“Zavez une cigarette ?”

Mon homme entre en râlant contre les deux flics parce que ses menottes sont trop serrées, il n’a pas un regard pour ce qui se passe devant lui ni qui s’y trouve, il n’est concerné que par son problème du moment. “Allez Monsieur, calmez-vous ; tournez-vous, on les enlève“, lui dit l’un des policiers de l’escorte, rompu à l’exercice.

Désentravé, David s’approche enfin, en titubant, du bord du box et de son micro, ouvert en permanence dans cette salle ; il est à un mètre de moi, nous nous sommes rencontrés la veille et deux fois aujourd’hui, la dernière il y a quelques minutes, pourtant en me voyant il s’exclame, bien fort dans le micro : “Oh, c’est vous mon avocat ? Zavez une cigarette ?

Le temps des deux secondes que prend le Président pour décider de ce qu’il va lui dire pour le ramener sur Terre, je soupire, regarde la salle : il est quatorze heures dix, salle bondée, audience de comparutions immédiates, trois magistrats du siège et un du Parquet, huissier, greffière, avocats, journalistes, public en masse de gens concernés par les affaires du jour ; je suis debout dans le box de la Défense, séparé par un muret de mon client, ce David qui n’a en réalité, malgré nos entretiens précédents et les trois jours écoulés, pas la moindre idée d’où il se trouve, ni pourquoi au juste. Il risque théoriquement…

Il ne le sait pas – et le saurait-il qu’il ne comprendrait pas ce que ça veut dire. Il risque théoriquement vingt ans d’emprisonnement. Et, nettement moins théoriquement, une peine ferme qui ne se comptera pas en mois.

Monsieur, Monsieur… Regardez le Tribunal, s’il vous plaît : pour l’instant, c’est ici que ça se passe…“, dit le Président dans son micro.

David abandonne très provisoirement son obsession depuis hier et pour tout dire son unique préoccupation du jour, sa putain de cigarette, et lève enfin la tête vers le Tribunal, s’apercevant vaguement tout de même de son existence, ainsi au passage que du volume en principe impressionnant de la salle – qui ne l’impressionne pas beaucoup, il la connaît bien, j’ai tout de même espoir que ça lui rappelle quelque chose…

David possède, à la trentaine, un casier judiciaire des plus sympathiques, puisqu’il comporte vingt-quatre mentions – c’est loin d’être un record, mais ça le place quand même dans le peloton de tête très dense des casiers judiciaires des comparutions immédiates ; ça en fait un “délinquant endurci”, quelqu’un qui “ne comprend pas les avertissements”, tout “ancré dans le vol” qu’il est – ils sont nombreux, les parquetiers qui se sont usé les périphrases pour essayer, les autres fois et depuis hier, de lui dire qu’on commence à en avoir marre de lui et de ses exactions…

Une certaine constance peut, seule, être mise à son crédit, si l’on ose dire : sur ces vingt-quatre mentions, il y a bien deux ou trois faits d’infraction à la législation sur les stupéfiants, quelle surprise ; mais l’essentiel est constitué de vols aggravés, tout spécialement de vols commis avec violences : en clair, ça fait des années que David vit de ce qu’on appelle les “vols à l’arrachée”, il me l’a dit lui-même hier, commis avec plus ou moins de délicatesse… Ce qui l’intéresse lorsqu’il agit, c’est le sac à main ou le portable, pas le bras ou la main qui le tient, encore moins la personne à l’autre bout – et tant pis si elle résiste ou se casse la figure, elle ne vaut rien, alors que ce qu’elle tient vaut de l’argent, pas beaucoup mais suffisamment pour quelques doses de plus de mauvaise héroïne.

C’est exactement ce qu’il s’était dit la fois d’avant, celle qui lui a valu ce jour-là un an d’emprisonnement ferme et deux autres de sursis avec mise à l’épreuve – oui, il a purgé la partie ferme, même qu’il est sorti il y a trois semaines environ ; non, la mise à l’épreuve il ne sait pas, il n’a pas été convoqué (le dossier dit que si, dès sa sortie, ce qui n’est pas toujours le cas ; pas venu… On demande, en guise de hors-d’œuvre, la révocation totale de ce sursis, le JAP aussi en a marre de David je crois…).

C’est exactement aussi ce qu’il s’est dit avant-hier matin, samedi, dans la rue, en voyant passer Hélène et surtout avec elle son sac en bandoulière ; il a couru, a tiré sur la lanière en passant et la fille, abrutie va, a résisté, empoignant le sac par réflexe ; il a secoué, elle est tombée, il l’a tirée au sol sur deux mètres, elle s’agrippait, il a mis un coup de pied dans sa putain de main, elle a enfin lâché, mais la scène a pris du temps et elle a beaucoup crié : il n’a pas couru bien loin avec son butin, il s’est vite fait ceinturer par des passants qui l’ont bloqué au sol, il a la gueule bien râpée côté droit ; et il a ensuite rapidement senti sur ses poignets ramenés peu tendrement dans son dos le contact si bien connu du métal des menottes – une fois de plus…

Hélène a récupéré son sac ; encore heureux, parce qu’elle a eu très peur, et aussi très mal, elle a deux doigts cassés tout de même, ce qui ne va pas tout à fait l’aider dans son métier d’infirmière – je vais dans un instant lui expliquer ce qui se passe car elle est là mais n’a pas d’avocat, elle me sourira timidement en montrant son attelle pour m’indiquer que si elle avait pu se la faire elle-même, le boulot aurait été mieux fait…

David a donc commis un vol avec violences ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours, en récidive légale, et pour bien faire alors qu’il était sous le coup de deux ans de sursis avec mise à l’épreuve… “– Ça vaut vingt ans, ça, David, sur le papier… – Ah ouais ? Putain… Dites, vous avez pas une cigarette ?

Vous ai-je déjà entretenu de ma détestation de la procédure de comparution immédiate ?

Je déteste la procédure de comparution immédiate. En général et en particulier ici pour David.

Il risque beaucoup trop pour qu’on le juge rapidement, sans le connaître du tout ou presque, et pourtant, comme tous ses semblables multi-récidivistes a fortiori plus ou moins dangereux pour l’intégrité physique de leurs concitoyens, c’est exactement ce qu’on veut faire : le juger tout de suite, cogner, et le renvoyer à ses chers quartiers en  détention ; cause du mal ? On s’en fout. Remède ? Ce n’est pas le problème du moment, et tant qu’il “y sera” il ne sera pas dehors à s’en prendre à quelqu’un… Quel échec, constant. Considérer que l’on n’a pas tellement à se pencher sur le pourquoi de ce parcours catastrophique, accepter de juger telle quelle une semi-épave qui ne se souvient pas même de ce qui l’a amené là, accepter par avance la future récidive qui ne manquera pas de survenir dès que David aura purgé sa peine… Oui, quel dramatique échec, pour lui et pour nous tous. Une solution ? Oh, je sais, pas simple… Mais il faudrait au moins, en tout cas, que la procédure judiciaire fasse cas de lui, le prenne en considération. Ce qu’elle ne feint même pas.

 

Une fois assimilées les données de ce  brillant cas d’école, hier, le brillant avocat de permanence que je suis s’est d’abord posé dans un coin tranquille avec la copie du dossier, avant d’aller voir David dans les geôles pour la première fois, et tâcher de lui expliquer, mais sans doute le saurait-il déjà, que nous étions dimanche, qu’il n’y a pas de tribunal le dimanche, qu’il ne serait donc jugé qu’aujourd’hui lundi, et qu’entre-temps le Parquet demanderait au Juge des Libertés et de la Détention de le garder au frais, ce à quoi ledit brillant avocat de permanence n’avait pas l’ombre d’un argument à opposer : récidiviste donc, faits violents, toxicomanie et adresse incertaine, pas de travail donc pas de garanties de représentation, audience dès demain : aucun magistrat ne prendrait le risque ou la peine de le libérer, même si je plaidais nu avec une rose dans le derrière – ce qui dans ces cas-là est parfois tentant, pour ce à quoi on sert…

J’ai donc lu ce dossier attentivement, d’abord usé d’avance et tenté par un examen sommaire tant la cause me semblait immédiatement perdue ; et puis, me ressaisissant, car non seulement rien n’est jamais perdu mais encore on doit à la personne qu’on défend, nous les premiers, de faire extrêmement attention à elle, c’est bien le moins, avec soif : soif, pour l’instant, de trouver une chose, quoi que ce soit, dans les quelques feuilles du dossier, pouvant aider un tant soit peu ce misérable-là ; j’aurai ensuite soif de l’écouter, qu’il me raconte pourquoi et comment il en est arrivé là – mais si c’est indispensable à sa défense, ce ne sera pas suffisant.

La procédure en elle-même est comme les faits : carrée, rien à en tirer, elle ne m’offre aucun argument, les droits de David ont été respectés pour ce que je peux en lire ; l’agression a eu lieu samedi, il a été placé en garde à vue après qu’un médecin, vu sa toxicomanie et l’état de manque manifeste qui d’ailleurs l’avait amené à tenter le vol, eut jugé que rien ne s’y opposait médicalement avec un petit traitement, on lui a dit ses droits, il a renoncé à un avocat, et n’avait personne à faire prévenir, le Parquet a été avisé…

Je soupire, parcours le reste de la procédure avant de lire les auditions elles-mêmes, victime, témoins, et les siennes, rien, tout est carré, fin de garde à vue ce dimanche matin, procès-verbal préalable actant les instructions données à l’OPJ par le procureur de permanence de présenter David au JLD en vue de sa comparution immédiate lundi, avis à la victime, la routine, rien à signaler…

Mais je prends sa première audition, samedi, immédiatement après son interpellation donc, j’en lis le premier paragraphe, et là mon sang de pénaleux1 ne fait qu’un tour, et je re-relis, et je me dis que finalement si je ne me trompe pas David n’est peut-être pas si oublié des Dieux que cela…

Dans ce procès-verbal, David a commencé par rappeler son identité et son état civil, et a tout de suite, tout de suite, deuxième ligne, précisé : “Je suis sous tutelle par un jugement que je sais plus sa date. Ma tutrice c’est Madame Carlier, de l’association Poudre de Neige ; l’adresse est rue de l’Alma à Lille, son numéro de téléphone est le 03 20 01 02 03.

Mon David a peut-être les lobes frontaux rongés par la came, mais ça, il connaissait par cœur, à mon avis la mesure de protection dure depuis fort longtemps. Mais ce qui m’intéresse et m’a fait sursauter, surtout, c’est que, bien que cette information figure donc très expressément au dossier depuis la première heure, ni les policiers ni surtout le Parquet n’en ont tiré la moindre conséquence.

Oui, parce que  figurez-vous que le législateur a, d’assez longue date tout de même, décidé que le fait qu’un suspect soit placé sous un régime de protection, qui n’est pas là pour faire joli mais souligne que la personne a de telles difficultés psychiques qu’il a fallu la protéger au plan civil, créé en cas de poursuites des obligations particulières, elles aussi instaurées mais cette fois au pénal pour protéger la personne et l’aider ; pour qu’on ne juge pas un David sous tutelle comme on juge, par exemple au hasard, un ancien directeur du FMI, mais qu’on soit informé des problèmes ayant justifié la mesure et qu’on en tienne compte ; c’est prévu ici, et ces textes impliquent notamment deux choses, impératives en principe : l’on ne peut pas juger David sans une expertise psychiatrique préalable ; et pas plus sans a minima informer sa tutrice des poursuites.

Or je n’ai rien vu dans la procédure qui ressemble de près ou de loin à cette information.

Ni à une demande d’expertise d’ailleurs ; bon, ça, c’est fréquent, en réalité ça implique uniquement que le dossier va forcément être renvoyé lundi, parce que le Tribunal va devoir ordonner cette expertise préalable, il ne pourra pas juger David sans elle, mais cette carence ne m’est pour l’heure d’aucun secours (Comment ? Vous me dites que si le dossier est renvoyé lundi David va forcément être incarcéré en attendant son futur jugement, et ce uniquement parce que personne n’a ordonné cette expertise avant l’audience ? Oui, c’est exact, cela s’appelle la comparution immédiate, pourquoi ?) procédural.

En revanche, l’absence d’information préalable de la tutrice des poursuites engagées contre David est une vraie cause de nullité – selon moi.

J’écris “selon moi” parce que l’article 706-113 que vous venez de lire est bien joli et empli de beaux sentiments, mais vous aurez remarqué qu’il ne contient aucune sanction ; et les beaux sentiments, en procédure pénale, s’ils ne sont pas assortis de conséquences ordonnées par la loi, sont à peu près aussi efficaces qu’un avocat muet. Je jette un œil à la jurisprudence, d’ailleurs peu fournie, et je constate que cette règle est plus ou moins vraie aussi pour ce texte : la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a plusieurs fois décidé de casser au simple visa que rien ne démontrait que le tuteur eût été avisé ; mais elle a aussi parfois décidé que le non-respect de ces dispositions pouvait certes vicier la procédure, mais à la condition qu’il soit démontré que l’absence d’information du tuteur ait “porté atteinte aux intérêts” de la personne poursuivie…

Comme si l’intérêt d’un David tout seul, dont on ne connaît rien sauf son casier et sa tutelle donc, encourant une telle peine, n’était pas forcément, obligatoirement, nécessairement que sa tutrice soit prévenue, qu’elle vienne à l’audience et explique sa vie et ses difficultés !

Bref, de toute façon ces dispositions légales n’ont pas été respectées et je n’ai rien d’autre pour aider David – à part bien sûr mon paquet de Camel…

 

C’était hier dimanche, nous comparaissions devant le Juge des Libertés et de la Détention de permanence, une magistrate expérimentée très douce avec les justiciables, qui donc avait été saisi du sort de David d’ici à l’audience de lundi, devant laquelle finalement je tâchai de plaider, ce qu’un instant avant j’allais renoncer à faire, en lui indiquant cet oubli procédural, et en substance qu’à mon sens la procédure était nulle, qu’elle ne pourrait pas dire qu’elle ne le savait pas, que partant prendre dans ces conditions une décision de placement en détention provisoire revenait à le détenir abusivement, que d’ailleurs à cet instant non seulement la tutrice de David n’était absolument pas informée des poursuites exercées à son encontre mais qu’elle n’était ainsi pas présente et moins encore m’aidant à le défendre, ou aidant le magistrat à prendre sa décision, bref que “par ces motifs” comme disent les vieux avocats civilistes elle se devait de le libérer séance tenante, toute la procédure explosant mais dura lex sed lex fonctionne dans les deux sens, et ce serait justice.

Comme ce texte commence alors que nous sommes dans le box, le lendemain, avec un David menotté, vous savez déjà que j’ai échoué hier.

Le JLD m’a écouté, a constaté avec moi la réalité de l’omission, mais m’a indiqué qu’il n’était saisi que de la question de la détention, ne pouvant statuer lui-même sur une éventuelle nullité procédurale (ce qui est exact en droit), et qu’en attendant que les juges juridiquement compétents le fassent, il estimait devoir incarcérer David – et accessoirement prévenir le Parquet de l’argument que je venais d’avancer.

J’avais un peu espéré, mais pas David, qui est parti au trou en marmonnant quelque chose comme “Ouais, ouais, c’est normal, je l’savais – Maître vous pouvez quand même donner des cigarettes, j’aurai rien là-bas…

Je lui ai laissé mon paquet, avec l’autorisation de l’escorte.

 

Monsieur, Monsieur… Regardez le Tribunal, s’il vous plaît : pour l’instant, c’est ici que ça se passe…“, dit le Président dans son micro.

Nous y voilà, cette fois, les “juges compétents” pour décider que cette procédure viole les droits de David sont devant moi, j’ai déposé des conclusions écrites de nullité, rédigées la veille tard, et j’ai eu une petite contraction du scrotum en entrant dans la salle tout à l’heure, car pas de pot décidément David : le Président (qui remplace au pied levé un collègue souffrant et ne juge habituellement pas les comparutions immédiates mais d’autres dossiers nettement plus “nobles”) est un  homme dont la réputation unanime est d’être tout à fait affable et courtois – mais pas, mais alors vraiment pas, celle d’avoir une tendresse démesurée pour les mis en cause violents, qu’il réserve avec une préférence très marquée aux bâtisseurs de murs épais et autres concepteurs de grilles inviolables…

Mais enfin, une nullité est une nullité et nous allons faire avec – même lui, me dis-je.

Après une pénible vérification d’identité, David ayant du mal à répondre quelle que soit la question, même sur sa date de naissance, après au passage une petite question sournoise sur “une éventuelle tutelle qui serait peut-être en cours, le nom de la personne qui s’en occupe” histoire de s’assurer que David n’est pas un petit malin (sic) qui aurait eu la présence d’esprit d’inventer ça en garde à vue juste après s’être fait plaquer sur le bitume et en fin juriste qu’il peut malgré tout être on-ne-sait-jamais-avec-ces-types, et un bref rappel de la prévention de vol aggravé en récidive légale, le Président me donne donc immédiatement la parole sur ma nullité exclusivement, comme le veut la loi.

Je ne vous impose pas cette plaidoirie, vous connaissez déjà le problème, mais je m’en donne à cœur joie, je crie (allégorie) que tout ça est nul, ma détestation de la comparution immédiate et partant le fait qu’il s’agit d’un cadre procédural tellement expéditif qu’a fortiori l’on doit y sévir quand l’un des rares garde-fous y manque, je désigne la salle bondée en grinçant sur le fait que je n’y aperçois pas l’ombre de la tutrice de David, je montre mes mains vides qu’elle eût dû permettre de remplir d’éléments de personnalité pour sa défense, et je demande au Tribunal d’annuler toute la procédure à compter au minimum de la décision prise samedi sans en informer l’association de tutelle de poursuivre David en comparution immédiate, partant de le libérer – rappelant que le Parquet le poursuivra ensuite sous une autre forme, cette nullité n’affectant pas les faits évidemment ; mais qu’au moins il comparaîtra en homme libre et aura pu réellement préparer sa défense.

J’ai commis une erreur, qu’il ne faut jamais faire en règle générale : étant déjà en possession de ma copie du dossier pénal depuis hier, je n’ai pas pris le soin cet après-midi de consulter à nouveau le dossier original avant de plaider ; ce dossier qui est à présent ouvert devant le Président et dont il tire maintenant deux feuilles, en fronçant les sourcils…

Mais… Maître… le Tribunal vous entend, mais ne vous comprend pas : j’ai bien ici sous les yeux une télécopie adressée par Monsieur le Procureur à l’association Poudre de Neige, en vue de cette audience… Vous n’avez pas lu cette partie du dossier ?

J’écarquille les yeux, les deux, et pas qu’un peu – on a beau toujours devoir remettre en cause ce qu’on pense savoir et vérifier plutôt trois fois qu’une toute donnée sur laquelle on compte s’appuyer dans un dossier pénal, je ne suis pas tout à fait un gamin inexpérimenté moi non plus, et j’en suis absolument certain : hier, ce document n’était ni dans ma copie, ni dans le dossier ! J’ouvre la bouche pour le dire, sentant une quelconque arnaque se profiler et parallèlement monter en moi une ennemie d’avocat bien connue, cette colère qui comme chacun sait conseille si mal, je réponds “Monsieur le Président, je lis TOUJOURS TOUT le dossier et je vous affirme…” et je m’interromps parce que je pense que je viens de comprendre en même temps que le substitut d’audience me le confirme :

Monsieur le Président, pardon Maître de vous interrompre, je me permets d’indiquer à votre Tribunal que ce fax a été adressé par mon collègue de permanence à la tutrice de Monsieur hier soir, après l’audience JLD – je pense que ça explique que la Défense n’en ait pas forcément connaissance…

Le Président fronce les sourcils derechef, et ma colère ne monte plus désormais, étant donné qu’elle a atteint son point culminant ; il feint de relire attentivement les feuillets, et confirme : “Ah… Oui, c’est tout à fait exact, Monsieur le Procureur, nous avons ici l’accusé de réception : dimanche, hier donc, 19 heures 10. Bon, mais donc l’avis d’audience a bien été donné. Maître Mô, vous souhaitez voir ce document ? Vous maintenez votre nullité ?

Je suis toujours debout, je fais ce qu’il faut absolument faire dans ces moments-là, à savoir ne pas laisser sortir la première phrase qui vient à l’esprit, en substance ici “bande de salopards, y a vraiment rien qui vous étouffe“, qui serait au surplus constitutive d’un outrage ; je respire un peu et remets de suite mon cerveau en mode réflexion, mais pas absolument quand même, l’ab irato n’étant pas forcément maîtrisable.

Je dis – et très vite ma voix m’échappe : “Si je maintiens..? Monsieur le Président, je pense que c’est de l’ironie. D’abord, je pense VRAIMENT qu’il eût été courtois, euphémisme, que Monsieur le Procureur prévienne la Défense de cet acte dont j’ignorais tout – moi, j’ai donné une copie de mes conclusions, ce matin bien avant l’audience, ainsi qu’à vous-même ; la comparution immédiate est un renoncement à à peu près toutes les garanties pénales, je ne connais aucun texte qui la dispense du respect du principe du contradictoire ! Ni au demeurant de la moindre des loyautés !! Ensuite, sur le fond, je n’ose pas un instant croire qu’un pauvre fax adressé UN DIMANCHE SOIR, uniquement PARCE QUE j’ai soulevé la difficulté devant Madame le Juge des Libertés et de la Détention, à une association de tutelle FERMÉE le dimanche et je pense aussi le lundi, aujourd’hui, et EN TOUT ÉTAT DE CAUSE APRÈS l’exercice de poursuites décidées dès samedi, nous avons un PV, au surplus APRÈS même incarcération de la personne mise en cause, remplisse les conditions (je prends le code ouvert devant moi) des articles 706-12 et suivant du Code de Procédure Pénale, qui prévoient d’AVERTIR des poursuites (oui, dans “avertir” il y a “avant”, c’est la même racine !), l’accès au dossier pour le curateur ou tuteur, l’octroi d’un permis de visite de plein droit en cas de détention, ainsi enfin que l’avis de la date d’audience : si les mots ont un sens, si ce texte possède la moindre portée, tout y signifie que le tuteur doit être effectivement averti, et en AMONT de toute procédure, qui à défaut est vide, comme l’est le dossier de personnalité de cet homme, ou la place sur le banc qui devait de par la LOI être réservée à sa tutrice ! Vous allez renvoyer ce dossier, vous allez incarcérer cet homme pour plusieurs semaines, et vous n’avez pas le moindre élément de connaissance de son état de santé mental, de ce qui a justifié la tutelle, de sa responsabilité pénale elle-même ! Et un fax envoyé hier soir après les heures de bureau et un dimanche validerait cette mascarade ? Sommes-nous dans une enceinte judiciaire ou sous un préau d’école primaire ?

J’abrège, on aura compris que je suis fâché, au fond d’ailleurs pas tant du fait qu’on n’ait pas respecté les droits de cet homme, mais bien plus par le fait que l’on tente maintenant de prétendre que si !

Le Président a le regard noir quand j’arrête de vitupérer, la “mascarade” n’est pas à son goût – je crois un instant qu’il va me rentrer dedans, mais il s’abstient finalement et donne la parole au procureur, toujours sur cette nullité exclusivement.

Je n’aime pas ce procureur, souvent très dur dans ses réquisitions et à mon sens surtout bien trop souvent sans nuances aucunes, il ne m’aime pas non plus pour d’autres défauts que j’ai sans doute, nous nous le sommes déjà dit une fois après une audience mouvementée, en se retrouvant dehors, devant le Palais, pendant le délibéré, comme tous les fumeurs judiciaires.

Mais de nos “rencontres” aux audiences comme de cette conversation tendue mais d’homme à homme est née une forme de respect mutuel – nous croyons à ce que nous disons et essayons de bien faire avec ce qu’on nous donne, sans coups tordus, nous nous le sommes concédé. Ses réquisitions, dans ce dossier dont les enjeux sont pourtant conséquents en termes de loi pénale, de peine potentielle et de trouble à l’ordre public, je suis évidemment capable de le reconnaître même en étant l’avocat du moment de David, vont me confirmer qu’il est, tout simplement, d’une part honnête, mais d’autre part en charge des poursuites – les deux n’étant parfois pas compatibles à mes yeux…

Il se lève pour donner sa position sur la demande d’annulation, et, singulièrement, alors que je suis encore tout tremblant à peine rassis en face de lui, m’adresse un petit sourire : “Monsieur le Président, Madame, Monsieur, je peux, partiellement, comprendre la colère de la Défense – mais en aucun cas sa mise en cause du Parquet, je le dis en préalable pour ne plus y revenir. Il n’y a ni mascarade ni coup tordu dans cette affaire, même si je concède que j’aurais dû indiquer à Maître Mô que mon collègue de permanence hier avait bel et bien prévenu l’association de tutelle de son client, et croyez que ce sont uniquement les contraintes de cette permanence et de l’audience qui m’en ont empêché et rien d’autre – surtout pas une quelconque volonté de contourner les règles, vous allez l’entendre. Car oui, ceci fermement rappelé, il n’est pas contestable que la règle de droit n’a pas été respectée, oui, la procédure contenait bien les indications qui auraient dû imposer de prévenir immédiatement l’association Poudre de Neige, ce avant même l’orientation finale de cette procédure en comparution immédiate. Maître Mô, je rouvre une seconde et dernière fois la parenthèse : vous ne pouvez pas à la fois exciper de cette erreur de procédure, sans doute à bon droit, et à la fois en vouloir au Parquet d’avoir tenté de la rectifier, même tardivement, même un dimanche – je n’ose imaginer ce que vous auriez dit si, avertis à la suite de l’audience devant le juge des libertés et de la détention, nous n’avions ensuite rien tenté… Mais bref, et cette tentative de “rattrapage” de l’oubli du Parquet en est elle-même la preuve : je dis clairement au Tribunal qu’effectivement la procédure n’a pas respecté les dispositions de l’article 706-113, et tout aussi clairement que l’absence ici de la tutrice de Monsieur – dont l’état de santé mentale et psychologique apparaît au demeurant disons, incertain, pas besoin d’expert pour s’en rendre compte, viole nécessairement ses droits. C’était peut-être rectifiable : si l’association tutrice était présente aujourd’hui à la suite du fax d’hier, ma foi, mes réquisitions seraient différentes. Mais elle n’est pas là, et je veux bien accepter de penser que c’est faute d’avoir été avertie à temps, ni même avertie tout court.” (Pause. Je me dis, calmé : ” bien”, car je suis un naïf indécrottable. Il reprend par un “Mais”, ce qui n’est jamais bon signe…) “Mais ceci posé, nous savons tous ici et la Défense l’a rappelé que nous n’allons pas évoquer le fond, mais renvoyer cette affaire, à bref délai, pour que Monsieur puisse bénéficier de l’expertise psychiatrique que la loi impose. Dès lors, à partir du moment où nous ne jugeons pas cet homme aujourd’hui, je pense que l’omission initiale est réparable, je pense qu’informer l’association Poudre de Neige dès après votre audience de la suivante et de sa date, pour permettre à la curatrice de Monsieur d’être cette fois présente, permettra que les droits de celui-ci soient pleinement respectés, ce qui évidemment est parfaitement normal : je vous demande donc de ne pas statuer en l’état sur les conclusions de nullité qui vous sont soumises, de joindre l’incident au fond avant d’ordonner l’expertise nécessaire et de renvoyer cette affaire, et j’aurai évidemment des réquisitions de maintien en détention de Monsieur jusque l’audience à laquelle il sera jugé.

Voilà, il se rassoit, en évitant quand même j’ai l’impression de trop regarder vers moi. Ses réquisitions disent que le droit a été bafoué et les droits de David, majeur “protégé”, violés, mais qu’on va quand même régulariser tout ça pour la prochaine fois, en le plaçant en détention provisoire en attendant, tout sain d’esprit ou fou ou demi-fou qu’il soit ce ne sera pas le problème du jour… Comment n’ai-je pas pensé qu’il irait dans ce sens, pauvre abruti que je suis…

Le Président ne me redonne pas la parole, mais je la demande, “juste un mot, les avocats découvrant, eux, les arguments adverses à l’audience, comme vous le savez“, et je m’y tiens, j’en ai marre tout à coup, après qu’il ait acquiescé d’un hochement de tête agacé : “Un droit est un droit. Il est soit respecté, soit pas. Et l’exercice ou le bénéfice d’un droit ne peut pas, en aucun cas, être différé – c’est pourtant ce qu’on vous réclame. Si vous suivez Monsieur le Procureur, alors il ne reste plus qu’à espérer que David soit pleinement responsable de ses actes, ce dont je doute. A défaut vous emprisonnerez un malade…

Le Président coupe les micros des trois magistrats et tient un conciliabule rapide avec ses assesseurs. Je me rassois, je connais tellement déjà la décision qui va être prise, elle ne mérite pas d’être entendue debout. Une main sur mon épaule me fait sursauter,  David a passé le bras entre les vitres ajourées du box, et il a dû bien se faire chier pendant que le Procureur et moi devisions gaiement en japonais :”Maître, Maître : c’est bientôt fini ? Vous auriez une cigarette ?

Je n’ai pas le temps de lui répondre, assez heureusement sans doute, le Président rallume les micros : “Bien, l’incident est joint au fond. Monsieur, vous l’avez compris, le Tribunal ne va pas pouvoir vous juger aujourd’hui, il faut d’abord que vous soyez vu par un expert psychiatre. C’est la loi. Il va donc renvoyer cette affaire, et d’ici-là…” David a de la suite dans les idées et n’aime pas trop poireauter au Tribunal des Japonais : “C’est bientôt fini Maître, demande-t-il au Président, parce que là, je, euh, je suis pas bien, je voudrais fumer, j’en ai marre…” Le Président le rappelle à l’ordre, lui demande de ne plus l’interrompre, et lui confirme que “oui, c’est bientôt fini. Je disais donc qu’avant, le Tribunal va décider si d’ici à l’audience vous devez être libéré ou maintenu en détention provisoire.” “Oh je vais en prison, je l’sais, c’est pas la peine de discuter.” Je lui dirais bien pour la parade que, si, c’est toujours la peine, mais non : il a raison.

Le reste n’est qu’une formalité, malheureusement : le procureur se lève à nouveau pour requérir le maintien en détention, tous les critères de l’article 144 étant remplis ou peu s’en faut, et le Tribunal me donne la parole parce que c’est la loi et qu’il ne sera pas dit que David parte au trou sans défenseur, je plaide piteusement, mode écœurement on, en substance que j’ai une vague idée de ce que le Tribunal va faire, que je continue à penser que cette détention ne sera pas légale, ne devrait pas être possible, mais qu’à partir du moment où le Tribunal n’a pas souhaité trancher, David va repartir dans sa seconde maison, dans la joie, afin de bien y préparer sa défense pour l’audience de renvoi, dans les excellentes conditions que l’on connaît et probablement bien gavé des calmants qu’on ne manquera pas de lui administrer faute de mieux dès ce soir…

Cette fois le Président suspend l’audience et les magistrats se retirent pour délibérer et libérer ainsi l’escorte de David. Je retourne rapidement dans les geôles pour tenter de lui réexpliquer ce qui se passe, qu’il sera probablement jugé dans un bon mois2 , que je vais prévenir sa tutrice, qu’elle lui procurera probablement son propre avocat, ou à défaut que l’Ordre lui en commettra un d’office, qu’il verra entre-temps un expert psychiatre devant lequel il faudra s’exprimer le plus possible, dans son intérêt, qu’à la future audience on évoquera sûrement le vol qu’il a tenté de commettre, mais qu… “Maître, Maître, ok, ok, merci beaucoup hein ; par contre, j’ai pu rien là, j’aurai rien en arrivant et je sais pas quand ça sera : vous zavez pas des cigarettes ?

Je m’aperçois qu’il n’a strictement rien écouté, les flics qui attendent à quelques mètres, nous sommes debout dans le couloir qui mène aux geôles, se bidonnent d’ailleurs ; je ne lui en veux pas, évidemment, mais cette fois j’ai ma dose. Il commence à me faire chier avec ses cigarettes, pour tout dire, et il m’en faut encore, j’ai l’audience à tenir moi… Et aussitôt comme souvent j’ai honte, nos deux situations sont si radicalement différentes… Je prends quatre cigarettes dans mon paquet, les tends vers le chef d’escorte en demandant “c’est possible ?“, il acquiesce en les prenant et en disant à David qu’il les lui remettra une fois sortis du Tribunal, David ne quitte pas des yeux les petits tubes magiques. Je lui dis “à tout de suite” et il ne lève même pas les yeux : j’ai vaguement l’impression qu’il a envie de fumer, en fait… Je remonte, en me disant que le reste de l’audience va être très sympa, les autres dossiers ne sont pas avenants et celui-ci m’a bien entamé le moral et ça ne fait que commencer, fait chier…

David revient trois minutes plus tard dans le box à l’appel du Tribunal, qui évidemment l’envoie en prison. Je lui souhaite “bon courage” en lui tendant la main au-dessus du muret de béton, mais il a déjà fait demi-tour en tendant ses poignets à ses amis policiers, je grince des dents, tout ça est vraiment… Pas le temps de pleurer, mon “client” suivant prend sa place dans le box.

 

Je n’aurais pas dû en principe avoir de nouvelles de David ni savoir ce que cette affaire allait finalement devenir, mais il se trouve que l’avocat habituel de l’association Poudre de Neige est un ancien collaborateur, un confrère adorable,  et que, tout naturellement, il m’a appelé, juste après l’audience à laquelle David devait finalement être jugé, un bon mois plus tard.

Il tenait, en faisant de l’humour, à me remercier d’avoir fait tout le travail à sa place et de lui avoir permis de gagner des honoraires sans trop se fouler – j’avais à peu près oublié mais il m’a rappelé les conclusions écrites que j’avais établies et qu’il avait découvertes dans sa copie du dossier, après avoir été mandaté par la tutrice pour assister David, je me suis souvenu tout de suite.

Il m’a raconté que le cas lui avait d’abord semblé désespéré, qu’il avait pu le voir une fois en détention et que le bonhomme ne se souvenait de rien, et était très confus sur son parcours à lui – je souriais au téléphone, pas trop étonné… Il m’indiquait que l’audience était cette fois présidée par le magistrat habituel, un juge à la fois très méticuleux et soucieux de l’application stricte des règles de droit, mais très sévère aussi en terme de condamnations, comptant plus facilement en années qu’en mois les peines fermes que prononce sa chambre : bref, mon confrère n’en menait pas spécialement large…

– Mais bon il y avait l’expertise, il avait quand même une altération du discernement, tu vois, je me disais qu’il y aurait au moins ça à plaider, et Madame Carlier, sa tutrice, était à l’audience, prête à confirmer qu’il est totalement barré, il est suivi depuis des années elle le connaît bien, ils ont eu plein de problèmes avec lui mais elle l’aime bien quand même…

– Ah quand même, une altération ?3 Ah ben tu vois, au moins le merdier de l’autre jour n’a pas servi à rien, eux qui croient toujours que c’est de pure forme, rien que pour ça je…

– Attends, c’est surtout pour ça que je voulais t’appeler ! En fait, je n’ai pratiquement pas eu à plaider !  Je ne m’y attendais même pas, mais le Président a voulu évoquer immédiatement tes conclusions,  avant d’aborder le fond, du coup j’ai soutenu tes écritures, le proc’ a prétendu que tout avait été régularisé puisque j’étais là et mon association aussi, et ils n’ont pas joint au fond, ils sont partis délibérer direct et résultat : annulation de toute la procédure, Parquet renvoyé à se pourvoir, et le David libéré ! Il doit être en train de faire sa levée d’écrou à l’heure qu’il est ! Il n’a rien compris d’ailleurs, c’est pour ça, j’ai trouvé bien de t’appeler pour te remercier à sa place..!

Je suis resté muet un temps, et puis on a rigolé, franchement, c’était une belle décision, légitime, qui aurait dû être prise tout de suite – et décidément cette réputation “sévère mais juste” du Président n’est pas usurpée, et que ça fait du bien quand “même” en comparution immédiate on fait finalement du droit et que les règles sont respectées, et que notre mission, et que même les “réprouvés” pris dans la machine sont finalement respectés, et que “tu vois on ne doit jamais plier finalement”, et que “bon mais comment on s’arrange pour les honoraires du coup t’es qu’un voleur en fait”, je vous passe le reste de cette conversation souriante, quand deux pénaleux s’auto-congratulent ça devient vite indécent…

Quand même, avant de le quitter en le remerciant de m’avoir informé, tout content, je lui demande si, sinon, David l’a autant saoulé que moi avec ses demandes incessantes de clopes ? “Tu parles ! Il n’a pas arrêté, totalement obsessionnel le gars ! Mais je n’ai pas pu lui en filer, je ne fume plus depuis trois mois moi tu sais…”

Je raccroche en souriant, je me dis vraiment qu’on ne travaille finalement pas pour rien, qu’il a finalement eu de la chance, mais que c’est dans un tel océan de misère et de non-vie que ça pouvait bien être son tour, pour une fois, je me demande forcément combien d’années de prison il aurait dû subir si cette erreur n’avait pas été faite, même alors que sa responsabilité pénale était atténuée, même en tenant compte de ce que sa vie, son parcours, ses non-vie et non-parcours étaient aussi le fait d’un cerveau abîmé, dans tous les sens du terme…

Et puis je m’autorise quand même une petite mesquinerie, en visualisant David, les yeux un peu flous, en train de demander encore et encore à mon confrère “Zavez une cigarette ?”, en imaginant son dépit devant le refus…

Pas de cigarette, David..? Bien fait !

  1. Pénaleux : pénaliste du quotidien ; c’est le seul titre que je revendique et ça tombe bien, je n’en ai aucun autre. []
  2. En comparution immédiate, l’article 397-1 du code de procédure pénale impose en cas de renvoi de l’affaire une date d’audience de jugement relativement proche. []
  3. L’article 122-1 du code pénal interdit qu’on juge les fous, et impose qu’on juge moins sévèrement les demi-fous, en substance… Et en principe. []

46 Commentaires

  1. H2O
    Chouette,
    l'autre jour, mon binôme de permanence avait presque la même histoire, sauf que son David s'appelant Mohamed qui avait pioncé dans une voiture qui n'était pas à lui et qu'en plus d'être manifestement gaga il ne parlait ni le comprenait le français.
    On n'avait pas d'interprète, ni lors de la procédure, ni au cours de l'audience. C'est vrai, que le parquet était un peu gêné pour le débat sur le maintien en détention. Mais, quelle nullité!!!!! renvoi pour expertise, et c'était la patronne habituelle.
  2. panouf
    extrait d'un rapport de l'IGAS de 2004 sur lequel je suis tombé en faisant des recherches:
    "Dans les affaires criminelles, la mise en évidence de troubles mentaux ayant atténué la
    responsabilité de l’accusé (alinéa 2 de l’article 122-1 du code pénal) peut jouer contre ce
    dernier, la cour d’assises ayant tendance à décider des peines lourdes, pouvant parfois déborder
    les réquisitions du parquet, pour retarder la sortie du condamné."

    ça aurait vraiment servi à David cette atténuation?
    et Est-ce ce que vous constatez?
  3. Merci pour ce récit maître Mô,
    Je viens de tomber sur votre chronique.
    Etant moi-même un confrère des barreaux, avocat de divorce à Lyon, vous me donnez envie de me mettre à l'écriture.
    Votre texte me réconforte car je partage votre avis. J'estime que les droits des prévenus et les victimes sont en constante violation.
    Cordialement,
    Guillaume
  4. Bonjour Maitre Mô,

    C"est toujours avec plaisir que je lis vos petits billets ainsi que les commentaires des uns et des autres.

    Ne pourraient-ils pas être plus fréquents car je pense que de nombreux internautes y puisent des pistes de réflexions qui les font avancer dans notre profession sur de nombreux plans.

    Bien à vous.
  5. Anne-Laure T
    On ne peut que se réjouir que le Droit soit respecté.
    Cependant la citoyenne que je suis se demande si c'est bien suffisant.
    Il est irresponsable, donc la victime aura quoi ? rien si mes faibles connaissances sont justes (ni indeminité ni reconnaissance de son statut de victime).
    Il est relaché, sans autre forme de procès. Donc susceptible de récidiver encore. Sans que la société fasse quoique ce soit pour l'en empêcher. Pour cela, il faudrait comme vous le dites si bien que la société se donne les moyens de se pencher sur les causes de sa dérive et fasse le nécessaire pour le remettre sur le droit chemin, autrement qu'en le mettant en taule, pour que ça ait des chances d'être efficace, la prison étant reconnu pour son incapacité générale à réinsérer.
  6. Bonjour Me Mô,

    Vos anecdotes sont toujours très intéressantes et très bien écrites... ce qui permet de vivre vos mots, l'ambiance qu'il crée et votre état d'esprit.

    Tout cela mérite que tous vos billets soient réunis et publiés, sous format numérique mais également support papier, pour que nous puissions les lire et les relire.

    Tenez-nous au courant !

    Bien à vous.

Fin des commentaires


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