout est gris dehors
3
Comme d’habitude

Entendus au cours de l’exécution de la même commission rogatoire, Monsieur et Madame Claudette, voisins du couple François, expliquaient n’avoir jamais rien remarqué de particulier, ni recueilli aucune doléance de Madame François. En revanche, ils avaient constaté, et s’en étaient étonnés sans en comprendre la raison à  l’époque, que Monsieur François quittât toujours son domicile très rapidement, et en veillant à  ne faire aucun bruit, comme s’il avait peur d’attirer leur attention ou celles des autres voisins, dont certains confirmaient ce fait.

J’ai froid
Je relève mon col
Comme d’habitude

Certains autres précisaient même avoir eu l’impression que Monsieur François se dissimulait le visage avec son col de manteau.

Comme d’habitude
Toute la journée
Je vais jouer
A faire semblant

Tant les collègues de travail que les voisins du mis en examen mettaient en exergue, outre des qualités professionnelles certaines, les nombreux mensonges de celui-ci, dont il ressortait de différents témoignages qu’il “inventait sans cesse des histoires”, étant qualifié à  plusieurs reprises de “complètement mytho”.

Comme d’habitude
Je vais sourire
Comme d’habitude
Je vais même rire
Comme d’habitude
Enfin je vais vivre
Comme d’habitude

Réentendu à  plusieurs reprises par le magistrat instructeur, Claude François allait persister à  nier les faits, tout au long de l’instruction. Les autres témoignages recueillis ne permettaient pas de faire progresser les investigations, les collègues de travail précités et clients de Claude François indiquant par ailleurs l’avoir toujours au contraire connu courtois, affable, voire jovial parfois, et n’ayant jamais remarqué quoi que ce soit.

Et puis
Le jour s’en ira
Moi je reviendrai
Comme d’habitude

Il ressortait également de l’enquête de personnalité que Monsieur François avait un appétit sexuel important, et avait, notamment, recours pratiquement tous les soirs aux services de différentes prostituées exerçant habituellement près de son lieu de travail, rentrant systématiquement au domicile du couple à  la nuit tombée.

Toi
Tu seras sortie
Pas encore rentrée
Comme d’habitude

La victime exposait que, par crainte de se retrouver seule avec son mari, elle s’arrangeait, les derniers mois, pour rentrer au domicile conjugal après lui, prétextant la maladie de sa mère. Entendue sur ce point, la famille de Madame François confirmait les dires de cette dernière, en ce qu’elle avait pris l’habitude de passer tous les soirs au domicile de sa mère, dont elle ne repartait que tardivement. En revanche, l’enquête confirmait que la mère de Madame François n’était nullement souffrante, et que, de ce fait, ses proches s’étaient interrogés sur la fréquence des visites de sa fille

Tout seul
J’irai me coucher
Dans ce grand lit froid
Comme d’habitude

Madame François, réentendue par le magistrat instructeur, soulignait la perversité de son mari, dénonçant différents sévices dont elle n’avait pas pu précédemment parler, tel entre autres le fait d’avoir détruit l’alimentation électrique du convecteur de la chambre, pour obliger son épouse à  se coucher dans le froid, la pièce étant “glaciale en hiver, je grelottais et lui il rigolait”.

Mes larmes
Je les cacherai
Comme d’habitude

A plusieurs reprises lors de ses auditions, Monsieur François manifestait une prétendue émotion en réalité manifestement feinte, pleurant énormément et de façon ostensible dès qu’il évoquait des faits ou des épisodes de vie le concernant, mais strictement jamais à  l’évocation de la souffrance de son épouse.

Mais comme d’habitude
Même la nuit
Je vais jouer
A faire semblant
Comme d’habitude
Tu rentreras
Comme d’habitude
Je t’attendrai
Comme d’habitude
Tu me souriras
Comme d’habitude

Une confrontation était organisée en fin d’instruction, lors de laquelle chacun campait sur ses positions initiales, la victime parvenant en fin d’acte, avec courage, à  dire à  son mari qu’elle n’avait cessé de faire semblant d’être heureuse, mais l’accusant de lui avoir fait vivre un enfer, ce à  quoi le mis en examen répliquait en souriant “qu’on n’aurait pas dit”

Comme d’habitude
Tu te déshabilleras
Oui comme d’habitude
Tu te coucheras
Oui comme d’habitude
On s’embrassera
Comme d’habitude

Monsieur François maintenait jusqu’au bout sa version d’un couple prétendument heureux au sein duquel il n’aurait rien commis de répréhensible, ne trouvant aucune explication aux déclarations de sa femme.

Comme d’habitude
On fera semblant
Comme d’habitude
On fera l’amour
Oui comme d’habitude
On fera semblant
Comme d’habitude

Madame François apportait un nouvel élément, dont elle n’était pas parvenue à  se souvenir plus tôt : son mari avait acheté récemment une wouhaibeuhcame (phon.)4, devant laquelle il lui imposait différentes scènes de masturbation, aux fins lui avait-il indiqué de diffusion sur Internet. Une recherche sur ce média ne permettait cependant la découverte d’aucun film de cette nature, mais il convient de noter que de nombreux films amateurs de ce type y sont présents, souvent anonymes, dont certains (placés sous scellés à  la procédure et annexés ci-dessous5 ) mettent très clairement  en scène une femme grelottante avec un drap sur la tête … Madame François maintenait par ailleurs l’ensemble de ses accusations, manifestement bouleversée et en grande souffrance.

Il ressort de l’information judiciaire qu’il existe charges suffisantes contre Monsieur Claude François d’avoir, à  X, du . au et en tout cas, depuis temps non prescrit, commis les faits de

En conséquence, ordonnons le renvoi devant le Tribunal correctionnel de Lille / la mise en accusation devant la Cour d’assises du Nord de M. Claude FRANCOIS, et, par ordonnance séparée, son maintien sous contrôle judiciaire.

Sous scellés : enregistrement de l’audition de Monsieur François pendant sa garde à  vue (mentionnons qu’à  la suite d’un manque total de moyensdu fait que le matos judiciaire et administratif français est totalement obsolète et pourri d’une défaillance technique, la couleur n’a pu être restituée).6

http://www.youtube.com/watch?v=hProMuaAUio&feature=fvst

Bon courage à  ceux qui voudront jouer -les pros, laissez faire les simples justiciables d’abord, pour voir si c’est facile, procureur ou juge d’instruction !

[Et merci à  Marie de m’avoir corrigé et complété pendant que j’encaissais mes chèques !]

  1. Certes l’un non signé et l’autre de cinquante euros, mais c’est un début []
  2. Oui, je suis un homme libre, je fais ce que je veux, en pure opportunité et comme je l’entends : une vraie petite Cour de Cassation à  moi tout seul ! []
  3. La compétence du Parquet de Lille se confirme. []
  4. Il s’agit d’une petite boutade à  l’attention de nos amis policiers, on peut rigoler c’est vendredi … []
  5. Non, je blague, inutile de vous précipiter… []
  6. J’imite assez bien l’illustre véritable Claude François, notamment sur cette chanson, je vous le ferai un jour, promis ! []

50 Commentaires

  1. Voynich
    J'arrive avec plus de deux ans de retard, découvrant depuis quelques jours à peine ce blog (ce qui représente un frein à l'encontre de mon efficacité professionnelle, je ne vous remercie pas pour le retard que je cumule alors que - je ne sais pas si ça vous a déjà été signale ? - il n'y a même pas la suite d'Histoire Noire) et m'étant jusqu'alors abstenu de tout commentaire malgré mes larmes, mes soulagements, mes rages survenus lors des lectures des différents billets, je fais cette fois exception.
    Pourquoi ? Déjà pas pour remercier les différents contributeurs de ce blog, ni pour louer leurs différents et nombreux talents sans quoi vous allez définitivement perdre toute humilité, mais pour soumettre une idée qui m'est venue à la lecture de ce billet : l'exercice pourrait être reproduit avec certes plus de gravité tout en restant dans la même thématique avec un autre très célèbre texte de la chanson française : "l'aigle noir" de Barbara, communément considéré comme étant le récit métaphorique des incestes qu'elle aurait vécu.
    Bonne ou mauvaise, c'est une idée, et je me devais de la faire partager.
      1. Fricky
        Article 450
        [...]
        S’il décide de renvoyer le prononcé du jugement à une date ultérieure, le président en avise les parties par tout moyen. Cet avis comporte les motifs de la prorogation ainsi que la nouvelle date à laquelle la décision sera rendue

        Hum, loin de moi l'intention de paraitre exigeant mais nous avons fêté hier les 3 ans de ce report. Vous me semblez donc désormais en pleine anoxie professionnelle, ce qui explique probablement la couleur caractéristique de votre avatar.
        Où puis-je trouver un bon avocat pour porter l'affaire devant la CEDH pour non respect de l'article 6 paragraphe 1 ? :mrgreen:
  2. Res Vilis
    Vous êtes des cinglés...
    ... dire que je pensais avoir touché le fond avec un pote en écrivant un morceau de "Gangsta-Droit"...
    Ou alors à  improviser sur l'air de "zorro" le récit du bouclier fiscal...
    Je pensais que nous étions seulement deux à  être dans un tel état de délabrement neuronal...

    Maître Mô, peut-être question cette ai-je posé déjà ... mais: êtes vous lecteur de San Antonio?
      1. Res Vilis
        Nous avons deux goûts en commun: le pénal et ce cher Alexandre Benoît Berrurier (quoi que je me demande si Pinaud n'est pas mon préféré... au lycée, j'avais un chauffeur de bus qui en aurait fait la parfaite incarnation).

        Qui sait, un jour peut-être nous croiserons-nous... nonobstant le fait que vous soyez bien au delà  de la limite géographique au delà  de laquelle je peux aller sans m'étioler (la Loire);
        Ce jour là , que j'espère dans le secret d'alcôve de mes rêves torrides de bientôt élève avocat, regardez où vous marchez, rapport à  votre taille, la mienne est dérisoire (je parle toujours de la taille)
      2. Le Pingouin Fou
        Tous.

        Diable, vous êtes effrayant (je suis dans ce cas, de possession San-Antoniesque).

        Et génial.

        Je me demande ce qui est pire. :P

        Bien bien bien, je continue ma plongée dans les profondeurs insoupçonnées des archives de ce blog, et si jamais j'entends des tam-tams, j'offrirai un verre de whisky à ce bon docteur Livingstone. J'espère quand même que la lecture de ce blog n'est pas au régime sec, auquel cas je contreviens allégrement... :lol:



        (et non, je ne SUIS PAS un robot, nom d'un boulon!)

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