Voilà , ça y est, la Commission Léger, dont le vrai nom1 est “Comité de réflexion sur la justice pénale”, a déposé hier son fameux rapport.
Je l’ai lu -si la version qui m’en a été adressée est bien la bonne- et j’ai du mérite, car je plaidais, hier, et qu’il fait 59 pages bien tassées tout de même : il fallait bien ça pour bouleverser la procédure pénale française, car c’est en gros ce dont il s’agit.
Il est assez compliqué à résumer, sans tomber dans le travers consistant à n’en retenir que les propositions-phares, déjà éventées et débattues un peu partout, ce qui serait réellement dommage, car tout n’est pas totalement à jeter à mes yeux dans ce texte -à part justement ces mêmes propositions majeures…
Allez, tentons quand-même l’exhaustivité, tout en tâchant de parler français, et non pas juriste -enfin, pas trop…
En réalité, vous l’allez voir, il me semble que ce rapport peut en gros être ainsi résumé : quelques bouleversements majeurs, donc, qui sont à bannir absolument; et une foultitudes de bonnes plus petites idées, qui y figurent pour “compenser” lesdits bouleversements, ce qu’elles n’arriveraient nullement à faire -mais qui en revanche pourraient être reprises telles quelles dès demain dans le cadre de notre système actuel, tout à fait utilement.
Je prends le parti de ne mentionner que les modifications préconisées, sèches, en élaguant délibérément tous les exposés de motifs et autres considérations historiques, je n’ai pas la nuit devant moi (mais le texte lui-même sera très rapidement consultable un peu partout); je prends aussi le parti de vous dire à chaque fois à chaud ce que j’en pense, parce que c’est chez moi, ici !
A ce sujet, on partagera ou pas mon point de vue, mais une chose importe : c’est en tout cas celui d’un praticien du quotidien, “pénaleux plutôt que pénaliste”, et dont le regard vaut sans doute autant que celui de personnes qui ne sont pas entrées depuis des années dans une salle d’audience correctionnelle, moins encore un cabinet de juge d’instruction, hé hé, moins encore une Cour d’Assises, ou en donnent l’impression2, et ne savent de la réalité quotidienne judiciaire que ce que les chiffres leur en disent : rien.
Ce rapport ne concerne que la seule procédure pénale3, ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il ne toucherait que la forme : il s’agit d’une refonte générale de notre droit, dans son esprit notamment à mon sens.
Il se décline en douze propositions, les premières concernant la phase préparatoire du procès (enquête et instruction), les suivantes la phase décisoire, mot d’une laideur absolue signifiant “le déroulement du procès”.
Je vous préviens, ça va être long, et assez fastidieux. Préparez du café…
I LA PHASE PRÉPARATOIRE
Cette machinerie commence par une introduction rappelant que la procédure pénale est notoirement instable, a été très souvent réformée, et que ça suffit comme ça, on va maintenant la stabiliser -en la réformant intégralement.
Sept propositions4 sont à l’ordre du jour.
1 Transformer le juge d’instruction en juge de l’enquête et des libertés, investi exclusivement de fonctions juridictionnelles.
Essentiellement à cause de sa double qualité de juge et d’enquêteur, c’est la fameuse suppression du juge d’instruction, remplacé par le parquet, qui serait plus adapté à la fonction. Vous connaissez ce débat, qui a eu lieu partout, un peu même en mes divines pages…
Je veux, pour éviter d’y sombrer de nouveau, en tout cas pour l’instant, juste vous citer un bout littéral du rapport, qui dit tout à ce sujet de l’état d’esprit du Comité :
“Les mêmes membres du comité considèrent, en effet, que le recours à l’instruction préparatoire n’est souvent qu’un moyen d’obtenir des mesures privatives de droits ou intrusives, sans doute nécessaires à la manifestation de la vérité ; mais ils relèvent que l’intervention d’un juge, pour tous les autres aspects de l’enquête, ajoute peu au travail de la police judiciaire.”
Voyez-vous, cette affirmation est atterrante, et démontre a l’envi la totale méconnaissance par le Comité de ce qu’est réellement une instruction standard -et de ce qu’est, aussi, une enquête policière initiale, mais sur ce sujet on va rire plus loin.
En tout cas, cette proposition est formulée par la majorité des membres du Comité, qui je le suppose ne déteste pas totalement notre Président de la République.
Le rapport cite tout de même des propositions minoritaires formulées dans ses rangs, ce qui est à son crédit, et démontre que les minorités ne disent pas que des conneries : les uns souhaitaient ne toucher à rien et au moins attendre que la loi post-Outreau instaurant la collégialité de l’instruction, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2011 (!), puisse produire ses effets -et ça semble évidemment la moindre des choses, non ? Et un autre, que les fonctions de juge d’instruction demeurent, mais réservées à des candidats âgés et expérimentés en pénal, ce qui se discute.
2 Instaurer un cadre unique d’enquête.
Ça, c’est une fausse seconde proposition, puisque si on supprime l’instruction, ça dit qu’il n’y aura plus d’instruction, et que tout sera sous la direction du procureur, qui sera aussi la seule autorité de poursuite -parce que si on supprime le juge d’instruction, qui c’est qui rendra la décision de renvoi devant le Tribunal ou la Cour d’Assises, hein, je vous le demande un peu : ben oui, le procureur.
A cette occasion s’est engagé un débat inquiétant : le Comité continue à refuser que le prévenu puisse faire appel d’une décision le poursuivant devant le Tribunal Correctionnel; même si c’est aussi le cas actuellement, j’ai toujours trouvé ça bien dommage; mais en matière de crimes, le Comité s’est posé la question du maintien du droit d’interjeter appel de la décision de renvoi, qui lui existe bien, merci Thémis ! Et le rapport nous dit que ses membres demeurent partagés sur ce point…
Ceci est une des nombreuses parenthèses extrêmement inquiétantes du texte, dont personne n’a à ma connaissance parlé bien qu’elle figurât déjà dans le pré-rapport : cet appel possible de la décision, qui joue votre vie, vous renvoyant devant une Cour d’Assises, est à mes yeux fondamental et indispensable…
On parie que ce “partage” amorce sa future suppression ? Pourquoi ? Le rapport le dit aussi, c’est l’un de ses constants soucis : aller plus vite…
En revanche, la partie civile, en cas de classement, pourrait elle saisir le juge de l’enquête et des libertés5 dans tous les cas : sous prétexte d’équilibre entre les parties, il me semble qu’il y en aurait là un de flagrant, mais passons.
Alors là , le rapport parle de “contrepoids” à instaurer face au parquet devenu tout puissant. S’ensuit une série d’idées rigolotes, parfois exposées pour mieux les repousser, dont, subséquemment, aucune ne remplira jamais ce rôle prétendu en quoi que ce soit, mais il fallait bien faire un paragraphe là -dessus tout de même :
– je ne résiste pas au plaisir de vous la citer la première telle quelle, il est des fou-rires qu’on aime partager : “le comité souhaite que soit inscrit de façon claire dans la loi le principe selon lequel le parquet, ainsi que la police judiciaire, mènent les investigations « à charge et à décharge ». Ce principe, qui est déjà une réalité, s’impose actuellement dans le code de procédure pénale uniquement au juge d’instruction”. Elle n’est pas fendarde, celle-là ?
– substituer la légalité des poursuites à l’opportunité des poursuites : ça se discute, mais non.
– rattacher la police judiciaire à l’autorité judiciaire : ça se discute, mais non. En revanche, mieux associé le procureur à la gestion de la police, oui -on m’expliquera en quoi c’est un “contrepoids” aux pouvoirs absolus du parquet, mais ça ne fait rien.
– enfin, gros débat d’opinions, vous le savez : modifier le statut du parquet et le détacher de l’Exécutif. Devinez quoi ? Ça se discute… Mais non (unique concession : la nomination d’un procureur serait soumise à avis conforme du CSM, comme pour les magistrats du siège : me voilà rassuré, les gars !).
Pour nous résumer au sujet du chapitre “contrepoids”, tous ont été rejetés, sauf l’inscription du principe de l’enquête à décharge de la police et du parquet, j’en ris encore.
3 Instituer un juge de l’enquête et des libertés disposant de pouvoirs importants.
Alors là c’est pas compliqué : il y a actuellement un juge des libertés et de la détention qui statue sur un certain nombre de choses, la liberté notamment, et d’autres actes lourds et coercitifs, et un juge d’instruction qui statue sur les autres choses,, les actes notamment tous deux à charge d’appel devant la Chambre de l’Instruction : le rapport préconise qu’on fasse tout pareil, en remplaçant “juge d’instruction” par “procureur”, “juge des libertés et de la détention” par “juge de l’enquête et des libertés”, eh oui nuance, et “chambre de l’instruction” par “chambre de l’enquête et des libertés” -j’exagère et simplifie, moi, puisque le nouveau JEL pourrait aussi surveiller le procureur et statuer si l’on comprend bien sur tel ou tel point de son travail d’enquête (d’où son nom, non ?), ses décisions étant elle-même rendues si j’ai bien suivi à charge d’appel devant la CEL6 .
Comme je vous le disais plus haut, le Comité entend simplifier la procédure, donc tout ceci est très normal. Sinon et à peu de choses près, rien de nouveau sous le soleil, donc.
4 Garantir et renforcer tout au long de l’enquête les droits du mis en cause et de la partie civile.
On parlait de simplification, et là je vous le dis, lecteurs déjà usés comme je le suis moi-même, accrochez-vous !
– le mis en cause :
. “bénéficierait” au choix d’un régime “simple”, similaire dit le rapport à celui du mis en cause actuel, ou “renforcé”, et l’on comprend que c’est à peu près celui auquel donne accès l’actuel statut de “mis en examen” : c’est pas de la réforme, ça ? Non, mais si, parce que là attention : tout simple pourra demander à devenir renforcé; demande aboutissant de plein droit s’il existe des indices contre lui ou si la victime le nomme; et le parquet pourra choisir le régime, évidemment (tout ça n’est qu’un mauvais copié/collé des situations existant actuellement à l’instruction). MAIS : le renforcé sera obligatoire si la personne est soit détenue, en gros, soit poursuivie pour des faits criminels -comme maintenant !
Sans blague, je vous assure que c’est vrai : à très peu de nuances près, je viens de vous résumer une page de “garanties renforcées” qui existent toutes actuellement ! Et ça continue après !
. bénéficierait de la notification des faits reprochés : je l’avoue, très sérieusement, je ne comprends pas cette mention, puisque c’est le cas actuellement aussi, dans tous les cas de poursuites…
– la victime :
C’est exactement pareil, je crois que tous les droits cités sont ceux qu’elle possède actuellement. Non, je viens de relire le rapport, et je ne crois pas, j’en suis certain.
Je vous résume donc cette7 proposition : faire exactement pareil que maintenant, sauf à tenir compte des nouvelles juridictions, à peu près similaires aux juridictions actuelles, à l’exclusion du juge d’instruction, remplacé par le parquet, face auquel donc il n’y a strictement aucun renforcement de droits des parties. D’accord ? D’accord, on continue.
5 Renforcer le respect des droits et des libertés individuelles.
Alors attention, là , gros morceau, on parle de garde à vue et d’emprisonnement -et là , je pense qu’il y a quelques idées à prendre, mais à prendre et à appliquer tout de suite, au système actuel.
– La garde à vue.
.On parle d’abord d’un accroissement des droits du gardé à vue. Ah ah, alléchant, non ? Hélas, et comme précédemment je ne puis faire mieux que de citer le texte tel quel, ça cause d’abord de la présence de l’avocat en garde à vue, et vous allez voir qu’en termes galants ces choses-là sont dites, c’est un peu long mais c’est si bon (les énormités sont authentiques, le gras seul est de moi :
“La majorité du comité estime indispensable de renforcer la présence de l’avocat durant la garde à vue afin de lui confier un véritable rôle. Il a en effet été souligné que son intervention à la première et à la vingt-quatrième heure ne lui permettait pas d’exercer sa fonction de défenseur. Aussi, afin de protéger efficacement les droits du gardé à vue, certains membres estiment nécessaire que l’avocat soit présent dès la première heure et puisse assister à l’ensemble des auditions du gardé à vue. Il a été indiqué lors des débats que cette mesure permettrait de conforter la valeur des déclarations faites durant la garde à vue et désamorcerait les discussions sur les conditions dans lesquelles peuvent intervenir les aveux du mis en cause.” Jusque là , c’était vrai, tout est bien. C’est maintenant :
“Toutefois la majorité des membres juge qu’il convient de préserver l’efficacité de l’enquête et notamment des premières heures de garde à vue, alors que ce sont généralement les premières investigations qui se révèlent déterminantes pour la découverte de la vérité. De la même manière il a été débattu d’un possible accès au dossier par l’avocat durant la garde à vue. Toutefois une telle mesure est apparue impossible à mettre en œuvre pour des raisons pratiques. En cas d’interpellation, et spécifiquement dans une enquête en flagrance, le dossier est constitué matériellement au cours de la garde à vue, l’ensemble des procès-verbaux étant rédigé et rassemblé uniquement à la fin de la mesure.”
Alors, heureux ? J’adore ce paragraphe, j’adore mon métier et la considération qu’on en a, frein avéré que nous sommes à la découverte de la vérité, j’adore le fait qu’un texte de réforme de cette ampleur parler expressément de l’illégalité totale dans laquelle les évènements ne sont pas immédiatement retranscris sur PV, et que cette illégalité justifie que l’avocat ne puisse voir le dossier, ah, d’un mot… J’adore avoir HONTE.
Bref, on aura compris que tout est rejeté ou presque : maintien de l’intervention au début de la garde à vue dans les mêmes conditions que maintenant, et nouvelle visite non plus 24 heures plus tard mais dès la 12éme heure, avec accès… Aux seules auditions du gardé à vue ! Le seul truc, malheureusement, que celui-ci est capable de nous raconter !!! Mais tout le reste demeure secret, ouf, l’enquête est préservée, saloperie d’avocats qui nous feraient chuter les stats’ s’ils pouvaient utilement conseiller leurs clients…
J’exagère, une nouveauté : en cas de prolongation de la garde à vue au-delà de 24 heures, présence de l’avocat américain aux auditions de son client. Ça peut être bien, mais J’ai juste un petit doute sur le mot “présence” : pourra-t-on poser des questions, intervenir pendant l’audition, vérifier que la citation par le policier d’une audition ou d’une pièce reflète bien la réalité, etc..? Le rapport ne le disant pas, j’ai comme l’impression que non, pas vous ? Et si non, peut-on m’expliquer ce que je vais glander dans le bureau d’un OPJ à l’écouter cuisiner mon client -que du coup certes, il s’abstiendra peut-être de tutoyer, mais enfin, c’est cher payer la politesse ?
Pas de concession là dessus, confrères et sœurs de tout le pays8 : l’avocat, au moins, c’est présence continue et accès à tout, point barre. Vous voulez de l’américain, donnez-vous de l’américain ! C’est le seul “contrepoids” réel que vous pourrez imaginer !
Et ça peut se faire de suite, pas besoin d’une réforme de fond pour trouver ça évident, c’est comme l’enregistrement de toutes les gardes à vue et plus seulement en matière criminelle, c’est bien, cette mesurette, mais qu’est-il besoin de quarante-trois pages, allez hop : tout de suite !
Hum, bon, je m’énerve tout seul et on n’avance pas…. Reprenons.
. On parle ensuite d’une restriction des cas de placement en gade à vue.
Bon, ça ce serait bien, effectivement. Le Comité propose de la limiter au cas où une peine de prison de plus d’un an est encourue : pas mal.
Ici encore, point ne serait besoin d’une réforme d’envergure que que cette mesure toute simple soit rapidement appliquée…
Oui, mais…
En parallèle, toujours sans doute par souci de simplification, création d’une étrange “retenu judiciaire”, d’une durée maximale de six heures, possible pour toute personne soupçonnée de la commission d’une infraction, et qui peut se trouver transformée en garde à vue… A l’appréciation du parquet.
On n’en sort pas.
– La détention provisoire.
Le Comité s’est d’abord interrogé sur une éventuelle modification des critères de la détention provisoire, mais en a rejeté l’idée, comme dans une sorte de renoncement un peu fatigué; en revanche, et c’est la première véritable bonne idée du rapport selon moi, il stigmatise les différentes actuelles durées et conditions de renouvellement de détention provisoire, effectivement assez complexes et touffues, et propose une règle unique et assez simple :
six mois si la peine encourue est supérieure ou égale à trois ans et inférieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement ; un an si la peine encourue est supérieure à cinq ans et inférieure ou égale à dix ans d’emprisonnement ; deux ans en matière criminelle ; trois ans pour les faits de terrorisme ou de criminalité organisée.
Il s’agirait là de délais au-delà desquels la personne est impérativement libérée.
Mais comme le Comité ne m’aime pas, malgré cette bonne première idée, il l’assortit aussitôt de restrictions qui elles me semblent dangereuses, voire parfaitement inhumaines, les délais les plus lourds demeurant importants : suppression des ré-examens automatiques à dates fixes des situations… Courage au détenu en matière criminelle qui ne fera pas lui-même de demandes, ce qui arrive pour beaucoup de raisons, y compris l’inanité de certains avocats… Et suppression également du référé-liberté, ce qui ne se justifie en rien.
Ah, encore une idée qui voit les membres du Comité “partagés”, et je note que c’est toujours à propos de suggestions totalement aberrantes : des penseurs parmi eux ont imaginés que des petits malins, détenus ou avocats, formeraient des demandes d’actes, genre expertises, qui entraîneraient des délais d’enquête amenant le dépassement des délais butoirs de détention, et propose donc qu’en cas d’acceptation, le JEL prévoie que le délai nécessaire à leur accomplissement soit déduit -vous avez bien lu- du temps total de détention…
Cette mesure, hésitante et heureusement, impliquerait tout simplement que plus aucun avocat ne demande quoi que ce soit, sous peine de “condamner” son client à demeurer enfermé plus longtemps9 -comment des personnes chargées de réfléchir sérieusement à la procédure pénale ont-elles pu un instant avoir cette idée, ça…
Je constate en tout cas que quand il s’est agi de “renforcer” les droits, macache, mais que lorsqu’il s’agit de tenir compte d’une amélioration de procédure, ici les délais butoir, là oui, on en a, des mesures de correction…
Une dernière mesure proposée est particulièrement intéressante, en revanche : en l’absence d’actes d’enquête pendant trois mois, la personne serait libérée de plein droit. Ça, je trouve ça génial. A mon humble avis, un an après l’entrée en vigueur, il n’y aura plus un seul détenu provisoire en France… Je souris, mais l’irréalisme de cette proposition, qui part pourtant d’une bonne intention, laisse tout de même pantois…
Autre bonne mesure : collégialité optionnelle, lorsque sollicitée, pour statuer sur le placement en détention -ici encore, il y a de ci de là quelques petites perles, ça me semble être une bonne mesure, accompagnée d’une publicité des débats elle serait encore meilleure.
Enfin, le Comité, et ce peut être une amélioration ici encore, transforme les différentes demandes liées à la “gestion” de la détention, essentiellement les demandes de permis de visite et d’autorisations de sorties exceptionnelles (décès…), en demandes soumises à délais et recours -ce qui effectivement est moyennement le cas actuellement, pour faire simple. Demandes au procureur, certes, que je vois assez mal se passionner pour ces questions, mais c’est le nouveau système dans son ensemble qui reçoit cette critique de ma part -l’idée reste bonne.
– Et là , c’est presque drôle, dans ce chapitre déboule tout à coup, en sus de la garde à vue et de la détention, un dernier point : le mandat d’amener. Pas les autres titres permettant d’arrêter quelqu’un, non, juste le mandat d’amener -et le Comité ne cache pas qu’il s’agit d’une réformette strictement liée à la mésaventure d’un ancien Rédacteur en Chef de Libération, vous vous souvenez ? Bref, le Comité, sur ce strict point précis, propose qu’il soit impossible pour une infraction ne faisant pas risquer l’emprisonnement… Ce qui était bien le cas de celle imputée audit personnage. De réflexion de fond sur l’ensemble des titres coercitifs, et leurs conditions de délivrance et d’exécution, point : pas la peine, seul ce fait divers avait fait parler de lui…
6 Simplifier et harmoniser la procédure préparatoire.
Ce morceau résume un peu les précédents, en y adjoignant en fait une unique nouveauté : l’unification des régimes de gardes à vue, qui seraient… Exactement les mêmes que maintenant, je vous jure que c’est vrai : droit commun, délinquance organisée et terrorisme.
Il est revenu par ailleurs sur le statut de la CEL, qui serait une Chambre de l’Instruction procéduralement un peu simplifiée -avec notamment l’obligation de développer rapidement les moyens d’appel, ce qui peut devenir un danger, mais bon, on ne va pas pinailler à ce stade, je vous épargne car ce texte est d’une longueur répugnante, les chats ne faisant pas des chiens.
7 Supprimer le secret de l’enquête et maintenir le secret professionnel.
Je suis formellement opposé à la suppression du secret de l’instruction, qui a mon sens devrait au contraire être enfin strictement appliqué. Pourquoi ? Pour sauver les gens de opprobre publique, c’est tout.
Là , je vous balance à nouveau le texte, ici intégralement -il serait dommage de se priver.
Vous noterez que l’avocat que je suis demeurera soumis au secret professionnel, donc concrètement au secret de l’instruction en ce qui le concerne : cadeau, une fois de plus -heureusement qu’aucun avocat ne siège dans ce Comité10,je me serais inquiété, à force…
Et qu’en revanche, les journalistes, on les aime bien -comme le Président, non ?
Allez, enjoy, comme disent les jeunes :
“L’article 11 du code de procédure pénale prévoit le secret de l’enquête et de l’instruction et précise que toute personne concourant à la procédure est tenue au secret professionnel et donc pénalement punissable en cas de violation de ce secret .
Considéré originellement comme protecteur du mis en examen et de la présomption d’innocence, ce secret est plus souvent vu aujourd’hui comme heurtant le principe de la liberté d’information, principe renforcé ces dernières années par les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce secret est également souvent considéré comme fictif compte tenu des nombreuses atteintes qui y sont régulièrement portées, sans que les auteurs soient identifiés ou sanctionnés.
Toutefois, on ne peut que s’interroger sur la contradiction originelle du secret de l’instruction : tout en proclamant le principe d’un secret, le législateur en exonère toutes les personnes ne concourant pas à la procédure, soit le mis en cause, la victime, mais également les journalistes. Par ailleurs, depuis quelques années, le législateur a organisé des « fenêtres de publicité » afin de permettre l’information du public. Le procureur peut ainsi d’office ou à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties rendre public des éléments objectifs tirés de la procédure.
Afin de clarifier la situation, le comité propose de supprimer le secret de l’enquête et de l’instruction mais de maintenir le secret professionnel et les sanctions qui s’y attachent à l’égard des personnes qui concourent à la procédure. Le comité s’est interrogé à cette occasion sur les poursuites exercées à l’encontre des journalistes pour recel de violation du secret de l’instruction. Sur ce sujet, il considère qu’il convient de tirer toutes les conséquences de la suppression du secret de l’instruction.”
Vous avez noté ? Pas le moindre mot sur le pauvre abruti soupçonné de viol, présumé innocent, que ce secret protège en principe…
Je souris souvent en me livrant à ce travail fastidieux, mais là , le cœur n’y est pas : cette proposition est grave, vous savez.
Ami lecteur, si tu as tenu jusqu’ici, je suis particulièrement fier de t’annoncer que nous en avons terminé de la phase préparatoire, et que nous pouvons maintenant, dans l’allégresse, étudier un peu les quelques modestes propositions restantes qui concernent le procès !
II LA PHASE DÉCISOIRE
8 Un président arbitre du débat judiciaire.
Il s’agit ici de se méfier pareillement que pour l’instruction de la dualité de rôles magistrat qui juge/magistrat qui instruit, selon la même logique, et de bouleverser en conséquence les rôles respectifs du parquet et du Président -si vous avez suivi, vous savez déjà que le rôle de l’avocat, en revanche…
Je ne sais pas pourquoi, mais moi, je serais juge du siège, et malgré les précautions prises par le rapport sur plusieurs pages ici encore pour surtout insister sur la difficulté du rôle -présider- mais en aucun cas sur une quelconque suspicion de malhonnêteté, je finirais par prendre assez mal cette réforme dans son ensemble -je dis ça, je ne dis rien, d’autant qu’il se trouve que l’audience “nouvelle formule” proposée ici me tenterait assez –“Objection, votre honneur !” est une phrase mythique dont j’ai toujours rêvé, et là nous y serions presque…
L’audience, donc, débuterait par un exposé du procureur détaillant les faits reprochés au prévenu ou à l’accusé et les charges ayant justifié sa poursuite.
Le prévenu serait ensuite interrogé par le même, puis par l’avocat de la partie civile, puis par la défense., le président vérifiant seulement la tenue de haute volée des débats, et pouvant quand-même encore ensuite poser des questions, lui aussi
La victime, les témoins et les experts seraient ensuite entendus dans les mêmes formes, avec cet amusement que, si le témoin n’est pas cité par le procureur, il sera interrogé en premier par l’avocat ayant procédé à cette citation -ça, franchement, ça m’arrange !
La partie plaidoiries demeurerait inchangée.
Là , franchement, à part les empoignades verbales prévisibles entre les parties, un peu plus que maintenant, je ne sais pas, faut voir… Ce qui est certain, c’est que le travail du parquet ne se bornerait plus du tout aux réquisitions11, c’est intéressant en termes d’égalité des armes…
Avec une omission lourde sur ce terrain12 : il me semble qu’après l’exposé du parquet, l’avocat pourrait utilement exposer sa thèse à lui, non ?
Mais sous cette réserve, je ne dis pas non…
Las, las, le Comité en revient aussitôt après à sa principale considération, ce de façon calamiteuse à mes yeux esbaudis : “Les membres du comité sont aussi conscients que cette modification de l’audience entraînera un allongement de la durée des débats et que cette réforme suppose une prise en compte renforcée de la reconnaissance de culpabilité, notamment pour les procès d’assises”
Nous en reparlerons plus bas, mais ça,le plaider-coupable que je déteste déjà ailleurs, aux assises, c’est non, c’est mal, on ne peut pas.
9 Le développement de l’échevinage en matière correctionnelle.
Là , je dis non. Amis juges du siège, on vous en veut, c’est certain maintenant.
L’échevinage, c’est le fait qu’une juridiction soit composée de magistrats professionnels et de non-professionnels, comme les Tribunaux pour Enfants et bien sûr la Cour d’Assises.
Le Comité souhaite que ce système s’étende encore en Correctionnelle, où il existe déjà -un Juge de Proximité pouvant y siéger, le Comité allant jusqu’à proposer une juridiction majoritairement non-magistrate, composée d’un Juge, d’un Juge de Proximité et d’un “assesseur citoyen”…
Là encore, je ne comprends pas du tout la raison de cette proposition, qui à mon sens ne rapproche nullement la justice du citoyen, ou de façon factice, qui livre la possibilité de juger à d’autres personnes que des juges formés pour ça, et dont on se demande s’il en manque pourquoi il n’y en a pas plus…
Et, à nouveau, je trouve ça éminemment dangereux -je n’ai rien contre les Juges de Proximité, j’en connais de parfaits, mais la légitimité de l’audience se tire surtout tout de même du statut de magistrats des personnes qui la tiennent, et je ne sais pas quelle légitimité, mais alors pas du tout, aurait l’assesseur citoyen.
Et puis, ça ressemble purement et simplement à un bricolage seulement opportun, le rapport soulignant qu’il “permettrait de dégager du temps supplémentaire pour les magistrats professionnels”, ce qui on en conviendra est un bien piètre motif de réforme…
10 Renforcer les droits des parties civiles dans la phase de jugement.
Je trouvais franchement qu’on n’avait pas arrêté ces derniers temps, mais le Comité a trouvé utile de réfléchir à aller plus loin, et s’est interrogé d’abord, j’ai dû relire pour être certain d’avoir bien lu, sur l’ouverture du droit d’appel au pénal aux parties civiles (actuellement elle peut faire appel au civil, le parquet au pénal, et le prévenu au civil et au pénal, chacun pouvant donc faire appel sur les intérêts qui le concernent, et eux-seuls) : Hosanna cependant, le Comité, sans doute à bout de forces, a finalement rejeté cette idée.
Il propose en revanche que la partie civile soit impérativement informée de la date à laquelle son affaire passe en appel, et, si elle n’a pas été avisée de l’audience de première instance, qu’elle ait le droit de citer l’auteur une seconde fois en correctionnelle sur intérêts civils : même si concrètement le premier point est déjà pratiqué par les Cours d’Appel, et que le second est inutile, puisqu’elle avait déjà le droit d’exercer une action civile devant la juridiction civile dans la même hypothèse, je dis pourquoi pas -qui peut le plus peut le moins, et ça donnera une fois de plus satisfaction à peu de frais aux victimes, qui croiront à une avancée de leurs droits…
11 Moderniser la Cour d’Assises et améliorer les garanties entourant le procès criminel.
Gros morceau et intitulé qui fait peur -je vous ai déjà exposé ailleurs en quoi je considère cette juridiction comme la plus belle de France, en particulier parce qu’on y prend tout le temps nécessaire…
Le Comité s’interroge d’abord sur le remplacement de la Cour d’Assises de premier degré par un Tribunal Criminel avec moins de jurés et une procédure plus souple. Comme il ne tranche pas, et ne motive pas réellement cette question, je réponds, et ainsi il n’y aura plus à y revenir : c’est non. Voilà .
Il pense ensuite que certaines remises en cause du principe de l’oralité des débats, rien moins que l’un des fondements principaux de la justice criminelle française, on refait tout à l’audience et ne compte que ce qui s’y trouve dit, doivent être effectuées…
– Renforcement des garanties entourant le procès d’assises.
Le Comité préconise d’abord l’obligation de motiver les décisions d’assises, qui effectivement ne le sont actuellement pas, principalement parce qu’elles sont rendues, vous le savez, au nom de “l’intime conviction” de la majorité de ses membres. Je n’y aurait cause d’opposition, mais avec une réserve majeure : les jurés d’appel connaîtraient ainsi la série de motifs retenus par leurs “collègues” de première instance; or, l’appel au assises est à mon sens très particulier, et doit réellement remettre les choses à zéro, fonction du déroulement de l’audience, et de lui seul, selon moi -c’est à dire, justement, que je tiens à l’oralité des débats…
Je crois cependant que cette proposition n’est en réalité pas si importante que cela : l’influence de la motivation initiale serait sans doute rapidement oubliée en appel, et son existence permettrait aussi la critique de cette même motivation en appel, par l’avocat insatisfait, qui construirait son audience pour la combattre -donc allez, c’est vendu.
Il veut ensuite que non plus seulement le Président, mais également les assesseurs et les jurés, aient à disposition le dossier criminel écrit : aie.
Actuellement encore une fois, seul compte ce qui se passe à l’audience, les jurés, notamment, ne connaissant rien d’autre de l’affaire, même si l’on y fait évidemment beaucoup référence à ce qui a été dit avant et est consigné par écrit -le dossier. Un témoin peut dire blanc devant un policier, mais dire noir à l’audience lors d’un procès, on conviendra que les contextes ne sont pas les mêmes… Surtout dans une enquête désormais uniquement menée par le parquet !
J’ignore totalement pourquoi l’on souhaite modifier l’existant sur ce point, je n’en vois pas l’utilité au regard de la mission du Comité, j’en vois en revanche clairement les dangers : que l’audience ne serve plus à rien, et que l’on se réfère plutôt à l’écrit, toujours plus pesant… Un peu comme, largement, cela se passe en correctionnelle.
Il propose enfin que les procès soient retranscrits et filmés à des fins judiciaires, pour que ces supports servent de références en cause d’appel en cas de contestation : pour la même raison que précédemment sur la motivation, je n’y suis pas favorable. Les juges d’appels ne jugent pas le jugement de première instance, mais bien, à nouveau et à zéro, l’affaire et l’homme…
Imaginons par exemple un accusé qui, par peur notamment, n’aurait rien dit en première instance ou maladroitement, et qui en appel, temps et expérience de la Cour aidant, parlerait normalement : ces procédés feraient peser sur lui ses premières attitudes, ce que justement le droit d’appel sert à pouvoir contrer…
– Renforcement du contradictoire.
Le procès d’assises l’est, contradictoire, c’est même sa caractéristique principale.
Il est cependant proposé en sus :
. que les parties civiles puissent elles aussi récuser les jurés, comme les autres parties : ça m’ennuie, mais c’est objectivement légitime, donc d’accord ;
.que, comme tout à l’heure, on ne lise plus en début de procès l’acte d’accusation, mais que l’avocat général expose les charges, le droit de réplique des avocats étant cette fois prévu, donc c’est d’accord ;
. enfin, curieusement, de remplacer, dans l’article 304 du code de procédure pénale,c’est à dire dans le magnifique serment des jurés13, les mots “de ne trahir ni les intérêts de l’accusé, ni ceux de la société qui l’accuse, ni ceux de la victime”, par “de ne trahir ni les intérêts des parties en cause, ni ceux de la société” -je trouve ça pervers, la société semble ainsi n’être plus partie au procès, mais au-dessus, alors même que c’est le parquet qui fait tout désormais : là , c’est NON. “Symbolique”, dit le rapport, mais encore faudrait-il savoir symbolique de quoi !
– Une procédure criminelle plus efficace.
J’aime, au pénal, ce terme d'”efficacité”, où l’on ne met généralement pas tous les mêmes concepts… Par exemple, pour moi, il s’agirait de faire en sorte que les parties soient traitées le mieux possible, et que l’accusé, notamment, puisse recevoir la pleine et entière mesure de la décision qui le concerne, et va modifier définitivement le cours de sa vie…
Non, là , c’est plus carré, ça cause des délais -on voulait les réduire à l’enquête, par les moyens que l’on sait; on va tenter de le faire aussi aux assises…
. La correctionnalisation : vous le savez, cette pratique, souvent critiquable, consiste à “oublier” un élément d’une infraction qui en fait un crime, pour la juger en correctionnelle en tant que délit -un viol, on oublie l’acte de pénétration, demeurent les atteintes sexuelles…
Le Comité a rejeté l’idée que la loi viennent légitimer cette pratique, et heureusement -on ne voit d’ailleurs que mal comment elle l’aurait fait; mais ce qui est intéressant ici est qu’une minorité de ses membres a pensé et soutenu que si la partie civile le demandait, un viol pourrait se trouver juger en correctionnelle, tout en gardant la qualification de viol…
L’on voit ainsi jusqu’où on peut aller en décidant que l’on est libre d’imaginer une nouvelle procédure sans aucune contrainte, fut-elle de droit pur… Et l’état d’esprit principal gouvernant ces projets dans les projets : aller vite ! Fût-ce même au détriment de la simple cohérence…
. Allègement de la procédure en cas de reconnaissance de culpabilité par l’accusé.
C’est le plaider-coupable aux assises, auquel je m’oppose avec la dernière énergie14 ! Je vous en parlais déjà dans mes commentaires d’un article publié par un illustre confrère à ce sujet15,et je ne change pas d’avis : il est impossible, et indigne, de résumer les assises à la seule obtention finale d’une peine, et c’est marre !
Le Comité propose l’ersatz d’audience suivant :
“Dans cette hypothèse, et contrairement à ce qui est prévu en matière correctionnelle pour la CRPC, une véritable audience aura lieu en présence de l’accusé et de la victime. Au cours de cette audience, la cour s’assurera du caractère fondé de la reconnaissance de culpabilité mais il n’y aura pas de débat sur cette question ni d’audition de témoins ou d’experts tendant uniquement à démontrer la culpabilité de l’accusé.
En revanche, un débat aura lieu quant à la peine devant être prononcée. Les parties pourront citer des témoins pour que la cour soit éclairée sur la personnalité de l’accusé.
En cas de recours à cette procédure, la peine maximale encourue par l’accusé sera minorée. Toutefois, cette procédure ne sera pas applicable à l’ensemble des crimes, des exclusions devant être prévues en fonction de la nature des faits ou de la peine encourue (cette procédure ne serait par exemple pas applicable lorsque la réclusion à perpétuité est encourue ou pour le crime de tortures commises de manière habituelle sur un mineur de quinze ans). Une minorité s’oppose à la réduction de a peine encourue.
La reconnaissance de culpabilité devra intervenir préalablement à l’audience, l’accusé étant alors nécessairement assisté de son avocat.”
Je ne vais pas discourir à nouveau sur ce qu’est l’audience criminelle, sur ce qu’elle doit rester, sur les choses qui s’y disent et qui s’y passent, nous sommes tous épuisés. Mais je pose cette question : comment peut-on un instant envisager d’offrir à un homme la possibilité de s’assurer d’une peine réduite s’il reconnait les faits, tout en soutenant que cette reconnaissance de culpabilité serait sincère et véritable ? C’est aussi simple que ça -et ils sont légion, les procès dans lesquels l’homme nie, alors qu’aucune preuve n’existe, mais que des éléments convergents l’accusent, et qu’il sait objectivement qu’il aura du mal à être cru…
Alors on “reconnaîtra”, c’est tellement plus tangible, tellement plus aisé, quitte à se trouver détenu…
Il ne faut pas accepter de mettre un pied, et même un orteil, dans ce système, on n’aurait déjà jamais dû le faire en correctionnelle.
. Restriction des cas de défauts criminels.
Une aberration de plus, toujours uniquement motivée par le souhait d’accélérer la procédure à tout prix : aujourd’hui, pour faire simple, un accusé défaillant, et notamment celui qui s’enfuit en cours d’audience, est jugé “par défaut”, mais s’il refait surface, on doit le rejuger -oui c’est long, mais oui c’est bien, on parle, bon sang de bois, d’un condamnation criminelle !
Le Comité souhaite que s’il s’enfuit en cours d’audience, le procès soit tout de même contradictoire à son encontre, et que ce même procès se poursuive en cas de fuite en appel de l’accusé appelant, car la fuite “fait partie des droits de la défense” -je vous assure que c’est dit ainsi. Le cynisme de cet argumentaire me séduirait volontiers dans un autre contexte, mais pas là -d’autant qu’une telle hypothèse concerne combien d’affaires, selon vous..?
12 ((Et dernière, yes !!!)) Harmonisation des délais de procédure.
Ben oui, j’avais dit 11 propositions, et c’est 12, mais rassurez-vous, celle-ci va être vite vue : le Comité constate qu’il existe énormément de différents délais, d’appel notamment, en procédure pénale, ce qui est vrai, et propose de tous les ramener à dix jours : c’est bien, c’est d’accord, c’est utile. C’est tout ? Oui.
Là je dis “ouf”, et je plonge mes doigts dans un bol d’eau froide…
Il y avait bien un chapitre III sur la phase exécutoire -l’exécution des décisions, mais le comité, ivre de fatigue d’avoir tant pensé, décide de ne rien dire à ce sujet, en soulignant que de nombreuses réformes viennent d’être effectuées en la matière, et sans doute que point trop n’en faut16 .
C’est également ce que je pense.
Pour conclure, le Comité rappelle qu’il était aussi en charge de la refonte du droit pénal, mais que c’est trop de travail, et qu’il faut auparavant recenser et regrouper les milliers d’infractions qui le composent, en substance -je suis bien d’accord avec lui, et je note simplement au passage qu’on n’en a donc pas terminé, même si ce travail proposé de regroupement serait en soi une bonne chose, puisqu’aujourd’hui personne, réellement, ne connaît toutes les infractions existant en France -nemo legem ignorare, tu parles.
Sur ses réformes, vue leur ampleur, il préconise un délai de mise en œuvre de deux à trois ans, avec informations préalable, tests, etc…
Je rappelle que La Garde avait juré que tout se ferait dans la concertation avec les acteurs judiciaires : elle n’est pas prévue dans le rapport, une omission sans doute.
La Garde Nouvelle, faisant apparemment fi de ces préconisations de délais, pendant que le Président se disait “satisfait” par ces propositions, j’adore le mot, a d’ores et déjà parlé d’un projet de loi “début 2010”, autant dire après-demain. Je ne doute pas que nous serons, une fois de plus, totalement pris de vitesse…
Je constate moi que mise à part, peut-être et avec prudence, la nouvelle distribution des rôles à l’audience, qui peut parfaitement se concevoir dès à présent, et certaines idées d’améliorations, idem, rien en réalité n’imposait de transférer toutes les compétences au parquet, et moins encore dans les dossiers les plus graves, les dossiers criminels.
Quel que soit le nom de la personne qui de facto exercera la fonction de juge d’instruction, qui s’apprêtait à devenir collégiale, on pouvait améliorer encore le système existant, mais on ne doit, on ne peut, pas, en transférer la totalité des commandes au seul parquet -il est édifiant de constater que le principal reproche adressé au juge d’instruction, à la fois juge et enquêteur, ne fait en réalité que se transférer au procureur, qui ne sera plus seulement procureur, mais bien… Enquêteur et juge.
Le procureur n’a pas pour vocation d’enquêter à décharge, c’est faux, et évident. Il obéit de surcroît à des consignes extérieures à l’affaire qu’il “instruit”, et à des considération dégoutantes, vues depuis cette même affaire, comme les “politiques pénales”, ou les “résultats”, par exemple…
Qu’il faille améliorer le système sur bien des points est certain, mais il n’était nullement nécessaire de le détruire totalement, et il n’est en tout cas pas admissible que ce soit fait au profit du parquet, ce à quoi, quelles que soient les autres solutions à trouver, il faut s’opposer à toute force.
Ce a fortiori que tous les “contre-pouvoirs” proposés sont bidons, disons-le comme c’est.
Un procureur enquêtant en quelques mois au criminel, puis traduisant l’accusé, qui se dit coupable, aux assises dans le cadre d’un hideux plaider-coupable criminel, pour aboutir à une sanction réduite, oui, cela aura été vite…
Mais l’homme ?
Vous vous souvenez du procès Konhu ? Essayez de reconstruire cette affaire de A à Z au travers du prisme nouveau qui nous est proposé : croyez-vous par exemple que j’aurais eu à ma disposition un seul témoin de son emploi du temps réel, à décharge ? Qui sait, avec ses particularités, peut-être aurait-il reconnu, pour une détention allégée..?
Ce qui nous est proposé, une expression d’usage courante le résume bien, et elle n’est pas gaie17 .
Ça se nomme “lâcher la proie pour l’ombre”.
- en lui-même inquiétant [↩]
- J’ai ajouté ce bout de phrase rectificatif en voyant la liste des membres du Comité, annexée au rapport, et la liste des personnes entendues, les deux étant majoritairement celles de magistrats, mais pas que, et en tout cas de gens en fonction : dès lors, je ne comprends pas. [↩]
- Il est donc à craindre que le Comité subsiste et ne s’attaque au droit pénal lui-même dans un second temps… [↩]
- moins en réalité, car plusieurs découlent de la première [↩]
- C’est pas pour dire, mais, amis juges d’instruction, votre futur acronyme, c’est JEL, phonétiquement comme celui de la douche : vous n’avez pas finis d’être moqués ! [↩]
- Phonétiquement normal, cet acronyme : tout ça est du caca ! [↩]
- très longue, dans le rapport… C’est toujours compliqué de dire le droit exactement comme il est actuellement, mais de le dire autrement ! [↩]
- Unissez-vous ! [↩]
- Car le JEL douche. Voilà , celle-là elle est faite… [↩]
- je dis ça pour rire… [↩]
- et s’il le fait comme actuellement, je dis qu’on a toutes nos chances ! Laissez, c’est une blagounette de fatigue… [↩]
- Quitte à pomper les anglo-saxons ! [↩]
- Et non pas, c’est incroyable mais le rapport appelle réellement ça comme ça, “le discours adressé par le président aux jurés”, non non, c’est bien le serment, bon sang ! [↩]
- A ce stade de ce texte, c’est réellement ma dernière énergie ! [↩]
- Marie, les autres fidèles, au secours ! Je ne sais plus sous quel article !!! [↩]
- Sans compter si vous voulez mon avis qu’en matière d’exécution des peines, il faut tout de même s’y connaître un peu pour proposer quelque chose de sensé… [↩]
- Même si je tiens à remercier le Comité sur un point : il m’a permis d’écrire le texte le plus long et, il faut bien le dire, le plus chiant, de ce blog. [↩]
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Juste deux mots à défaut de ne pas pouvoir vous répondre plus longuement maintenant. Je le ferai dès que possible.
Mais tout de même.
Comme beaucoup de commentateurs, chère Véronique, vous reprenez l’image qui évidemment fait rire: l’accusation qui instruit à charge ou à décharge (sous-entendu, c’est encore pire que le juge d’instruction qui, déjà , n’avait pas trop tendance à instruire à charge et à décharge). Je pense que c’est une comparaison qui ne marche pas car il peut être très clair que l’accusation n’a que le rôle d’apporter des charges suffisantes tandis que le JEL n’a que le rôle de dire si les charges sont suffisantes et de réagir en conséquence. ( votre post)
Cité par Me Mô dans son billet:
"le comité souhaite que soit inscrit de façon claire dans la loi le principe selon lequel le parquet, ainsi que la police judiciaire, mènent les investigations « à charge et à décharge ». Ce principe, qui est déjà une réalité, s’impose actuellement dans le code de procédure pénale uniquement au juge d’instruction".
Euh ...c'est possible de parler de ce qui est écrit dans le rapport Léger, et non pas de ce que vous voulez y lire ???
A tout à l'heure, cher Didier .
Je veux dire que les propositions de la commission Léger risquent de bousculer, peut-être en bien, les principes actuels du code de procédure pénale. On ne peut pas dire, évidemment, que le procureur ou les policiers instruisent à charge ou à décharge. Je veux simplement dire que, forcément, le rôle de la magistrature assise et des procureurs risquent de devenir totalement différents, voire opposés et sans aucune passerelle. Moi, la construction d'une muraille de chine -comme dit Eric Dupond-Moretti- entre le juge et le procureur me semble une construction qui va dans le bon sens. En ce sens, le "mouvement" induit par la commission Léger me semble aller dans le bon sens. Au delà des maladresses et des prudences de rédaction actuelles... Bisous.
Moi, la construction d’une muraille de chine -comme dit Eric Dupond-Moretti- entre le juge et le procureur me semble une construction qui va dans le bon sens.
Très honnêtement sur la coupure entre les juges du siège et du parquet, je n'ai aucun avis parce que je ne maîtrise pas suffisamment les choses pour prétendre avoir un avis construit sur cette question.
Mais Me Dupond-Moretti insiste quand même beaucoup sur l'obligation d'avoir un juge au-dessus de la mêlée, séparé du procureur. Le parquet ne peut pas être juge de son propre travail : il accuse, il enquête. (Libération)
Pour le moment, le JEL prévu dans le rapport Léger n'est pas au-dessus de la mêlée. C'est incompréhensible que la commission Léger ait imaginé ce JEL que comme un duplicata JDL. Alors que tout le monde est d'accord pour dire que ce JDL ne ressemble à rien.
Voilà , c'était ma minute "je suis fier de la technicité totalement dingue de ce blog" !
Là dessus, je m'en vais convaincre un innocent d'avouer, et je reviens.
Je reprends ma version de l'affaire d'Outreau post rapport Léger.
Nous sommes des mois et des mois plus tard. Me Delarue assiste son client huissier devant la CEL pour obtenir la mise en liberté de don client . Me Delarue entend faire valoir les vices, selon lui, de l'enquête du procureur.
après une très longue plaidoirie de Me Delarue démonte par exemple l’enquête qui cherchait à pousser le propre enfant de l’huissier à dénoncer son père
Selon les voeux de Me Dupond-Moretti qui a été particulièrement écouté par le président de la République, il a été finallement décidé une séparation entre les juges du siège et les préfets du parquet.
Parenthèse: il faut dire que pour l'opinion le Dupond-Moretti est devenu quelqu'un. En effet, il y a quelques années, quand le juge d'instruction existait encore et que le JLD n'était pas devenu un JEL, ce Dupond-Moretti avait mis en échec la carte maîtresse du dossier du procureur: les visions exaltées de l'expert psychologue. Ce procès retentissant jugeait un supposé réseau de notables accusés de viol et de proxénistisme sur mineurs.
En fait de notable, c'était vous, c'était moi. Tous nous pouvions nous y identifier au curé, à la boulangère, à l'ouvrier, au chauffeur de taxi, etc. De là le crédit et l'affection dans l'opinion accordés à Me Dupond-Moretti.
La qualité écrasante de cet avocat aux yeux du président de la République est qu'il passe tous les jours ou presque à la télé. En raison de cela, cet avocat devenu très médiatique a fini par convaincre le président de séparer le parquet du siège.
C'est donc acquis: séparation du siège et du parquet.
Et Me Delarue plaide devant la Chambre de l'enquête et des libertés pour son client huissier.
Le souci: bien qu'il soit désormais interdit aux préfets-procureurs et aux juges du siège de déjeuner ensemble à la cafétéria; il n'est pas interdit au président de la CEL de déjeuner, de dîner, voire plus, avec les psys, les socio-éducatifs, les professeurs d'université, bref avec toutes les grandes et petites mains qui alimentent en dogmes le cercle de la raison plus présent que jamais dans les médias.
Il n'y a pas un jour sans que nous ayons par exemple dans C'est mon choix le témoignage: j'ai été violé par mon père. Et puis les séries télé ont mis en avant un personnage récurrent: le serial violeur violé dans son enfance. En plus du bio et du principe de précaution partout, voilà donc un des paysages intellectuels dominants de l'époque.
Le président de la CEL, produit de cette culture de bazar depuis que les juristes ne maîtrisent plus le latin et sont recrutés majoritairement dans les instituts de sciences politiques plutôt qu' à Normale Supérieure et dans les universités du droit, est en phase et en communauté et connivence de vue très étroites avec le cercle de la raison, lui-même issu majoritairement des instituts de sciences politiques et médiatiques, tout comme l'est la majorité du personnel politique.
Me Delarue peut plaider des heures. Le président de la CEL, tout comme le procureur, décidera en fonction de la décision des experts psychologues les plus proches du dogme médiatique du moment. Car son univers culturel intellectuel est devenu celui-là . Dans les limites de celui-là .
Question: comment séparer à présent les procureurs et les juges du siège des cercles de la raison ?
Dider, je ne veux pas vous casser le moral.
Mais la proposition de jurés populaires prévus dans le rapport Léger pour les procès correctionnels ne répond qu'à une motivation utilitaire. Aucune vision, aucune philosophie, aucun principe ne sous-tendent et ne structurent cette proposition. Sauf l'idée de dégager du temps supplémentaire pour les magistrats professionnels. Comme si le temps passé dans les procès pour ces magistrats n'était au fond qu'une sorte de contrainte assez inutile et une pure formalité.
Alors que là aussi depuis Outreau les observateurs du monde judiciaire se sont accordés pour dire que l'audience est fondamentale pour permettre le contradictoire et la manifestation de la vérité.
Alors pour suivre votre idée.
Nous avons donc des juges amateurs dans l'audience où Me Delarue après une très longue plaidoirie, démonte par exemple l’enquête qui cherchait à pousser le propre enfant de l’huissier à dénoncer son père
Voilà deux ans que son client huissier est en prison. Le juré Véronique se dit que si la justice a maintenu en prison aussi longtemps c'est qu'elle a de fortes présomptions quant à la culpabilité du client de Me Delarue. Difficile d'envisager pour le juré Véronique qu'autant de professionnels puissent se tromper ensemble aussi lourdement.
Le juré Véronique a été particulièrement remuée par la plaidoirie de Me Delarue. Le rapport de l'expert psychologue constitue en fait la seule enquête de ce dossier. Me Delarue a certes sérieusement fragilisé le travail de l'expert. Seulement voilà , Me Delarue n'a pas pu interroger cet expert au cours de cette audience devant le CEL. Ce n'est absolument pas prévu. Du reste aucun des enquêteurs ne seront là pour exposer la méthologie de leurs enquêtes.
Je ne vois pas comment dans ces conditions un avocat aussi talentueux possible peut convaincre un juré populaire avec seulement une plaidoirie, sans la présence des protagonistes de l'enquête et de l'instruction du procureur.
Si vous relisez les comptes rendus presse du procès d'Outreau, l'insignifiance intellectuelle et les méthodes de travail bricolées de l'expert psychologue principal de l'affaire sont apparus à tous quand Me Dupond-Moretti à sérieusement interrogé ses méthodes de travail. Ce que personne visiblement n'avait songé à faire avant le procès.
De la même façon, les témoignages des assistantes maternelles ont explosé car des avocats leur ont posé les bonnes questions en live.
J'essaie de résumer en rapide Outreau post proposition Léger.
Votre procureur, en réalité, voilà des années que des services sociaux lui adressent des courriers parce qu'ils suspectent un couple de faits d'inceste et de viols sur leurs enfants. Cependant, compliqué, difficile, lourd pour le procureur de faire aboutir ces signalements. Et puis, d'autres priorités pénales animent le GDS et ses préfets-procureurs généraux.
Mais voilà que l'air du temps médiatique se transforme: le GDS est devenu tout entier attentif et à à l'écoute appuyé des lobbies des psy, des associations, des sommités du cercle de la raison qui affirment à l'unisson partout, tout le temps dans les medias, que ce soit dans des débats un peu haut haut de gamme ou dans C'est mon choix ou chez Mireille Dumas qu'en gros, eh bien nous sommes tous dans notre inconscient le plus obscur des enfants abusés, et en gros nous sommes tous des adultes abuseurs qui s'ignorent.
Le GDS donc, dont la priorité principale en matière de politique pénale est avant tout, et pour rien au monde, de ne pas rater le train médiatique de ce nouveau dogme, travaille depuis peu à mettre sur pied un projet de loi qui valide l'idée que la parole des enfants ne peut être que crédible.
Les instructions de la chancellerie sont claires: la chasse tous azimuts aux pédophiles est ouverte, car pense le GDS, il faut illustrer pour la société notre détermination à éradiquer la pédophilie, sans cela nous aurons contre nous une guerre médiatique du pire effet.
Voilà donc notre procureur plutôt passif sur le dossier du couple abuseur qui va désormais devoir se surpasser pour appliquer à la lettre les consignes du GDS relayées par son parquet général.
En termes de direction d'enquête policière sur les agissements suspectés du couple de parents, les choses vont se réduire à accuser réception des témoignages des enfants mis en forme par des assistantes maternelles poussées à la roue par leur hiérarchie mobilisée comme jamais. Grâce à ces témoignages récoltés et adressés en brut à la justice, le cercle des violeurs présumés s'élargit aux voisins, et à toux ceux qui de près, de loin, de très, très loin même, ont eu des rapports directs ou très, très indirects avec cette famille. On trouve donc un curé voisin, une boulangère, un couple huissier + infirmière, dont le tort est que leurs enfants fréquentent à l'école les enfants abusés par leur parents . Même que quand les assistantes maternelles font les courses au supermaché avec les enfants, tous les clients sont reconnus et dénoncés comme pédophiles.
Autant vous dire que le GDS exulte. La mise en image et en récit médiatiques de sa croisade est désormais assurée. Non seulement nous avons des parents pédophiles, mais mieux encore, aux dires désormais surmédiatisés de notre procureur, c'est un réseau à portée internationnale qui va être ainsi demantelé. Préparez les caméras, on va voir ce qu'on va voir.
"Le JEL, qui a une autre légitimité, reçoit le dossier et se demande s’il existe des charges suffisantes. A Outreau, suffisantes sont les charges pour les parents incestueux. Témoignages, aveux, films pornos, etc. En revanche, malgré l’ampleur des dénonciations des enfants, il y a un problème pour le chauffeur de taxi, la boulangère, l’huissiuer, le curé, etc." (votre post, en gras c'est moi)
Sauf que le débat du JEL n'est absolument pas de se demander s'il existe des charges suffisantes. Cela, c'est le rôle de l'accusation... qui doit instruire à charge et à décharge.
Le rôle du JEL "est de statuer sur un certain nombre de choses, la liberté notamment, et d’autres actes lourds et coercitifs "(Maître Mô) comme le JLD des années passées. C'est à dire sans pouvoir de contrôle sur les modalités de l'enquête et sur les enquêteurs, sans assister aux auditions, avec comme critères pour décider par exemple d'une détention les mêmes que ceux del' ex JLD. Et des avocats le plus probablement commis d'office qui n'ont ni les moyens, ni la formation de ce qu'est une contre-enquête policière.
Et puis, par exemple, au journal de 20 heures, le procureur dont les décalarations encadrées et mises au point par les attachés de presse et les chargés de com, se succèdent tous les jours à la télé - ordre du GDS, dont la logique n'est pas d'informer nos concitoyens au sujet d'une politique pénale raisonnée, réfléchie et maîtrisée, mais dont la stratégie se résume à l'obsession d'une illustration à la télé de la volonté pénale du président de la République, donc votre procureur-instructeur vient de dire à la télé que cette affaire est celle du siècle. Le rôle du JLD sera d'évaluer les choses par exemple... à l'aune du trouble causé à l'ordre public.
Voilà ma version rapport Léger d'Outreau. Croyez-moi, ce n'est pas parce qu'il serait interdit au JEL et au procureur de déjeuner ensemble à la cafétéria que seront évitées les années de détention provisoire qui attendent le curé, la boulangère et l'hussier.
Votre JEL ne les rencontrera même pas.
ps: pas de malaise à évoquer Outreau. Le porte parole du gouvernement hier soir à la télé n'a pas parler que de ça pour justifier la réforme envisagée.
Tout ça peut se passer autrement. D'abord, depuis une quinzaine d'années, les journalistes ont pris l'habitude, généralement, de ne discuter d'une affaire en cours que, uniquement pour certains, avec le procureur ou les policiers. Seul, le procureur a le droit de communiquer avec la presse. C'est une aberration, mais c'est comme ça. La télé, par exemple, ne peut faire de l'image que de l'accusation dans son petit bureau.
Si un juge, éventuellement entouré d'échevins, dit, devant les caméras, la chose suivante: Cet huissier, il n'y a rien de tangible contre lui, je le libère parce qu'une histoire comme ça (accusations uniquement basés sur des témoignages d'enfants traumatisés), ça peut nous arriver à tous: instituteurs, assistantes maternelles, infirmières scolaires voire juge des enfants... Je dis que ça peut se passer comme ça: deux logiques, deux images...
Comme beaucoup de commentateurs, chère Véronique, vous reprenez l'image qui évidemment fait rire: l'accusation qui instruit à charge ou à décharge (sous-entendu, c'est encore pire que le juge d'instruction qui, déjà , n'avait pas trop tendance à instruire à charge et à décharge). Je pense que c'est une comparaison qui ne marche pas car il peut être très clair que l'accusation n'a que le rôle d'apporter des charges suffisantes
tandis que le JEL n'a que le rôle de dire si les charges sont suffisantes et de réagir en conséquence.
Je ne sais pas si ça va se passer comme ça mais le journaliste le plus obtus peut être capable de comprendre ces deux fonctions totalement différentes. Sur une affaire en cours, il y aurait donc deux logiques parfaitement identifiables, filmables, etc.
Reprenons l'exemple de l'huissier d'Outreau. Pour avoir une vision différente sur son cas, il fallait aller voir son excellent avocat: Me Hubert Delarue, du barreau d'Amiens. A peu près personne ne l'a fait. Ou aller, si le président daignait laisser publique son audience (c'est son bon plaisir dans la loi actuelle) de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai au moment où Me Delarue vient plaider la remise en liberté de l'huissier d'Outreau.
Inutile de dire que presque aucun journaliste ne connaît le fonctionnement d'une chambre d'accusation. Tout est fait d'ailleurs pour décourager l'éventuel curieux: un petit bureau, pas indiqué, pas de programme affiché, pas de certitude que l'audience sera publique, un président qui demande au journaliste qui entre qui il est et quatre magistrats, assis côte à côte, qui font face à l'avocat, l'écoutent distraitement et tranchent. Des collègues, des fonctionnaires identiques...
Dans le cas de l'huissier, après une très longue plaidoirie de Me Delarue où il démontait par exemple l'enquête qui cherchait à pousser le propre enfant de l'huissier à dénoncer son père, je peux vous répéter textuellement les mots de l'éminent magistrat qui servait ce jour-là de procureur: je sais bien, maître, mais trouble gravissime à l'ordre public.
Rien, pas un mot de plus, même pas une phrase construite pour demander le maintien en détention de l'huissier qui, à l'époque, était en grève de la faim et ne pesait plus que 45 kilos et dont les médecins de la prison de Fresnes expliquaient qu'il était en grand danger... L'article paru le lendemain dans Nord-Eclair n'a eu aucun écho...
Le JEL qui siège en public, ça aurait une autre gueule. Evidemment, il faut que ce JEL n'ait strictement plus rien à voir avec le procureur: carrières totalement distinctes, interdiction de passer du parquet au siège, statuts différents, échevins, publicité obligatoire des débats, etc. Et, sous certaines conditions, possibilité de filmer la prise de position et les explications du JEL: au moins, la télé aurait une autre image...
Je ne dis pas que vous ayez tort comme je ne suis pas sûr d'avoir raison. Mais, une partie des errements judiciaires n'est-elle pas dû à notre conception quasi religieuse de l'intégrité professionnelle. Qu'est-ce qu'un juge d'instruction qui instruit à charge ou à décharge sinon une sorte de prêtre de la vérité qui, une fois pour toutes, ferait tout pour la sortir toute nue du puits? J'aime assez les conceptions plus au ras des pâquerettes: l'accusation apporte son gros dossier et les preuves de ce qu'elle avance et, en face, un(e) juge qui n'a rien à voir avec le procureur trouve, ou non, que c'est suffisant. Ce juge a tous les pouvoirs pour lui dire que ce n'est pas bon. Attention, je dis bien quelqu'un qui n'a plus rien à voir avec le procureur: ils ne sortent plus de la même école, ils ne peuvent plus jamais être mutés de l'accusation au siège et réciproquement, ils ne mangent plus dans la même cafétaria, ils n'ont plus la même légitimité...
Je pense simplement que la nouvelle formule d'instruction proposée par la commission Léger reproduira et généralisera les dysfonctionnements graves tels que ceux qui se produits dans l'affaire d'Outreau. Je ne demande qu'à être contredite.
Le rapport de la commission parlementaire d'Outreau insiste beaucoup sur la communauté de vues entre le procureur et le juge d'instruction, reproduite au mot près dans les documents du dossier établis par l'un et l'autre. L'instruction du juge Burgaud n'a consisté qu' à calquer la thèse initiale du procureur Lésigne tout à sa mythologie de pédophiles et de réseaux partout. Mon idée est de dire qu'en réalité le drame des acquittés d'Outreau a été d'être confronté à une justice sans juge d'instruction.
Dans l'affaire de Toulouse, la chance de personnes mis en cause a été d'avoir bénéficié d'un juge d'instruction avec des pouvoirs d'enquête, et indépendant du procureur.
Les affaires d'Outreau et de Toulouse ont en commun d'avoir eu des procureurs incapables de diriger et de maîtriser sérieusement et professionnellement des enquêtes.
Les mêmes membres du comité considèrent, en effet, que le recours à l’instruction préparatoire n’est souvent qu’un moyen d’obtenir des mesures privatives de droits ou intrusives, sans doute nécessaires à la manifestation de la vérité ; mais ils relèvent que l’intervention d’un juge, pour tous les autres aspects de l’enquête, ajoute peu au travail de la police judiciaire." (billet Maïtre Mô)
Eh bien, c'est ce qui s'est passé pour Outreau, puisque question approfondissement des enquêtes initiales, il ne s'est pour ainsi dire rien passé pendant trois ans. Seule l'enquête initiale du procureur a compté.
Dans l'esprit des procureurs, à Outreau les enfants disent forcément la vérité, à Toulouse ce sont les prostituées qui disent forcément la vérité. Tout ceci matiné de grossières références à une psychanalyse de bazar dont les enquêteurs appliquent à la lettre les théories fumeuses en se transformant en de simples sténo dactylo des déclarations. Vérifier ce qui est dit, les enquêteurs n'y pensent même pas.
Alors l’accusation (qui) apporte son gros dossier et les preuves de ce qu’elle avance et, en face, un(e) juge qui n’a rien à voir avec le procureur trouve, ou non, que c’est suffisant. me laisse assez perplexe...si ce juge n'a pas de pouvoirs sur les enquêtes.
Par ailleurs, quand nous lisons le rapport de la commission parlementaire d'Outreau nous voyons bien l'effet gaget du JDL. Je pense que le juge de l'enquête et des libertés reproduira le même effet gadget...mais en plus gros encore.
Outreau devrait franchement compter comme point Godwin dans tous ces débats. Mais j'avais effectivement l'intuition que quand la machine judiciaire pèche par excès, ce n'est pas la nouvelle structure qui va arranger les choses.
De plus, il faut se rappeller que montrer que la structure actuelle n'a pas su empècher Outreau ne prouve pas que n'importe quelle autre structure serait meilleure. On ne peut pas tenter de nouvelles formes de structure judiciare comme on teste un produit différent dans chaque tube à essai.
Si je reparle d'Outreau c'est parce que le gouvernement a surexploité l'affaire d'Outeau pour noous vendre la disparition du juge d'instruction.
Je pense qu'il est assez utile de lire ou de relire le rapport de la commission parlementaire créee à la suite de l'affaire d'Outreau.
Perso, j'adore ce témoignage extrait du rapport parlemenntaire:
Mme Jocelyne Rubantel a décrit de façon tout aussi précise le malaise de ce magistrat « dépourvu de sensations » trop seul face à son « dossier papier » : « La loi a fait du juge des libertés et de la détention un juge dépourvu de sensations. Ayant passé dix années dans des fonctions pénales, je me suis rarement sentie aussi mal à l'aise que dans celles de JLD. J'ai entendu des acquittés qui disaient : « mais enfin, quand même, ces JLD qui rejetaient mes demandes de mise en liberté, je ne les ai jamais vus ». Je me disais : « mais moi non plus ! Je ne les avais jamais vus ». J'ai découvert physiquement ceux qui ont été condamnés ou acquittés à la télévision, au moment du procès de Saint-Omer. Jamais je n'avais jamais vu aucun d'eux. Jamais je n'ai pu me faire une autre idée que celle du dossier papier, avec ses cohérences et ces incohérences. Un juge dépourvu de sensations peut-il vraiment bien juger ? »
3 Instituer un juge de l’enquête et des libertés disposant de pouvoirs importants.
Alors là c’est pas compliqué : il y a actuellement un juge des libertés et de la détention qui statue sur un certain nombre de choses, la liberté notamment, et d’autres actes lourds et coercitifs, et un juge d’instruction qui statue sur les autres choses,, les actes notamment tous deux à charge d’appel devant la Chambre de l’Instruction : le rapport préconise qu’on fasse tout pareil, en remplaçant "juge d’instruction" par "procureur", "juge des libertés et de la détention" par "juge de l’enquête et des libertés", eh oui nuance, et "chambre de l’instruction" par "chambre de l’enquête et des libertés" -j’exagère et simplifie, moi, puisque le nouveau JEL pourrait aussi surveiller le procureur et statuer si l’on comprend bien sur tel ou tel point de son travail d’enquête (d’où son nom, non ?), ses décisions étant elle-même rendues si j’ai bien suivi à charge d’appel devant la CEL(6) . (billet de Maître Mô)
Le JEL va reproduire à mon avis les mêmes défauts que le JLD.
Je ne vois pas comment un JEL va pouvoir équilibrer le pouvoir du procureur alors qu'il n'interviendra qu'épisodiquement, par à coups, sans une connaissance du dossier et des protagonistes.
À part ça, oui, Outreau a été ridiculement utilisée dans ces histoires. Le JU était trop seul. Mieux partager les rôles entre le JU et le JLD aurait été une bonne idée.
Au lieu de ça, on donne au proc les pouvoirs du JU. Donc, il n'y avait déjà pas assez d'hommes, on passe de 3 à 2.
Au fait, on remarque que le juge chargé de mettre les gens en prison est passé de "juge des libertés et détention" à "juge d'enquête et des libertés". Non non, ne voyez aucune ressemblance avec la manière dont le ministère de la guerre est devenu ministère des armées, puis de la défense, et dans 1984, ministère de la paix.
D'ailleurs on devrait renommer le procureur "magistrat de l'amour".
Après le point Outreau, je m'attribue un point Orwell.
Quant on pense que la loi sur la collégialité de l'instruction devant prendre effet le 1er janvier 2010 a été repoussée au 1er janvier 2011.... On n'attend même pas de voir ce que cette évolution donnera et on propose tout à fait autre chose. Au final, on s'était rendu compte que l'isolement du juge d'instruction était peut-être source d'erreur d'où cette proposition de collégialité qui permettait d'avoir plusieurs regards sur un même dossier. Or, ce qui est proposé vient en contradiction avec cela puisque qu'on aura à nouveau une personne seule chargée de l'enquête (instruction), le JEL ne s'assurant que du contrôle.
On peut voir aussi les choses ainsi. D'abord, c'est clair: le procureur qui dirige la police et la gendarmerie enquête sur les dénoncions des enfants. C'est clair, c'est l'accusation, ce sont ceux qui doivent ramener suffisamment de charges (pour mettre en examen et incarcérer) et suffisamment de preuves pour renvoyer devant la cour d'assises. En face, il y a un juge de l'enquête qui possède une autre légitimité. Son boulot, ce n'est pas de dire si son collègue procureur est un bon collègue. Ils ne sont plus collègues, ils ne peuvent plus jamais passer du parquet à la magistrature assise comme c'est le cas aujourd'hui.
Le jour où, dans leurs petits bureaux le soir au palais de justice de Boulogne, on les surprend à parler entre eux -procureur et juge- comme des vieux copains, ils sont virés! Virés comme lorsqu'on s'aperçoit que des jurés discutent avec l'avocat général lors d'une suspension d'audience aux assises.
Le JEL, qui a une autre légitimité, reçoit le dossier et se demande s'il existe des charges suffisantes. A Outreau, suffisantes sont les charges pour les parents incestueux. Témoignages, aveux, films pornos, etc. En revanche, malgré l'ampleur des dénonciations des enfants, il y a un problème pour le chauffeur de taxi, la boulangère, l'huissiuer, le curé, etc. Ce sont des quinquagénaires jamais condamnés, qui n'avouent jamais et où il n'existe aucune charge mêmle très indirecte: un parcours du taxi bizarre, un godemiché saisi chez le curé, un témoignage indirect, un petit précédent... Rien, il n'y a rien. Que des "paroles verbales" d'enfants traumatisés et réellement abusés par des parents incestueux. Là , le JEL dit: . Voilà comment on peut interpréter la réforme.
Aujourd'hui, la connivence entre l'accusation et la magistrature assise n'est plus supportable. C'est d'ailleurs ce que disat la gôche voici 20 ans...
Voilà , le rôle du JEL, aisément compréhensible, entouré d'échevins populaires si possible et qui, évidemment, tient une conférence de presse pour expliquer sa position (actuellement, le monopole de la communication avec la presse est laissé scandaleusement, chez les magistrats, aux procureurs). La réforme de la commission Léger, si c'est ça, ça me plaît.
La collégialité, pourquoi ça ne marche pas... Parce qu'elle est envisagée pour couvrir les gros dossiers. Donc, ça ne change rien: on confond le travail du juge d'instruction, qui instruit à charge et à décharge, et le travail du procureur (et de l'enquêteur) dont le rôle est de trouver des preuves contre des présumés coupables. Selon moi, un juge (un JEL pour reprendre la terminologie de la commission Léger) intervient uniquement pour voir si les charges sont suffisantes pour incarcérer, investiguer, attenter à la vie privée, renvoyer devant la juridiction de jugement. C'est un rôle "technique" fondamentalement différent.
Il ne dépend d'aucune hiérarchie, il n'ira jamais poursuivre sa carrière au parquet et, si le procureur prend à témoin la prétendue opinion publique, il s'adresse lui-aussi au peuple et explique qu'on n'est pas du tout sûr qu'il s'agisse de coupables...
Peut-on espérer un JEL qui soit un véritable contrepoids alors que cette "connivence entre l’accusation et la magistrature assise" est entérinée par une fusion ?
Sinon, bien sûr que chaque système a son Outreau. Ce qui m'horripile, c'est que les partisans de la réforme pensent pouvoir que citer ce nom suffit, et ne prennent même pas la peine de prétendre démontrer comment le nouveau système éviterait ça.
Et je suis tout à fait d'accord que la réforme va exactement dans le sens contraire de la recommandation évidente.
Avant même que vous ne publiiez ce billet, j'avais envie de vous demander si, vu ce que vous disiez dans "Inviter Fred à se taire", vous pensiez que la dépénalisation de la violation du secret n'allait pas justement dans le mauvais sens. Gagné.
Grand moment de rire, les enquêtes policières à charge et décharge. Je vois d'ici les policier tabasser un suspect par roulement horaire tout au long de la garde à vue, une heure pour lui faire avouer qu'il est coupable, une heure pour lui faire dire qu'il est innocent.
Cependant, malheureusement pour vous, vous restez un juriste. En tant qu'ex-linguiste actuellement pénitentiaire, je pourrai vous résumer le rapport Léger ainsi : "ça pue du sboub".
Je développerai (tout de même) cette synthèse en deux sous parties pour faire plaisir à l'ex étudiant de Droit qui sommeille sur son CPP en vous :
- pourquoi ça pue du sboub : parce que les droits de la défense sont diminués, que le système américain est malproprement copié, parce que l'indépendance de la Justice en prend un dans les parties, entre autres.
- pour qui ça pue du sboub : pour tout le monde que vous avez si brillamment cité et y compris pour moi, agent pénitentiaire, parce qu'un procès mal vécu, mal compris est souvent la base d'un amendement raté et donc d'une réinsertion compromise.
Voilà . Alors, faut pas vous échinez comme ça à des heures indues. Demandez moi, je vous ferai vos synthèses. J'attends avec impatience la loi pénitentiaire.
Serviteur, (serviteuse ?)
Comment ais-je pu rater ce commentaire qui dit tout, Émilie, je l'ignore, et je m'en veux terriblement ! Vous résumez parfaitement et la situation, et mon point de vue.
Je me retire dès lors sur la pointe des pieds, avec juste une minuscule remarque : si je suis bien renseigné, on dira maintenant plus volontiers "sboubi" -c'est pas le tout de travailler en détention, faut rester hype !
J'attends de même la loi pénitentiaire, sans douter un instant, notamment au regard des dernières déclarations de MAM, d'un contenu... N'ayant plus rien à voir avec le projet initial -j'ai eu l'occasion d'en parler avec un sénateur un peu concerné, je crois que l'idée de départ était sincère -malheureusement pour lui, pour eux tous, pour vous et pour les détenus : à suivre, vous me ferez votre exégèse exclusivement en argot "du dedans", tiens, ça n'y changera rien, mais ça nous fera sourire !
J'avais oublié par contre de vous remercier ô combien grandement sur votre commentaire pour le mot "décisoire". Lorsque j'ai découvert ce mot à mon arrivée à l'ENAP, la linguiste en moi a saigné. Pourquoi, grands dieux, inventer des mots aussi laids ? Je pense également à "transfèrement" ...brrr...
Il y a des gens pour qui la peine de mort devrait être rétablie.
Quant à la loi pénit', dès qu'elle sort, je vous en parle. Je peux déjà effectivement dire sans trahir l'esprit de cette loi qu'elle mettra en place des protocoles improbables et impraticables sans rajouter de moyens humains et financiers... mais foin de "spoiler", attendons avec patience.
Je voudrais en faire le titre d'un prochain article.
Mouarf !
Je fonctionne
Tu fonctionnes...
Il..
D'abord, à propos de l'introduction de jurés tirés au sort aux côtés des juges en matière pénale, ça se fera tôt ou tard pour des raisons de légitimité: dans une démocratie, il y a deux ou trois façons d'être légitimes et c'est soit l'élection, soit le tirage au sort, soit la désignation sur des listes de gens présumés un peu au fait de la question comme ça se pratique dans les tribunaux pour enfants, pour les affaires sociales, les baux ruraux, d'une certaine façon les prud'hommes, etc.
Evidemment, les fins juristes vont me citer tout un tas de cas où la "base" ne comprendrait rien... Parce que, n'est-ce-pas, c'est très technique. C'est vrai que le juré de base aurait du mal à comprendre pourquoi l'énorme fraudeur fiscal ou l'escroc immobilier s'en sort avec du sursis alors que, dans la salle d'audience à côté, le petit voleur récurrent se prend deux ans ferme.
Effectivement, il y aurait des approximations mais l'écoute de l'impression du juré de base pourrait être intéressante très souvent. Pour énerver tout le monde, citons l'affaire d'Outreau: je crois dur comme fer qu'un honnête homme (ou femme) n'aurait jamais cru que brusquement un curé, un huissier, une boulangère, un chauffeur de taxi (etc) quinquagénaires, jamais condamnés et jamais soupçonnés pouvaient brusquement devenir des serial violeurs d'enfants sans jamais laisser la moindre trace ne serait-ce que très indirecte et sans jamais avouer malgré trois années de prison "provisoire"...
Par ailleurs, je ne crois pas que la "base" serait mécaniquement plus sévère que les juges professionnels. Aux assises qui peut en faire globalement la démonstration? On invoque toujours, dans les milieux privilégiés, l'opinion publique qui serait prête à créer des milices partout, à voter Front National massivement, à se déchaîner contre les immigrés. Alors que, dans les faits...
Reprenons l'affaire d'Outreau. Qui hurlaient? Où sont les manifs, les pétitions, les pierres jetées dans les maisons des "pédophiles"? Nulle part... Par contre, on pourrait rappeler la teneur de certains articles, l'unanimisme des magistrats, les hurlements de certaines parties civiles professionnelles et subventionnées, les propos des assistantes sociales, les délires de certains psychologues...
Lorsque vous citez Outreau, je ne suis pas sûr qu'un juré-juge aurait tenu ce type de raisonnement. Les médias et son corollaire, "l'opinion publique" participent aussi à l'intime conviction que peut se faire un non-professionnel du droit et de la justice. Sur l'instant l'opinion était faite, avec le recul elle était différente. La justice "d'urgence" proposée par le rapport Léger ne va donc pas dans le bon sens.
Ainsi le doute s'est-il installé depuis plusieurs semaines sur le comportement de la mère de la petite Typhaine qui a disparu au mois de juin à Maubeuge. Ce doute est véhiculé parfois involontairement et maladroitement par les médias locaux, mais resté ancré dans les mémoires.
Et aussi Didier, une classe politique dans sa totalité totalement acquise au mythe de la pédophilie , expression employée par le procureur Lesigne au moment de son audition par le CSM. Les affaires sensibles sont aussi celles qui touchent aux dogmes et aux politiquement corrects du moment. Et là , vous, moi, n'importe qui peut y être confronté et accusé du pire.
En dépit des apparences, je ne suis pas loin de penser que le traitement judiciaire de l'affaire d'Outreau est la préfiguration du danger que représente une justice sans juge d'instruction.
Je veux dire que dans cette affaire, c'est bien l'absence d'une culture de l'enquête et de l'instruction qui constitue pour moi un des noeuds essentiels de ce fiasco - à charge, à décharge, absence de contrôle sérieux des éléments apportés par les policiers, lesquels avaient délégué leur mission d'enquête à des assistantes maternelles et des auditions d'enfants à un personnel très peu et non formé -. Le dogme avait pris toute la place. Ce sont par exemple les experts psychologues qui décidaient pour le juge de l'opportunité à faire des confrontations au moment de l'instruction. Des confusions et des délégations de rôles et de fonctions à tous les niveaux.
La fonction du juge s'est totalement confondue avec celle du procureur, l'accusation. Le parquet était un instrument du dogme politique et médiatique du moment en matière de pédophilie: la parole des enfants (le dogme politique), le réseau de notables (le dogme médiatique)
Tous les acquités d'Outreau ont exprimé leur incrédulité et leur stupéfaction à voir s'exercer à leur encontre une justice sans juge - celui-ci étant devenu une copie du procureur - et sans instruction.
Je pense que la commission Léger a lourdement sous-estimé l'existence d'une espérance populaire forte pour qui se trouve confronté à la justice, et qui compte beaucoup dans l'imaginaire d'un justiciable, celui de pouvoir compter sur l'existence d'un acteur judiciaire impartial. Un juge.
Ce qu'il y a de très intéressant dans le billet de Maître Mô c'est l'idée que la justice pénale avec cette réforme va devenir pour tout ce qui lui sera soumis le théâtre d'un énorme n'importe quoi.
Je suis magistrat du parquet, et je passe mes journées au téléphone avec des enquêteurs dans le cadre du traitement en temps réel.
j'ai l'impression d'aborder les enquêtes qui me sont exposées "à charge et à décharge" (ne riez pas !). C'est à dire que je vérifie si les éléments qui me sont exposés suffisent à caractériser une infraction (il arrive que des brigades éloignées de la civilisation moderne nous téléphonent pour nous exposer que le chien de Mme MICHU a mordu le chat de Mme TARTEMUCHE, alors là je crie : NON pas de garde à vue pour Mme MICHU ni pour son chien - oui je sais je fais un métier passionnant) et s'il y a bien infraction , je me demande s'il existe suffisamment de preuves contre la personne qui se trouve en garde à vue. Et je vais dire un gros mot : parfois je classe sans suite, et cela ne me fait ni chaud ni froid.
Je ne suis pas favorable à la disparition des juges d'instruction (égouïstement c'était le prochain poste que je voulais demander !) mais le Parquet qui enquête ce n'est pas forcément la volonté de poursuivre à tout prix les personnes interpellées par la police ou la gendarmerie. J'espère simplement que le principe de l'opportunité des poursuites, qui se délite tous les jours un peu plus, va quand même demeurer un principe fondamental de notre système.
Ceci étant, je vous indique que la lecture intégrale du rapport est rébarbative, mais contient pas mal de "par ces motifs" que j'ai outrageusement shuntés pour des questions de place, je le reconnais bien volontiers, et vous laisse le soin d'aller y jeter un œil si la perm' se calme...
Je vais vous répondre, lâchement je sais, c'est mon métier à moi, par une de vos phrases : "je vérifie si les éléments qui me sont exposés suffisent à caractériser une infraction [...] et s’il y a bien infraction , je me demande s’il existe suffisamment de preuves contre la personne qui se trouve en garde à vue" : nous sommes bien d'accord, ce sont les termes, en tout cas actuels, de votre mission à ce stade.
Je crois connaître les conditions dans lesquelles vous exercez votre métier, et je les trouve médiocres, premier point . Je pense que la réforme envisagée les aggravera.
Mais surtout, vous soulignez ce que je disais plus haut : vous caractérisez l'infraction et vérifiez son imputabilité, c'est tout. C'est en cela qu'il est impossible de parler d'enquête "à décharge" : quand je défends le type que vous avez poursuivi, je vérifie les mêmes éléments, et le cas échéant les discuterai, mais je vérifie en outre tout le reste : le contexte, le pourquoi, la vie, les circonstances, les conditions...
Vous me direz que vous ferez le même travail à l'audience, ce qui est -pas toujours mais souvent- vrai, et ce pour adapter vos réquisitions.
Je vous répondrai que c'est trop tard, et que ça le sera bien plus en matière criminelle.
Sauf une révolution des mœurs du Parquet, possible mais improbable en France à mon avis, votre permanence, chargée, pressée et...? "qualifiante", deviendra d'abord la règle.
Contre laquelle nous n'aurons, nous, rien.
Ils me font marrer, les avocats qui rappellent que le juge d'instruction est au centre de leurs critiques depuis des décennies... Et le proc ? On n'en dit jamais rien, en CI, après instruction ou ailleurs ? C'est notre antagoniste parfait, naturel, et l'on accepterait d'un coup qu'il soit aussi notre "directeur d'enquête" ? Pardon, votre commentaire appelle tout sauf cette dirgression.
Sur l'opportunité des poursuites, le Comité la maintient, après avoir constaté qu'ailleurs et quand elle n'est pas proclamée, on s'arrange pour l'appliquer tout de même.
La question, c'est comment on l'arbitre, et comment on la rend lisible.
Là où on souhaite l'étendre à tout, il aurait pu être... Opportun, à mon sens, de la soumettre à un avis juridictionnel, en amont, systématiquement, parce que personne n'y comprend rien : on classe des trucs invraisemblables, comme moult viols sur mineurs à Lille depuis Outreau (si un certain Enc*** de Proc me lit, qu'il me contredise !), on poursuit parfoisd des infractions dérisoires -mon photographe d'audience criminelle par exemple, on ne motive rien, c'est au petit bonheur la chance, et je ne parle même pas des affaires "sensibles"...
Que propose la réforme ? De faire pareil mais partout.
A mon sens, et pardonnez le raccourci, vous avez actuellement, j'en suis souvent conscient, ça m'évite d'être trop con dans mes critiques à l'audience, un métier de chien. On vous propose qu'il devienne un métier de chiottes.
Et foutez-moi le chien de Madame Michu à la barre, qu'il paye pour les autres !
Ne me lancez surtout pas sur l'affaire Fofana, je me retiens depuis le début -mais bon sang, comme certaines choses s'encastrent bien, n'est-ce pas..?
copyright chimulus
Parce que quand même lire MAM ( nouvelobs.com):
C'est totalement faux et je dirais que c'est insultant pour les magistrats (...) c'est faire peu de cas à la fois de l'honneur et de l'indépendance de ces magistrats", a affirmé Michèle Alliot-Marie.
Elle a assuré qu'en tant que garde des Sceaux elle n'avait "nullement la possibilité de donner une instruction de classer une affaire ou de ne pas poursuivre". "Je ne peux donner d'instruction que de poursuivre au contraire. Cette instruction doit être écrite, elle est dans le dossier et depuis que je suis arrivée j'ai exigé qu'elle soit motivée.
alors que le GDS n'a même pas porté la moindre attention à la position du parquet, et qu'elle a tordu la volonté du procureur général de Paris. Quelles étaient ses motivations ? Et puis très simplement, pour motiver une injonction encore faut-il y avoir réfléchi au moins une seconde . Non ?
Je pense que cette réforme va plutôt consacrer l'idée que les procureurs ne sont rien aux yeux des politiques.
@ Maître Mô
Ce que j'apprécie dans votre billet c'est que vous commentez la réforme envisagée à hauteur du simple justiciable. Les affaires politico-financières ok, mais c'est important d'expliquer aussi, comme vous le faites, quelles seront les conséquences de ce projet pour les justiciables du quotidien.
Je suis convaincue que cette réforme aura de graves conséquences pour les petites affaires, je veux dire pour les poursuites autres que celles qui concerneraient le monde financier et politique.
En revanche, pour les affaires "standard", l'énorme majorité, là ...
Tiens, par exemple, avec le nouveau système, et à part lorsque c'est obligatoire (crimes), on m'expliquera pourquoi un procureur ouvrirait une instruction, enfin son équivalent nouveau : pour se placer lui-même dans des contraintes irréalistes ? Il me semble qu'il y répugnera forcément...
C'est d'autant plus choquant que je le crois grand avocat -par ailleurs.
Je suis rarement en désaccord avec vous et aujourd’hui encore je vous approuve. Mais quand même j’aime bien ce genre de commission. Qui peut se targuer de faire passer en quelques minutes par autant de sentiments différents ? le rire, la peur, le perplexitéfinalement, il n’y aura bientôt plus de magistrats, mise à part le président de chambre, de tribunal pour jouer le rôle de surveillant.
Il y a une série complètement pourrie qui s’appelle « le proc ». Elle a quelques années déjà mais finalement elle était remarquablement visionnaire. Le procureur y fait l’enquête, au grand détriment du lieutenant de police qui en a marre de le voir poursuivre en courant le vilain voleur que l’on prend sur le fait. Il planque, comme les vrais flics, il va même jusqu’à s’infiltrer dans des milieux pas top pour confondre des dealers ! Il est au top ce mec. D’un autre côté on ne sait pas ce qu’i donne dans un tribunal, car on n’arrive rarement à ce niveau là bizarre. C’est quand même marrant. Mais je me méfie parce qu’il se prend aussi pour un expert façon horatio caine, alors je me demande s’il n’est pas prévu que les procureurs fassent aussi la police scientifique
Et ce n'est même pas dit pour rire, c'est réellement ça !
Je dois faire une intervention officielle de présentation lundi matin, vous venez de m'offrir un raccourci frappant... Merci !