Vous en avez déjà entendu parler, de cet homme, souvenez-vous, l’agresseur présumé d’un petit garçon, Enis, victime de cet horrible monstre récidiviste -qui est depuis forcément devenu une énorme verrue à la face de l’Humanité, Francis Evrard…
Vous en entendrez parler toute la semaine prochaine, son procès s’ouvre lundi 26 octobre devant la Cour d’Assises du Nord.
J’ai l’honneur d’avoir pu poser quelques questions à son avocat, lequel, entre autres qualités, possède celle d’être réellement l’avocat des gens qu’il défend. Et qui se souvient, toujours commencer par ça, que ce sont des gens, justement : eux, nous, un homme. Nous, n’en doutez pas, même si c’est dur à admettre.
Comment dirait probablement un véritable journaliste1 :
“Maître Jérôme Pianezza, vous êtes donc l’avocat de Francis Evrard…
Maître Mô : A votre avis, qu’attend-il du procès, dont on a l’impression que c’est une de ces fameuses “causes perdues” ?2
Maître Jérôme PIANEZZA : Il n’y a jamais de cause perdue -ça n’existe pas quand on est avocat.
Par ailleurs, Monsieur Evrard est aujourd’hui un vieil homme, très clairement, un homme fatigué, et fatigué aussi judiciairement, qui arrive à un terme : celui de cette instruction qui a quand même duré deux ans, c’est à la fois court et long pour une instruction criminelle, et je pense qu’il a envie de s’expliquer -on peut reprocher tout ce qu’on veut à Monsieur Evrard depuis le début, sauf une chose, c’est qu’il a toujours parlé, qu’il a toujours essayé d’expliquer, que ce soit aux policiers ou au juge.
Et ce procès, c’est aussi pour lui l’occasion de dire à la fois ce qu’il a fait, bien sûr, mais également ce qu’il est -et on ne comprendra pas ce qu’il a fait sans comprendre ce qu’il est, c’est intimement lié, même si parler de sa pédophilie c’est très compliqué… J’ai la sensation quand même que Monsieur Evrard arrive à sa façon à expliquer un petit peu ce qui se passe en lui, ce qui s’est passé en lui…
MM : Justement, la pédophilie est une affection que les gens ont énormément de mal à comprendre, je ne parle pas de l’admettre; qu’en dit-il, lui, est-ce qu’il se reconnait malade, est-ce qu’il a des explications ?
JP : Monsieur Evrard est dit “scientifiquement”, autant que faire se peut, comme étant un “pédophile pervers profond”, ce qu’il reconnait très clairement, il le dit lui-même, pas forcément avec ces mots là mais il dit : “Je suis pédophile et je sais que je suis profondément malade”.
Il a du mal à le décrire, beaucoup, mais il arrive parfois quand même à mettre les mots sur les choses… Il emploie une expression qui je pense est très révélatrice, il dit : “Quand ça monte en moi, c’est comme une vague qui me submerge” … Ça, d’abord, ce sont ses mots, donc il y a un minimum de respect à avoir vis-à -vis de ces mots-là , parce que ce sont les siens. Et au delà , c’est sans doute révélateur de cette espèce de caractère irrépressible, impossible à stopper, impossible à juguler, et qui fait que dans ces moments là il n’arrive pas à arrêter le mécanisme, que c’est quelque chose qui finalement le dépasse, qui est à la fois en lui et au-dessus de lui, et qui l’emmène malheureusement vers un petit bonhomme qui n’a rien demandé à personne, évidemment…
Cette description-là est intéressante, parce qu’elle ne va pas de soi.
MM : Parlons de ce côté irrépressible, exactement : est-il responsable pénalement ?
JP : Bien évidemment, comme d’habitude, il est responsable pénalement ! Il n’y a que les morts en général qui sont irresponsables…
Maintenant, on l’explique aussi en tant que “fou”, alors évidemment, impossible de comprendre les faits quand on ne comprend pas qui il est -et c’est bien sûr la difficulté.
C’est pour cela qu’on vous dit qu’il est dangereux, c’est pour cela qu’on vous dit qu’il y a un risque important de récidive -on l’a dit dans les années 2000, on l’a dit en mai 2007, et on continue à le dire, ce qui est quand même extraordinaire parce qu’entre les deux il s’est passé un grand nombre de choses…
Évidemment qu’il y a un risque de récidive important, y compris aujourd’hui, il y a peut être des choses qui ont évolué mais je ne vais pas, ce serait malhonnête, prétendre que tout est réglé.
Mais la responsabilité c’est la responsabilité papier, c’est la responsabilité des experts. Moi, j’ai un peu de mal à admettre, c’est la vision de l’avocat,que quelqu’un qui reste tellement prisonnier de lui-même, à ce point-là , qui est tellement emporté par lui-même et par d’autres choses au moment où il commet les faits, soit totalement responsable au sens à la fois de la définition du Café du Commerce et de la responsabilité judiciaire, stricto sensu.
MM : Vous savez qu’on discute beaucoup, et je ne sais pas si c’est un bien ou un mal d’ailleurs que le procès Evrard arrive à ce moment là , qu’on discute beaucoup de multiples “solutions”, j’y mets des guillemets, pour contrer le passage à l’acte de “ces gens-là “, entre guillemets également, et notamment des récidivistes en matière d’agressions sexuelles : que pensez-vous des solutions qui sont proposées -on parle de castration chimique, on parle d’absence de remise de peine, on parle de maintien à l’enfermement, toutes solutions répressives en tout cas ?
JP : D’abord, chez “ces gens-là “, on ne récidive pas : on est comme ça.
Il faut dire dire les choses : il est pédophile depuis 35 ou 40 ans sans doute, et comme on ne solutionne rien, il reste comme il est -par définition, la récidive est un terme juridique, mais pas forcément une réalité humaine pour lui.
Ensuite, les “solutions” …
Il faut d’abord évidemment faire le lien avec le courrier que Monsieur Evrard a souhaité rendre public, courrier qu’il a écrit au Président de la République à la mi-septembre (et qui n’a toujours pas de réponse d’ailleurs : quand on envoie des lettres au Président, mais sans balle dedans, il y est peut-être moins rapidement répondu…) : lui ne propose pas de solution, c’est la lettre d’un homme qui va passer devant une Cour d’Assises, qui est sans doute à une extrémité de sa vie, d’une certaine façon, mais en tout cas de sa situation, et dit : “Je voudrais réellement arrêter de faire du mal, je pense que ce moyen est définitif, et s’il faut en arriver là , je veux proposer ça”.
Il ne parle pas de solution générale, il ne peut pas le faire.
Ensuite, sur les solutions qui sont envisagées, ce n’est pas Francis Evrard qui répondra, c’est l’avocat : je ne suis ni parlementaire, ni politique, mais je me contenterais de dire que je suis surpris, pour ne pas dire agacé, qu’un certain nombre de choses qui sont évoquées aujourd’hui constituent, soit clairement de l’humour noir, soit du mépris absolu.
Quand le Ministre de la Justice, Madame Alliot-Marie, nous explique il y a quinze jours, dans une émission de grande écoute, qu’elle tient sur injonction du Président de la République à proposer une loi qui vise, pour parler simple, à ne laisser sortir certains délinquants sexuels que s’ils se soignent sous contrôle, et que bien évidemment s’ils ne se soignent pas on les réincarcèrera, vous savez comme moi qu’on est en train de décrire le mécanisme de la surveillance judiciaire… Et vous le savez parce que la surveillance judiciaire, un, ça existe depuis 2005 sauf erreur de ma part, et deux, Monsieur Evrard y était justement astreint quand il est sorti de détention -sauf qu’on ne l’a pas mise en place…
Alors il y a deux solutions : ou bien Madame Alliot-Marie ne connait pas les lois en vigueur, ce qui est un peu inquiétant pour un Ministre de la Justice, ou bien elle le sait parfaitement, et là c’est du marketing, ce qui pose un peu problème aussi…
Au delà , sur la castration chimique ou même physique, moi, je n’ai pas d’avis, je ne sais pas si l’une serait mieux que l’autre, ou s’il faut les deux, ou si c’est aberrant…
Mais très clairement, en tout cas, il faut se poser les véritables questions dans ce domaine. Aujourd’hui on ne se les pose pas, ou on commence peut-être seulement, mais depuis des années on en parle et on n’avance pas -et il le faut, pourtant, ne serait-ce bien évidemment que pour les victimes, auxquelles nous pensons tous aussi.
Et les pédophiles sont, en partie, eux aussi des “victimes”, parce que ces gens-là 3 sont aussi prisonniers d’eux-mêmes, et qu’il y a une souffrance chez eux, même s’il ne s’agit pas de la comparer à celle des véritables victimes.
Pourtant, on ne se toujours pas de question sur “avant” : comment un homme en arrive là ? Quand on sait, parce que ça on le sait et qu’on a le courage de le dire, chez les psychiatres notamment, qu’on retrouve chez tous les pédophiles un certain nombre de stigmates, un certain nombre de cheminements, qui sont toujours à peu près les mêmes : pour être simple, par exemple, le fait qu’on ait souvent une image paternelle très dégradée, voire violente, qu’on ait une image maternelle par contre omniprésente voire fusionnelle, et que cette situation crée manifestement, ce sont les psychiatres qui le disent, pas l’avocat, un déséquilibre “primaire”, initial, lourd, qui a sans doute engendré ensuite d’autres déséquilibres, liés bien sûr à la responsabilité personnelle de l’auteur, mais qui peuvent aussi finir par détériorer la personnalité -au point qu’il bascule dans une sexualité (parce que c’en est une) évidemment totalement pervertie, et illégale…
Moi, j’aimerais aussi qu’on parle de cet “avant”. Et qu’on parle, encore plus simplement et évidemment, aussi avec les pédophiles, parce que finalement on en parle beaucoup, mais je ne crois pas qu’on parle beaucoup avec eux…
Il y a cette cette association, j’ai été interpellé par cette idée, qui a proposé de mettre en contact des pédophiles et des victimes, pour que chacun apprenne à connaître l’autre et a essayer de comprendre et d’appréhender ce qu’il est, et qu’il y ait une intégration de la souffrance de l’autre, dans les deux sens : cela, c’est une piste intéressante. Nous, nous n’avons malheureusement pour l’instant rien, donc si ce procès peut éventuellement servir à ça, même si je refuse de perdre de vue que c’est d’abord le procès de Francis Evrard, et évidemment de ce qu’a subi ce petit bonhomme, on parviendra peut-être à avancer.
MM : Monsieur Evrard sait qu’il va se voir infliger une peine : sincèrement, s’imagine-t-il un avenir, est-ce qu’il en parle, est-ce qu’il pense en avoir un, et lequel ?
JP : C’est évidemment compliqué de parler d’avenir à quelqu’un qui a un si lourd passé, et un passé d’enfermement…
Francis Evrard n’est pas idiot, il sait pertinemment qu’il ne dormira pas en liberté le soir du délibéré. Mais je pense qu’à chaque jour suffit son poids, et qu’il a besoin, en tout cas, de passer une porte : c’est uniquement quand il aura passé cette porte-là , et notamment s’il considère qu’il a apporté ce qu’il voulait apporter au procès, c’est-à -dire tout ce qu’il est et tout ce qu’il a fait, qu’il pourra envisager éventuellement le reste de sa vie…
Il est conscient que de toute façon, une longue peine d’enfermement sera probablement demandée. Je crois simplement qu’enlever tout espoir chez cet homme, avant le procès, serait en tout cas finalement anesthésier complètement le débat : on a besoin de Francis Evrard dans la semaine qui arrive, on a besoin de lui notamment parce que, s’il constitue malheureusement un exemple parmi d’autre, il est un exemple concret, et que c’est quelqu’un qui en parle : la meilleure façon de l’inciter à parler est sans doute aucun de ne pas fermer complètement certaines portes.
MM : Merci, Jérôme. Bonne chance à ses côtés.
- auquel je ne prétends pas voler l’once de l’un des savoir-faire, attention, chacun son boulot : par exemple, je le dis avec tendresse, mais je n’ai jamais posé de question dite fermée, histoire d’être certain d’obtenir une réponse qui ne le soit pas également, fermée… [↩]
- Par le jeu des circonstances aggravantes et de la récidive légale, la réclusion criminelle à perpétuité est encourue; cette affaire est également sauf erreur de ma part à la source de la fameuse et sinistre rétention de sûreté, tant il est vrai que les lois ont désormais des noms, ceux des faits divers qui les suscitent… Il avait par ailleurs été filmé par des surveillants en détention peu de temps avant sa libération, et indiquait en substance qu’il risquait de recommencer… [↩]
- Rappel : la pédophilie affecte la personne qui n’a d’attirance sexuelle que pour les enfants; de très nombreux crimes et délits sexuels sur des enfants sont le fait, dans une écrasante majorité, de gens qui ne sont pas des pédophiles, ne sont pas atteints par cette déviance sexuelle spécifique, mais agissent par facilité, par lâcheté, etc… Nous parlons bien ici des premiers. [↩]
La société est-elle capable de lui conseiller et même de lui imposer d'éviter tout excitant dans son alimentation : alcool et café y compris ? Nous n'entendons jamais parler de telles mesures, mais n'oublions pas que l'alcool et le café ont des effets capitaux, l'alcool on connaît, et le café, en réalité un alcalouïde au même titre que la cocaïne ou la morphine, la caféine étant présente dans le thé et le chocolat.
Je pense que toute personne qui a du mal à se contrôler devrait se voir répondre de telles injonctions.
http://chroniquedelhumaniteordinaire.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/11/03/l-extreme-droite-comme-si-vous-y-etiez.html
http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2009/10/31/article_satisfait-il-va-mourir-en-prison.shtml
Une phrase me surprend un peu (mais rien qu'un peu) :
« S'il avait eu une peine de sûreté de dix ou quinze ans, j'aurais fait appel.»
Depuis quand les parties civiles peuvent faire appel d'un verdict pénal?
Guéri ?
Pas guéri, non, souviens-toi : incurable...
Cet homme-là aura passé soixante années de sa vie en prison, s'il tient jusque là .
Il souhaitait des tests de dépistage des futurs délinquants à 3 ans.
Ainsi, on pourrait augmenter le record de durée en détention. De 3 à 103 ans par exemple, avec l'allongement de la durée moyenne de vie. 100 ans de tôle.
ça reste lourd, très, mais enfin, compte-tenu du contexte, nous revenons tout de même sur Terre...
Il mourra en détention, comme le demandait sans honte l'un de mes confrères parties-civiles ce matin...
Alors, avant que tout ça ne soit publié, je vous indique que la principale partie civile sera "très déçue", et que le Parquet va faire appel, tandis que Frédéric Lefèbvre fustigera la mollesse de la justice...
ça, c'est fait.
Au-delà , merci aux jurés et aux magistrats professionnels du siège de savoir faire la part des choses.
Et bravo à l'avocat, au fait !!!!
Et à moi aussi, tiens, j'avais deviné...
J'ai du mal à comprendre ces avocats qui s'érigent en procureurs ; border le dossier O.K., obtenir des D.I. maximum O.K., mais participer à la curée ne devrait pas être leur vocation.
Quel est le préjudice que leur a causé le violeur ?
(Je n'ai rien contre les associations d'aide à l'enfance maltraitée. Je me pose seulement la question de leur place à l'audience. je me pose aussi la question de leur action en faveur des jeunes victimes après le procès.
D'ailleurs, je pose la question : qu'est-ce qui est prévu pour aider les gamins comme Enis à ne pas devenir les "causes perdues" prises à tout bout de champ comme prétextes par les vengeurs de salon ?)
Leurs avocats participent à la curée, et c'est, me semble-t-il aussi, inévitable. Puisque c'est précisément pour ça qu'elles sont parties civiles.
Je suis assez mal à l'aise d'écrire celà : je considère que, autant les "associations" ont leur utilité dans l'assistance juridique, sociale, psychologique aux victimes, autant elles ont leur rôle à jouer en tant que témoins, autant je ne comprends pas en quoi être parties civiles peur aider, et la victime, et la cause défendue.
http://www.france3.fr/common/playerVideo.php
http://nord-pas-de-calais-picardie.france3.fr/info/nord-pas-de-calais/Perp%C3%A9tuit%C3%A9-requise-contre-Francis-Evrard-58522145.html
Voir case en haut à droite.
J'imagine Maitre Pianezza parti prendre un café avec son téléphone portable en main, en attente du délibéré, tout comme vous l'aviez fait et nous l'aviez raconté il y a quelques mois...
Bon, il a kidnappé ma nouvelle recrue, qui signe Eleag sur ce blog, ça l'aidera à passer le temps...
Je crois qu'il était content, autant qu'on peut l'être dans ce cas de figure, de ce qu'il a fait. Je crois aussi qu'il partageait mon avis sur les réquisitions, ainsi que sur certaines prestations haineuses d'avocats, misère de nous...
Il est vidé, il va maintenant vivre dans une sorte de tunnel jusqu'au verdict, tout en tentant de s'éloigner un peu de la Cour, juste assez pour respirer...
On va voir, je lancerais volontiers des paris stupides sur la peine, mais ce serait déplacé je crois. Je dis trente.
On ne s'entend pas toujours parfaitement, tous les deux, mais à cet instant, je suis fier de lui, et je l'envie.
(non, ceci n'est pas une vile plaisanterie, des fois je dis les choses sérieusement, même si pas souvent)
...
Ah, tiens, Mô s'est édité, ou alors j'ai halluciné...
Bon, coffee time.
Oh, un pseudo à la Reivax/Knarf !
Je ne suis pas une vraie juriste au même titre que vous ou Marie, mais en effet, perpet' ça me semble beaucoup...
On se fait souvent la reflexion ici avec mes collègues que certaines peines sont un peu lourde comparés à d'autres... Mais je pense que tout dépend aussi des circonstances des faits, du procés et de la politique pénale du moment...
Mais j'attendrais la suite : Me Riglaire mettra-t-il son projet à exécution de porter plainte contre l'état ?
Mais à titre personnel, si vous faisiez un peu plus de civil, ça m'aiderait plus au quotidien !
En tous les cas, je salue le sens du pronostic, on sent une petite expérience...
Pour revenir au sujet, cette plaidoirie a été un beau moment qui a su mettre en exergue l'humanité d'un pédophile, ce qui est loin d'être antinomique, et rappeler qu'un tribunal quel qu'il soit juge un homme (non pas un état) pour ses actes (non pour l'ensemble des atrocités commises par l'humanité !!)
Ce procès m'a beaucoup appris parce que ce dossier m'a fait réfléchir sur pléthore de questions que l'on ne se posent pas si l'on n'y est pas confronté. Par exemple : pourquoi un pédophile récidive ? Quel est son mode de fonctionnement ? S'agit-il d'une aliénation mentale ?...
Encore une expérience qui me conforte dans mon choix professionnel, il faut savourer le bonheur de faire le métier qui nous fait vibrer...
Je pense que vous m'aiderez sincèrement à passer l'hiver... J'entends à passer au travers des averses de bêtise facile (c'est pas ça d'ailleurs la définition de "méchanceté" ?) des médias.
J'imagine que vous avez peut-être dû vous faire agresser par le suivi du procès fait sur France Inter le matin par un type qui fait tout ce qui peut pour nous décrire (nous pauvres crétins présumés d'auditeurs) F. Evrard comme une bête fauve, douée pourtant de cynisme (moi qui croyais que les gentils Nanimaux n'avaient pas de conscience et toutes ces sortes de choses...).
C'est tellement plus simple de faire croire qu'on a un méchant absolu sous la main... Sans doute ce pseudo chroniqueur doit-il le penser un peu... J'imagine qu'à toujours simplifier les simplifications on fini par devenir simplet...
Comme si ça allait aider la famille de ce tout petit garçon de penser avoir affaire à un bloc de saloperie incarnée ?
Qu'est-ce que croient ce "journaliste" et sa "rédaction" entière qui lui laisse tous les jours de si longues minutes de si forte d'audience à déblatérer ironiquement sur les faits abominables sans aborder qui est l'homme Evrard ?
L'avocat de F. Evrard évoque pourtant lors de votre entretien que le monstre parle; qu'il essaie d'expliquer.
Je pense que ça serait plutôt là que réside, peut-être, le seul tout petit, petit début d'ébauche d'aide pour la famille...
Mais ça, expliquer ce journaliste ne sait plus ce que c'est ou bien, et j'en ai davantage peur, ça ne l'intéresse pas tellement.
Et c'est ce que j'aime tellement dans votre chronique, vous, vous expliquez.
Bravo !
Que la simplification de ce journaliste est à bannir puisque, entre autres, comme vous le dites "c’est faire de la justice ce qu’elle ne devrait jamais devenir : la voix des victimes, c’est à dire d’une infime part de la société"
J'ajoutais seulement (mais pas très clairement visiblement) que je ne pense toutefois pas que c'est tenter d'adoucir la douleur des victimes que de ne leur présenter une caricature surréaliste de l'homme.
Sincèrement, c'est parfaitement disproportionné, en termes d'échelle des peines et au regard des circonstances et des faits exacts poursuivis.
Soit cette Cour d'Assises est devenue autre chose que ce que j'en connais, soit Jérôme aura un très bon résultat, en le comparant à ces réquisitions !
Un simple exemple : qu'aurait-on demandé en cas de viol "complet" ? Et qu'aurait-on demandé en cas de viol avec violences, ou bien suivi de meurtre ??? C'est du délire...
Il a bossé cette nuit jusque trois heures, je pense qu'il prévoit de plaider une heure trente, ce qui le connaissant signifie au moins deux heures, je lui envoie des ondes positives...
Peu de sommeil, une atmosphère qui doit être tendue... Décidemment je n'aurai pas la force d'affronter ça...
Les réquisitions ne me surprennent pas, car l'accusé est décrit comme un homme pervers et irrécupérable pour qui la médecine et la justice n'ont pas de solutions.
Vous rendez-vous compte que cette peine serait la même, à quelques années de sûreté près, qui de toute façon ne s'appliqueront pas jusqu'au bout ici, que celles infligées à Dutroux, ou à Denis Waxin (six enfants tués, dix violés sauvagement) ???
Il n'était pas en récidive, certes, mais l'eût-il été qu'il aurait encouru vingt ans, peine maximale !
Si les médias ont cet effet-là à la fois sur les magistrats et mes confrères parties-civiles, alors je dis qu'il faut les bannir des salles d'assises !
Très franchement, je n'imagine pas un seul parquetier au monde pencher pour une correctionnalisation dans un cas pareil.
Ce n'est pas ce que je voulais dire, mais bien plutôt qu'on marche sur la tête au plan des réquis', ici, c'est tout -franchement, si je voulais parler comme un juriste dans une couloir à un autre juriste, je dirais volontiers qu'objectivement, ça vaut vingt à trente, non ? J'ajouterais même que dans l'absolu, ça ne les vaut peut-être même pas, mais que, là , peut-être...
Vous auriez requis perpet', vous ? (Je couvre l'anonymat même en cas de plainte, je le redis !)
Bon, c'est bien : il se trouve au siège plein de magistrats qui gardent raison et foi... Qu'est-ce que vous dites ? Qu'en janvier, ils disparaîtrons pratiquement de la sphère pénale ? Ah, oui, c'est vrai...
Quant au reste ... je vous assure qu'ils survivent encore, même au Parquet ! (même s'il faut bien reconnaître que leur marge de manœuvre rétrécit à toute vitesse depuis quelques années)
PS : "ça ne me semble pas un critère idiot" : merci !
Ce sont aux parties civiles et aux magistrats de garder raison, d'être au dessus de ces pressions... mais facile à dire j'en conviens.
Si toutes les affaires d'assises étaient filmées, je vous garantis qu'Evrard et ce qu'il a fait ne feraient même pas une brève, en plus : il y a tellement de faits plus dégueulasses, je vous assure -et je pense même que si les gens les connaissaient tous, ainsi que leur fréquence, la société civile exploserait...
Il y a une chose que je ne m'explique pas avec les médias : certaines affaires peuvent devenir très médiatiques tandis que d'autre pas du tout, sans qu'il n'y ait de raison apparente à ça, les deux affaires étant de gravité / d'horreur / de ce que vous voulez équivalentes.
Je ne pense pas aux affaires impliquant des gens connus évidemment - là la raison de la médiatisation est évidentes - mais bien aux affaires impliquant des anonymes.
L'opacité complète conduirait à mon avis à l'explosion des fantasmes des gens, plus encore qu'aujourd'hui. Les gens se méfient des journalistes mais plus encore du secret.
Non ?
Je ne crois pas vraiment - voire pas du tout - à l'exemplarité de la peine, mais celle requise par le procureur me fait l'effet d'un exemple négatif : perpète pour un viol simple, ce pourrait être une incitation à "aller plus loin". Un enfant violé peut parler. Un enfant violé et mort pas.
Avant, on avait entendu, encore, des experts, et ceux-là je les connais bien et les "pratique" souvent : même jeu, sont-ils restés dans les limites de que leur double statut de médecin ou psychologue et expert devrait leur imposer ?
Et, si leurs conclusions sont recevables, comment entendre en même temps que Francis Evrard, donc non atteint d'une "trouble psychique ou neuropsychique" ayant altéré ou aboli "le contrôle de ses actes", est juridiquement réponsable, pénalement ? Alors que je lis que "le sujet peut parfois être submergé par ses pulsions", définition même de l'irresponsabilité..?
Réquisitions tout à l'heure, et puis plaidoirie de la défense : ça va vous sembler minime et évident, mais c'est pourtant le seul souhait utile à l'adresse d'un avocat talentueux qui va plaider dans ce contexte et devant une cour d'assises : Jérôme, dis tout ce que tu as à dire !
La plaidoirie de la défense après tout ça...
J'imagine qu'une plaidoirie est souvent difficile à faire, mais je pense qu'il doit y avoir des contexte plus difficiles que d'autres.
Bon courage Maitre Pianezza.
Est ce que l'on connait les réquisitions du parquet? Ou alors ça n'est que demain?