Voilà , et pour une fois, ce titre dit tout, pas la peine d’en faire des tonnes, nos amis journalistes et commentateurs et concierges et dames-pipi1 et, bien entendu, last but not least, politiques, s’en chargent parfaitement, avec moult détails, reléguant allègrement catastrophes naturelles (tsunami) ou humaine (Iran) au second plan.
Seulement voilà , comme tout avocat qui se respecte, il m’est assez difficile de considérer avoir tout dit en quatre mots…
Ce vomitif emballage médiatique, donc, a lieu, nous le savons, autour d’une nébuleuse affaire de listings secrets de comptes secrets attribués à des personnalités importantes mais secrètes, dont il semble s’être finalement avéré qu’ils seraient faux, voire conçus pour les besoins de causes secrètes parallèles, et que mon confrère De Villepin, jeune Avocat au Barreau de Paris2, mais à l’époque seulement Premier Ministre, aurait eu connaissance, puis de leur fausseté, mais en aurait quand-même fait usage, afin de nuire délibérément et secrètement à celui qui allait devenir quand-même Président de la République, lequel lui en voue une haine tenace, et s’est donc porté partie civile à son encontre.
A moins, cependant, qu’elle ne parle de tout autre chose, non seulement je n’en sais rien et n’y ai pas compris grand chose, mais en plus je m’en moque totalement.
Je note en tout cas que Clearstream est soit une rivière du Nord du New Hampshire, soit la traduction de “cours d’eau limpide” : rien qu’à ce nom, on pouvait facilement soupçonner une arnaque, non ? Quoi qu’il en soit, on s’en fout, vraiment.
Bien que, pour le plaisir, un autre indice : si ça ne pue pas la trahison, direct, là , je ne m’y connais pas3 …
Bref, à dire le vrai, je constate de plus en plus souvent que je me fiche comme de la première couche de mon fils de la plupart des affaires que les médias choisissent soudain de mettre en exergue, soit, partant, que j’aie un problème personnel avec les priorités de l’information, soit qu’elles me semblent toujours toutes moins importantes, moins graves et moins exemplaires que n’importe laquelle des affaires que je traite -ce qui dénote mon orgueil démentiel, je sais bien.
Et alors là , c’est réellement la fête -en matière de totale insignifiance, d’inutilité, de disproportion de moyens et enfin de résultats quels qu’ils soient, veux-je dire.
Je n’ai, ni à l’écrit, ni oralement, rien lu ou entendu, mais je suppose et espère que ça a quand-même été dit une fois ou deux, des qualifications retenues dans le cadre de cette affaire, et de ses enjeux juridiques -étant précisé que ses enjeux politiques, presqu’aussi passionnants que ceux qui animent les hauts personnages du PS, me dépassent totalement : d’un côté quelqu’un qui est Président, de l’autre quelqu’un qui n’est plus rien politiquement, je dois vraiment être un demeuré provincial mais je ne vois pas…
Alors, revenons sur Terre :à ma connaissance, qui est faible, il y avait cinq personnes mises en examen et une trentaine de parties civiles, dont donc le jeune Nicolas S., à l’instruction, dont j’ignore encore les motifs juridiques exacts d’ouverture, même si je crois que Monsieur De Villepin y était mis en examen initialement pour “complicité de dénonciation calomnieuse, complicité d’usage de faux, recel de vol et recel d’abus de confiance”, supposant que ces mêmes chefs d’accusation étaient également reprochés aux autres, en tout ou partie.
Ce qui, soit dit en passant, et après ces centaines d’articles et de télés cet de radios sur le sujet, nous éclaire singulièrement sur la précision de l’Information en France, on pourrait d’ailleurs le relever à propos de presque toutes les affaires médiatisées, et je dis à mes amis journalistes4 que ça ne coute quand-même pas grand chose de se renseigner auprès d’un juriste avant d’écrire, est-ce que je décris une salle de rédaction sans vous appeler, moi ?5
Bref, au final, c’est à dire après une ordonnance de renvoi rendue par deux juges d’instruction, pas un, deux, après quatre années d’information judiciaire, soit le double en moyenne du temps habituellement consacré au moindre des dossier criminels, à l’issue d’un ouvrage qui “pèse” désormais des dizaines de tomes, ladite ordonnance faisant je crois plus de deux cent pages (soit au moins vingt fois ce que font ses petites sœurs dans de modestes dossiers de meurtre ou de viol)6, le principal mis en examen, donc, est renvoyé uniquement, je crois, pour “complicité de dénonciation calomnieuse”.
C’est à dire très clairement pour trois fois rien, du pipi de chat, l’un des plus “petits” délits du code pénal, non pas tant sur le papier, cinq ans encourus virtuellement, que dans les faits : habituellement, lorsqu’on poursuit quelqu’un de ce chef, surtout lorsque la dénonciation n’a nullement été suivie d’effets, comme c’est le cas ici (pas de poursuites exercées à la suite de la dénonciation, et pour cause, l’un des nœuds de l’affaire ayant justement été que les prétendus faits dénoncés n’étaient pas crédibles, et la liste manipulée…), la peine encourue est de pur principe, un avertissement de deux mois avec sursis -alors vous pensez, pour un simple complice…
Voilà , voilà , on s’en fout totalement.
Mais tout ça pour ça…
C’est une première et indécente anomalie, ces moyens extravagants, cette enquête longue de quatre années, ayant monopolisé des dizaines de policiers de différents services, la taille même de l’ordonnance…
C’est, croyez-moi, très injurieux vis-à -vis du criminel lambda -qui lui, à son procès, risquera une bonne partie de sa vie…
Et c’est indécent du fait même, pourquoi ne pas l’écrire, non pas de la plainte, non pas de la passion que ces deux bêtes politiques7 y mettent, à mon avis en se commettant au-delà de tout ce qu’on avait pu voir jusqu’ici, et en perdant à mes yeux définitivement toute crédibilité tant c’est laid et vain, mais bien des magistrats ayant concourus à ce grand cirque : en dehors de la complexité intrinsèque de l’affaire, ce que je veux bien entendre, la culture de la naïveté n’excluant pas la bonne foi, comment a-t-on pu, côté magistrats, être aussi zélé, et autant appliqué à la recherche de la vérité..?
Comment a-t-on pu ne pas, d’abord et avant tout, traiter cette affaire comme elle le méritait réellement : une insignifiance dans le monde merveilleux de la politique et du pouvoir, et en tout cas un enjeu judiciaire néant ou presque ?
Imaginons un instant une plainte similaire déposée en province, mettons par Maître Mô, contre quelques personnes qui auraient dénoncé, auprès de qui d’ailleurs, Mon Dieu, l’un de ses clients… Un juge d’instruction en eut peut-être été saisi, après moult efforts pénibles très vraisemblablement, lequel aurait instruit ce dossier comme la dernière roue du carrosse de son cabinet, très vraisemblablement, pour au final un non-lieu très probable, sans guère d’enquête sérieuse, qui aurait très vraisemblablement été pour l’essentiel laissée à la charge de la partie civile elle-même : ça, c’est la vérité quotidienne…
La justice a servi la soupe, et attention pas un brouet, non, de la bisque caviardée, dans des couverts en porcelaine, à une partie civile “importante” qui n’a de cesse de la vouloir de moins en moins indépendante, et de la détruire doucement : ça ne les grandit pas, ni Elle, ni lui.
D’autant que ça continue bien sûr en aval : essayez voir de demander à votre avocat de faire citer comme témoins toutes les personnes entendues au dossier, pour voir la tête du président d’une affaire classique… Et essayez aussi de lui demander qu’un procès de dénonciation calomnieuse dure plus de deux heures tout compris…
Attention, qu’on ne se trompe pas : si des moyens éléphantesques étaient également affectés à n’importe quel dossier, je n’aurais rien à y redire…
Mais je n’ai, en dix-huit ans et quelques affaires assez énormes tout de même, strictement jamais vu ça, y compris dans le domaine de la délinquance financière, pourtant toujours plus complexe.
Et il y en a d’autres, d’indécences.
Par exemple, ce que je ne peux pas ne pas nommer les “dérapages” incessants relatifs aux avocats, pardon, aux Grands Avocats, concernés par l’affaire, comme cet article du Figaro par exemple8,qui ajoutent au Grand Guignol le prétendu duel de marionnettistes des avocats respectifs, connus et paraît-il de grands talents (vous pensez bien que je ne les ai jamais entendus, j’ai en majorité des affaires de pauvres)… Et grandissent ainsi l’image de l’avocature, n’est-ce pas..?
Je n’ai à leur égard ni envie, ni insolence,9, mais enfin, voyez ce que ces hérauts des temps modernes, non ce n’est pas une faute d’orthographe, défendaient autrefois, et comment ! Et voyez ce qu’ils font aujourd’hui, et comment…
J’espère, moi qui ne porte pas la même robe, fût-elle de gloire parfumée, continuer toujours comme à me première audience, et à défendre de vraies gens…10
Comme l’indécence est, encore, celle de la Justice, par les déclarations des uns et des autres tous les jours que Dieu fait, violant totalement et à répétition le secret professionnel, celui de l’instruction, la présomption d’innocence, bref, toutes ces vieilles valeurs légales totalement désuètes, et qui autrement empêcheraient de se faire mousser face caméra, et ça, c’est hors de question…
J’ai volontairement passé outre les propos éhontés des uns et des autres, NVP (Notre Vénéré Président) en tête, avec son croc de boucher : on en dit de bien pires, en privé, tous les jours -mais on n’aurait pas le commencement d’un soupçon de l’idée de s’en vanter, publiquement encore moins… Et vous savez déjà tout de tout ça, on nous en a causé en long et en large, de toute façon, évidemment…
Je ne connais rien à cette affaire, et je me cogne totalement de son résultat -même si en catimini j’aimerais, juste pour le principe, que ce soit une relaxe au moins pour Monsieur De Villepin, juste pour rigoler et faire les comptes de ce qu’elle aurait couté, et des énergies dans icelle dépensées. Et parce que j’aimerais, mais évidemment encore faut-il que le vrai dossier s’y prête, être certain que, s’il n’y a pas objectivement lieu à le condamner, il ne le soit pas, les magistrats étant libres -et après tout, ais-je une seule bonne raison d’en douter ?
De toute façon, il y aura appel, je vous l’annonce d’ores et déjà !
En revanche, je ne peux pas me foutre aussi royalement du dévoiement judiciaire, médiatique et humain qu’elle représente.
Parce que, pendant ce temps-là , et en attendant les réformes que ces gens-là , les mêmes, concoctent dans les plus grandes concertation et transparence11, nous autres, vulgus pecum, nous ramons comme des perdus, avec deux ou trois idéaux majeurs, dans toutes les autres affaires, qui mettent en jeu du sang, des larmes et des vies, avec dix fois moins de temps et de moyens, plongés, juges et avocats, dans de réelles souffrances, et acceptant tous les jours, bien obligés, de ne pas les explorer totalement, et au final et en un mot, non, deux, de mal traiter les gens…
Tiens, incidente qui n’a rien à voir, mais si quand-même : vous vous souvenez du confrère qui a fait appel, dans le procès du Gang des Barbares, et qui réclamait la fin du huis-clos pour les audiences criminelles comportant des accusés mineurs ?
Il avait dit qu’il ferait voter une loi avant l’audiencement de l’appel, et moi j’ai ricané…
Jusqu’à ce que je sois informé, hier, de ce qu’une proposition de loi existe bel et bien. J’ai envie de vomir. Va-t-il maintenant se débrouiller pour qu’elle soit applicable à “son” procès en appel ? Je ne ricane plus : je pense que oui.
Clearstream…
“Un agneau se désaltérait dans le courant d’une onde pure.
Un loup survint, à jeun, qui cherchait aventure…”12
Il s’agit bien d’un traîtrise, finalement, oui, dans tous les cas et plutôt dix fois qu’une.
Mais pas de celle qui est jugée.
- Comment dit-on désormais, “Techniciennes d’urine” ? [↩]
- Cet ogre, pas DDV, le Barreau parisien, représente déjà la moitié des avocats de France, il faut en plus qu’il intègre des politiques ! [↩]
- Je sais bien que le délit de faciès, c’est pas beau, mais il y a des cas où… Et puis ce sont les mimiques, pas tellement les visages… [↩]
- C’est pas des blagues, j’en ai vraiment plein, dans la vraie vie, ce sont les seuls avec lesquels on peut rigoler aux audiences criminelles ! [↩]
- Et je ne parle même pas des réalisations cinéma et télé : j’ai vu récemment un film centré sur un procès final correctionnel, je n’aime pas dénoncer mais il s’agissait de “La dilettante”, en France, où TOUT était totalement aberrant, je ne vous cache pas que ça m’a totalement gâché le truc -déjà pas terrible avant en plus… [↩]
- En même temps, une ordonnance fleuve pour une Rivière Limpide, on me dira que c’est normal… [↩]
- Cette expression emploie un nom comme premier mot, pas un adjectif ! [↩]
- Note aux mainteneurs du site du Figaro : plus de pub en pop-up, c’est possible, ou bien on peut encore lire les textes ? [↩]
- D’autant que je suis beaucoup plus connu qu’eux, dans ma famille et en statistiques pures de nombre de personnes défendues, en fait ! Tiens, depuis l’ouverture du procès Clearstream, j’ai plaidé seize affaires, dont une criminelle et au moins deux de “cols blancs” ! [↩]
- Ou parfois des personnes morales, il faut bien vivre, j’ai même, que le Dieu des Paniers Percés me pardonne ma trahison, déjà défendu des banques ! [↩]
- Si, si, celles de leurs cabinets ! [↩]
- Citation-cadeau pour nos amis de la presse, elle résume bien, non ? [↩]
Pingback : Mô nu ! | Maître Mô
Ca cogne au parquet de Paris (en principe, c'est plutôt un mois d'emprisonnement avec sursis requis au maximum, quand le parquet de n'en rapporte pas, et une dispense de peine non ?)
Une fois de plus ça ne ressemble à rien : si un Ministre en exercice a commis un délit, qui plus est contre, notamment, un élu, et à des fins personnelles, ça mérite du ferme, c'est gravissime; s'il n'a rien fait, ça mérite la relaxe; mais là ... Comment au juste justifier ce quantum ?