Acte III, Scène 2 : Kader et Mô sont au Palais.
Kader, son dossier et son escorte policière sont effectivement arrivés au Palais vers onze heures. Ce qui signifie que je ne peux voir aucun des deux premiers : la règle, en la matière, c’est que tant que Kader n’aura pas été reçu par un membre du parquet, qui le fixera sur le sort judiciaire de “sa” procédure (donc qui lui indiquera en l’occurrence qu’il sera jugé cet après-midi), ni lui-même, ni son dossier, ne sont accessibles à son avocat …
Nous sommes à ce moment dans l’un de ces merveilleux no man’s land juridiques, qu’aucun texte ne gère à proprement parler : l’homme n’est plus en garde à vue, mais n’est pour autant pas encore officiellement poursuivi. Vous me direz, avec votre sagacité coutumière, que dans ces conditions, il est donc libre, et que vous ne voyez pas pourquoi il est actuellement enfermé, avec d’ailleurs les autres arrivants de la journée, dans les geôles du Palais, attendant que le procureur ait terminé son café de faire le point sur les dernières mutations de collègues de critiquer en sous-main son Procureur en Chef le défèrement précédent : je vous réponds que vous avez, en droit strict, totalement raison, mais que les avocats n’ont pas attendu cet article pour soulever la difficulté, en particulier dans les Palais de style parisien, où les types peuvent attendre ainsi des heures, et que la jurisprudence, d’abord, puis même un texte (pour les comparutions immédiates et pour la période suivant l’entretien avec le procureur et précédant l’audience, qui elle aussi peut parfaitement durer plusieurs heures …), leur a répondu depuis belle lurette que bien sûr que si, on peut le retenir, il est “sous main de justice”, du moment qu’il comparaît devant un tribunal “le jour même”1 …
Je me renseigne, espérant encore naïvement avoir le temps de déjeuner, mais le procureur de permanence ne pourra “prendre” Kader que vers midi -bien que la garde à vue de ce dernier soit inutile depuis plusieurs heures déjà , et qu’il soit arrivé suffisamment tôt, si ce ballet quotidien des présentations était bien réglé, pour que l’avocat ponctuel ait le temps de consulter son dossier, de le voir, de manger, et d’arriver pétant de santé devant le Tribunal à quatorze heures -mais ledit ballet ressemble le plus souvent à un ballet à chiottes, et la comparution immédiate est le royaume de l’urgence, et la plupart du temps de l’urgence inutile et absurde … Donc j’attends, sans pouvoir faire grand-chose pour me mettre en avance …
En réalité, Kader n’a finalement pu rencontrer le procureur que vers treize heures, ce qui m’a laissé le temps d’une part, de recevoir tous les justificatifs attendus de la famille, qui a tenu parole et me fournit tout, et que j’arme de patience en lui ré-expliquant toute la procédure, et d’autre part, d’accueillir, avec un plaisir non feint, mon ami et confrère Gildas2, dont le hasard a voulu qu’il soit désigné pour assurer la défense du co-prévenu de mon client -et il partage mon avis, nous ne soulèverons pas l’incompétence du tribunal (il est aussi fou que moi, mais pas dingue non plus), lui aussi est désigné par la famille de son gars et disposera des pièces utiles de personnalité à l’audience.
Je rencontre Kader vers treize heures quinze, venant juste de récupérer la copie légale de son dossier, dans laquelle ne figure d’ailleurs, de par la loi donc, ni son casier, ni la copie du procès-verbal qu’a rédigé le procureur quelques instants plus tôt, pièce pourtant fondamentale, au sens propre, puisque c’est elle qui saisit officiellement le tribunal -c’est pas grave, l’avocat est Auxiliaire de Justice, laquelle tient à l’égalité des armes entre Accusation et Défense : je vais donc deviner les qualifications légales finalement retenues par le procureur, pour l’instant, en attendant de pouvoir consulter l’original du dossier à l’audience, ce qui est toujours pratique pour travailler sereinement, y vérifiant du même coup les éventuelles nullités procédurales, dans les mêmes conditions3, et je vais maintenant, en quarante-cinq minutes, faire sa connaissance, lui expliquer ce qui se passe (notamment la correctionnalisation survenue, car les policiers, comme moi avec sa famille, envisageaient évidemment plutôt avec lui un juge d’instruction et à terme les assises -il faut donc aussi lui expliquer pourquoi nous ne le demanderons pas nous-mêmes, et recueillir son accord éclairé sur ce point capital), tâcher de le rassurer, ce qui n’est pas facile vu le maximum légal encouru, lire avec lui son dossier en lui passant les PV un par un au fur et à mesure, et préparer avec lui sa prise de parole à l’audience -le tout alors qu’évidemment, il est, littéralement, crevé, ne s’étant pas douché depuis le matin des faits, et n’ayant guère dormi depuis non plus, en étant passé par toutes les émotions de la gamme humaine entre-temps, et en étant, en un mot, dans cet état quasi-dépressif dans lequel ils sont toujours, à ce moment-là …
Au moins, ici, Kader a effectivement tout reconnu, et il me confirme que tout est vrai, qu’il a tout dit -ça n’est pas toujours le cas bien sûr, et dans cette hypothèse ce n’est, encore moins, pas quelques dizaines de minutes qu’il faudrait, mais des heures …
Il faut, aussi, lui expliquer que tout à l’heure, on lui donnera le choix : demander un délai pour préparer sa défense, ou bien “accepter” d’être jugé immédiatement … Mais que, s’il demande un délai, il existe quelques chances pour lui de le passer en détention -ce qui est un moyen peu agréable, et assez peu efficace quand la famille a déjà justifié à l’avocat de tout ce qui pouvait sembler utile,4 de “préparer sa défense” -en jouant avec moi au jeu de “devinez ce que choisit l’immense majorité des personnes comparaissant en CI ?”, vous aurez compris pourquoi je mettais ci-dessus des guillemets au mot “accepter” …
Je lui confirme que je dispose de tous les éléments dont je pouvais avoir besoin, il est d’ailleurs ému que sa famille ait réussi l’exploit de tout rassembler en si peu de temps, je l’informe même de ce qu’elle lui a trouvé une véritable offre d’emploi, dans une société dont effectivement il connaît le gérant comme un voisin5, il me dit qu’il ne les mérite pas, je le lui confirme en le rassérénant, il est vraiment sympathique, Kader, et vraiment contrit de sa connerie : je le fais me parler le plus possible, de lui, de sa relative déshérence, des raisons de son passage à l’acte -comme enfin offrir des conditions de vie décentes à sa femme, qui travaillait alors que lui, arabe et non qualifié, avait plus de mal à conserver un emploi, et puis l’enfant à venir, une sorte de panique et de fierté de père arabe, aussi, si mal orientée… Bref, de sa vie. Je lui demande, plus encore, de me dire et redire ce qu’il pense, maintenant, avec le recul, de son acte, de la peur infligée à des gens qui ne lui avaient rien fait, parce que tout à l’heure la question lui sera obligatoirement posée, et je vérifie sa façon d’exprimer son regret, que je crois sincère … Ce qui me manquait encore, le plus important, je l’ai, à la fin de cet entretien-marathon : lui.
Il est quatorze heures dix, nous sommes à la bourre, je remonte en courant vers la salle d’audience, rassurant à la volée et une nouvelle fois sa famille, toute une smala venue en nombre avec force petits enfants qui courent partout dans le Palais, pendant que les adultes s’impatientent déjà : je l’ai vu, il va bien, on est prêts, on y va. Je pousse la double porte vitrée de la salle d’audience, suivi par la horde.
Entracte6
Vous pouvez aller faire pipi, remettre des sous dans le parcmètre, et boire un coup ou manger des cacahuètes, en vous rappelant seulement que la dignité d’une salle d’audience y interdit les pique-niques, mais ce serait dommage, car je vous ai prévu deux petites photos-interludes, dans la mesure où je reconnais volontiers que ce texte est un tout petit peu long7 : je voulais donc vous placer ici un modeste explicatif visuel des propos qui suivent, à savoir la photographie de la salle d’audience, mais figurez-vous que mes recherches internautes sont restées vaines, c’est fou ça … Résultat, je suis allé la photographier vendredi matin, ça tombe bien j’y campe en ce moment, mais en attendant, premier interlude quand même, avec l’image ci-dessous, qui vous montre ce qu’était le Palais à Lille autrefois, et ce qu’on en a fait il y a quarante ans : et on s’étonne après ça que la délinquance continue à augmenter …
A vrai dire, Kader n’a jamais vu l’avant du Palais : étant arrivé directement de garde à vue dans ses geôles, sises comme il se doit dans les sous-sols d’icelui, la seule fugace vision qu’il a pu en avoir est celle de l’arrière, soit l’entrée de ce que la poésie judiciaire commande d’appeler “la souricière”, une porte roulante entourée de grilles permettant aux forces de l’ordre des arrivées relativement discrètes.
Et donc bref, avant de revenir à ce récit dont vous attendez fiévreusement l’épilogue depuis au moins 4.000 mots, la voilà , cette salle des comparutions immédiates, annotée par mes soins à l’attention des petits curieux. Le mot d’ordre, c’est : béton. Gris, ça va sans dire…
Voilà , vous visualiserez mieux la scène, étant encore précisé que la vision issue tout droit d’un sévère delirium tremens qui fait office de tapisserie au fond de la salle cache les coulisses, savoir notamment la salle où les magistrats délibèrent, leur bureau en quelque sorte, où se règle aussi hors audience toute demande officieuse particulière. [Rappel : comme pour toutes les images du blog, cliquer sur celle-là vous la restitue dans son format d’origine, plus lisible … C’est que ça m’a pris du temps à annoter …]
- Un homme peut parfaitement arriver au Palais vers neuf heures du matin et n’être jugé qu’à vingt-trois heures trente, se tapant allègrement une demi-journée de cellule s’ajoutant très légalement aux quarante-huit heures de garde à vue, parfois pour être libéré à l’audience … Et, s’il est arrêté un vendredi par exemple, n’être jugé qu’au retour du tribunal de week-end, le lundi, et être incarcéré jusque-là . Le délinquant ou la victime d’une erreur judiciaire avisés opteront donc plus volontiers pour une commission de faits “en semaine” (je sais, pour le second, c’est plus compliqué)… [↩]
- Il s’agit de son véritable prénom, c’est quelqu’un de bien et ça m’amuse de lui lancer ce petit coucou au passage, uniquement parce que le connaissant, ça va le gêner ! [↩]
- Note aux jeunes avocats, que j’aime tant, surtout vous, Mesdemoiselles : TOUJOURS revérifier l’original du dossier au plan procédural, ça vous évitera d’avoir l’air aussi idiot que ce confrère que je connais bien, et qui, il y a dix-huit ans à peu près, hurlait au scandale et à l’annulation de toute la procédure, in limine litis, à l’audience, parce qu’aucun des PV d’icelle n’était signé ni par son client, ni par l’OPJ … Avant que la procureuse (ah oui c’est très laid ce mot, ça doit être pour ça qu’il n’existe pas), jolie en plus évidemment, histoire que la honte soit totale, ne lui réplique d’une voie doucereuse que les signatures originales étaient bleues, et qu’elles n’étaient pas “passées” à la photocopieuse, ne figurant donc pas dans la copie de l’avocat, mais figuraient bien sûr sur les PV originaux, la “nullité” invoquée lui semblant donc être du caca … Hum, passons, on apprend toujours en ayant l’air très idiot ! [↩]
- Ou lorsque, comme c’est souvent le cas, à l’inverse, l’avocat sait qu’il n’obtiendra pas le moindre élément de personnalité supplémentaire entre temps, la CI est le royaume des SDF et autres “réprouvés” … [↩]
- Ce qui manque aux conseillers de Pôle Emploi pour avoir enfin un taux de réussite décent ? La menace de l’incarcération de l’un des membres de leur famille ! Vous n’imaginez pas le nombre de contrats de travail acceptés dans l’urgence dans les geôles de la République … [↩]
- Oui, au beau milieu d’un acte, et alors ? Dans le Nouvel Obs’, ils en diront : “Résolument avant-gardiste, la mise en scène de Mô est truffée de menues dérogations aux classiques règles du genre, telles ces coupures inattendues constituées par l’entracte ou les notes de bas de page, qui pourraient passer pour autant de fatuités, mais ne vous y trompez pas : elles servent en réalité habilement le maintien d’un rythme, cassant le souffle épique de la pièce pour mieux permettre de s’y replonger ensuite. Bluffant. On se souvient que le metteur-en-mots, comme il se plaît à se qualifier lui-même, avait monté à Orange un Cosi Fan Tutte d’anthologie, la scène demeurant vide et plongée dans le noir, pendant que les chanteurs, disséminés dans les gradins, feignaient de se mettre en grève : Mô, manifestement, entend toujours bousculer les règles, et le fait avec bonheur, en nous rappelant à nouveau que, pour le citer, “l’onirisme, c’est comme l’onanisme, et tous les trucs en “isme” : ça demande d’avoir le coup de main.” On adore.” Vous ne comprenez rien à l’art. [↩]
- En langage d’avocat, ça s’appelle un “euphémisme” … Ah, dans le vôtre aussi ?! [↩]
Mais quel signal, que diable ?! Il ne faut pas tout mélanger, comme le faisait allègrement une certaine procureuse de Grenoble de sinistre mémoire. La détention provisoire n'a qu'une visée pratique, ce n'est pas une peine. En dehors de ces quelques considérations pratiques — l'oiseau ne doit pas s'envoler, ne doit pas détruire les preuves, les victimes, les témoins, ni se faire dézinguer par un chasseur… —, le mis en cause doit être libre tant qu'il n'est pas condamné, il est présumé innocent. Cette liberté provisoire ne signifie en rien que la justice l'absout, elle pourra fort bien, le jour du jugement, le condamner à de la prison ferme.
Marrant, l'histoire que vous racontez ressemble au début du synopsis du Telefilm qui passe ce soir sur France 2:
Le 3e jour
Bon sauf que Kader se rend à la police au lieu d'être entraîné dans une spirale de violence comme indiquédans le résumé...
Les c...., ils les ont faites ensemble, je ne vois pas pourquoi lui aurait pu bénéficier de clémence et pas son "co-équipier" ?
N' y aurait-il pas comme une injustice flagrante,non ?
Si demain mon avocat, acceptait cela sans broncher et d'autant plus si j'en suis la bénéficiaire, eh bien je serais choquée et déçu de sa part !
La Justice doit être la même pour tous le monde et non pas parce que l'un des deux est mieux nanti que l'autre !
J’ai évidement dévoré ce récit d’un trait, n’en déplaise à Madame Mô. Je porte un intérêt particulier à ce genre de thème car je suis fonctionnaire de police et suis amené de par mes fonctions d’enquêteur (OPJ) à côtoyer ce que vous nous avez décrit avec tant de passion.
En effet, tout les palais de justice de France, ne possèdent pas leurs « petit dépôts » ou leur « souricière » et il arrive régulièrement qu’en province, dans de petits TGI, ce soit les enquêteurs - ayant eux même rédigé la procédure - qui assurent les missions de présentation devant les magistrats du parquet ou du siège et même la conduite en Maison d’Arrêt, si la Détention Provisoire est décidée par le JLD.
A ce titre, je viens apporter ma vision des choses. Dans l’histoire que vous nous avez narré, vous vous efforcez de nous décrire les émotions, le stress, la fatigue et les passions vécues par les différentes parties du procès pénal lors de cette journée de comparution, le tout romancé à la « sauce Maitre Mô », ce qui rend l’ensemble extrêmement plaisant à lire et fort en émotion. Les commentaires de vos lecteurs l’attestent, ils réclament désormais la rédaction de votre premier livre. (Dépêchez-vous, il ne vous reste plus que quelques mois. Après la mise en place de la réforme de la GAV, vous passerez une grande partie de vos journées dans les commissariats et gendarmerie du Nord à assister vos clients).
Si effectivement dans cette histoire, je partage la peine de la famille du prévenu, l’agacement des avocats face à une situation judiciaire aussi rocambolesque qu’ubuesque, je n’arrive pas à éprouver de compassion pour « Kader », même s’il parait être un garçon sincère et sympathique comme vous nous l’avez répété bien trop de fois. Les faits qu’il a commis y sont sans doute pour beaucoup et les éléments atténuants que vous lui avez trouvés n’ont que peu d’effet sur moi. Heureusement que tous les futurs pères de famille en difficulté financière ne s’attaquent pas aux commerces avec des armes (même factices) car j’ai bien peur que toutes les situations ne se finissent pas aussi bien que celles vécues par Kader et son ami, surtout s’ils sont aussi « guignols » que nos deux compères. Encore bravo à mes collègues intervenants.
Je conçois que cette journée à été harassante pour sa famille et son défenseur mais s’il se retrouve confronté à cette journée usante s’est uniquement de sa faute et à personne d’autre. Il est donc responsable d’avoir exposé sa famille à cette « parodie de justice ». On ne peut pas toujours renvoyer la faute sur la mauvaise organisation de la justice ou critiquer le comportement de son escorte, l’ayant soumis lors de tous ses transfèrements, au port des entraves.
Je ne sais pas quelle sanction prendra le Tribunal Correctionnelle ou la Cour d’Assises contre « Kader » mais la journée qu’il à vécu au Tribunal, à vos côté, est déjà une forme de sanction, qui certes n’est pas prévu par la loi mais qui d’un point de vue psychologique aura sans doute des effets porteurs et positifs sur son avenir de père, car je suppose qu’il n’est pas pressé de re-soumettre sa famille à pareil stress ou pareille peine.
D’autre part, dans votre billet vous avez mis fermement l’accent sur la longueur de votre journée, ainsi que celle des magistrats. Je vais donc me permettre d’expliquer le travail des policiers car vous ne vous y êtes que très peu attardé, même si j’apprécie le fait que vous ayez venté les qualités humaines des procéduriers.
La mission des policiers soumis à l’exercice de la Police Judiciaire est lourde, stressante et fatigante. La vigilance et la clairvoyance sont de rigueur. Gare à ne pas oublier une signature et attention de ne pas se tromper d’horaire sur un PV, l’avocat de la défense est là pour veiller à ce strict respect des règles et on sait qu’il n’hésitera pas à détruire le travail de plusieurs mois. Vigilance aussi face à la personne que l’on doit garder à vue. Même s’il est gentil et parait sincère on ne le connait pas plus que ça. Nombreux sont ceux qui, derrière est un beau sourire et des paroles mielleuses, n’attendent que la bonne opportunité pour vous fausser compagnie. Les menottes, bien que très peu populaires chez les avocats, permettent au moins de limiter ce risque.
Pour ma part, il m’arrive d’effectuer des missions bien plus longues que celle à laquelle vous avez été confronté ce jour là , mais n’y voyer pas là une attaque contre votre corporation. Je respecte les avocats.
D’ailleurs, dans les mois à venir, nous allons être amenés à partager une grande partie de notre emploi du temps. Comme je l’ai déjà dit, vous passerez bientôt plus temps avec les policiers qu’avec les magistrats et peut être qu’à terme cette situation aura des conséquences sur votre vision des choses. Wait and see !!!
Lorsque nous agissons dans le cadre d’une commission rogatoire, il nous arrive d’effectuer tous les actes de l’enquête policière, de l’interpellation jusqu'à la mise à exécution du mandat de dépôt, en passant par la phase des auditions, des perquisitions, des saisies et des présentations devant les magistrats (Proc, JI et JLD). Vous comprendrez alors aisément que le temps passé avec le prévenu est bien supérieur à celui que vous avez passé avec « Kader ».
Récemment, lors d’une mission, des collègues et moi-même avons été amené à interpeller un individu à PARIS, perquisitionné son domicile et l’entendre sur les faits reprochés dans une salle crasseuse d’un commissariat que nos collègues parisiens avaient consenti à nous mettre à disposition. A l’issue de ces investigations classiques, nous prenions la route en direction de la Province à 500 km de là , pour présenter notre gardé à vue au magistrat mandant. Après plusieurs heures de route et à l’issue de cette présentation, le JLD décidait de faire écrouer l’intéressé vers une Maison d’Arrêt situé à 60 km du siège de son TGI.
Le nombres d’heures passés avec ce prévenu et les kilomètres réalisés en sa compagnie ont évidemment permis de créer un climat extrêmement serein, sein et j’irais même jusqu'à à dire presque d’amitié, tant une proximité s’était créer entre lui et nous.
Si l’intéressé s’est retrouvé dans cette position, « bringbalé » pendant plus de 2 jours aux 3 coins de France, c’est uniquement de sa faute !!! Évidement, je n’ai pas éprouvé non plus de plaisir à l’éloigner de ces proches ou à le soumettre au port des menottes lors de nos déplacements, mais j’estime le port de celles-ci nécessaires et j’ai expliqué pourquoi. A ce titre, je regrette trop souvent dans vos billets, comme dans ceux de Maitre Eolas, que vous reprochiez aux policiers de menotter des prévenus, en accentuant ce reproche par l’utilisation d’un vocable fort : « laisse », alors que cet objet porte le nom de « chaine de transfèrement ».
J’agit comme un professionnel et évite autant que faire se peu de m’alourdir de fardeaux dont je ne peux rien. Je me comporte envers les gardés à vue avec la dignité que m’impose ma fonction et ma qualité d’homme, comme grand nombre de policiers soit dit en passant. Il m’arrive régulièrement de partager avec ceux-ci un sandwich, une boisson ou un café, le tout financé par mes soins. Ce comportement me parait normal et même logique surtout si j’ai à faire à une personne respectueuse, comme ce fut le cas lors de cette mission.
Lorsque l’individu a été « déposé » à la Maison d’Arrêt, c’est toujours avec une poignée de main franche et sincère que je salue celui qui a été plus proche de moi que les membres de ma famille lors des dernières heures. J’accompagne cette poignée de main, les yeux dans les yeux d’un aussi sincère « BONNE CHANCE POUR LA SUITE », laquelle parole se voit retourner un : « MERCI T’ES SYMPA ». Pas de haine
Nous ne faisons que notre travail, bien que celui-ci soit de moins en moins populaire. La faute à qui ?? Le débat est ouvert.
En tout cas, merci de nous permettre d’avoir une tribune sur votre blog. J’aimerais que dans nos rangs, des gens est votre talent pour rédiger aussi régulièrement des billets passionnants sur le quotidien des policiers. Ils pourraient nous permettre de nous réconcilier avec la population. Nous en avons tant besoin, elle en a tant besoin !!
Cédric
C'est vrai que j'insiste peu sur le boulot des policiers, mais c'est parce que, bien sûr, je connais mieux la phase judiciaire, et je pense effectivement que la réforme à venir fera évoluer ça aussi (quoi que si le projet de réforme passe tel quel, je vais me retrouver des nuits entières muet sur une chaise à côté de vous qui mènerez vos auditions tout seul comme avant : je sais où et quand je vais l'écrire, mon livre !).
Croyez aussi que j'entretiens les meilleurs rapports du monde avec tous les enquêteurs que je connais -dont d'ailleurs plusieurs à Lille ont été assis dans les mêmes amphis que moi, il y a déjà un petit moment...
Je parlais hier soir tard avec un procureur de l'époque, à Lille, où ce sont les OPJ qui amenaient les suspects, époque que j'ai connue (et à laquelle, pendant les temps d'attente, on avait des échanges passionnants ; une fois, une collègue à vous amenait un pédophile récidiviste, à mon sens pas dangereux en termes d'évasion ou de geste inconsidéré. Comme je la connaissait comme étant une enquêtrice particulièrement teigneuse, me voilà parti dans une grande diatribe mi-chambreuse, mi-sérieuse, sur les menottes inutiles... Elle m'a répondu qu'elle ne voulait pas les lui enlever, pour les raisons que vous exposez, mais que si je voulais, elle pouvait m'attacher à lui, ça lui ferait une main libre, puisque j'y tenais... Coincé, le Mô, j'ai dû dire chiche, et poireauter à trente centimètres du bonhomme tout le reste de l'attente... C'était le bon temps !) : il s'avère qu'en fait un rapport à décidé que les OPJ n'avaient pas que ça à faire, et surtout qu'ils coûtaient en heures sups', bien plus cher que le policier de base... (Ce qui fait qu'hier on a attendu trois heures qu'un "équipage se libère, bref...).
Il y a des "blogs de flics", sinon, un peu partout : ne désespérez pas !
En gardant à l'idée que ceux d'entre vous qui viennent me faire le plaisir de me lire, ou Eolas évidemment et d'autres confrères, ne sont à mon avis pas ceux qui sont les plus radicaux ni les moins ouverts d'esprit...
Si vous voulez, je vous raconterai un jour comment les policiers m'ont sauvé la vie, en pleine Cour d'Assises, et contre... Mon client ! Juré !
Vous nous reparlez de votre livre et je sens que cette idée commence à murir dans votre tête. J'ai bien compris aussi que lorsque vous me dites que vous envisagez de l'écrire à mes côtés, pendant que j'auditionne votre client dans un silence forcée m que m'auront accordé les nouvelles dispositions du CPP, c'est une façon détournée de me proposer d'écrire la préface de votre ouvrage. Et bien, après avoir réfléchi longu ...... J'ACCEPTE !!
Je savoure déjà à l'idée de connaître les circonstances qui ont permis à des policiers de sauver la vie de Maitre Mô en pleine Cour d'Assises.
Si vous avez des noms de bons "blogs de flics" , je suis preneur car je n'en connais point.
Vous êtes intéressant et vous écrivez bien. A quand le blog de Cédric ? Pas besoin d'écrire tous les jours...
Je crois malheureusement n'en n'avoir ni les compétences, ni les moyens intellectuels.
Je me contenterais dans l'immédiat de quelques commentaires sur les blogs d'Eolas et de Mô....mais, comme pour ce dernier, laissons l'idée murir.
Parmi les "blogs de flics" vous pouvez aller voir les deux suivants : http://moreas.blog.lemonde.fr/ et http://police.etc.over-blog.net/. Personellement je les classerais dans les bons (intéressants sur le fond et bien écrit), mais je vous laisse vous faire votre propre avis.
Toutes mes félicitations (avec une pointe de jalousie dedans, parce qu'écrire aussi vite relève de l'exploit...et qu'épouser une femme aussi compréhensive force le respect).
Moralité : pourquoi croyez-vous que je me lève vers 3 heures 30/quatre heures tous les jours, dimanche inclus ?
M'en fous, j'ai entrepris d'apprendre à Petit Mô (3ans) à se servir d'un clavier : il se trouve que je le fais en me connectant au blog, et que j'ai une pédagogie à base de démonstration essentiellement...
Un bon truc à ceux qui sont dans le même cas : en partie droite de l'écran, tapez "comptines enfants" sur U-Tube ; asseyez l'impétrant sur vos genoux, il fixera les trucs qui défilent ; partie gauche, ce que vous avez à faire sur le Ouaibe, évidemment, héhé...
J'aime beaucoup la formule qui résume assez bien les errances de la justice pénale et du parquet en particulier durant cette journée.
Je me permets une toute petite observation que je formule d'autant plus humblement que je m'en suis rendue compte il y a peu: il convient d'écrire "par acquit de conscience" et non par "acquis de conscience", il s'agit en effet du verbe acquitter, terme ô combien cher à notre profession!
A part ça, bel exploit. D'ailleurs, pour arrondir vos fins de mois, vous pourriez tenter de vous faire sponsoriser par des fabricants de clavier. Je vois bien un logo indiquant "ce clavier a résisté à la saisie d'un article par Maître Mô" !
PS : les "an arrêt-maladie" des greffiers, c'est une faute ou c'est pour indiquer la durée moyenne des dits arrêts ?
PS2 : vous avez bien fait de ne pas publier ce texte en plusieurs fois ... Je ne voudrais surtout pas sous-entendre que, parfois, vous publiez des textes en plusieurs fois et qu'on attend la suite, hein, c'est pas du tout mon but
PS3 : Le jour ou vous écrirez des livres et ou vous serez encore plus connu, je vous propose "oussel" comme prénom pour le comparse ... En plus, chanter des chansons sur des gens dont les maisons n'ont pas de murs, en prison, c'est original non ? (ok je sors )
Ceci dit, c'est quand même un peu limite non, comme argument ? Parce que, dans ce cas, la question suivante qui me vient à l'esprit c'est "comment le proc (euh, c'est bien le proc, hein, qui poursuit, je dis pas de bêtises ?) arrive t'il à justifier qu'il se soit gouré (y'a pas d'autre terme) entre vol avec arme et vol avec violence ?" C'est quand même pas pareil
J'espère lire votre prochain article avant que ne "tombe" le délibéré de l'affaire qui m'a conduit devant le CPH... (et qu'icelui soit favorable au salarié que je représente ....Je sais, je sais, "icelui" est un plagiat...C'est de la langue de Mô, pardon Maître )
Et vous feriez un piètre délinquant, tant vous semez (volontairement ?) les indices (et les aveux) à droite et à gauche dans vos interventions et sur la toile.
Je nous ai trouvé un nouveau point commun à ajouter à nos origines (avec cette différence que j'ai quitté le 59 et ai renoncé à danser sur les tables chez Mademoiselle Fifi) , faute d'ENM : le marchfeld de l'ESM.
N'auriez vous pas été un cijas
dude génie ?Et puis j'avais vraiment été sélectionné pour mes aptitudes physiques et intellectuelles au combat . . .
Et une fois affecté, je me suis pris la tête avec le cijas local, qui doit être avocat aujourd'hui (comme quoi il doit y avoir quelque chose de génétique ...)
Quant à ces soirées chez Mademoiselle Fifi, je suis sûr que c'était vous
Ah , madame Mô n'est pas au courant, veuillez m'excuser
Bien malgré moi, j'ai dû m'arrêter au milieu lundi après-midi (débordée, pas le temps, toussa), et j'avais même complétement oublié de venir lire la suite jusqu'à aujourd'hui!
Mention spéciale à "ledit ballet ressemble le plus souvent à un ballet à chiottes" qui m'a fait beaucoup rire, et à "mon ami enrobé" qui m'a d'abord fait croire que Gildas avait de l'embonpoint, avant de comprendre qu'il avait uniquement une robe!
Merci pour ce récit, une fois de plus poignant, instructif, et humoristique (ah oui j'oubliais, très bonne entracte!!).
En tant que jeune avocate, j'avoue avoir failli faire la gaffe que vous mentionnez (solliciter la nullité de la garde à vue au motif que tous les actes ne sont pas contresignés par l'OPJ ni par le gardé à vue), fort heureusement d'autres confrères à qui j'en ai parlé m'ont appris qu'on ne nous donne jamais la vraie "copie du dossier", mais en réalité on nous donne une copie imprimée par les services de police à partir des fichiers informatiques des PV... par conséquent ils ne sont jamais signés (ce qui n'est pas du tout pratique pour vérifier la conformité des signatures...)
Et je confirme aussi que pour les compa on n'a jamais le PV du parquet dans notre copie du dossier, ni le casier judiciaire, ni l'enquête sociale rapide, si bien qu'on les consulte lorsque l'audience débute, en urgence (comme tout ce qu'on fait en compa!).
La réaction de Kader, telle que vous la relatez, face au Juge des Libertés et de la Détention en est, par sa simplicité et son authenticité le bouleversant point d'orgue.
Les petites notes de bas de page ne sont pas les passages les moins appréciés, je m'essaie à la rhétorique juridique de l'euphémisme, notamment les 3, 4, 6, 8, 16, 19, 23, 24, 26, 29, 30, 31, 32, à ce propos de 32, ne craignez vous pas que la dite procureur interprète mal l'affirmation que sa beauté est romancée ?, 33, 34, m'a bien fait rire la 34, 36, 38, 41, 42 et les autres aussi.