Test de l’été : les résultats

Comme d’habitude (oui, à partir de deux fois, on peut décréter qu’il s’agit d’une habitude), vous trouverez ci-dessous les résultats du test de personnalité aux questions duquel vous n’aurez pas manqué de répondre préalablement, sinon c’est de la triche. 

L’intitulé de ce test, comme vous vous en doutiez peut-être, était : “Quel magistrat êtes-vous ?”.

Je précise immédiatement que par souci de lisibilité et de volume, je n’ai pas affecté une catégorie à chaque “emploi” de magistrat. Si vous avez frénétiquement répondu dans le seul objectif d’être virtuellement nommé président de correctionnelle, JLD ou juge de l’exécution, vous risquez d’être amèrement déçu. Je n’ai pas non plus réussi à intégrer les magistrats administratifs à ma classification – nouvelle déception, je le sais, petits énarquophiles que vous êtes.

Je rappelle aussi que si certains estiment qu’une ou plusieurs réponses ne sont pas cohérentes avec le profil auquel elle sont liées, c’est normal : je suis retorse et c’est mon test, na. Si tout était cohérent dans la vie, ce serait un peu trop facile, je trouve.

D’aucuns (des collègues, vraisemblablement, ou des amants de collègues) trouveront enfin que je suis injuste avec certaines catégories : là encore, c’est normal. Les profils ont été bâtis en concertation avec moi-même, souvent en référence à certains magistrats bien réels, ça les amusera (ou pas) de se reconnaître.

 

Vous avez obtenu une majorité de ♥ : vous êtes parquetier.

Bravo, vous héritez de la plus chouette fonction de toutes, et de la seule qui se joue structurellement en équipe : ça bouge, ça téléphone, ça court partout, ça se remplace au pied levé, ça se transporte à l’extérieur… Vous êtes l’aiguilleur des affaires pénales du tribunal (et même d’une partie du civil), vous êtes celui qui connaissez le plus grand nombre de juges au sein de la juridiction. Vos journées ne se ressemblent jamais et se déroulent rarement comme prévu, ce qui vous convient parfaitement car vous détestez la routine. Vous énervez tous vos collègues en vous faisant inviter aux séances de tir ou d’hélicoptère des gendarmes, et même à leurs soirées bowling.

En contrepartie, vos nuits sont hachées (et votre espérance de vie réduite, contrairement à vos cernes), vous êtes extrêmement pénible à inviter que ce soit sur une soirée (“Je viens avec le smartphone sécurisé, le fax portable, le cahier de perm et seulement si y a du réseau là ou on va”) ou un week-end (“on n’a pas encore attribué les week-ends du mois prochain, si ça se trouve je serai de perm”) et votre santé est relativement fragile (“Ze me zuis engore enrhubé zette nuit, z’ai eu une dégouverte de gadavre dans un derrain bague et z’ai addendu le léziste bendant deux heures”). Les juges un peu cons1 estiment que vous êtes un sous-magistrat puisque vous êtes hiérarchiquement soumis à l’autorité du ministre de la Justice via votre Procureur général. Laissez-les dire et partez dignement rédiger vos rapports au PG, justement : ça fait trois fois qu’il vous rappelle à l’ordre sur une importante affaire de braconnage d’écrevisses protégées.

 

Vous avez obtenu une majorité de Ω : vous êtes juge d’instruction.

Félicitations, vous êtes titulaire de l’ego le plus considérable de tous. Il faut dire que l’aura de la fonction ne vous facilite pas la tâche : même votre arrière-grand-mère Yvette a au moins une vague idée du rôle d’un juge d’instruction, alors qu’elle n’est pas forcément capable d’identifier cette personne qui lui demande depuis 10 mn le nom du Premier ministre actuel (c’est un juge d’instance et il est en train de décider s’il va ou non la placer sous mesure de protection). Vous avez donc fort bien pu faire partie de ceux qui entrent dans la magistrature avec pour seul objectif de devenir juge d’instruction et de montrer au monde entier qu’Outreau, ça se serait passé autrement si ç’avait été vous.

Hormis ce trait de caractère qui peut occasionnellement se révéler envahissant pour votre entourage, on ne peut que vous reconnaître votre sens de l’organisation, votre maîtrise de la procédure pénale et votre capacité à gérer le stress inhérent à votre fonction et les avocats pénibles. Evidemment, les parquetiers trouvent qu’ils bossent plus vite et davantage que vous, chuchotent que vous ne faites jamais que du “Parquet mou” et vous font baver d’envie avec leurs gros dossiers de stups qu’ils persistent parfois à gérer sans vous. Renvoyez-leur que vous ne prenez pas vos instructions auprès de la Chancellerie, ça leur fera toujours plaisir. Et arrangez-vous, comme Alice Nevers, pour avoir de meilleures relations qu’eux avec les policiers et gendarmes (les beaux et sympas de préférence), ça leur fera les pieds.

 

Vous avez obtenu une majorité de Ψ : vous êtes juge des enfants.

Que vous soyez un JE éternel (hashtag #LaVocation), dogmatique et un peu (beaucoup) inquiétant ou quelqu’un qui a juste décidé que cette fonction pourrait être intéressante pour quelques années, vous ferez globalement l’objet d’une incompréhension massive de la part de vos collègues : entre ceux qui vous voient comme une assistante sociale améliorée et ne comprennent pas la différence entre votre boulot et celui de l’ASE, ceux qui estiment que vous avez la fonction la plus déprimante du monde avec tous ces enfants pauvres et malheureux (les juges des tutelles ne comprendront d’ailleurs pas que vous leur riiez au nez quand ils vous balanceront ça) et ceux qui se disent que vous êtes le Canada Dry de la magistrature (ça ressemble à un juge, ça rend des décisions comme un juge mais il n’y a pas de droit dedans), vous pourrez consacrer des heures à expliquer gentiment qu’un JE n’est rien de tout ça. Ou alors, vous vous contenterez de leur pourrir leur pause-déjeuner, lorsqu’ils montreront les photos de leurs enfants et que vous les commenterez dans la veine “Oh, qu’elle est mignonne, elle me rappelle la petite Quallyssie que j’avais placée en urgence parce que ses parents ne lui avaient plus rien donné à manger depuis 4 jours et la battaient, mais là elle va mieux, elle vient d’arrêter de vomir lorsqu’elle les rencontre en visite médiatisée, tant de progrès en seulement trois ans, c’est fou, non ?”. Ou plus simplement, vous leur apprendrez après leur avoir fait la bise que vous craignez d’avoir chopé la gale ou la tuberculose au contact de familles en difficulté. Ou, si c’est un juge d’instruction qui vous embête, que l’homme le plus puissant2 de France, c’est pas lui, c’est vous. Na.

Détail amusant : tous vos collègues, qu’ils vous aiment ou pas, seront toujours très attentifs à votre santé et à vos éventuelles grossesses, histoire d’arriver à poser leurs congés pendant que vous serez indisponible. Aucun juge n’aime récupérer du travail de JE au pied levé, c’est comme ça.

Détail moins amusant : si malgré tout vous vous absentez de votre cabinet pour quelques jours ou semaines, vous ferez une drôle de tête en récupérant les dossiers qui auront été gérés par un non-JE.

 

Vous avez obtenu une majorité de ♣ : vous êtes juge de l’application des peines.

Vous êtes un pro de la gestion du stress intense. Forcément, vos justiciables à vous constituent le “matériau” le plus instable qui soit, puisqu’ils ont tous déjà été condamnés. Si vous parvenez à déterminer le “bon” parcours pour eux en termes d’exécution de leur peine, tout le monde trouvera ça normal – ou plus précisément, personne ou presque n’en saura rien. S’ils commettent en revanche le péché mortel de récidive, la société, le Procureur, la presse et Nicolas Sarkozy3 vous tomberont dessus à bras raccourcis4, vous reprochant de ne pas avoir su lire dans votre boule de cristal de fonction.

Votre technicité aiguë et votre égalité d’humeur apparente (même si ça bouillonne souvent à l’intérieur) font de vous un collègue aux compétences reconnues, vaguement mystérieux, très apprécié des jurés lors des délibérés d’Assises puisque vous pouvez leur dire à peu près précisément “quand il sortira si on le condamne à tant”. Vous avez en revanche facilement tendance à jargonner, “lui, je l’ai convoqué en 723-15” étant l’une de vos phrases les plus intelligibles au quotidien. Heureusement, votre parquetier spécialisé en exécution des peines vous comprendra toujours, lui.

Dernier détail : vous ressemblez quand même rarement à Carlos (le terroriste radiophonique).

C’est bien simple, moi, quand je serai grande, je serai JAP.

 

Vous avez obtenu une majorité de ⊕ : vous êtes juge civiliste.

Alors, comment dire ? Vous avez probablement un petit côté pépère-pénible, ce qui n’a rien à voir avec “feignant” : simplement, passer sa journée à galoper entre téléphone, correctionnelle et JLD comme les parquetiers, ce n’est vraiment pas votre façon de travailler et vous ne voyez d’ailleurs pas comment ils pourraient faire du bon boulot dans ces conditions. Vous avez du mal à ne pas plaindre aussi les juges des enfants et les JAF qui, chaque jour, voient défiler des tas de gens dans leur bureau.

Vous, votre dada (les jeunes d’aujourd’hui diraient “kif”), c’est l’étude minutieuse du dossier, le soupesage des arguments des parties, le temps de la réflexion, bref, le droit civil en général. Techniquement, dans votre domaine, vous êtes extrêmement pointu. Au quotidien, vous êtes un collègue plutôt placide qui maintient la bonne ambiance de son service à coups de pauses-thé bi-quotidiennes et de déjeuners de fin de trimestre. On peut aussi vous affecter de temps en temps aux Assises ou à l’assessorat correctionnel, et vous trouvez ça bien plus moche que vos affaires de servitudes ou de prescription acquisitive. L’été est par ailleurs la saison idéale pour vous tailler une réputation en or auprès des avocats, lorsque le Parquet vous demandera de prolonger encore une détention provisoire et que vous déciderez que ça a assez duré, contrairement à cette vieille bique de JLD titulaire qui a une conception assez étendue des critères de maintien en détention.

Vous avez enfin une qualité majeure à mes yeux : vous êtes le seul collègue à accepter sans broncher de présider les audiences de saisies immobilières, le TASS, la CIVI, la CDAS… voire à faire mine d’aimer ça. Et ça m’arrange bien, car si vous n’étiez pas là, ça me retomberait fatalement dessus, à un moment ou à un autre. Donc merci. Ça vous amènera d’ailleurs probablement un jour à devenir Président de tribunal de grande instance et là encore, plutôt vous que moi, camarade.

 

Vous avez obtenu une majorité de ◊ : vous êtes juge aux affaires familiales.

“QUOI ?!” braillent déjà les juges d’instance, “ce n’est même pas une fonction spécialisée et ils ont droit à leur catégorie alors que nous, que dalle ?!”

Oui. Mon petit côté despote estime en effet que les JAF méritent bien leur petit paragraphe à eux. Le pain quotidien du JAF, c’est la laideur et la bassesse de la société, tous niveaux et catégories socio-professionnelles confondus, étalées en permanence dans leur cabinet à coups de plaidoiries répétitives (tant il est vrai que les aléas des séparations conjugales constituent un thème difficile à renouveler) et d’audiences interminables où des gens qui s’aimaient et se respectaient encore quelques années ou mois auparavant se jettent amants, enfants et coût des croquettes du chien à la figure sous le regard consterné du juge qui se dit 1/ que les gamins (et le chien) n’ont pas le cul sorti des ronces avec des parents pareils 2/ qu’il a encore 17 dossiers de ce style avant de boucler sa demi-journée 3/ que s’il entend une seule fois de plus ce matin que “mon adversaire souhaite avant tout battre monnaie”, il va énucléer de l’avocat jaffeur. Souvent, les audiences matinales ne sont pas encore terminées que les premières paires de justiciables de l’après-midi trépignent déjà devant sa porte. Le JAF a donc tendance à déjeuner au lance-pierres entre deux piles de dossiers. Si vous divorcez et que vous récupérez un jeu de conclusions portant une trace de coquillette grasse, ne lui en veuillez donc pas.

 

Alors, heureux ?

  1. Il y en a. []
  2. ou la femme la plus puissante, transposez si nécessaire, je ne vais pas tout vous dicter non plus. []
  3. Dont vous avez toujours à l’esprit le célèbre “Le juge va devoir payer” à propos d’un JAP. []
  4. Vous noterez d’ailleurs au passage que les bras de certains d’entre eux sont plus raccourcis que d’autres. []

17 Commentaires

  1. H2O
    Merci, ça distrait,

    ô ce que j'aurais pu devenir si j'avais été plus sérieu(x/se)....

    passe de professeur de droit à civiliste...

    Mais, ces Messieurs qui écoutent si poliment et attentivement les clients avant de juger en droit et ce alors qu'on est en HO, à chaque fois je les trouve délicieux et regrette ne les voir plus souvent, m'imaginant que voici des privatistes qui seraient accessibles aux beautés intellectuelles des libertés fondamentales et de leur traduction procédurale, de la question de l'articulation entre constatation du fait et contrôle de sa qualification, acte juridique au regard de, tiens, la constatation de l'absence de capacité de consentir du malade psychiatrique. (Si ça ne rappelle pas immédiatement les travaux dirigés de droit civil ou son DEA en la matière...)
    Ils disparaissent à la fin des vacances (s'ils ne se prennent pas un odieux appel du parquet pour avoir osé levers une hospitalisation sur un argument au fond).
    L'autre jour, il y en avait un avec ruban rouge dans la boutonnière qui auparavant s'était occupé des questions d'arrêt de mandat international à une Cour d'Appel plus grande que la nôtre. On a juste avalé la question s'il s'été fait cassé pour se trouver là.
  2. Monseigneur
    Entre parquetier et civiliste... La dualité de l'homme sans doute... L'an dernier j'étais délinquant, faut-il y voir un progrès ? Quand même ma fille, une question me tarabuste âprement : qu'avez vous donc avec cette sombre affaire d'écrevisses protégées qui parsème de ci de là vos billets ? Un souvenir d'erreur judiciaire datant de l'époque primesautière ou auditrice de justice fraîchement émoulue, vos robes fleuraient bon la myrte et les herbes du maquis maternelles ensachées dans vos armoires ? Qu'importe, il me faut l'avouer et le clamer ici haut et fort tant il est vrai qu'abyssus abyssum invocat : Il n'est et ne sera d'écrevisses plus délicieuses que celles braconnées à la brune, à la lampe de poche avec son père ; d'ailleurs il faut se dépêcher avant qu'il n'y en ait plus... :P . Pax vobiscum
  3. C'est rigolo ce test :)
    Je finis JE ascendant JAF : ça se voit tant que ça que je travaille avec des mineurs et leurs familles ?! Pas du tout dans le domaine du droit, mais quand même ! Et la description du JE me fait d'autant plus compatir avec ceux que je croise au décours de situations... :eek:
  4. wildcarrot
    Ouf, cette année j'échappe de justesse à l'égalité entre 4 profils, puisque je suis Juge pour enfants (5), tout de même suivi de près par JAP (4) et parquetier (4). Les autres sont à 3 donc j'en parle même pas...
  5. C
    JE
    J'ai un peu plus aimé les test que l'année dernière, continuez à pratiquer l'exercice régulièrement ! (une fois par an, c'est régulier)

    Si jamais vous avez du temps et du courage un de ces jours pour faire un nouvel article parlant de votre métier qui est le plus beau métier du monde (ceci dit de manière bien évidemment objective et bien sûr complètement indépendante de mon résultat au test) il sera lu et apprécié ;)

    Finissez bien vos vacances !
  6. Dan
    Réplique choisie :
    "Vous êtes marié, comme moi ; vous savez que la monstruosité peut prendre des formes très diverses."
    et je finis JAP !

    Je trouve cela inquiétant pour l'impartialité dont je suis censée faire preuve :eek:
  7. Gaudin
    J'ai passé un bon moment. Et en plus "je termine JAF", pas pire :)
    PS ; j'aime ce blog, mais, bien entendu, j'aimerai bien vous lire plus fréquemment, …, moi qui ne diffuse que trop peu de choses… mais je vais m'y mettre…. Allez…

    Merci,

    DG (assesseur TPE)

Fin des commentaires


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