Trois jours prévus au coeur de cette session d’Assises. Une durée correcte au vu des faits (vol avec violences ayant entraîné la mort de la victime sans intention de la donner, réclusion criminelle à perpétuité encourue) et de l’acquittement plaidé par l’un des accusés.
J’ai de la chance : mon Parquet Général considère que les “beaux” dossiers ne sont pas forcément son apanage, et ne nous envoie donc pas exclusivement aux Assises sur les affaires de viol. Cela fait déjà plusieurs mois que le substitut général chargé de l’audiencement m’a demandé si je souhaitais soutenir l’accusation dans le procès Cécilia J./Victor R., et que j’ai accepté, non sans enthousiasme d’ailleurs : j’ai suivi ce dossier depuis le tout début, depuis la découverte des faits, j’ai ouvert l’information judiciaire, requis le placement puis le maintien en détention provisoire des deux mis en examen, rédigé le réquisitoire définitif. Le substitut général a pris mon opinion sur ce dossier, s’est enquis de ce que je requerrais le cas échéant, et j’ai été désignée. Me voici Avocat général pour trois jours.
Avant d’entrer dans la salle, je passe saluer le président et ses assesseurs, de la façon distante particulière aux journées d’Assises, car même si nous travaillons et déjeunons fréquemment ensemble le reste de l’année, nous limitons tacitement nos contacts durant les procès criminels. Justice must not only be done, it must also be seen to be done. Pas de bises devant les jurés donc, et distance respectueuse à l’égard des parties et de leurs avocats également.
L’audience s’ouvre, les accusés sont introduits dans le box, le tirage au sort des jurés peut commencer. Le Parquet Général m’a appelée la veille pour m’informer que l’une des jurées, assez âgée, a confié la semaine dernière, à un substitut général, à l’issue de la première affaire, ne pas se sentir capable de supporter la pression, la lourdeur des débats, la gravité des faits … Le collègue en question l’a d’ailleurs vue pleurer discrètement à plusieurs reprises, au cours des deux jours d’audience. Bref, si le nom de cette jurée est tiré au sort, il faudra se poser la question de la récusation, pour la bonne tenue des débats et du délibéré.
Son nom ne sortira pas de l’urne aujourd’hui. L’une après l’autre, les billes portant les numéros de chaque juré sont extirpées par le président, et les jurés potentiels s’avancent dans la travée centrale, la plupart regardant de droite (vers la défense) et de gauche (vers moi) comme s’ils progressaient entre deux rangées de snipers. Les deux avocats des accusés se sont manifestement entendus pour qu’un seul d’entre eux exerce leur droit de récusation, ce qu’il a fait dès que le premier nom a été prononcé : la première femme désignée par le sort a à peine eu le temps de se lever avant qu’il ne l’écarte de ce jury. Le temps que je me demande si le défenseur applique la technique selon laquelle il est bon de récuser le premier juré tiré au sort afin que les suivants se sentent “choisis”, elle est suivie par deux autres femmes, tandis que trois hommes, tous quinquagénaires, rejoignent l’estrade et se placent aux côtés des juges. Ah, c’est une autre stratégie qui s’applique côté défense, semble-t-il. Je décidé donc d’user à mon tour de mon droit de récusation, en excluant les trois hommes suivants (mais en conservant une possibilité de récusation au cas où la jurée qui s’est signalée auprès du Parquet Général serait sélectionnée), la défense récusant encore deux femmes avant d’épuiser ses droits en la matière. Au final, nous obtenons un jury comprenant cinq hommes et quatre femmes (outre deux jurés supplémentaires, deux hommes), ce qui me convient. Je préfère les jurys équilibrés, en genre comme en âge, autant que faire se peut. Après tout, c’est la société qui juge ses criminels, autant qu’elle soit représentée avec réalisme.
Après la prestation de serment des jurés, le président donne la parole au greffier, qui lit l’ordonnance de mise en accusation du juge d’instruction. Ordonnance qui, en l’occurrence, ne reprend pas un seul mot de mon réquisitoire définitif : en matière criminelle, ce juge tient à rédiger lui-même sa décision, ex nihilo. Ce sont donc ses mots qui résonnent dans la salle des Assises pour retracer les circonstances de la mort de Johanna B., et l’enquête qui a amené les accusés à cette barre, aujourd’hui.
A la demande de sa soeur Marielle, les policiers ont pénétré, le 6 décembre 2004, dans l’appartement de Johanna B. et ont découvert celle-ci gisant nue, inconsciente, sur le sol de sa salle à manger, baignant dans une flaque d’urine et de sang. La jeune femme était enceinte, de ces grossesses difficiles qui obligent dès les premières semaines à rester allongée l’essentiel de la journée. Sa soeur l’avait donc convaincue de venir habiter chez elle sous peu, jusqu’à la naissance, et s’est inquiétée de ne plus avoir de réponse à ses appels téléphoniques depuis le 30 novembre précédent.
Johanna est décédée le lendemain de son hospitalisation, sans avoir repris conscience. L’autopsie a révélé qu’elle avait subi de multiples violences (contusions thoraciques, crâniennes, aux poignets et chevilles), lesquelles ont entraîné un avortement spontané puis son décès, et présentait notamment d’importants hématomes évoquant une prise et une constriction cervicales à la main, de face.
Son appartement présentait des traces de fouille approfondie, ainsi que d’une lutte l’ayant opposée à ses agresseurs. Une housse de fauteuil souillée de sang a été saisie. La découverte de mégots de cigarettes d’une marque différente de celles que fumait Johanna B. et de la lunette des toilettes en position relevée ont immédiatement incité les enquêteurs à soupçonner la venue sur les lieux d’un homme.
Il a encore été découvert que la carte bancaire de Johanna B. avait été capturée le 29 novembre 2004, à 22 h 27 mn, après trois tentatives infructueuses de retrait portant sur des sommes modiques, par le distributeur automatique de La Poste situé à proximité de son domicile. D’après les renseignements fournis par sa soeur, qui avec leur amie commune Sylvie avait seule rendu visite à Johanna B. au cours des dernières semaines, une montre, deux bracelets et un chéquier avaient également été dérobés à la victime.
Les réquisitions téléphoniques relatives à la ligne filaire de Johanna B. ont par ailleurs révélé que Louisa R. avait été contactée, le 29 novembre 2004 à 23 h 34, depuis son poste, la conversation ayant duré une minute et treize secondes.
Le 3 décembre 2004, le poste de Johanna B. a été décroché pendant 58 secondes à la suite d’un appel émanant de Marielle B..
Marielle B. a indiqué aux enquêteurs s’être rendue en compagnie de Sylvie, le 30 novembre 2004, au domicile de sa soeur afin de déménager une partie de ses affaires en vue de son prochain emménagement. Sans leur ouvrir sa porte, Johanna B. leur a crié ne pas souhaiter les voir ce jour-là et être fatiguée. Marielle B. a reconnu avoir jugé ce comportement curieux, mais non extraordinaire, Johanna B. ayant été caractérielle. Elle a ultérieurement tenté, à plusieurs reprises, de joindre téléphoniquement sa soeur, sans succès. Marielle B. a précisé à cet égard qu’à la suite de l’un de ses appels, le 3 décembre, le téléphone de sa soeur avait été décroché puis raccroché, après quelques secondes sans paroles.
Bernard F., voisin de Johanna B., a quant à lui déclaré avoir entendu cette dernière parler fort depuis son domicile, un soir, durant la semaine du 30 novembre 2004, invectivant son interlocuteur dans les termes suivants : Sortez de chez moi, connasse. La porte de l’appartement de Johanna B. avait ensuite claqué.
Ses proches et voisins ont tous précisé que Johanna B., ayant fait l’objet d’une agression quelques années auparavant, était de nature extrêmement méfiante, n’ouvrant sa porte qu’après avoir identifié ses visiteurs au moyen du judas, et verrouillant en permanence son domicile.
Une information judiciaire a été ouverte contre X du chef de vol précédé, accompagné ou suivi d’actes de violence ayant entraîné la mort.
Les investigations se sont rapidement orientées vers Victor R., frère de l’ex-mari de Louisa R., et sa concubine Cécilia J..
Entendue par les enquêteurs, Louisa R. a relaté avoir reçu, au soir du 29 novembre 2004 et alors qu’elle était déjà couchée, un appel téléphonique émanant de Cécilia J., qui lui avait demandé l’autorisation de venir boire un café chez elle. Devant son refus, celle-ci lui avait simplement indiqué qu’elle viendrait la voir le lendemain matin. Louisa R. a précisé n’entretenir que de superficielles relations avec Cécilia J., qu’elle estimait être dépendante vis-à -vis de l’alcool et de médicaments de type Lexomil. Elle a décrit le couple qu’elle formait avec Victor R. comme coutumier des violences réciproques, et tous deux alcooliques et toxicomanes.
Le 5 janvier 2005, Cécilia J. et Victor R. ont été interpellés à leur domicile, situé dans la même rue que celui de Johanna B.
Cécilia J. a immédiatement reconnu avoir pris part à l’agression de Johanna B., imaginée par son compagnon en vue de se procurer facilement de l’argent, l’état de grossesse et de faiblesse de la jeune femme étant connu dans le quartier. Entrés dans l’appartement de force, en poussant violemment la porte entrouverte par Johanna, ils s’étaient réparti les tâches, elle-même fouillant le logement à la recherche d’espèces et d’objets de valeur tandis que Victor R., qui s’était au préalable muni de gants de plastique, administrait à la victime de multiples gifles et coups de poing qui l’avaient fait tomber à terre. Il avait alors “étranglé” Johanna B., la sommant de révéler le code de la carte bancaire que Cécilia J. venait de découvrir. Il avait ensuite été relayé par sa compagne, qui avait à son tour giflé la jeune femme à plusieurs reprises.
Profitant d’un moment d’inattention de son compagnon, Céciilia J. avait appelé son ex belle-soeur Louisa, sans pouvoir dire dans quel but, puis avait raccroché et quitté seule l’appartement, non sans emporter la carte bancaire de Johanna B.. Elle avait alors tenté de retirer de l’argent au distributeur automatique, mais la carte bancaire avait été capturée par l’appareil, faute de code. Elle avait ensuite regagné le domicile de la victime, envers qui Victor R. continuait d’exercer des violences, et que Cécilia J. décrivait comme se trouvant muette, en “état de choc”.
Apprenant que la carte bancaire avait été perdue par sa compagne, Victor R. l’avait brutalement frappée au niveau de la bouche, cassant dans ce mouvement une dent qu’elle avait avalée. Elle s’était effondrée en pleurant sur un fauteuil qu’elle avait ainsi taché de sang.
Cécilia J. a précisé qu’elle-même et Victor R. avaient fumé des cigarettes de marque identique aux mégots retrouvés par les enquêteurs, durant leur passage dans l’appartement de Johanna B..
Elle a déclaré être revenue seule, le lendemain, au domicile de Johanna B., qui gisait toujours au sol dans la position dans laquelle elle l’avait laissée en partant, respirant en râlant, baignant dans son sang. Cécilia J. l’avait déshabillée “afin qu’elle ne reste pas mouillée”, et lui avait fait couler de l’eau dans la bouche. Entendant soudain deux femmes frapper à la porte, elle avait crié, en tentant d’imiter au mieux la voix de la victime, qu’elle ne voulait pas les voir.
Elle était repassée une dernière fois à l’appartement, trois jours après les faits, et avait constaté que Johanna B. n’avait pas bougé.
Entendu simultanément, Victor R. a nié avoir quelque lien que ce soit avec l’agression et le décès de Johanna B., avant de reconnaître avoir déposé sa compagne et leur ami commun Farid A. au pied de l’immeuble de la victime. Les ayant rejoints, en cherchant au hasard des couloirs à entendre leurs voix, il était entré dans un appartement et avait vu Cécilia fouiller les meubles tandis que Farid serrait une jeune femme à la gorge en lui demandant de l’argent. Ayant tenté de les ramener à la raison, il avait été menacé de mort par Farid et avait quitté les lieux. Il a contesté avoir ce soir-là frappé sa compagne, précisant qu’elle avait bien perdu une dent, mais au cours d’une altercation avec un commerçant, le mois précédent.
Victor R. est ensuite revenu sur ses premières déclarations, admettant avoir pris part à l’agression de Johanna B. dont Cécilia avait eu l’idée. Sa compagne, qui lui avait remis une paire de gants au pied de l’immeuble, lui avait d’ailleurs donné des instructions en langue portugaise au cours des événements, lui enjoignant notamment de repousser violemment la porte, de gifler la victime, de l’étrangler afin de lui faire révéler son code de carte bancaire. Il a néanmoins reconnu avoir frappé Cécilia B. au visage lorsqu’étant sortie tenter de retirer de l’argent avec la carte bancaire de Johanna B., elle était revenue lui avouer la capture de la carte par le distributeur. Il a précisé qu’avant de quitter définitivement les lieux, Cécilia avait porté un violent coup de pied à la tête de la victime. Elle était au cours des jours suivants retournée deux ou trois fois à l’appartement, “pour fouiller” sans succès, mais l’avait alors informé que la jeune femme était toujours vivante.
Victor R. a reconnu n’avoir dénoncé Farid que pour éviter d’être lui-même mis en cause.
Lors de leur première comparution devant le juge d’instruction, Cécilia J. a confirmé ses déclarations antérieures, Victor R. ne souhaitant pour sa part pas s’exprimer ce jour-là .
Deux mégots de cigarette et la housse de fauteuil tachée de sang trouvés dans l’appartement de Johanna B. ont permis de mettre en évidence l’ADN de Cécilia J.. Des traces d’ADN apparemment masculin, mais très incomplet, ont été relevées sur d’autres mégots.
Interrogé de nouveau par le magistrat instructeur, Victor R. est revenu sur l’intégralité des déclarations effectuées sous le régime de la garde à vue, affirmant avoir été à de nombreuses reprises frappé par les policiers et en avoir informé son avocat, lequel avait pourtant joint au dossier des observations ne mentionnant nullement d’éventuelles violences.
Il a nié toute participation à l’agression, affirmant dans un premier temps avoir passé la journée du 29 novembre au domicile de son ami Rafael. Celui-ci, interrogé par les enquêteurs, ayant nié avoir reçu Victor R. à son domicile au cours de la période concernée, Victor R. l’a stigmatisé comme étant un témoin indigne de foi, “un drogué qui a le SIDA et qui prend beaucoup de médicaments”. Il a alors assuré être en réalité resté le 29 novembre, jusque tard dans la nuit, avec un autre ami, Ahmed, qui s’est ultérieurement avéré incapable de confirmer ses dires. Victor R. a enfin précisé soupçonner l’existence d’une liaison entre Cécilia J. et Farid A. au moment des faits, ce qui en faisait à ses yeux un complice probable de sa compagne lors de l’agression.
Les deux mis en examen ont maintenu leurs déclarations lors d’une confrontation et d’interrogatoires ultérieurs.
Un transport sur les lieux a été organisé par le juge d’instruction, qui a procédé à la reconstitution des faits selon la version de Cécilia J., Victor R. niant être jamais venu au domicile de la victime. Le Dr BACHELOT, médecin légiste, a conclu à la compatibilité des dires de Cécilia J. avec les observations qu’il avait effectuées lors de l’autopsie.
Le 18 septembre 2005, l’avocat de Victor R. a communiqué au juge d’instruction une page d’observations qu’il disait avoir rédigées le 6 janvier 2005, entre 19 h 05 et 19 h 35, tandis qu’il s’entretenait avec son client, alors gardé à vue. Cette page comprend notamment le paragraphe suivant :
Monsieur R. m’indique que les policiers insistent pour qu’il reconnaisse les faits, qu’il a été giflé et menacé par l’un d’eux, qu’il est plusieurs fois tombé par terre puis qu’on l’a longuement fait rester debout ; qu’il a été insulté et qu’on lui crie dessus.
Victor R. aurait expressément demandé à son conseil de ne faire figurer en procédure qu’une page d’observations expurgée du paragraphe ci-dessus reproduit, craignant la réaction des policiers.
Victor R. a néanmoins fait l’objet, le 6 janvier 2005 à 21 h, d’une visite médicale pratiquée par le Dr DOMENECH, lequel n’a relevé aucune anomalie lors de cet examen clinique.
Voilà pour les faits, qui seront discutés dès le milieu de cet après-midi. La matinée va quant à elle être consacrée à l’étude de la personnalité des deux accusés.
Cécilia J. tout d’abord. Au moment des faits, six condamnations figuraient à son casier judiciaire, la plupart pour vols aggravés, l’une pour trafic de stupéfiants.
Née de père inconnu, elle est l’aînée d’une fratrie de huit enfants. En raison de comportements autodestructeurs et de violences paternelles, elle a été placée à l’âge de 15 ans au sein d’un foyer de l’enfance, pendant trois ans.
Elle a ensuite connu une période de dépendance à la cocaïne et à l’héroïne, première manifestation d’une toxicophilie qui semble aujourd’hui encore l’affecter, orientée désormais vers l’alcool et le cannabis.
Elle n’a jamais connu de situation professionnelle stable, allant jusqu’à se trouver sans domicile fixe.
Elle est la mère de quatre enfants, dont l’aînée a été adoptée, et les trois cadets placés en famille d’accueil.
Elle a fait l’objet, entre août 2000 et mai 2004, de huit hospitalisations en établissement psychiatrique.
Elle a bénéficié, à compter du 12 avril 2001, d’une mesure de curatelle renforcée (art. 512 du Code civil).
Le Dr HENRY, qui a procédé à l’examen neuro-psychiatrique de Cécilia J., a noté chez elle l’existence d’une pathologie toxicomane évolutive depuis une vingtaine d’années ; cette structure psychiatrique évolutive a, selon l’expert, partiellement entravé son discernement et le contrôle de ses actes au moment des faits. Ce praticien conclut par ailleurs à l’accessibilité du sujet à une sanction pénale.
M. RONALDO, expert psychologue, a relevé l’existence chez Cécilia J. d’une grande fragilité psycho-affective, sa personnalité demeurant marquée de troubles du comportement qui s’expriment notamment sur le versant psychopathique à tendance antisociale. Immature, instable, impulsive, son quotient intellectuel est évalué à hauteur de 85. L’expert conclut à la nécessité d’un suivi psychiatrique, à poursuivre à l’issue de sa période d’incarcération.
Le casier judiciaire de Victor R., quant à lui, ne mentionne aucune condamnation.
Il est le benjamin d’une fratrie de six enfants, et le père de deux garçons, issus de son union avec Cécilia J..
Arrivé en France en 2000, il n’a exercé d’activité professionnelle que de manière instable.
Le rapport d’expertise neuro-psychiatrique déposé par le Dr HENRY concernant Victor R. fait état de troubles profonds de la personnalité à type de troubles caractériels, comprenant amoralité, inadaptabilité et inaffectivité. L’expert conclut à l’altération chez Victor R. du discernement et du contrôle de ses actes au moment des faits, ainsi qu’à son accessibilité à une sanction pénale.
Les Drs ABIDAL et TREZEGUET, experts psychiatres, n’ont pour leur part décelé chez Victor R. aucun trouble psychique susceptible d’avoir pu abolir ou altérer son discernement ou le contrôle de ses actes. Concluant à son accessibilité à une sanction pénale et à sa réadaptabilité, les experts estiment que Victor R. ne relève d’aucune prise en charge psychothérapique.
M. RONALDO, expert psychologue, a constaté l’immaturité, l’irresponsabilité et le sens moral et éthique réduit qui caractérisent la personnalité de Victor R. et le prédisposent à une instabilité majeure ; il a également relevé que Victor R., dont le quotient intellectuel est évalué à 90, était enclin au mensonge, et pouvait développer des conduites mythomanes.
Deux jours de débats plus tard, rien de spécialement nouveau.
Cécilia J. maintient sa version, dévidée par saccades : le couple qu’elle a formé avec Victor, épisodique (vingt ruptures, vingt retrouvailles, deux enfants placés quasiment dès leur naissance) et qui ressemble davantage à la mise en commun de deux toxicomanies qu’à l’aboutissement de sentiments amoureux, les accès de violence de Victor qui l’ont par deux fois envoyée à l’hôpital, l’alcool, le cannabis, les médicaments, les crises de manque ; la vie en vase clos, la famille de Victor pour seules fréquentations, du moins les rares qui n’ont pas fini par la rejeter complètement, comme Louisa ; les rencontres médiatisées avec leurs deux fils, peu fréquentes, et dont ils ont souvent oublié les dates ; l’impossibilité de trouver un emploi, que l’on a à vrai dire cessé depuis longtemps de chercher ; l’argent qui a fait défaut, comme toujours, mais de façon plus pressante cette fois-là ; le projet, imaginé par Victor, pour se procurer facilement de l’argent, pas beaucoup, mais de quoi acheter les prochaines bouteilles et les prochaines doses, sans même imaginer de prendre des précautions élémentaires pour éviter d’être reconnus par la suite par une victime alors supposée survivre à l’agression ; la victime choisie pour son état de faiblesse et son isolement relatif connus dans le quartier (elle ne fréquentait que sa soeur, qui n’habitait pas la même ville, et Sylvie, mère de famille nombreuse déjà , à l’emploi du temps chargé ; malgré son état de grossesse, aucun compagnon, même de passage, n’a été retrouvé par les enquêteurs) ; la précipitation une fois sur les lieux, l’enchaînement des coups, la panique, dans un premier temps à l’idée d’avoir fait tout ça pour rien, pas d’argent sur place, puis devant la violence folle déployée par Victor, qui s’est déchaîné sur Johanna, et enfin devant l’état dans lequel elle s’est rapidement retrouvée, les yeux vides fixant le plafond, toute velléité de résistance envolée, le sang qui s’écoule lentement, les gémissements affaiblis, puis éteints ; le coup de fil à Louisa, sans autre raison que la panique, en cachette de Victor qui était occupé à fouiller une autre pièce ; le coup de pied qu’elle a reçu dans le ventre lorsqu’il l’a vue raccrocher précipitamment en revenant dans le salon ; une visite le lendemain, puis trois jours après, la jeune femme qui n’a pas bougé d’un cil, la peur panique lorsque ses proches frappent à la porte ; la terreur d’être découverts lorsque la nouvelle de sa mort a été publiée, les semaines suivantes sans sortir ou presque ; le quasi-soulagement de voir les policiers arriver et de tout leur avouer, tout de suite …
Le président la questionne, insiste notamment sur le fait qu’accuser Victor n’amoindrira en rien sa responsabilité à elle. Elle répond qu’elle le sait. Que de toutes façons, elle n’a aucun intérêt à vouloir le mettre en prison, car c’est le père de ses fils, qui sont sans parents depuis deux ans déjà .
Cette femme n’a pas dix ans de plus que moi, mais elle me paraît plus âgée que ma mère.
Victor R. est moins loquace que son ex-compagne. Il ne sort d’un mutisme obstiné que pour opposer des dénégations, à tout d’ailleurs, et pas forcément à bon escient : il nie ainsi avoir jamais porté la main sur Cécilia, bien que les déclarations des membres de sa propre famille le contredisent, de même que les certificats médicaux établis lors de ses deux hospitalisations. Il nie avoir jamais consommé de drogue, avant de s’emberlificoter, eu égard aux nombreux témoignages contraires, dans de vaseuses explications selon lesquelles il pensait qu’on lui demandait s’il s’était drogué depuis les faits. Il nie avoir pris part à l’agression de Johanna B.. Les aveux au commissariat ont été faits sous la violence, voilà tout. Lorsque les questions du président, les miennes ou celles de la partie civile deviennent gênantes, lorsqu’il se trouve confronté à ses propres contradictions, Victor R. se tait.
Ses parents, ses frères, son ex-belle-soeur, ses amis viennent à la barre le décrire comme alcoolique, drogué, menteur, manipulateur, prêt à tout sauf à travailler pour obtenir de l’argent. Victor R. se tait.
A l’issue d’une suspension d’audience, Cécilia J. réclame la parole, pour affirmer que quelques instants auparavant, alors qu’on les acheminait vers le box, Victor lui a promis de lui faire parvenir 3000 euros si elle l’innocente publiquement. Victor R. hurle, la traite de menteuse.
Le président demande si les parties souhaitent faire circuler certaines photos parmi les jurés et la Cour. Les photos de l’autopsie n’ont à mes yeux aucun intérêt, mais je demande à ce que soient montrées les images de la découverte de Johanna B. (je manque dire “de la découverte du corps”, tant elles sont saisissantes de non-vie), baignant dans son sang, notamment un gros plan de ses yeux obnubilés, sans regard, et les gigantesques hématomes sur son visage et son buste. Les avocats de la défense renâclent sur leur banc.
Les deux policiers directeurs d’enquête se succèdent à la barre, expliquent le déroulement des investigations, des gardes à vue, des interrogatoires. L’avocat de Victor R. se concentre sur l’un d’entre eux en particulier, un commandant proche de la retraite avec qui j’ai très peu travaillé, mais que je n’apprécie pas plus que ça : pas assez clair, une attitude pas “franc du collier” … Il demande à son client si c’est bien cet homme qui l’a frappé, et Victor R. bondit sur ses pieds en le pointant du doigt : “Ouais, enfoiré, c’est toi qui m’as tabassé, je te reconnais !”. Le commandant ne se démonte pas face aux questions de la défense, répond calmement, non il n’a pas frappé l’accusé, il n’est pas coutumier de ce genre d’agissements, la pression psychologique oui, c’est le jeu habituel de la garde à vue, mais la violence physique, non.
A ma demande, Victor R. précise que ce policier lui a donné des coups de poing, notamment dans la nuque et la mâchoire, à plusieurs reprises, tant qu’il n’est pas passé aux aveux, tant qu’il n’a pas accepté de signer un procès-verbal sans avoir aucune idée de son contenu. Je lui demande de préciser à quel moment il a reçu les derniers coups de poing, il me répond que c’était un peu avant de voir le médecin pour la seconde fois. Je relève que le certificat médical du Dr DOMENECH a été établi deux heures après le début de l’audition au cours de laquelle Victor R. a finalement reconnu avoir assisté aux faits, mais en accusant Farid, et ne fait état d’aucune anomalie.
Farid, justement, apprend avec stupéfaction à la barre que son pote Victor l’a accusé d’avoir agressé la jeune femme enceinte avec l’aide de Cécilia, que pour sa part il n’apprécie guère. Le regard qu’il lui jette pourrait être sous-titré “Tu quoque ?…”.
Troisième matinée d’audience, le défilé des témoins et experts est terminé.
Le président demande à toutes les parties d’évaluer, grosso modo, la durée de leur intervention à venir. J’annonce quarante minutes.
L’avocate des parties civiles plaide en premier, pendant une vingtaine de minutes au cours desquelles elle emploie souvent le mot “calvaire” (il faudra que je pense à employer un autre terme). Je regarde distraitement ces membres de la famille de Johanna, qui se sont tous constitués parties civiles dès le début de l’instruction, sa soeur bien sûr, et cinq oncles et tantes. Je ne peux pas m’empêcher de me demander si ces derniers étaient si proches que cela de leur nièce …
Je ne m’y attarde pas, la partie civile a fini, je ne demande pas de suspension d’audience, le président me donne la parole. Je me rends compte que moi qui ai toujours bien aimé le moment où je me rassois, réquisitions achevées, je commence à apprécier celui où je me lève. Une respiration, c’est parti.
Un bref rappel des faits d’abord, pas trop utile de le faire durer après deux jours de débats. Evocation des déclarations respectives des deux accusés, de l’évolution de celles de Victor R.. Viennent ensuite les éléments de nature à conforter les accusations de Cécilia J.. La découverte sur les lieux de son ADN, en plusieurs endroits. La confirmation de la réalité de l’appel téléphonique à Louisa R. par celle-ci, du bref dialogue à travers la porte avec Marielle B.. La compatibilité de sa description des coups portés par elle-même comme par Victor R. avec les constatations réalisées par les médecins légistes. La housse de fauteuil souillée de son sang, qui démontre que Cécilia J. a elle aussi subi des violences sur place, qu’un tiers était donc présent sur les lieux. L’ADN incomplet découvert sur les mégots, apparemment masculin, qui confirme cette hypothèse. Qui d’autre que Victor, le seul homme qu’elle soit autorisée à fréquenter, son compagnon de beuverie et de défonce, et avec qui elle vivait au moment des faits ?
Les accusations constantes et détaillées de Cécilia à l’encontre de Victor, dès son placement en garde à vue. Son absence d’intérêt à mentir sur ce point pour couvrir quelqu’un d’autre (qui d’ailleurs ?), ses capacités intellectuelles limitées aussi, trop limitées pour lui permettre d’échafauder cette histoire et de s’y tenir depuis deux ans, sans varier d’un pouce (je rappelle qu’elle est placée sous curatelle, ainsi que plusieurs éléments tirés de son expertise psychologique).
Les aveux de Victor R., parfaitement circonstanciés, selon l’expression consacrée. Je sais qu’ils ne contiennent aucun élément qui n’ait pas été en possession des policiers au moment où ils ont été faits, eu égard aux déclarations de Cécilia J., à une exception près : la mention de l’emplacement et du niveau restant d’une bouteille de soda, qui figure dans l’audition au cours de laquelle il a accusé son ami Farid. Mention saugrenue dans le contexte qu’il évoquait : il prétend être placé par surprise devant une scène extrêmement violente, et il s’attarde à remarquer une bouteille de soda sur un coin de table ? Evidemment, il a eu davantage de temps pour noter ce détail s’il a passé quelques heures sur les lieux … conformément à la déposition de Cécilia J..
Ces aveux sont extrêmement précis quant aux violences exercées à l’encontre de la victime, à l’état dans lequel ils l’ont laissée, aux biens dont ils se sont emparés.
Je m’élève contre les accusations de violences policières formées par Victor R. : certes, la garde à vue n’est nullement conçue pour être un moment agréable. Néanmoins, l’accusé a vu le médecin ainsi que son avocat, chacun à deux reprises, sans évoquer de violences auprès du médecin, sans que son conseil ne joigne au dossier d’observations en ce sens. Il s’est également entretenu avec le juge d’instruction, venu prolonger sa garde à vue, puis lors de son interrogatoire de première comparution, sans lui signaler le moindre incident.
Je remarque de plus que jamais avant l’audience Victor R. n’a parlé de coups de poing : le courrier communiqué au juge d’instruction, plusieurs mois après la garde à vue, évoquait une paire de gifles ; il a dit au Dr HENRY avoir été frappé avec un livre, et a indiqué à M. RONALDO avoir subi des pressions psychologiques, mais aucune violence physique …
Je reprends les certificats établis par le médecin lors des deux gardes à vue. Pointilleux, le Dr DOMENECH a été jusqu’à mentionner l’état de nervosité dans lequel se trouvait Cécilia J.. Comment aurait-il pu passer à côté des traces que n’auraient pu manquer de faire apparaître les coups de poing allégués ? Je rappelle à cet égard à la Cour les photos qui ont circulé, et les hématomes bien visibles sur le visage et le buste de la victime qui, elle, a réellement reçu de multiples coups de poing …
Je relève enfin et surtout que si l’on suit la version de l’accusé quant au déroulement de sa garde à vue, les fameuses violences n’auraient servi qu’à obtenir les accusations qu’il a portées à l’encontre de Farid A. … Si vraiment les policiers avaient passé Victor R. à tabac et lui avaient fait signer des aveux mensongers, les procès-verbaux auraient dès sa capitulation mis en cause sa propre responsabilité, et non celle d’un tiers. Je note à ce propos que l’accusé a indiqué avoir soupçonné l’existence d’une liaison entre sa concubine et Farid et avoir livré le nom de ce dernier afin de s’en venger. Mais quel innocent placé en garde à vue et injustement accusé d’un crime crapuleux penserait à saisir ainsi l’occasion de régler ses différends amicaux et conjugaux ?
Je considère donc que Victor R. ment sur ce point, comme il a par la suite menti au juge d’instruction au sujet de son emploi du temps du 29 novembre, en affirmant d’abord avoir passé la journée avec son ami Rafael, qu’il a ultérieurement qualifié de témoin indigne de foi, puis avec un certain Ahmed. A aucun moment, il n’a eu le comportement d’une personne innocente, faussement accusée d’un crime.
Quant aux fameuses observations ultérieurement adressées par son avocat au juge d’instruction (attention, exercice délicat : montrer que je n’y crois pas sans traiter ouvertement l’avocat de menteur patenté), je regrette la tardiveté de leur communication, et fais remarquer qu’entre l’issue de sa garde à vue et le courrier de son conseil, plusieurs mois se sont écoulés sans que Victor R. ne mentionne l’existence de ces observations et l’interdiction qu’il avait fait à son avocat de les joindre à la procédure.
Je crois à sa culpabilité. Je le dis (Aaie, ça doit faire plus d’une heure que je requiers, c’est trop long, je me fais l’effet d’un chat qui aurait avalé une boule de poils, pourvu que ça ne s’entende pas trop …).
J’en termine sur les faits en rappelant à la Cour que s’il est normal de craindre une erreur judiciaire, la seule qu’il pourraient commettre aujourd’hui serait de ne pas condamner les deux auteurs des faits poursuivis, qui ont causé la mort de Johanna B..
En considération des éléments de personnalité dont nous disposons, et bien évidemment de la gravité des faits à sanctionner, je demande à la Cour de condamner Cécilia J. et Victor R. à la peine de 25 ans de réclusion criminelle.
Je me rassois, j’ai mal partout, le président suspend l’audience pour quelques minutes, avant les plaidoiries de la défense. J’en profite pour courir à mon bureau ingurgiter un litre ou trois d’eau, j’ai finalement l’impression d’avoir avalé le chat tout entier.
A la reprise de l’audience, l’avocate de Cécilia J. prend la parole. Elle plaide essentiellement sur la personnalité de sa cliente, sur une certaine honnêteté foncière aussi, qui lui a fait reconnaître franchement, et dès le début, sa responsabilité.
Vingt minutes plus tard, l’avocat de Victor R. plaide à son tour, plaide l’acquittement, lui. Une heure et demie à tenter de battre en brèche tous les arguments que j’ai exposés. Je ne réagis surtout pas, j’affiche au contraire un visage de bonze. Il n’y a rien que je déteste plus en audience que cette manie qu’ont certains avocats et parquetiers de s’ébrouer et de faire mine de protester pendant l’exposé de la partie adverse. Ca ne sert qu’à montrer aux juges et jurés qu’on les prend pour des benêts incapables de distinguer eux-mêmes qu’on est en train de tenter de leur faire passer des vessies pour des lanternes.
Il plaide mieux que je ne requiers, ce qui pourrait être vexant s’il n’avait pas une bonne douzaine d’années d’ancienneté de plus que moi. De toutes façons, les effets de manche ne vont pas au Parquet, à mon avis. Tout en l’écoutant, je me demande quand même si je suis la seule ici à avoir les amygdales velues.
Après le dernier avertissement aux jurés, le président lève l’audience, la Cour s’en va délibérer. Je remonte dans mon bureau, où l’huissier audiencier m’appelle deux heures et demie plus tard. Le délibéré a été court.
L’audience reprend, le président rend le verdict. Je croise le regard de l’avocat de Victor R.. Je sais que nous nous retrouverons tous dans quelques mois.
[La parole est à la Défense]
je passe au tribunal pour expulsion de mon appartement par l'opac société de hlm le 19 novembre 2018 pour homophobie et je suis séropositif, par rapport a 4 voisines célibataire qui on su mes pathologies ,et a raconter a tous le voisinages j'ai 58 ans et j'ai tres peur de me retrouver a la rue, ayant fait un infarctus au mois de décembre 2017 et suite a une sintographie il mon découvert les artères du cou qui a des plaques risque encore d'un infarctus .
que doit je faire qui pourrai m'aider a me trouver un studio ou t2 n'importe ou en France je suis mobile mais tres fatiguer essouffler.
vous remerciant d'avance veuillez agrée mes salutations les plus distinguées.
Mr kruk joseph
mobile 07/87/53/77/22
1) "notamment un gros plan de ses yeux obnubilés, sans regard..." : devons-nous comprendre "exorbités" ? Obnubilé qualifie en effet ordinairement l'esprit, lequel se trouve alors obscurci.
2) "Je me rends compte que moi qui ai toujours bien aimé le moment où je me rassois" : rassieds (indicatif présent) siérait mieux. "Rassoie" (avec e et sans s) ne s'emploie qu'alternativement à la forme "que je me rasseye" (subjonctif présent).
Sur le fond : merci de ce point de vue de ce côté-là de la barre.
Bravo et merci
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Une seule chose m'étonne, ce sont les "yeux obnubilés". Je ne vois pas ce que l'obsession peut faire dans un regard quasi vide. Vouliez-vous dire exorbités ou autre chose ?
En attendant votre réponse, je file lire la suite.
Le terme "obnubilé" ne doit pas être pris ici dans son sens d'"obsédé". Il s'agit de l'adjectif employé par le médecin intervenu sur les lieux pour évoquer l'absence de réaction des yeux aux stimuli employés.
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Au fait, petite question : "distance respectueuse à l’égard des parties et de leurs avocats". C'est une contrepèterie ?
Pour le côté plus analytique, c'est normal, c'était voulu pour deux raisons : d'abord parce qu'il me paraissait plus logique d'intégrer de "mon" (véritable) côté l'exposé des faits qui constitue l'essentiel de l'ordonnance de mise en accusation, ensuite parce que je voulais faire apparaître la vision plus détachée et moins personnelle qui est celle du magistrat, lequel n'a pas avec les parties de relation comparable à celle d'un avocat avec son client.
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Passionnant de bout en bout...
Vous rendez particulièrement bien la "théâtralité" de ce type de procès.
Je me demande simplement quelle aurait été ma réaction face au même récit fait par Maitre Mo avocat de Cécilia J ou Victor R.
Vivement la suite.
J’adore : « Il plaide mieux que je ne requiers ». Et particulièrement : « Je ne réagis surtout pas, j’affiche au contraire un visage de bonze. Il n’y a rien que je déteste plus en audience que cette manie qu’ont certains avocats et parquetiers de s’ébrouer et de faire mine de protester pendant l’exposé de la partie adverse.»
Ce n’est pas facile comme exercice et c’est ce qui lui donne un certain zeste . La preuve est que cela n’altère pas votre perception de l’environnement . Bien au contraire , vous a rendue attentive à tout ce qui bouge autour de « votre » procès . C’est la performance dans ce déséquilibre contrôlé que j’adore !
Vous racontez les évènements suivant un angle de vue peu anodin qui est celui de l’avocat général . La façon dont vous relatez les faits vous rendez la fonction humaine et vivace. Tel un artisan qui accompagne ce qu’il vient de fabriquer avec un papier décrivant le processus et toutes les étapes de sa réalisation .Vous réalisez ainsi un déplacement des mythes qui peuvent entourer la performance dans la soutenance de l’accusation dont ceux du sens et des significations de l’autorité accusatoire. Que la maîtrise du dossier compte énormément voire plus que la position autoritaire durant la tenue du procès . Que seul le travail et le temps qu'on lui consacre le rend intéressant .
C’est également l’exploitation du trac à bon escient. Physiquement c’est éprouvant mais j’imagine le degré de soulagement et de délivrance que peut procurer la suspension de l’audience.
C'est pour toutes ces raisons que j'adore le bien fait au surfait lorsqu'il s'agit d'une performance oratoire !
En même temps, on ne peut s'empêcher de penser à toutes ces vies brisées, et ce, depuis le départ ... ça donne froid dans le dos ...
Merci beaucoup de faire partager cela !
PS : Vivement la suite (et fin), j'espère que ce sera plus rapide qu'Histoire Noire
PPS : @ Mô, toutes mes excuses malgré tout, 2ème commentaire et déjà plein de critiques ......
Juste : parfois on ne "fait" pas "semblant" de protester en entendant la partie adverse : on le fait vraiment, sans pouvoir se contenir !
Mais sinon, on se croirait dans la salle, cette odeur particulière liée aux peurs mêlées, aux robes, aux papiers, aux sueurs... Et, dans la gorge, cette impossibilité qu'on a de saliver normalement...
Ah ! Tu me donnes envie d'y être !!
Eh bien moi, je suis persuadée qu'il est plus efficace, vis-à -vis des juges, d'afficher brièvement une légère moue de dédain ("non mais qu'est-ce qu'il ne va pas inventer, ah là là , l'a vraiment rien d'autre à dire ...") avant de refaire la tête de bonze que de réagir théâtralement à une affirmation fantaisiste ou choquante.
Sinon, va savoir pourquoi, j'ai toujours eu l'impression que les avocats avaient davantage de glandes salivaires que moi. Et une meilleure maîtrise des silences, aussi. Un comble.