Cons sanguins

A l’occasion de la délicate invitation footeuse à  rencontrer l’élite des gens du Nord, soit donc nos amis les pédophiles, chômeurs, et/ou consanguins (j’ai hésité pour les guillemets, mais non quand même pas…), je tenais à  vous indiquer, une bonne fois pour toutes (encore que je raconterai dès que possible deux ou trois histoires d’audience concernant les quelques-uns que j’ai eus à  défendre, qui pèsent leur poids de plomb), l’incompréhension totale qui est la mienne face au contenu des stades en général, au public des matchs de foot en particulier, au sport, lorsqu’il permet à  quelqu’un d’être rémunéré pour le pratiquer, et au football en particulier.

Ce sentiment puissant m’est venu une belle après-midi de mon adolescence, en rentrant à  la maison et en trouvant mes parents captivés littéralement par ce que j’ai cru, au vu des images, être une bonne série B de film-catastrophe, jusqu’à  ce que mon père m’indique, les larmes aux yeux, qu’il s’agissait de vrais gens, là , écrasés sous les grilles ou bien sous d’autres gens, au moment même où nous recevions ces images, depuis un endroit inconnu qui s’appelle le Heysel.

J’ai plaidé une fois (à  l’occasion d’une des affaires précitées) toute la consternation que me fait éprouver l’idée même du supporter de foot… Jusqu’à  ce que le Président, qui heureusement me connaissait bien et n’avait donc pas pensé que je le fasse exprès, m’interrompe pour doucement m’indiquer qu’il présidait aussi, lui-même, un club de supporters du Nord… Petit moment de solitude, qui, tout bien réfléchi, ne m’empêche pas de récidiver ici – c’est mon monde, c’est mon blog !

Et je ne comprendrai jamais, c’est une limite mais je ne peux pas la dépasser, comment un sujet, le foot, générant tant de connerie et tant d’escroqueries à  la minute, peut constituer LE phénomène sportif national en France.

Il existe des joueurs intelligents, sincères et magnifiques, aussi évidemment que des spectateurs doux et amoureux de beau jeu.

Mais il existe tout le reste…

Je n’ai pas d’amis que j’aimerais pour telle ou telle qualité, mais qui comporterait en parallèle tant d’aussi criants défauts, d’une crétinerie absolument comparable à  cette banderole rigolote, je ne pourrais pas.

Partant, je n’aime ni n’aimerai jamais le foot, dont l’expression nordiste la plus répandue consiste en ce magnifique adage populaire : “Parigots, têtes de veau, parisiens, têtes eud’ ch’iens !”, ce qui dit assez toute sa joliesse.

Lalalalalèr-reuh !

Schizophrénie

Monsieur le Sénateur LECERF était l’autre jour l’invité de l’Ordre pour y parler de la loi dont il était le rapporteur au Sénat, relative notamment à  la sinistrement fameuse “rétention de sûreté “.

Cette mesure phare a éclipsé le fait que le même texte modifie également les conditions d’application de l’article 122-1 du Code Pénal, qui en substance rappelle que la France ne juge pas ses fous – le MÊME texte, qui n’abroge évidemment pas cette règle, mais vient juste en modifier les conditions d’application, notamment en ce que cette circonstance n’interdira désormais plus à  la victime d’avoir son procès, même si l’auteur est déclaré pénalement irresponsable.

Or, la rétention de sûreté ne s’appliquera, prévoit cette loi, qu’en cas de “troubles graves du comportement”, lorsque ceux-ci seront tellement graves et tellement constatables que dès le procès en Cour d’Assises, les magistrats en tiendront compte pour expressément prévoir par avance que la situation du condamné devra être revue en fin de peine pour qu’il fasse l’objet d’une éventuelle rétention de sûreté.

Le MÊME texte valide donc à  la fois : le fait que la folie d’un homme (les experts psychiatres détestent ce mot, mais il a l’avantage du raccourci parlant) interdise qu’on le juge – et celui que si on le juge quand même et qu’il est “gravement fou”, on le juge quand même, et on le “retiendradesûreté” après sa peine.

Interrogé sur ce point, Monsieur le Sénateur LECERF a, brillamment, je le dis sans ironie, au sens du brio politique, dit quelque chose qui avait un rapport avec le texte, j’en jurerais – mais de réponse l’auditoire n’a pas eu.

On ne sait plus bien finalement si en France, on juge ou pas les fous ; mais quand la Loi Pénale dit une chose et son contraire, on a le droit de commencer à  trembler – deux symptômes connus de la schizophrénie.

“Plaider coupable” ? Pour quoi faire ?

Retour d’audience de “comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité “, dite “plaider coupable” : c’est curieux, j’ai un grand trou dans ma robe…
Cette aberration judiciaire, on s’en souvient, consiste à  vous épargner de comparaître devant un Tribunal Correctionnel pour y répondre d’une infraction, à  partir du moment où vous la reconnaissez, en acceptant dans le bureau d’un Procureur la peine qu’il entend vous proposer, acceptation soumise ensuite à  l’homologation d’un magistrat qui la transformera en jugement.
J’étais contre, pour tout un tas de raisons, au rang desquelles le fait que je suis avocat, et non pas un commercial en train d’essayer d’obtenir le meilleur prix du marché…
Il s’agit en outre ici pour l’avocat (vous savez, le type dont le métier, et la passion, consiste notamment, au pénal, à  vous assister à  l’audience pour essayer de modifier le cours des choses, et notamment pour effectuer devant les magistrats qui doivent vous juger, face à  la peine réclamée par le Parquet, une contre-proposition raisonnable, acceptable, estimée plus juste, mais si, allons, ce métier qui en un mot consiste à  obtenir un jugement différent de celui qui aurait été prononcé si l’avocat n’avait pas parlé !) de deviner quelle peine sera prononcée à  l’audience si vous n’acceptez pas la proposition, et de vous conseiller de l’accepter ou pas : c’est à  dire de nier ce pour quoi il intervient à  ladite audience !!
Bref, à  l’époque, l’une des critiques les plus vives que nous adressions à  ce marchandage judiciaire consistait à  souligner que l’on ne peut jamais connaître d’avance une décision, par définition de bon sens non prévisible, mais également par définition juridique : en France, la loi interdit les “arrêts de règlement”, c’est à  dire les peines qui seraient toujours prononcées dans des cas similaires, pour des infractions données – ce qui effectivement serait contraire au principe de la “personnalisation des peines”, c’est à  dire celui de l’interdiction faite au juge de ne juger que les faits, pour devoir également tenir compte de la personnalité de leur auteur, des circonstances de leur commission, etc…
Caramba, encore raté !
A LILLE, par la grâce d’un Barreau suffisamment fort, et d’un Procureur conciliant, cette procédure est pour l’instant réservée aux seules infractions de conduite en état d’ivresse (pour combien de temps encore..?), bien que la loi l’autorise dans de très nombreux autres cas.
Or à  l’audience, il a en substance, et même très expressément, été expliqué à  mon client que la proposition de peine (quinze mois de suspension de permis, trois mois d’emprisonnement avec sursis et 250 €d’amende, n’en jetons plus…) effectuée tenait compte d’un “barème” (quelle horreur ce mot, même sa seule complexion est hideuse), reposant uniquement sur le taux d’alcoolémie constaté…
Peu importaient les circonstances, ici très particulières, de commission de l’infraction unique commise par le justiciable concerné dans sa très longue vie, peu importait également le contenu de cette vie, et ce qu’était ce Monsieur : il avait bu avant de prendre le volant et le reconnaissait (coupable), et sa peine serait de quinze mois car son taux d’alcool dans le sang était de tant (plaider ???).
Soyons totalement honnête (ça tombe bien c’est mon métier), il y a toujours eu une tendance au barème, même à  l’audience, dans certains types de dossiers : stupéfiants (pour l’héroïne, il se disait quand j’étais jeune avocat qu’un kilo valait un an) ou alcool au volant… Mais ils n’ont, fort heureusement, jamais été ni officiels, ni intangibles, et, fonction de tout ce qui entoure l’infraction, les peines étaient et demeurent à  ma connaissance très différentes d’une infraction sur l’autre, et surtout d’un justiciable à  un autre…
Maintenant (comme c’était prévisible) c’est officiel, ça se dit, et c’est en soi une cause d’impossibilité de discuter la peine, tellement prévisible qu’elle en devient donc automatique : un ordinateur aurait très correctement géré tout ceci ce matin, seul…
S’étonnant avec respect de cette automaticité, l’avocat, proposant dès lors, avec toujours plus de respect, que l’on supprime purement et simplement toute discussion, au profit par exemple d’un simple mail de proposition de peine qui éviterait à  tout le monde un déplacement frayeux à  l’audience, se voyait répondre que celle-ci conservait son intérêt et qu’une discussion avait bien lieu, puisque le justiciable avait l’option de refuser ou d’accepter… Effectivement.
En revanche, il ne m’a pas paru indispensable, finalement, de porter ma robe ce matin.