Maître Mô à  Saint-Tropez

En ces temps estivaux, je ne pouvais pas ne pas vous narrer ce qui a été une petite révolution, à  l’initiative de mon épouse adorée, qui a parfois des idées saugrenues, comme celle d’amener son homme, nordiste pure souche, dans cet endroit étrange dont il n’avait jusqu’à  présent qu’entendu parler, le mythique Saint-Tropez,  et ce, pour faire bonne mesure et mettre du poids à  un cadeau qui était déjà  beau, en plein mois d’août – pourquoi tenter d’y aller à  un autre moment..?

Un petit rappel préalable des circonstances exactes dans lesquelles j’allais être amené, gracieusement (je parle très clairement ici de la grâce de ma Tendre et Chère, en aucun cas on le verra du prix de l’opération), à  passer trois jours sur cette Côte d’Azur que l’on ne présente plus, sauf à  des prolos comme moi…

Je suis de Lille, j’y suis né, et y suis resté depuis ce jour béni des dieux, en prenant, plus vieux donc plus riche, quelques courtes vacances luxueuses dans de véritables Paradis, loin.


Partant, ma conception standard d’une plage, quelle qu’elle soit (qu’il s’agisse donc de celle de Malo-les-Bains, dont je connais chaque millimètre carré et chaque crotte de chien pour l’avoir toujours fréquentée, ou bien celles, découvertes bien plus tard pour cause de moyens financiers, de plein d’îles merveilleuses : Guadeloupe, Maurice, Corse, Maldives, Samui en Thaïlande, la Crête, Tinos, etc…), est qu’elle est grande, qu’on peut y échapper au reste du monde et notamment aux autres gens, qu’elle est gratuite et qu’il y fait bon vivre.

En n’y faisant que ce pour quoi les dieux, décidément très inspirés, l’ont conçue : regarder sa sœur la mer, ou rentrer dans icelle, ou tacher de glisser dessus – le tout à  nouveau gratuitement, libre de tous droits comme mers et plages le sont par nature depuis la nuit des temps.

Dans cette conception entre également le fait que cette offrande divine a été mise à  une portée très raisonnable de l’homme : quarante minutes de bagnole si l’on est pauvre (Lille / Malo), ou bien trente enjambées si l’on est riche -ou qu’on a de quoi faire semblant de l’être dix jours (chambre d’hôtel / toutes les mers des îles précitées)…

Bref, la mer, c’est la facilité, la liberté et le bien-être simple.

Croyais-je.

Or donc séjournions-nous avec le petit pour trois semaines dans le sud de la France, où mes beaux-parents ont le double bon goût de posséder une villa avec piscine, et de bien m’aimer, de telle sorte que j’y suis royalement accueilli, mon seul souci étant en général de renouveler les glaçons pour le rosé les rares fois où belle-maman les oublie…

Et c’est dans ces conditions que, pour couper un peu ces trois semaines idylliques, ma femme m’organisait ce court séjour tropézien à  mi-parcours, mes beaux parents gardant l’enfant, et votre avocat préféré ne s’étant strictement jamais rendu dans ce que les magazines que je vole en cachette à  ma belle-famille décrivent pourtant comme le Paradis sur terre…

Une petite alerte de mon beau-père, la veille du départ en voiture, m’indiquant qu’il serait préférable le lendemain de partir à  cinq heures du matin, ne retenait pas spécialement mon attention, bien que lui connaisse Saint-Tropez : deux heures trente de route, bien inutile de se lever si tôt, lui souriais-je en réponse…

Nous partions ce mardi matin vers huit heures, étant assez matinaux par nature (moi) et depuis la venue de notre fils (elle).

Mes beaux-parents possédant deux voitures, et ayant la gentillesse d’assumer l’enfant à  notre place pendant trois jours, nous leur avions laissés la Golf climatisée, et avions opté pour la Clio, qui ne l’est pas – et possède l’autre particularité amusante de ne pas pouvoir dépasser les 120 km heure, ainsi que j’allais très vite le découvrir, mais peu importe c’est les vacances.

Deux heures d’autoroute sans encombres, bien qu’encombrée, et une chaleur assez dense occupant désormais l’habitacle, nous arrivions donc au bas d’une nationale unique menant à  cet endroit de la Côte, chargée, elle aussi, mais roulante, ce qui me donnait raison quant au fait qu’arriver vers 9 heures au bas de Sainte Maxime et Saint-Tropez était largement suffisant…

Je suis un enfant.

Nous montions, à  la vitesse de l’escargot centenaire vu les capacités réduites de la petite voiture, mais nous montions, et atterrissions finalement, presque tout en haut, à  un vague bouchon, précédant un grand carrefour, sur une route qui longeait la mer jusqu’à  Saint-Tropez, distante à  ce moment d’une quinzaine de kilomètres…

Deux heures plus tard, le ton de nos discussions d’amoureux ayant désormais viré à  celui de deux avocats en train de se disputer un client, ma femme me rappelant avec une rare mauvaise foi qu’elle pensait que nous eussions du partir plus tôt, tandis que, ruisselant et assoiffé, je lui objectais tendrement que c’était sa putain d’idée ce voyage de dingues, nous avions effectués moins de trois kilomètres, et étions toujours en plein cagnard sur cette fort jolie route, cernés de milliers de voitures dans la même situation (mais elles climatisées pour la plupart).

Nous en étions à  choisir les modalités du divorce, en nous reprochant mutuellement l’oubli d’une bouteille d’eau, quand la jauge d’huile de la voiture, il est vrai sous un soleil de plomb depuis deux heures et roulant en première toutes les dix secondes, fit un bond vers le haut, en même temps qu’un “stop” rouge vif s’allumait soudain sous mes yeux fatigués…

Je laissais donc avancer de deux mètres le véhicule précédant, ce qui pris encore dix minutes, et me stationnait sur un bas côté légèrement ombrageux, et lisse… Ah tiens non : ma femme me hurlait un “arrête” qui survenait une seconde trop tard par rapport à  l’enfoncement de la roue avant dans un fossé traîtreusement dissimulé à  cet endroit précis…

Dans ce qui commençait à  ressembler à  une situation critique, et me voyant mal attendre deux jours une dépanneuse qui serait elle aussi coincée par les autres voitures, j’eus la présence d’esprit de faire une marche arrière immédiate, ce qui miraculeusement dégagea la voiture, néanmoins toujours brûlante.

Je coupais enfin le contact, et nous sortîmes, capot ouvert, en regrettant de ne pas avoir d’œufs à  faire griller sur le moteur porté au rouge.

Ce temps mort et la vitesse quasi nulle des autres conducteurs nous permirent de lier connaissance avec différentes personnes qui regardaient, apitoyées, la scène, et nous eûmes confirmation que c’était toujours ainsi les jours de marché à  Saint-Tropez, “tout le monde y va“. Je ne répondis pas que je ne voyais pas comment ces milliers de gens allaient pouvoir acheter la moindre carotte ce matin là  sur ce marché, sauf à  posséder un hélicoptère dans le coffre, ni ne demandais d’ailleurs ce que les carottes avaient d’extraordinaire là  bas, j’étais trop occupé à  tenter de décoller mon t-shirt, qui formait une seconde peau humide à  mon dos…

Moteur “refroidi”, c’est à  dire revenu à  deux cent degrés, nos corps désormais vides de tout liquide volatile, nous pûmes malgré tout repartir, une demi-heure plus tard – c’est à  dire réintégrer la queue.

Je ne disais plus un mot, l’œil rivé sur la jauge d’huile, les pieds occupés à  débrayer sans cesse à  la moindre petite pente, ce qui permit finalement à  ma femme de me dire de tourner au prochain croisement, évitant ainsi l’entrée même de Saint-Tropez pour prendre la “Route des Plages”, quelque part sur celle-ci se trouvant notre hôtel, et cette route-là  étant effectivement miraculeusement roulante.

Ainsi, après plus de cinq heures occupées à  effectuer deux cent kilomètres, arrivions nous enfin à  notre havre de paix, où je dois à  la vérité qu’une accalmie du destin nous permettait de trouver du calme, de la gentillesse, du frais, une bouteille d’eau, et une place à  l’ombre de jolis arbustes d’où je jurais in peto que la voiture ne bougerait plus jusqu’à  notre départ.

Comment savez-vous que la chambre n’était pas libre ?

Non, ce n’était pas bien grave, il était maintenant midi passé, elle serait libérée dans l’après-midi, les sacs pouvaient demeurer à  la réception, et la plage, ah non, les plages, étaient à  400 mètres à  pied comme indiqué sur la brochure : trop content d’être arrivé, je n’eus aucune difficulté à  convaincre mon épouse d’aller manger immédiatement au soleil et les pieds dans le sable – la chambre n’était qu’à  deux cent vingt euros la nuit, on n’allait quand-même pas exiger qu’en plus elle soit disponible…

Nous partîmes donc de suite à  pieds pour ces plages, après que la femme de ma vie, réconciliée avec l’homme de sa vie, lui eut expliqué, comme à  un enfant, qu’ici, il n’y a que des plages privées, et qu’elles ont des noms et se succèdent sur le littoral local, que c’était normal, et que donc la notre était “Tahiti”, mais qu’on verrait bien, on pouvait aller où on voulait, on aurait le choix…

J’étais sidéré par le concept, mais bon, nous venions à  la mer, et “Tahiti”, c’est la mer, c’est pas un péquenaud du Nord qui allait refaire ce monde à  ce moment là , où au surplus il puait la sueur et crevait la dalle…

Je n’allais pas être déçu : à  peine le temps de suer de nouveau en dégoulinant sur une route dépourvue de trottoirs et serpentant entre de magnifiques villas dont les arbres des haies étaient taillés pour n’ombrager qu’elles, et pas les passants, et nous arrivions… Au supermarché.

Non, à  la plage.

C’est à  dire effectivement à  l’entrée d’une galerie marchande de supermarché, comme moi je les connais en tout cas.

On y arrivait, d’abord, en effet, par un parking. Payant ou pas, je ne sais et ne veux pas savoir, mais nanti d’une barrière et de panneaux publicitaires, et surtout bien sur de centaines de voitures aux carrosseries chauffées à  blanc…

Passé ce parking, une galerie de magasins, une vraie, avec des vrais magasins, et des prix, et des vitrines, l’illusion étant si parfaite que je passais au milieu de dames achetant des paréos et de messieurs achetant des caleçons en discutant avec des vendeuses, comme à Auchan, avec, rapidement et pour compléter totalement l’illusion, une odeur récurrente de fast-food en arrière plan olfactif, du plus bel effet, comme à  Auchan et à Quicq.

Je veux être honnête : ma femme m’avait plus ou moins averti de ce contexte étrange, et je ne disais mot – si, un petit quand-même, pour lui confirmer que finalement je n’avais aucun besoin d’un nouveau maillot de bain (“Ne t’inquiète pas là  bas tu verras tu en trouveras plein près de la plage…”), après un rapide coup d’œil au premier venu (rose avec des palmiers verts, très joli) et à  son étiquette, qui m’a un instant fait croire que les prix étaient restés exprimés en francs dans le sud…

J’avançais donc, un peu hésitant à  présent, dans ce complexe où manifestement le plus petit mètre carré avait été conçu dans l’unique but de gagner de l’argent, et aperçut enfin, au bout de quelques planches de bois sale, encadrées à  gauche, par un snack (ah, je n’étais pas fou quand-même) et à  droite par les dernières boutiques, ainsi, au-dessus, que par une banderole digne d’un club-vacances tunisien, orange vif, marquée “Tahit” (le “i” final étant probablement mal payé et ayant laissé tomber), ce que ces gens nomment “la plage”, que je foulais bientôt de mes grands pieds…

Pour m’apercevoir aussitôt qu’une erreur avait du être commise quelque part : il ne s’agissait nullement de sable, enfin, pas celui de toutes les plages que je connais; non, nous étions là  sur un chantier, avec ce sable que tous les enfants et les bricoleurs connaissent bien, celui des maisons en construction, celui qui sert à  fabriquer du ciment, vous savez, le truc jaunâtre granuleux qui s’appelle, justement, “sable de chantier”!

Les pieds contractés, j’allais signaler le problème à  mon épouse, et lui indiquer que selon moi nous nous étions trompés et étions en réalité sur un site de construction d’un supermarché, lorsque quelque chose habillé en orange surgit devant nous, surmonté d’un chapeau de paille et nanti de lunettes de soleil géantes, pour nous brailler “Bienvenue à  Tahiti ! Ils sont deux ?“, un stylo à  la main et l’œil attristé par le manque de qualité de mes tongs…

Nous n’avons pas eu le temps d’opiner à  sa question pertinente, il nous entraînait déjà  dans son sillage à  la découverte de son “Tahiti”, qui s’étalait maintenant sous mes yeux incrédules (en me faisant comprendre que quiconque ayant de près ou de loin à  voir avec cet endroit n’avait jamais mis les pieds à  Tahiti de toute sa vie) : je me trouvais face à  six cent matelas et parasols alignés comme à  la parade, si peu espacés que le sable, de chantier mais sable quand-même, n’apparaissait plus que dans les allées, elles-mêmes étroites, menant à  la mer, que l’on ne faisait que deviner, grâce à  son bleu tranchant sur le orange de l’ensemble, qui l’obstruait néanmoins aux trois-quarts, d’autant que s’y prélassaient déjà  des centaines de personnes, ainsi tassées tels harengs en caque, le tout me faisant instantanément songer à  un gros vase en mosaïque orange -un vieux, l’aspect défraîchi des matériels pauvrement plantés sur ce sable granuleux excluant la poterie d’art…

Je le suivis, que faire d’autre à  ce stade où rien n’atteignait plus mes capacités de compréhension de mots simples tels que “calme” ou “vacances”, et nous arrivâmes finalement, non sans avoir enjambé deux ou trois enfants, et bousculé autant d’adultes, à  LA place qu’il gardait pour nous depuis la nuit des temps : un mètre carré de sable sale et jonché de mégots, à  quatre rangées de la mer, et ornées aux quatre points cardinaux de gens sis à  un mètre de nous, savoir face à  la mer des gros italiens, la bouchant totalement, derrière nous des jeunes pauvres, à  qui nous la bouchions maintenant, à  ma gauche deux nymphettes de soixante dix huit ans puant littéralement l’ambre solaire, et à  droite – ah non, à  part une pile de matelas de deux mètres de haut, rien à  droite.

J’eus alors la question stupide de la saison, celle que notre Cicéronne de chantier (lui aussi) doit narrer à  ses amis le soir dans leur studette surchauffée co-louée avec tous les vendeurs de matelas de la plage, plus nombreux que les touristes, et qui le fit se plier en deux de rire : “Heuh… C’est pas possible d’être placés au bord de l’eau ?“, à  quoi, entre deux hoquets de fou-rire, il me répondit : “SANS réserver ? Mais Monsieur, c’est Tahiti ici, sans réserver c’est impossible, déjà  je vous ai trouvé un quatrième rang…“, sa réponse me laissant entendre que nous étions parmi les élus, les privilégiés, et effectivement d’autres, moins fortunés, étaient assis plus loin et plus mal encore derrière nous…

Comprenant ceci, mais aussi que je ne parviendrais pas à  dialoguer avec un homme pour qui il était normal de “réserver” un bout de plage, et ma chère épouse m’ayant averti que ce système à  l’ordonnancement soviétique n’était pas une gratuité municipale, mais avait un prix, je lui demandais alors combien nous devions, sans précautions particulières, sans même réellement y penser… “Quarante euros” fut sa réponse, et je m’effondrais, sans connaissance, sur un matelas en plastique que je n’avais pas même commencé à  louer…

Ma femme m’a ranimé, a payé, et puisque c’était les vacances, nous nous sommes installés sur nos matelas, après que l’encaisseur ait encaissé, et effectué son travail de haute précision, à  savoir : replanter le parasol au même endroit que précédemment, en l’ouvrant, ce pour quoi il espérait manifestement un pourboire qu’il attend encore.

Décidé à  passer outre mon effarement, je discutais un peu avec lui quand-même, puisque nous demeurions, c’est le mot, malgré tout entre êtres humains. Je lui fis donc observer que ce n’était quand-même pas donné, vu notamment l’heure de notre arrivée, réduisant notre durée de location à  une demi-journée. Il m’expliqua qu’il n’était pour rien dans la tardiveté de notre arrivée en ces lieux enchanteurs, son cartésianisme forçant l’admiration, avec le point d’orgue suivant à  ce rapide échange, le dernier de ma vie pensais-je de suite : “Si vous ne voulez pas salir vos serviettes, nous en avons, cinq euros pièce“.

Il vit mes sourcils rejoindre mes cheveux mais se méprit, pensant que j’avais de la peine à  calculer ce surcoût bousculant mon budget vacances : “Donc pour deux, dix euros“. Ma surprise venait en réalité de son aveu du fait que déployer nos serviettes Ikéa sur ses matelas risquait de les salir, mais je ne le lui expliquais pas, estimant comblée ma soif de discussion philosophique de ce jour là  : “Non merci, on préfère salir nos serviettes“, répondis-je, ce qui referma aussi sec son sourire mécanisé.

Mais enfin ça y était, nous étions en vacances pour de bon, sur nos matelas non point dorés mais orangés, c’était un début, sous un parasol qui aurait pu me servir d’ombrelle (mais le soleil n’est pas mon ennemi, lui, et ils n’ont pas encore réussi à  le louer), et la mer était là , à  quelques mètres, j’aurais presque pu la voir en écartant la fesse gauche de l’italienne devant, puis le gamin du deuxième rang, puis le couple qui mangeait du fromage au premier rang.

Nous avions faim, cependant, et souhaitions pouvoir enfin nous baigner. J’exprimais à  mon épouse mes doutes sur le snack entrevu plus tôt, n’était-ce qu’à  raison de son appartenance à  la tribu des Oranges, et lui proposais de se baigner, puis de marcher un peu pour aviser un lieu de restauration digne de ce nom. Elle m’expliqua que tout serait pareil partout sur ce morceau de la côte, et je ne l’écoutais pas, comme toujours dans un premier temps. Nous décidâmes de nous baigner, de sécher un peu, puis de parcourir ce littoral chatoyant pour y trouver subsistance…

J’arrivais à  l’eau pour y découvrir un paysage qui manifestement aurait été beau, sans êtres humains, mais qui là  se résumait désormais à  une suite de parasols et de matelas, de couleurs tranchées (pour ne pas perdre “sa” plage), et qui n’avait plus dès lors aucune sorte d’intérêt; je me retournais vers l’eau et là , à  part la multiplicité des bateaux à  moteurs de toutes tailles et le bruit de fond subséquent, dont j’appris ensuite qu’il ne cessait jamais, il y avait effectivement la mer, enfin, impossible quant à  elle à  découper en quartiers de survie millimétriques…

La chute de mon épouse, que je retins par le bras, et qui avait glissé sur une bouteille de plastique flottant au bord parmi quelques autres déchets, m’alerta bien un peu, mais c’est la pénétration dans cette eau tant attendue qui me fit comprendre l’étendue du marasme : ceci semble impossible, avec le recul, mais… L’eau était grasse.

On y flottait bien, et pour cause, on devait souvent s’y excuser de déranger son voisin, qui lui ne s’excusait plus (à  quoi l’on voit l’ancienneté de son séjour), mais elle était grasse, vous oignant d’une fine pellicule de ce qui devait être essentiellement de l’huile, de hors-bord je gagerais…

Nous avons nagés, nous étions beaux (si) et sommes amoureux.

Nous parcourûmes ensuite les deux kilomètres de plage archi-bondés, le sable, outre son caractère rugueux, ayant l’autre particularité d’y être en pente, ce qui rend la marche compliquée, surtout en devant constamment éviter de rentrer dans les fesses des gens qui vont se oindre de cette mer inattendue, pour n’y voir que des endroits similaires à  notre Paradis orange, mais d’autres couleurs…

A trois exceptions près : des naturistes, contre qui je n’ai rien, mais manger ma saucisse-frites avec mon zizi sur le coussin me semble personnellement incongru; un truc qui s’appelle “La Voile Rouge”, connu pour être fêtard et voir les gens sélects et branchés s’y arroser au champagne, ce contre quoi je n’ai rien non plus mais je n’avais pas mon magnum habituel sur moi; et enfin le très très sélect “Club 55”, véritablement un bel endroit, plein de verdure et de coins d’ombre, propre et très blanc, contre lequel je n’ai rien itou, mais le prix du Coca bu rapidement là -bas me dissuada de même simplement lire la carte, et les gens qui y étaient, et il y en avait, me rappelèrent que j’avais oublié le costume de lin, la montre Cartier et les mocassins de cuir léger, blancs, que je ne possède pas, ne pouvant dès lors pas envisager de m’y asseoir dignement…

Je suggérais à  ma femme (lorsqu’elle est affamée comme c’était le cas à  présent, on dirait l’Incroyable Hulk au moment de l’arrivée des ondes Gamma), de guerre lasse, de revenir à  “notre plage” (à  ces prix, je pensais qu’on en avait acheté un bout) et d’y déjeuner.

C’était un snack, comme à  Auchan, mais franchement on a mangé correctement, pour un prix dérisoire (quatre-vingt six euros), une entrée pour deux et deux plats, une petite bouteille d’eau et une demie de rosé – oui, je sais parfois être princier, monsieur le plagiste, il suffisait de demander.

Repus, nous retournâmes à  nos matelas, nous y endormîmes, renageâmes, nous réallongeâmes, etc… Le tout avec pour principal passe-temps le même que toutes les autres personnes présentes : regarder les autres personnes présentes, pour au choix s’en moquer à  voix basses (la plupart) ou les mater (les belles, plus rares, à  part nous évidemment).

J’étais surpris qu’aucune musique tonitruante ne vienne cependant nous casser les oreilles à  masquer en crachottant le clapot maritime et les ris joyeux des enfants, italiens mais enfants tout de même, et ouvris la bouche pour le dire à  mon amoureuse, lorsque l’énorme haut-parleur du bar se mit à  débiter, d’abord l’intégrale de Barry White, ce qui s’admet encore, sauf à  revoir le son à  la baisse, disons de deux-mille décibels; mais très vite ensuite de la techno, ce qui ne s’admet pas, jamais, quel que soit le volume…

Nous sommes cependant restés là  jusqu’au coucher du soleil, au prix de ces matelas je n’arrivais pas à  partir, jusqu’à  ce que ma belle me rappelle le prix de la chambre, qui m’aida effectivement à  finir par la regagner – à  pieds heureusement, ce qui nous permettait d’avancer, contrairement aux voitures de nos camarades matelassiers…
Voilà  ce que fut ma découverte de la Côte d’Azur et de Saint Tropez.

La vérité est que l’hôtel et son restaurant étaient très biens, la plage que nous fréquenterions désormais, ma femme la connaissant pour notre salut, obligeait à  prendre la voiture, mais était très bien elle aussi (Les Salins, publique, pas de parasols mais qu’est-ce qu’on s’en fout : du vrai sable, la mer transparente et de la place); le village même de Saint-Tropez était mignon, et je vous raconterai une autre fois nos expériences dedans  (une pensée émue pour les clientes de la boutique, pardon, de l’artisan, pardon, des artistes-créateurs, de chez Rondini, chez qui nous avons attendu une heure une paire de chaussure onéreuse composées d’une lanière et d’une semelle, mais mon épouse vaut tous les sacrifices, et je tiens à  préciser aux personnes qui étaient là  que je sais parfaitement que ces chaussures n’équivalent pas mes tongs Auchan, j’ai juste dit ça pour rire, parce qu’il faisait chaud…)…

Bien sur nous avons claqués, en dehors de cette paire de tatannes que je ferai encadrer en rentrant, un peu plus de 1200 euros en trois jours, sans commettre le moindre excès autre que de dormir et de manger…

Mais Maître Mô était, ce mois d’août, à  Saint-Tropez.

Et, si nous n’avions pas déjà  investis dans un fastueux F2 à  Malo-les-Bains, je vous jure bien que j’achèterais illico ma villa sur les hauteurs de la Route des Plages, mon yacht en contrebas et un anneau au port pour y venir même les jours de marché, et puis une grosse poterie pour y entasser les coupures de vingt, cinquante et cent qui permettent là -bas de déjeuner rapidement sur le pouce les pieds dans le sable…

Mais bon, là , on a le F2 sur les bras, c’est des charges…

Tu viens, Ma Chérie, on mange une moule et on va se baigner ?

33 Commentaires

  1. romydiams
    A quand Monaco ?
    Juan les pins...
    Ah la cote D'azur, j'y ai emmener le père de ma fille. C'est Juan les pins qui l'a achevé, moi aussi en même tant!
    Nous étions sur Antibes mes parents étaient concierge ( Bien obligé pour eux, après que mon père se fut retrouvé au chômage pendant un an), il avait été cadre en tant electro mécanicien dans sa petite ville du Nord qu'il n'avait quitté, que pour nous emmener en vacances en autre à mes dix ans (nous étions à St aygulf au camping d'argens) à St Tropez ou nous avions rencontré Michel morgan avec GerarD Oury et bien sur pris une photo devant la fameuse gendarmerie de St tropez . Une fois j'y suis allée seule , avant de connaitre mon compagnon, en voiture comme une grande et c'était hors saison. Donc, en suite nous savions éviter les bouchons, comme prendre le bateau à Cannes faute d'avoir un yath . D'ailleurs en parlant de cette magnifique ville de Cannes ou j'y ai vécu de superbes vacances dans une jeunesse plus tardive avec mon futur mari dont les parents avaient un magnifique appartement au Cannet, les îles" St marguerites" sont ou étaient à l'époque complètement sauvage et dépaysantes. De cette région je garde un bien être suprême que je retrouve l'hiver lorsque le soleil chauffe dans mes grandes baies vitrées . J'en hume le parfum parfois,dans notre région ou le temps s'est bien adouci . Pour en revenir à St tropez cela reste pour moi un magnifique village. Je suis allée aussi dans une plage privé "pampelonne" elle s'appelait, j'ai été accueilli simplement et chaleureusement j'avais 27 ans donc il y a un peu prés 15 ans. Il y avait caroline barclay tout juste séparé d'eddy barclay ou en instance, celle çi si baignait en topless . Il y avait très peu de monde, une table de 4 personnes en grandes conversations sur les déboires de cette pauvre caroline, elle , magnifique bien sur. Je n'ai payé que mon repas ,eu droit aux matelas et encore à l'époque à une plage de vrai sable. J'ai apprécié vous lire, et me retrouve dans certaine scènes, un peu humoriste aussi au fond de l’âme, c vrai que vous avez un ami qui excelle dans cette art. D'ailleurs, si je me trouve à Paris en Mars et que son spectacle y passe encore , je serais une de ses spectatrices. Et, est ce que je vous raconte Monaco et le jours ou j'ai tendu ma carte bleue à la princesse Stéphanie Grimaldi... Superbe moment de détente à vous lire. Donc n'en restez pas en écriture à vos histoires vrais d'avocat. Vous avez l'art d’être un écrivain.
  2. Shyndreth
    Bonjour,

    Comme vius avez déjà  dû le comprendre, j'ai récemment découvert ce blog et je rattrappe depuis quelques jours

    Et bien ce vieux post explique bien pourquoi, à  plus de 30 ans pourtant, et natif de ce sud (pas Saint-Tropez, hein, ne soyez pas vulgaires) je n'ai mis les pieds dans cette contrée si réputée qu'en cas d'insistance lourdingue d'amis de passage (les connaissances pouvaient se brosser, y'a des trains et un bus, je leur prête même la voiture, ce qui devrait pourtant leur mettre la puce à  l'oreille). Et encore leur fais-je subir, à  titre de représailles, un lever matinal (environ ce que vos beaux-parents avaient suggéré, peut-être votre épouse et moi partageons de riantes origines, ne soyons pas à  un poncif près) et un retour tardif, parce que lds bouchons du soir c'est la même chose, dans l'autre sens.

    Non décidément, je n'aime pas la plage en été (mais promis, quand je pourrai je testerai les îles)
  3. Xav
    Mon ami,
    Je viens de lire pour la 3ème fois ce merveilleux récit, sur les recommandations facebookiennes de Stéphane Beaudet. Merci pour ces instants de pur bonheur. Je vois aussi que Vincent Baguian et toi, les frères astraux, faites connaissance. Quel jour béni pour moi, le 21 octobre ! Quelques coupettes ensemble à  Paris un de ces jours, peut-être ? Bises, vieux.
  4. Doodiky
    Il y a du Desproges en vous, Maître !
    Et amateur de plages corses, en plus : l'avocat idéal, ou presque.
    Bon, je vais essayer de décrocher un peu de ce blog, ça fait dix minutes (temps de ma pause-goûter) que les justiciables qui peuplent la salle d'attente de mon collègue m'entendent étouffer des fous rires.
  5. essemm
    Je crois que je vais en rire assez souvent en y repensant! Comment a-t-on pu vous laisser aller en voiture à  St-Tropez après 8h du matin? Sans eau!

    Heureusement que Madame Mô connaissait la plage des Salins! J'espère, si vous parvenez à  passer outre l'impression laissée par cette première visite, que vous découvrirez d'autres plages et d'autres paysages de la région, peut-être même à  d'autres saisons.
    1. Exclusivement à  d'autres saisons, ça je vous le jure !

      Alors sinon, on peut aller n'importe où dans le Nord après huit heures !!! Même en voiture ! Et on peut y aller sans eau même en plein mois d'août... C'est pour ça :D
  6. Bon ben oui c'est dur quand meme. Cela montre bien ou en est notre societe marchande. Ceci dit 2 heures pour 15 km, c'est ce que plusieurs millions de mes con citoyens affronte chaque jour sur Periferico y circuito interior de 7h30 a 10h et de 18h30 a 22h. Je le sais, je l'ai fait hier ... petite pensée pour eux.
    Merci de nous faire rire ceci dit. C'est pas tous les jours.
  7. Cher Vincent, d'après ce qui m'est rapporté vous concernant, tant sur scène qu'à  la ville (et, concernant la scène, pas seulement par notre ami commun (qui a le mauvais goût d'être né un autre jour), mes beaux-parents ayant eu le plaisir de vous y voir, et ne m'en ayant dit que grand bien !), je pense effectivement que le 21 octobre est une date à  part dans l'astrologie, en toute modestie...
    Ravi et flatté de votre visite : repassez quand vous voulez - je crois que mes déboires de cet octobre rouge 2008, qui fut aussi le mois de nos anniversaires, pourraient vous faire sourire un peu...
    J'espère en tout cas pouvoir rapidement vous rendre la pareille (je me suis laissé dire que ce serait possible assez vite via le petit écran...) !
  8. Nous sommes nés le même jour. Le 21 Octobre. Simple couïncidence, certes, mais qui a fait la fortune de la défunte Madame Soleil. Comme si le simple fait d'avoir passé, presque simultanément, les deux oreilles entre les jambes de nos mamans respectives dans le but inconscient de venir au monde pouvait nous conférer une quelconque ressemblance. C'est absurde! Pourtant en lisant votre article, et pour la première fois, l'idée que l'astrologie pourrait être une science exacte vient me tarauder.
    Amicalement.
    Vincent Baguian. 
  9. Pingback : Souvenir de vacances | Maître Mô

Fin des commentaires


SI VOUS SOUHAITEZ COMMENTER, PETIT MÔ :
- Les commentaires sont "imbriqués", ce qui ne signifie pas qu'ils s'accouplent, mais que l'on peut y répondre directement (via le lien "Répondre" affiché sous chacun d'entre eux), votre réponse s'affichant alors non plus ici, mais juste sous le commentaire concerné.
- Les articles de ce blog, contrairement aux décisions de justice, peuvent être commentés en tous sens, en vous remerciant simplement par avance de respecter vos contradicteurs (j'ai rarement eu à modérer en ces jolies pages et je souhaite que ça continue...) et de bien vouloir faire des phrases et non pas des sms...
- La maison ne reculant devant rien pour le confort de ses commentateurs, la barre d'outils ci-dessous vous permet quelques petites mises en forme, vous pouvez utiliser mes smileys d'avocat il suffit de cliquer dessus, et vous pourrez par ailleurs vous corriger durant quelques minutes après envoi en éditant votre prose si besoin.
- Pour ceux dont les yeux auraient trop de mal avec le formulaire de base, cliquez sur l'icône qui affichera votre commentaire en plein écran, avec une lisibilité nettement plus importante.
- Si vous n'avez pas encore votre représentation personnalisée sur le Web, vous pouvez l'enregistrer trés facilement sur Gravatar , selon une procédure, évidemment gratuite, trés rapide et simple : c'est plus joli d'avoir à côté de vos MÔ´s l'avatar, valable ici comme ailleurs, que vous vous serez choisi vous-même, plutôt que l'austère et symbolique avocat noir qui s'affichera à  défaut...
- Merci de n'insérer que deux liens au maximum dans le texte de votre commentaire et de n'utiliser que deux mots maximum pour votre pseudo : votre texte serait, au-delà, irrémédiablement et automatiquement détruit en tant que spam...
Voilà, je ne vous retiens plus ; au plaisir de vous lire, critique ou pas évidemment.

Commenter

(Nom ou pseudo et adresse mail nécessaires, merci. Votre adresse ne sera pas publiée.)

Cliquez pour utiliser les smileys :

Vous notifier les futurs commentaires de cet article par email ? Vous pouvez aussi vous abonner sans commenter.