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Lourd Léger !

Voilà , ça y est, la Commission Léger, dont le vrai nom1 est “Comité de réflexion sur la justice pénale”, a déposé hier son fameux rapport.

Je l’ai lu -si la version qui m’en a été adressée est bien la bonne- et j’ai du mérite, car je plaidais, hier, et qu’il fait 59 pages bien tassées tout de même : il fallait bien ça pour bouleverser la procédure pénale française, car c’est en gros ce dont il s’agit.

Il est assez compliqué à  résumer, sans tomber dans le travers consistant à  n’en retenir que les propositions-phares, déjà  éventées et débattues un peu partout, ce qui serait réellement dommage, car tout n’est pas totalement à  jeter à  mes yeux dans ce texte -à  part justement ces mêmes propositions majeures…

Allez, tentons quand-même l’exhaustivité, tout en tâchant de parler français, et non pas juriste -enfin, pas trop…

En réalité, vous l’allez voir, il me semble que ce rapport peut en gros être ainsi résumé : quelques bouleversements majeurs, donc, qui sont à  bannir absolument; et une foultitudes de bonnes plus petites idées, qui y figurent pour “compenser” lesdits bouleversements, ce qu’elles n’arriveraient nullement à  faire -mais qui en revanche pourraient être reprises telles quelles dès demain dans le cadre de notre système actuel, tout à  fait utilement.

Je prends le parti de ne mentionner que les modifications préconisées, sèches, en élaguant délibérément tous les exposés de motifs et autres considérations historiques, je n’ai pas la nuit devant moi (mais le texte lui-même sera très rapidement consultable un peu partout); je prends aussi le parti de vous dire à  chaque fois à  chaud ce que j’en pense, parce que c’est chez moi, ici !

A ce sujet, on partagera ou pas mon point de vue, mais une chose importe : c’est en tout cas celui d’un praticien du quotidien, “pénaleux plutôt que pénaliste”, et dont le regard vaut sans doute autant que celui de personnes qui ne sont pas entrées depuis des années dans une salle d’audience correctionnelle, moins encore un cabinet de juge d’instruction, hé hé, moins encore une Cour d’Assises, ou en donnent l’impression2, et ne savent de la réalité quotidienne judiciaire que ce que les chiffres leur en disent : rien.

Ce rapport ne concerne que la seule procédure pénale3, ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il ne toucherait que la forme : il s’agit d’une refonte générale de notre droit, dans son esprit notamment à  mon sens.

Il se décline en douze propositions, les premières concernant la phase préparatoire du procès (enquête et instruction), les suivantes la phase décisoire, mot d’une laideur absolue signifiant “le déroulement du procès”.

Je vous préviens, ça va être long, et assez fastidieux. Préparez du café…

I LA PHASE PRÉPARATOIRE

Cette machinerie commence par une introduction rappelant que la procédure pénale est notoirement instable, a été très souvent réformée, et que ça suffit comme ça, on va maintenant la stabiliser -en la réformant intégralement.

Sept propositions4 sont à  l’ordre du jour.

1 Transformer le juge d’instruction en juge de l’enquête et des libertés, investi exclusivement de fonctions juridictionnelles.

Essentiellement à  cause de sa double qualité de juge et d’enquêteur, c’est la fameuse suppression du juge d’instruction, remplacé par le parquet, qui serait plus adapté à  la fonction. Vous connaissez ce débat, qui a eu lieu partout, un peu même en mes divines pages…

Je veux, pour éviter d’y sombrer de nouveau, en tout cas pour l’instant, juste vous citer un bout littéral du rapport, qui dit tout à  ce sujet de l’état d’esprit du Comité :

“Les mêmes membres du comité considèrent, en effet, que le recours à  l’instruction préparatoire n’est souvent qu’un moyen d’obtenir des mesures privatives de droits ou intrusives, sans doute nécessaires à  la manifestation de la vérité ; mais ils relèvent que l’intervention d’un juge, pour tous les autres aspects de l’enquête, ajoute peu au travail de la police judiciaire.”

Voyez-vous, cette affirmation est atterrante, et démontre a l’envi la totale méconnaissance par le Comité de ce qu’est réellement une instruction standard -et de ce qu’est, aussi, une enquête policière initiale, mais sur ce sujet on va rire plus loin.

En tout cas, cette proposition est formulée par la majorité des membres du Comité, qui je le suppose ne déteste pas totalement notre Président de la République.

Le rapport cite tout de même des propositions minoritaires formulées dans ses rangs, ce qui est à  son crédit, et démontre que les minorités ne disent pas que des conneries : les uns souhaitaient ne toucher à  rien et au moins attendre que la loi post-Outreau instaurant la collégialité de l’instruction, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2011 (!), puisse produire ses effets -et ça semble évidemment la moindre des choses, non ? Et un autre, que les fonctions de juge d’instruction demeurent, mais réservées à  des candidats âgés et expérimentés en pénal, ce qui se discute.

2 Instaurer un cadre unique d’enquête.

Ça, c’est une fausse seconde proposition, puisque si on supprime l’instruction, ça dit qu’il n’y aura plus d’instruction, et que tout sera sous la direction du procureur, qui sera aussi la seule autorité de poursuite -parce que si on supprime le juge d’instruction, qui c’est qui rendra la décision de renvoi devant le Tribunal ou la Cour d’Assises, hein, je vous le demande un peu : ben oui, le procureur.

A cette occasion s’est engagé un débat inquiétant : le Comité continue à  refuser que le prévenu puisse faire appel d’une décision le poursuivant devant le Tribunal Correctionnel; même si c’est aussi le cas actuellement, j’ai toujours trouvé ça bien dommage; mais en matière de crimes, le Comité s’est posé la question du maintien du droit d’interjeter appel de la décision de renvoi, qui lui existe bien, merci Thémis ! Et le rapport nous dit que ses membres demeurent partagés sur ce point…

Ceci est une des nombreuses parenthèses extrêmement inquiétantes du texte, dont personne n’a à  ma connaissance parlé bien qu’elle figurât déjà  dans le pré-rapport : cet appel possible de la décision, qui joue votre vie, vous renvoyant devant une Cour d’Assises, est à  mes yeux fondamental et indispensable…

On parie que ce “partage” amorce sa future suppression ? Pourquoi ? Le rapport le dit aussi, c’est l’un de ses constants soucis : aller plus vite…

En revanche, la partie civile, en cas de classement, pourrait elle saisir le juge de l’enquête et des libertés5 dans tous les cas : sous prétexte d’équilibre entre les parties, il me semble qu’il y en aurait là  un de flagrant, mais passons.

Alors là , le rapport parle de “contrepoids” à  instaurer face au parquet devenu tout puissant. S’ensuit une série d’idées rigolotes, parfois exposées pour mieux les repousser, dont, subséquemment, aucune ne remplira jamais ce rôle prétendu en quoi que ce soit, mais il fallait bien faire un paragraphe là -dessus tout de même :

– je ne résiste pas au plaisir de vous la citer la première telle quelle, il est des fou-rires qu’on aime partager : “le comité souhaite que soit inscrit de façon claire dans la loi le principe selon lequel le parquet, ainsi que la police judiciaire, mènent les investigations « à  charge et à  décharge ». Ce principe, qui est déjà  une réalité, s’impose actuellement dans le code de procédure pénale uniquement au juge d’instruction”. Elle n’est pas fendarde, celle-là  ?

– substituer la légalité des poursuites à  l’opportunité des poursuites : ça se discute, mais non.

– rattacher la police judiciaire à  l’autorité judiciaire : ça se discute, mais non. En revanche, mieux associé le procureur à  la gestion de la police, oui -on m’expliquera en quoi c’est un “contrepoids” aux pouvoirs absolus du parquet, mais ça ne fait rien.

– enfin, gros débat d’opinions, vous le savez : modifier le statut du parquet et le détacher de l’Exécutif. Devinez quoi ? Ça se discute… Mais non (unique concession : la nomination d’un procureur serait soumise à  avis conforme du CSM, comme pour les magistrats du siège : me voilà  rassuré, les gars !).

Pour nous résumer au sujet du chapitre “contrepoids”, tous ont été rejetés, sauf l’inscription du principe de l’enquête à  décharge de la police et du parquet, j’en ris encore.

3 Instituer un juge de l’enquête et des libertés disposant de pouvoirs importants.

Alors là  c’est pas compliqué : il y a actuellement un juge des libertés et de la détention qui statue sur un certain nombre de choses, la liberté notamment, et d’autres actes lourds et coercitifs,  et un juge d’instruction qui statue sur les autres choses,, les actes notamment tous deux à  charge d’appel devant la Chambre de l’Instruction : le rapport préconise qu’on fasse tout pareil, en remplaçant “juge d’instruction” par “procureur”, “juge des libertés et de la détention” par “juge de l’enquête et des libertés”, eh oui nuance, et “chambre de l’instruction” par “chambre de l’enquête et des libertés” -j’exagère et simplifie, moi, puisque le nouveau JEL pourrait aussi surveiller le procureur et statuer si l’on comprend bien sur tel ou tel point de son travail d’enquête (d’où son nom, non ?), ses décisions étant elle-même rendues si j’ai bien suivi à  charge d’appel devant la CEL6 .

Comme je vous le disais plus haut, le Comité entend simplifier la procédure, donc tout ceci est très normal. Sinon et à  peu de choses près, rien de nouveau sous le soleil, donc.

4 Garantir et renforcer tout au long de l’enquête les droits du mis en cause et de la partie civile.

On parlait de simplification, et là  je vous le dis, lecteurs déjà  usés comme je le suis moi-même, accrochez-vous !

– le mis en cause :

. “bénéficierait” au choix d’un régime “simple”, similaire dit le rapport à  celui du mis en cause actuel, ou “renforcé”, et l’on comprend que c’est à  peu près celui auquel donne accès l’actuel statut de “mis en examen” : c’est pas de la réforme, ça ? Non, mais si, parce que là  attention : tout simple pourra demander à  devenir renforcé; demande aboutissant de plein droit s’il existe des indices contre lui ou si la victime le nomme; et le parquet pourra choisir le régime, évidemment (tout ça n’est qu’un mauvais copié/collé des situations existant actuellement à  l’instruction). MAIS : le renforcé sera obligatoire si la personne est soit détenue, en gros, soit poursuivie pour des faits criminels -comme maintenant !

Sans blague, je vous assure que c’est vrai : à  très peu de nuances près, je viens de vous résumer une page de “garanties renforcées” qui existent toutes actuellement ! Et ça continue après !

. bénéficierait de la notification des faits reprochés : je l’avoue, très sérieusement, je ne comprends pas cette mention, puisque c’est le cas actuellement aussi, dans tous les cas de poursuites…

– la victime :

C’est exactement pareil, je crois que tous les droits cités sont ceux qu’elle possède actuellement. Non, je viens de relire le rapport, et je ne crois pas, j’en suis certain.

Je vous résume donc cette7 proposition : faire exactement pareil que maintenant, sauf à  tenir compte des nouvelles juridictions, à  peu près similaires aux juridictions actuelles, à  l’exclusion du juge d’instruction, remplacé par le parquet, face auquel donc il n’y a strictement aucun renforcement de droits des parties. D’accord ? D’accord, on continue.

5 Renforcer le respect des droits et des libertés individuelles.

Alors attention, là , gros morceau, on parle de garde à  vue et d’emprisonnement -et là , je pense qu’il y a quelques idées à  prendre, mais à  prendre et à  appliquer tout de suite, au système actuel.

– La garde à  vue.

.On parle d’abord d’un accroissement des droits du gardé à  vue. Ah ah, alléchant, non ? Hélas, et comme précédemment je ne puis faire mieux que de citer le texte tel quel, ça cause d’abord de la présence de l’avocat en garde à  vue, et vous allez voir qu’en termes galants ces choses-là  sont dites, c’est un peu long mais c’est si bon (les énormités sont authentiques, le gras seul est de moi :

“La majorité du comité estime indispensable de renforcer la présence de l’avocat durant la garde à  vue afin de lui confier un véritable rôle. Il a en effet été souligné que son intervention à  la première et à  la vingt-quatrième heure ne lui permettait pas d’exercer sa fonction de défenseur. Aussi, afin de protéger efficacement les droits du gardé à  vue, certains membres estiment nécessaire que l’avocat soit présent dès la première heure et puisse assister à  l’ensemble des auditions du gardé à  vue. Il a été indiqué lors des débats que cette mesure permettrait de conforter la valeur des déclarations faites durant la garde à  vue et désamorcerait les discussions sur les conditions dans lesquelles peuvent intervenir les aveux du mis en cause.” Jusque là , c’était vrai, tout est bien. C’est maintenant :

“Toutefois la majorité des membres juge qu’il convient de préserver l’efficacité de l’enquête et notamment des premières heures de garde à  vue, alors que ce sont généralement les premières investigations qui se révèlent déterminantes pour la découverte de la vérité. De la même manière il a été débattu d’un possible accès au dossier par l’avocat durant la garde à  vue. Toutefois une telle mesure est apparue impossible à  mettre en œuvre pour des raisons pratiques. En cas d’interpellation, et spécifiquement dans une enquête en flagrance, le dossier est constitué matériellement au cours de la garde à  vue, l’ensemble des procès-verbaux étant rédigé et rassemblé uniquement à  la fin de la mesure.”

Alors, heureux ? J’adore ce paragraphe, j’adore mon métier et la considération qu’on en a, frein avéré que nous sommes à  la découverte de la vérité, j’adore le fait qu’un texte de réforme de cette ampleur parler expressément de l’illégalité totale dans laquelle les évènements ne sont pas immédiatement retranscris sur PV, et que cette illégalité justifie que l’avocat ne puisse voir le dossier, ah, d’un mot… J’adore avoir HONTE.

Bref, on aura compris que tout est rejeté ou presque : maintien de l’intervention au début de la garde à  vue dans les mêmes conditions que maintenant, et nouvelle visite non plus 24 heures plus tard mais dès la 12éme heure, avec accès… Aux seules auditions du gardé à  vue ! Le seul truc, malheureusement, que celui-ci est capable de nous raconter !!! Mais tout le reste demeure secret, ouf, l’enquête est préservée, saloperie d’avocats qui nous feraient chuter les stats’ s’ils pouvaient utilement conseiller leurs clients…

J’exagère, une nouveauté : en cas de prolongation de la garde à  vue au-delà  de 24 heures, présence de l’avocat américain aux auditions de son client.  Ça peut être bien, mais J’ai juste un petit doute sur le mot “présence” : pourra-t-on poser des questions,  intervenir pendant l’audition, vérifier que la citation par le policier d’une audition ou d’une pièce reflète bien la réalité, etc..? Le rapport ne le disant pas, j’ai comme l’impression que non, pas vous ? Et si non, peut-on m’expliquer ce que je vais glander dans le bureau d’un OPJ à  l’écouter cuisiner mon client -que du coup certes, il s’abstiendra peut-être de tutoyer, mais enfin, c’est cher payer la politesse ?

Pas de concession là  dessus, confrères et sœurs de tout le pays8 : l’avocat, au moins, c’est présence continue et accès à  tout, point barre. Vous voulez de l’américain, donnez-vous de l’américain ! C’est le seul “contrepoids” réel que vous pourrez imaginer !

Et ça peut se faire de suite, pas besoin d’une réforme de fond pour trouver ça évident, c’est comme l’enregistrement de toutes les gardes à  vue et plus seulement en matière criminelle, c’est bien, cette mesurette, mais qu’est-il besoin de quarante-trois pages, allez hop : tout de suite !

Hum, bon, je m’énerve tout seul et on n’avance pas…. Reprenons.

. On parle ensuite d’une restriction des cas de placement en gade à  vue.

Bon, ça ce serait bien, effectivement. Le Comité propose de la limiter au cas où une peine de prison de plus d’un an est encourue : pas mal.

Ici encore, point ne serait besoin d’une réforme d’envergure que que cette mesure toute simple soit rapidement appliquée…

Oui, mais…

En parallèle, toujours sans doute par souci de simplification, création d’une étrange “retenu judiciaire”, d’une durée maximale de six heures, possible pour toute personne soupçonnée de la commission d’une infraction, et qui peut se trouver transformée en garde à  vue… A l’appréciation du parquet.

On n’en sort pas.

– La détention provisoire.

Le Comité s’est d’abord interrogé sur une éventuelle modification des critères de la détention provisoire, mais en a rejeté l’idée, comme dans une sorte de renoncement un peu fatigué; en revanche, et c’est la première véritable bonne idée du rapport selon moi, il stigmatise les différentes actuelles durées et conditions de renouvellement de détention provisoire, effectivement assez complexes et touffues, et propose une règle unique et assez simple :

six mois si la peine encourue est supérieure ou égale à  trois ans et inférieure ou égale à  cinq ans d’emprisonnement ; un an si la peine encourue est supérieure à  cinq ans et inférieure ou égale à  dix ans d’emprisonnement ; deux ans en matière criminelle ; trois ans pour les faits de terrorisme ou de criminalité organisée.

Il s’agirait là  de délais au-delà  desquels la personne est impérativement libérée.

Mais comme le Comité ne m’aime pas, malgré cette bonne première idée, il l’assortit aussitôt de restrictions qui elles me semblent dangereuses, voire parfaitement inhumaines, les délais les plus lourds demeurant importants : suppression des ré-examens automatiques à  dates fixes des situations… Courage au détenu en matière criminelle qui ne fera pas lui-même de demandes, ce qui arrive pour beaucoup de raisons, y compris l’inanité de certains avocats… Et suppression également du référé-liberté, ce qui ne se justifie en rien.

Ah, encore une idée qui voit les membres du Comité “partagés”, et je note que c’est toujours à  propos de suggestions totalement aberrantes : des penseurs parmi eux ont imaginés que des petits malins, détenus ou avocats, formeraient des demandes d’actes, genre expertises, qui entraîneraient des délais d’enquête amenant le dépassement des délais butoirs de détention, et propose donc qu’en cas d’acceptation, le JEL prévoie que le délai nécessaire à  leur accomplissement soit déduit -vous avez bien lu- du temps total de détention…

Cette mesure, hésitante et heureusement, impliquerait tout simplement que plus aucun avocat ne demande quoi que ce soit, sous peine de “condamner” son client à  demeurer enfermé plus longtemps9 -comment des personnes chargées de réfléchir sérieusement à  la procédure pénale ont-elles pu un instant avoir cette idée, ça…

Je constate en tout cas que quand il s’est agi de “renforcer” les droits, macache, mais que lorsqu’il s’agit de tenir compte d’une amélioration de procédure, ici les délais butoir, là  oui, on en a, des mesures de correction…

Une dernière mesure proposée est particulièrement intéressante, en revanche : en l’absence d’actes d’enquête pendant trois mois, la personne serait libérée de plein droit. Ça, je trouve ça génial. A mon humble avis, un an après l’entrée en vigueur, il n’y aura plus un seul détenu provisoire en France… Je souris, mais l’irréalisme de cette proposition, qui part pourtant d’une bonne intention, laisse tout de même pantois…

Autre bonne mesure : collégialité optionnelle, lorsque sollicitée, pour statuer sur le placement en détention -ici encore, il y a de ci de là  quelques petites perles, ça me semble être une bonne mesure, accompagnée d’une publicité des débats elle serait encore meilleure.

Enfin, le Comité, et ce peut être une amélioration ici encore, transforme les différentes demandes liées à  la “gestion” de la détention, essentiellement les demandes de permis de visite et d’autorisations de sorties exceptionnelles (décès…), en demandes soumises à  délais et recours -ce qui effectivement est moyennement le cas actuellement, pour faire simple. Demandes au procureur, certes, que je vois assez mal se passionner pour ces questions, mais c’est le nouveau système dans son ensemble qui reçoit cette critique de ma part -l’idée reste bonne.

– Et là , c’est presque drôle, dans ce chapitre déboule tout à  coup, en sus de la garde à  vue et de la détention, un dernier point : le mandat d’amener. Pas les autres titres permettant d’arrêter quelqu’un, non, juste le mandat d’amener -et le Comité ne cache pas qu’il s’agit d’une réformette strictement liée à  la mésaventure d’un ancien Rédacteur en Chef de Libération, vous vous souvenez ? Bref, le Comité, sur ce strict point précis, propose qu’il soit impossible pour une infraction ne faisant pas risquer l’emprisonnement… Ce qui était bien le cas de celle imputée audit personnage. De réflexion de fond sur l’ensemble des titres coercitifs, et leurs conditions de délivrance et d’exécution, point : pas la peine, seul ce fait divers avait fait parler de lui…

6 Simplifier et harmoniser la procédure préparatoire.

Ce morceau résume un peu les précédents, en y adjoignant en fait une unique nouveauté : l’unification des régimes de gardes à  vue, qui seraient… Exactement les mêmes que maintenant, je vous jure que c’est vrai : droit commun, délinquance organisée et terrorisme.

Il est revenu par ailleurs sur le statut de la CEL, qui serait une Chambre de l’Instruction procéduralement un peu simplifiée -avec notamment l’obligation de développer rapidement les moyens d’appel, ce qui peut devenir un danger, mais bon, on ne va pas pinailler à  ce stade, je vous épargne car ce texte est d’une longueur répugnante, les chats ne faisant pas des chiens.

7 Supprimer le secret de l’enquête et maintenir le secret professionnel.

Je suis formellement opposé à  la suppression du secret de l’instruction, qui a mon sens devrait au contraire être enfin strictement appliqué. Pourquoi ? Pour sauver les gens de opprobre publique, c’est tout.

Là , je vous balance à  nouveau le texte, ici intégralement -il serait dommage de se priver.

Vous noterez que l’avocat que je suis demeurera soumis au secret professionnel, donc concrètement au secret de l’instruction en ce qui le concerne : cadeau, une fois de plus -heureusement qu’aucun avocat ne siège dans ce Comité10,je me serais inquiété, à  force…

Et qu’en revanche, les journalistes, on les aime bien -comme le Président, non ?

Allez, enjoy, comme disent les jeunes :

“L’article 11 du code de procédure pénale prévoit le secret de l’enquête et de l’instruction et précise que toute personne concourant à  la procédure est tenue au secret professionnel et donc pénalement punissable en cas de violation de ce secret .

Considéré originellement comme protecteur du mis en examen et de la présomption d’innocence, ce secret est plus souvent vu aujourd’hui comme heurtant le principe de la liberté d’information, principe renforcé ces dernières années par les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce secret est également souvent considéré comme fictif compte tenu des nombreuses atteintes qui y sont régulièrement portées, sans que les auteurs soient identifiés ou sanctionnés.

Toutefois, on ne peut que s’interroger sur la contradiction originelle du secret de l’instruction : tout en proclamant le principe d’un secret, le législateur en exonère toutes les personnes ne concourant pas à  la procédure, soit le mis en cause, la victime, mais également les journalistes. Par ailleurs, depuis quelques années, le législateur a organisé des « fenêtres de publicité » afin de permettre l’information du public. Le procureur peut ainsi d’office ou à  la demande de la juridiction d’instruction ou des parties rendre public des éléments objectifs tirés de la procédure.

Afin de clarifier la situation, le comité propose de supprimer le secret de l’enquête et de l’instruction mais de maintenir le secret professionnel et les sanctions qui s’y attachent à  l’égard des personnes qui concourent à  la procédure. Le comité s’est interrogé à  cette occasion sur les poursuites exercées à  l’encontre des journalistes pour recel de violation du secret de l’instruction. Sur ce sujet, il considère qu’il convient de tirer toutes les conséquences de la suppression du secret de l’instruction.”

Vous avez noté ? Pas le moindre mot sur le pauvre abruti soupçonné de viol, présumé innocent, que ce secret protège en principe…

Je souris souvent en me livrant à  ce travail fastidieux, mais là , le cœur n’y est pas : cette proposition est grave, vous savez.

Ami lecteur, si tu as tenu jusqu’ici, je suis particulièrement fier de t’annoncer que nous en avons terminé de la phase préparatoire, et que nous pouvons maintenant, dans l’allégresse, étudier un peu les quelques modestes propositions restantes qui concernent le procès !

II LA PHASE DÉCISOIRE

8 Un président arbitre du débat judiciaire.

Il s’agit ici de se méfier pareillement que pour l’instruction de la dualité de rôles magistrat qui juge/magistrat qui instruit, selon la même logique, et de bouleverser en conséquence les rôles respectifs du parquet et du Président -si vous avez suivi, vous savez déjà  que le rôle de l’avocat, en revanche…

Je ne sais pas pourquoi, mais moi, je serais juge du siège, et malgré les précautions prises par le rapport sur plusieurs pages ici encore pour surtout insister sur la difficulté du rôle -présider- mais en aucun cas sur une quelconque suspicion de malhonnêteté, je finirais par prendre assez mal cette réforme dans son ensemble -je dis ça, je ne dis rien, d’autant qu’il se trouve que l’audience “nouvelle formule” proposée ici me tenterait assez –“Objection, votre honneur !” est une phrase mythique dont j’ai toujours rêvé, et là  nous y serions presque…

L’audience, donc, débuterait par un exposé du procureur détaillant les faits reprochés au prévenu ou à  l’accusé et les charges ayant justifié sa poursuite.

Le prévenu serait ensuite interrogé par le même, puis par l’avocat de la partie civile, puis par la défense., le président vérifiant seulement la tenue de haute volée des débats, et pouvant quand-même encore ensuite poser des questions, lui aussi

La victime, les témoins et les experts seraient ensuite entendus dans les mêmes formes, avec cet amusement que, si le témoin n’est pas cité par le procureur, il sera interrogé en premier par l’avocat ayant procédé à  cette citation -ça, franchement, ça m’arrange !

La partie plaidoiries demeurerait inchangée.

Là , franchement, à  part les empoignades verbales prévisibles entre les parties, un peu plus que maintenant, je ne sais pas, faut voir… Ce qui est certain, c’est que le travail du parquet ne se bornerait plus du tout aux réquisitions11, c’est intéressant en termes d’égalité des armes…

Avec une omission lourde sur ce terrain12 : il me semble qu’après l’exposé du parquet, l’avocat pourrait utilement exposer sa thèse à  lui, non ?

Mais sous cette réserve, je ne dis pas non…

Las, las, le Comité en revient aussitôt après à  sa principale considération, ce de façon calamiteuse à  mes yeux esbaudis : “Les membres du comité sont aussi conscients que cette modification de l’audience entraînera un allongement de la durée des débats et que cette réforme suppose une prise en compte renforcée de la reconnaissance de culpabilité, notamment pour les procès d’assises”

Nous en reparlerons plus bas, mais ça,le plaider-coupable que je déteste déjà  ailleurs, aux assises, c’est non, c’est mal, on ne peut pas.

9 Le développement de l’échevinage en matière correctionnelle.

Là , je dis non. Amis juges du siège, on vous en veut, c’est certain maintenant.

L’échevinage, c’est le fait qu’une juridiction soit composée de magistrats professionnels et de non-professionnels, comme les Tribunaux pour Enfants et bien sûr la Cour d’Assises.

Le Comité souhaite que ce système s’étende encore en Correctionnelle, où il existe déjà  -un Juge de Proximité pouvant y siéger, le Comité allant jusqu’à  proposer une juridiction majoritairement non-magistrate, composée d’un Juge, d’un Juge de Proximité et d’un “assesseur citoyen”

Là  encore, je ne comprends pas du tout la raison de cette proposition, qui à  mon sens ne rapproche nullement la justice du citoyen, ou de façon factice, qui livre la possibilité de juger à  d’autres personnes que des juges formés pour ça, et dont on se demande s’il en manque pourquoi il n’y en a pas plus…

Et, à  nouveau, je trouve ça éminemment dangereux -je n’ai rien contre les Juges de Proximité, j’en connais de parfaits, mais la légitimité de l’audience se tire surtout tout de même du statut de magistrats des personnes qui la tiennent, et je ne sais pas quelle légitimité, mais alors pas du tout, aurait l’assesseur citoyen.

Et puis, ça ressemble purement et simplement à  un bricolage seulement opportun, le rapport soulignant qu’il “permettrait de dégager du temps supplémentaire pour les magistrats professionnels”, ce qui on en conviendra est un bien piètre motif de réforme…

10 Renforcer les droits des parties civiles dans la phase de jugement.

Je trouvais franchement qu’on n’avait pas arrêté ces derniers temps, mais le Comité a trouvé utile de réfléchir à  aller plus loin, et s’est interrogé d’abord, j’ai dû relire pour être certain d’avoir bien lu, sur l’ouverture du droit d’appel au pénal aux parties civiles (actuellement elle peut faire appel au civil, le parquet au pénal, et le prévenu au civil et au pénal, chacun pouvant donc faire appel sur les intérêts qui le concernent, et eux-seuls) : Hosanna cependant, le Comité, sans doute à  bout de forces, a finalement rejeté cette idée.

Il propose en revanche que la partie civile soit impérativement informée de la date à  laquelle son affaire passe en appel, et, si elle n’a pas été avisée de l’audience de première instance, qu’elle ait le droit de citer l’auteur une seconde fois en correctionnelle sur intérêts civils : même si concrètement le premier point est déjà  pratiqué par les Cours d’Appel, et que le second est inutile, puisqu’elle avait déjà  le droit d’exercer une action civile devant la juridiction civile dans la même hypothèse, je dis pourquoi pas -qui peut le plus peut le moins, et ça donnera une fois de plus satisfaction à  peu de frais aux victimes, qui croiront à  une avancée de leurs droits…

11 Moderniser la Cour d’Assises et améliorer les garanties entourant le procès criminel.

Gros morceau et intitulé qui fait peur -je vous ai déjà  exposé ailleurs en quoi je considère cette juridiction comme la plus belle de France, en particulier parce qu’on y prend tout le temps nécessaire…

Le Comité s’interroge d’abord sur le remplacement de la Cour d’Assises de premier degré par un Tribunal Criminel avec moins de jurés et une procédure plus souple. Comme il ne tranche pas, et ne motive pas réellement cette question, je réponds, et ainsi il n’y aura plus à  y revenir : c’est non. Voilà .

Il pense ensuite que certaines remises en cause du principe de l’oralité des débats, rien moins que l’un des fondements principaux de la justice criminelle française, on refait tout à  l’audience et ne compte que ce qui s’y trouve dit, doivent être effectuées…

– Renforcement des garanties entourant le procès d’assises.

Le Comité préconise d’abord l’obligation de motiver les décisions d’assises, qui effectivement ne le sont actuellement pas, principalement parce qu’elles sont rendues, vous le savez, au nom de “l’intime conviction” de la majorité de ses membres. Je n’y aurait cause d’opposition, mais avec une réserve majeure : les jurés d’appel connaîtraient ainsi la série de motifs retenus par leurs “collègues” de première instance; or, l’appel au assises est à  mon sens très particulier, et doit réellement remettre les choses à  zéro, fonction du déroulement de l’audience, et de lui seul, selon moi -c’est à  dire, justement, que je tiens à  l’oralité des débats…

Je crois cependant que cette proposition n’est en réalité pas si importante que cela : l’influence de la motivation initiale serait sans doute rapidement oubliée en appel, et son existence permettrait aussi la critique de cette même motivation en appel, par l’avocat insatisfait, qui construirait son audience pour la combattre -donc allez, c’est vendu.

Il veut ensuite que non plus seulement le Président, mais également les assesseurs et les jurés, aient à  disposition le dossier criminel écrit : aie.

Actuellement encore une fois, seul compte ce qui se passe à  l’audience, les jurés, notamment, ne connaissant rien d’autre de l’affaire, même si l’on y fait évidemment beaucoup référence à  ce qui a été dit avant et est consigné par écrit -le dossier. Un témoin peut dire blanc devant un policier, mais dire noir à  l’audience lors d’un procès, on conviendra que les contextes ne sont pas les mêmes… Surtout dans une enquête désormais uniquement menée par le parquet !

J’ignore totalement pourquoi l’on souhaite modifier l’existant sur ce point, je n’en vois pas l’utilité au regard de la mission du Comité, j’en vois en revanche clairement les dangers : que l’audience ne serve plus à  rien, et que l’on se réfère plutôt à  l’écrit, toujours plus pesant… Un peu comme, largement, cela se passe en correctionnelle.

Il propose enfin que les procès soient retranscrits et filmés à  des fins judiciaires, pour que ces supports servent de références en cause d’appel en cas de contestation : pour la même raison que précédemment sur la motivation, je n’y suis pas favorable. Les juges d’appels ne jugent pas le jugement de première instance, mais bien, à  nouveau et à  zéro, l’affaire et l’homme…

Imaginons par exemple un accusé qui, par peur notamment, n’aurait rien dit en première instance ou maladroitement, et qui en appel, temps et expérience de la Cour aidant, parlerait normalement : ces procédés feraient peser sur lui ses premières attitudes, ce que justement le droit d’appel sert à  pouvoir contrer…

– Renforcement du contradictoire.

Le procès d’assises l’est, contradictoire, c’est même sa caractéristique principale.

Il est cependant proposé en sus :

. que les parties civiles puissent elles aussi récuser les jurés, comme les autres parties : ça m’ennuie, mais c’est objectivement légitime, donc d’accord ;

.que, comme tout à  l’heure, on ne lise plus en début de procès l’acte d’accusation, mais que l’avocat général expose les charges, le droit de réplique des avocats étant cette fois prévu, donc c’est d’accord ;

. enfin, curieusement, de remplacer, dans l’article 304 du code de procédure pénale,c’est à  dire dans le magnifique serment des jurés13, les mots “de ne trahir ni les intérêts de l’accusé, ni ceux de la société qui l’accuse, ni ceux de la victime”, par “de ne trahir ni les intérêts des parties en cause, ni ceux de la société” -je trouve ça pervers, la société semble ainsi n’être plus partie au procès, mais au-dessus, alors même que c’est le parquet qui fait tout désormais : là , c’est NON. “Symbolique”, dit le rapport, mais encore faudrait-il savoir symbolique de quoi !

– Une procédure criminelle plus efficace.

J’aime, au pénal, ce terme d'”efficacité”, où l’on ne met généralement pas tous les mêmes concepts… Par exemple, pour moi, il s’agirait de faire en sorte que les parties soient traitées le mieux possible, et que l’accusé, notamment, puisse recevoir la pleine et entière mesure de la décision qui le concerne, et va modifier définitivement le cours de sa vie…

Non, là , c’est plus carré, ça cause des délais -on voulait les réduire à  l’enquête, par les moyens que l’on sait; on va tenter de le faire aussi aux assises…

. La correctionnalisation : vous le savez, cette pratique, souvent critiquable, consiste à  “oublier” un élément d’une infraction qui en fait un crime, pour la juger en correctionnelle en tant que délit -un viol, on oublie l’acte de pénétration, demeurent les atteintes sexuelles…

Le Comité a rejeté l’idée que la loi viennent légitimer cette pratique, et heureusement -on ne voit d’ailleurs que mal comment elle l’aurait fait; mais ce qui est intéressant ici est qu’une minorité de ses membres a pensé et soutenu que si la partie civile le demandait, un viol pourrait se trouver juger en correctionnelle, tout en gardant la qualification de viol…

L’on voit ainsi jusqu’où on peut aller en décidant que l’on est libre d’imaginer une nouvelle procédure sans aucune contrainte, fut-elle de droit pur… Et l’état d’esprit principal gouvernant ces projets dans les projets : aller vite ! Fût-ce même au détriment de la simple cohérence…

. Allègement de la procédure en cas de reconnaissance de culpabilité par l’accusé.

C’est le plaider-coupable aux assises, auquel je m’oppose avec la dernière énergie14 ! Je vous en parlais déjà  dans mes commentaires d’un article publié par un illustre confrère à  ce sujet15,et je ne change pas d’avis : il est impossible, et indigne, de résumer les assises à  la seule obtention finale d’une peine, et c’est marre !

Le Comité propose l’ersatz d’audience suivant :

“Dans cette hypothèse, et contrairement à  ce qui est prévu en matière correctionnelle pour la CRPC, une véritable audience aura lieu en présence de l’accusé et de la victime. Au cours de cette audience, la cour s’assurera du caractère fondé de la reconnaissance de culpabilité mais il n’y aura pas de débat sur cette question ni d’audition de témoins ou d’experts tendant uniquement à  démontrer la culpabilité de l’accusé.

En revanche, un débat aura lieu quant à  la peine devant être prononcée. Les parties pourront citer des témoins pour que la cour soit éclairée sur la personnalité de l’accusé.

En cas de recours à  cette procédure, la peine maximale encourue par l’accusé sera minorée. Toutefois, cette procédure ne sera pas applicable à  l’ensemble des crimes, des exclusions devant être prévues en fonction de la nature des faits ou de la peine encourue (cette procédure ne serait par exemple pas applicable lorsque la réclusion à  perpétuité est encourue ou pour le crime de tortures commises de manière habituelle sur un mineur de quinze ans). Une minorité s’oppose à  la réduction de a peine encourue.

La reconnaissance de culpabilité devra intervenir préalablement à  l’audience, l’accusé étant alors nécessairement assisté de son avocat.”

Je ne vais pas discourir à  nouveau sur ce qu’est l’audience criminelle, sur ce qu’elle doit rester, sur les choses qui s’y disent et qui s’y passent, nous sommes tous épuisés. Mais je pose cette question : comment peut-on un instant envisager d’offrir à  un homme la possibilité de s’assurer d’une peine réduite s’il reconnait les faits, tout en soutenant que cette reconnaissance de culpabilité serait sincère et véritable ? C’est aussi simple que ça -et ils sont légion, les procès dans lesquels l’homme nie, alors qu’aucune preuve n’existe, mais que des éléments convergents l’accusent, et qu’il sait objectivement qu’il aura du mal à  être cru…

Alors on “reconnaîtra”, c’est tellement plus tangible, tellement plus aisé, quitte à  se trouver détenu…

Il ne faut pas accepter de mettre un pied, et même un orteil, dans ce système, on n’aurait déjà  jamais dû le faire en correctionnelle.

. Restriction des cas de défauts criminels.

Une aberration de plus, toujours uniquement motivée par le souhait d’accélérer la procédure à  tout prix : aujourd’hui, pour faire simple, un accusé défaillant, et notamment celui qui s’enfuit en cours d’audience, est jugé “par défaut”, mais s’il refait surface, on doit le rejuger -oui c’est long, mais oui c’est bien, on parle, bon sang de bois, d’un condamnation criminelle !

Le Comité souhaite que s’il s’enfuit en cours d’audience, le procès soit tout de même contradictoire à  son encontre, et que ce même procès se poursuive en cas de fuite en appel de l’accusé appelant, car la fuite “fait partie des droits de la défense” -je vous assure que c’est dit ainsi. Le cynisme de cet argumentaire me séduirait volontiers dans un autre contexte, mais pas là  -d’autant qu’une telle hypothèse concerne combien d’affaires, selon vous..?

12 ((Et dernière, yes !!!)) Harmonisation des délais de procédure.

Ben oui, j’avais dit 11 propositions, et c’est 12, mais rassurez-vous, celle-ci va être vite vue : le Comité constate qu’il existe énormément de différents délais, d’appel notamment, en procédure pénale, ce qui est vrai, et propose de tous les ramener à  dix jours : c’est bien, c’est d’accord, c’est utile. C’est tout ? Oui.

Là  je dis “ouf”, et je plonge mes doigts dans un bol d’eau froide…

Il y avait bien un chapitre III sur la phase exécutoire -l’exécution des décisions, mais le comité, ivre de fatigue d’avoir tant pensé, décide de ne rien dire à  ce sujet, en soulignant que de nombreuses réformes viennent d’être effectuées en la matière, et sans doute que point trop n’en faut16 .

C’est également ce que je pense.

Pour conclure, le Comité rappelle qu’il était aussi en charge de la refonte du droit pénal, mais que c’est trop de travail, et qu’il faut auparavant recenser et regrouper les milliers d’infractions qui le composent, en substance -je suis bien d’accord avec lui, et je note simplement au passage qu’on n’en a donc pas terminé, même si ce travail proposé de regroupement serait en soi une bonne chose, puisqu’aujourd’hui personne, réellement, ne connaît toutes les infractions existant en France -nemo legem ignorare, tu parles.

Sur ses réformes, vue leur ampleur, il préconise un délai de mise en œuvre de deux à  trois ans, avec informations préalable, tests, etc…

Je rappelle que La Garde avait juré que tout se ferait dans la concertation avec les acteurs judiciaires : elle n’est pas prévue dans le rapport, une omission sans doute.

La Garde Nouvelle, faisant apparemment fi de ces préconisations de délais, pendant que le Président se disait “satisfait” par ces propositions, j’adore le mot, a d’ores et déjà  parlé d’un projet de loi “début 2010”, autant dire après-demain. Je ne doute pas que nous serons, une fois de plus, totalement pris de vitesse…

Je constate moi que mise à  part, peut-être et avec prudence, la nouvelle distribution des rôles à  l’audience, qui peut parfaitement se concevoir dès à  présent, et certaines idées d’améliorations, idem, rien en réalité n’imposait de transférer toutes les compétences au parquet, et moins encore dans les dossiers les plus graves, les dossiers criminels.

Quel que soit le nom de la personne qui de facto exercera la fonction de juge d’instruction, qui s’apprêtait à  devenir collégiale, on pouvait améliorer encore le système existant, mais on ne doit, on ne peut, pas, en transférer la totalité des commandes au seul parquet -il est édifiant de constater que le principal reproche adressé au juge d’instruction, à  la fois juge et enquêteur, ne fait en réalité que se transférer au procureur, qui ne sera plus seulement procureur, mais bien… Enquêteur et juge.

Le procureur n’a pas pour vocation d’enquêter à  décharge, c’est faux, et évident. Il obéit de surcroît à  des consignes extérieures à  l’affaire qu’il “instruit”, et à  des considération dégoutantes, vues depuis cette même affaire, comme les “politiques pénales”, ou les “résultats”, par exemple…

Qu’il faille améliorer le système sur bien des points est certain, mais il n’était nullement nécessaire de le détruire totalement, et il n’est en tout cas pas admissible que ce soit fait au profit du parquet, ce à  quoi, quelles que soient les autres solutions à  trouver, il faut s’opposer à  toute force.

Ce a fortiori que tous les “contre-pouvoirs” proposés sont bidons, disons-le comme c’est.

Un procureur enquêtant en quelques mois au criminel, puis traduisant l’accusé, qui se dit coupable, aux assises dans le cadre d’un hideux plaider-coupable criminel, pour aboutir à  une sanction réduite, oui, cela aura été vite…

Mais l’homme ?

Vous vous souvenez du procès Konhu ? Essayez de reconstruire cette affaire de A à  Z au travers du prisme nouveau qui nous est proposé : croyez-vous par exemple que j’aurais eu à  ma disposition un seul témoin de son emploi du temps réel, à  décharge ? Qui sait, avec ses particularités, peut-être aurait-il reconnu, pour une détention allégée..?

Ce qui nous est proposé, une expression d’usage courante le résume bien, et elle n’est pas gaie17 .

Ça se nomme “lâcher la proie pour l’ombre”.

  1. en lui-même inquiétant []
  2. J’ai ajouté ce bout de phrase rectificatif en voyant la liste des membres du Comité, annexée au rapport, et la liste des personnes entendues, les deux étant majoritairement celles de magistrats, mais pas que, et en tout cas de gens en fonction : dès lors, je ne comprends pas. []
  3. Il est donc à  craindre que le Comité subsiste et ne s’attaque au droit pénal lui-même dans un second temps… []
  4. moins en réalité, car plusieurs découlent de la première []
  5. C’est pas pour dire, mais, amis juges d’instruction, votre futur acronyme, c’est JEL, phonétiquement comme celui de la douche : vous n’avez pas finis d’être moqués ! []
  6. Phonétiquement normal, cet acronyme : tout ça est du caca ! []
  7. très longue, dans le rapport… C’est toujours compliqué de dire le droit exactement comme il est actuellement, mais de le dire autrement ! []
  8. Unissez-vous ! []
  9. Car le JEL douche. Voilà , celle-là  elle est faite… []
  10. je dis ça pour rire… []
  11. et s’il le fait comme actuellement, je dis qu’on a toutes nos chances ! Laissez, c’est une blagounette de fatigue… []
  12. Quitte à  pomper les anglo-saxons ! []
  13. Et non pas, c’est incroyable mais le rapport appelle réellement ça comme ça, “le discours adressé par le président aux jurés”, non non, c’est bien le serment, bon sang ! []
  14. A ce stade de ce texte, c’est réellement ma dernière énergie ! []
  15. Marie, les autres fidèles, au secours ! Je ne sais plus sous quel article !!! []
  16. Sans compter si vous voulez mon avis qu’en matière d’exécution des peines, il faut tout de même s’y connaître un peu pour proposer quelque chose de sensé… []
  17. Même si je tiens à  remercier le Comité sur un point : il m’a permis d’écrire le texte le plus long et, il faut bien le dire, le plus chiant, de ce blog. []