Je sais bien que la plupart des gens normaux, comprenez ceux qui ne se baladent pas d’une part, à Lille, et d’autre part, systématiquement en robe noire avec un lapin mort et son enfant-lapin mort également pendus dans le dos, et un filtre à café pendu sous le menton, comprenez donc tout le monde à part les avocats au Barreau de Lille, n’en a pas obligatoirement grand chose à faire, mais j’avais quand-même envie d’en parler, alors voilà : bientôt, lesdits avocats vont élire leur futur nouveau Bâtonnier, que l’on nomme dans un premier temps, exactement comme en royauté, le Dauphin1 .
Si, par impossible, vous ne le savez pas déjà , cet article ne sera pas seulement un hommage aux trois malades mentaux qui se présentent volontairement il y a des masochistes dans la profession candidats à ce poste prestigieux, mais se veut profiter de l’évènement pour vous expliquer un peu comment fonctionnent les instances de la profession d’avocat -vous allez voir, ça va pas traîner.
L’avocat est, par essence, choix et fierté, un type assez autonome, qui exerce la plupart du temps en libéral2,et n’a ni dieu, ni maître, à part son épouse et l’argent évidemment comme tout le monde.
Cependant, au plan local, il est légalement rattaché à un Barreau, et je m’abstiens volontairement de tout vanne3 sur cette expression, mentionnant simplement, pour le fun et devancer mes commentateurs les plus tordus, qu’Élève-Avocat, j’avais fondé au Centre de Formation Professionnelle un journal qui s’appelait “Le Barreau Matinal”,4, celui de la ville où le cabinet de l’avocat5 est installé.
Ce Barreau est, non pas réellement dirigé, mais plutôt administré, par un Ordre, qui se compose d’un Conseil de l’Ordre d’une part, qui ne sert à rien mais travaille quand-même, de tout un staff technique et administratif, d’autre part, qui travaille énormément, et, surtout et enfin, d’un Bâtonnier, qui le dirige.
Le Bâtonnier est élu par l’ensemble des avocats pour deux ans, et l’on organise, à la moitié de son mandat, les élections pour le choix du Bâtonnier suivant, qui se formera à ses côtés pendant l’année restante, et s’appelle le Dauphin, parce que j’exerce une profession où l’on aime bien se la péter grave6 .
Le Bâtonnier n’est pas réellement un chef, moins encore un dirigeant : c’est une sorte de paterfamilias régional, avec tout un tas de fonctions dont la représentation de l’Ordre à l’échelle nationale, la discipline dans son Barreau, le soutien aux avocats en difficulté, les services que l’Ordre apporte, c’est à dire essentiellement de prélever une cotisation, etc, etc, etc7 …
L’origine de cette dénomination se perd dans la nuit des temps : pour certains, il s’agirait d’un dérivé de l’expression argotique “bâtons” qui signifiait, aux temps reculés ou le franc étant encore notre monnaie, et selon les époques, “millions”, “dizaine de milliers de francs”, ou, toutes époques confondues, “gros paquet de bifdus”, le Bâtonnier étant, en sa qualité de leader des avocats du coin, celui qui tient sous sa houlettes les types qui ramassent les bâtons -mais cette thèse est tendancieuse, nous ne la retiendrons pas.
En revanche, il est probable que l’une des diverses explications suivantes, les plus couramment admises, soit la bonne :
– il y a très longtemps, les juges flanquaient des coups de bâtons aux justiciables en guise de peine, à la place de leur retirer le permis de conduire par exemple, l’avocat étant le dernier rempart à ces coups, d’où le surnom de son Bâtonnier;
– le premier de tous les temps était fils de marin-pêcheur, lequel faisait du thon8, et il était petit, de sorte qu’on l’a rapidement surnommé “le bas thonier” ;
– lorsque Batman est apparu, personne ne voulait croire qu’il existât réellement, parmi ces cartésiens d’avocats qui s’agaçaient de ce qu’il avait détourné leur costume, et chez lesquels, donc, “le Bat’ on niait” …9 ;
– le bâton est un signe de pouvoir préhistorique, y a qu’à demander aux femmes de l’époque, et les Bâtonnier successifs se le remettent solennellement lors d’une cérémonie fort à propos appelée “de la remise du Bâton”10 .
Voilà , vous savez l’essentiel je pense -il y a bien plusieurs instances nationales, qui d’ailleurs se mangent entre elles, sont de même niveau, et ne servent à rien, mais je sortirais du sujet à vous en parler, et vu ce que j’en dirais, ainsi que de notre brillante capacité d’action nationale, je risquerais la fermeture de ce blog -me faire condamner pour avoir dit du mal d’un magistrat, passe encore, mais de confrères, jamais !
Donc, les avocats lillois vont bientôt élire leur futur papa, parmi les trois candidats déclarés au Dauphinat.
J’aurais aimé vous en dire tout le mal que j’en pense, et un peu le bien aussi pour sourire, mais ce ne serait ni confraternel, ni loyal, d’autant qu’évidemment, dans une petite ville comme la nôtre, un million d’habitants, mille avocats11, on se connaît tous -et je ne répugne pas à la lâcheté quand elle est polie.
Du coup, je me suis dit que c’était probablement leur rendre un véritable service que de vous inviter à jauger, sinon juger, leurs blogs respectifs, tout frais créés pour la circonstance, car le Dauphin se doit d’être jeune, moderne et branché total grave la mort12, étant précisé qu’à ma connaissance auparavant, seul l’un d’entre eux savait vaguement qu’on peut écrire des trucs en ligne.
Je ne parle pas des contenus, ces gens parlent à leurs confrères, veulent s’engager, que dis-je, sacrifier leur cabinet pendant deux ans, je ne me permettrais jamais de porter un jugement sur leur travail électoral. Enfin, pas ici. Et puis, je ne peux décemment pas vous imposer de tout lire, même moi je ne l’ai pas -encore- fait…
Non, je souhaitais juste, en leur adressant un salut confraternel et amical au passage, que vous puissiez leur prodiguer des conseils visuels, stratégiques, sur le thème : “votre blog est plus séduisant que la poutre dans l’œil de celui du voisin”, et qu’on fasse au moins œuvre esthétique, voire technique, sur ces sites, désormais de la plus haute importance lilloise…
Les trois candidats sont, dans l’ordre où ils sont entrés en scène à ma connaissance -ne vous triturez pas à cliquer tout de suite sur les liens, je vous simplifie le truc en plaçant une image comparative juste après : Maîtres Emmanuel Masson, Didier Richard et Stefan Squillaci.
Ce qui nous donne, après retaille des échelles et lissage des images, je sais, un travail de fourmi, mais l’objectivité commandait, ceci :
On le constate, certains ont immédiatement effectué des efforts, d’emblée, pour une présentation pimpante, mais dans les trois cas le style est sobre, pas ou peu de gadgets, on parle sérieusement de trucs importants -et en même temps, il se dégage des trois sites une sorte de joie contenue bien propre à l’Homme du Nord, dont je suis moi-même si représentatif, surtout vis-à -vis de l’image qu’on en donne dans les médias…
Mais un peu contenue quand-même, comme joie…
Allez, n’hésitez pas, donnez-leur vos avis13 esthétiques, publicitaires, électoraux, et que sais-je encore : ils le méritent, et commencent à peine à souffrir !
Je retourne quant à moi manger un sandwich avant l’audience, ah tiens crotte pas le temps, tu parles d’un anniversaire de mariage ! à mon humble vie d’avocat de base… Oh, je sais ce que vous vous dites, et c’est vrai, ma modestie légendaire dût-elle souffrir une fois de plus : mais bon sang, Maître Mô était pourtant le candidat idéal… Oui, mais de discrets sondages m’ont démontrés que si je me présentais, je serais élu par raz-de-marée, autant vous dire que je me suis dépêché de m’enfuir !
Ah, et puis, puisque vous m’en parlez, j’ai aussi, une fois de plus, médité à cette occasion la célèbre réplique de Saint Yves, Patron des Avocats comme chacun sait, que mes trois confrères connaissent par cœur : à un admirateur qui lui disait en substance : “Mais, Maître, avec votre célébrité, votre talent, vous auriez pu avoir toutes les plus grosses affaires, les plus gros clients, vous devriez être couvert d’or, vous n’auriez eu qu’à vous baisser pour être riche et récolter tous les honneurs ?”, il répondit : “Vous l’avez dit, j’aurais dû me baisser”.
Bonnes chances à tous les trois !
- D’où, effectivement, ce titre drôle au possible, qui, je le signale aux jeunes égarés parmi les lecteurs normaux, fait référence à un feuilleton culte de mon enfance, Flipper le Dauphin -c’était l’histoire d’une jeune gamin et de “son” super gentil et super-intelligent dauphin, qui passait sa vie à sauver des gens, aucune scène de violence ou de sexe, autant vous dire que ça n’aurait aucun intérêt aujourd’hui ! [↩]
- Il existe des salariés, maintenant, dans les gros cabinets, tant pis pour eux -je parle des dits salariés… [↩]
- Oui, ce mot est masculin, contrairement à ce que de jeunes et insolentes magistrates ont parfois prétendu dans les commentaires de ce blog… [↩]
- C’était le bon temps, on savait rigoler à l’époque, maintenant ils n’ont plus de temps pour ça, ils ont trop de cours en droit des affaires… [↩]
- Ne pas confondre “avoir un cabinet au Barreau” et “avoir le barreau aux cabinets”, voilà , celle-là elle est faite aussi, désolé Oph, Salah, PiTRe, Prof et les autres… [↩]
- Pour les personnes âgées, cette expression est un terme cocasse de la jeunesse française qui signifie “se vanter sans retenue”. [↩]
- J’en mets trois, car réellement c’est une fonction de dingue -et je plaisantais évidemment sur l’utilité du Conseil de l’Ordre, qui, euh, discute, et… Enfin, fait des tas d’autres trucs… [↩]
- Pas la dame, le poisson [↩]
- Je demande pardon pour celle-là , je suis crevé en ce moment… [↩]
- Ami lecteur, l’un de ces hypothèse est plus probable que les autres, même si elle est aussi beaucoup plus tarte : sauras-tu l’identifier ? [↩]
- C’est vous dire qu’il y a du pognon à faire des gens à défendre, et du boulot pour tous, contrairement à ce qui est seriné chaque année aux bébés-avocats ! [↩]
- D’autant que la populace avocatière se rajeunit à vue d’œil, et qu’elle va partant de plus en plus sur le Ouaibe, et que ça vote, tout ça… [↩]
- Si leurs sites sont correctement paramétrés, ils sauront que j’ai placé les liens ici, et viendront voir, tôt ou tard… [↩]
"La vie continue (25 novembre, 2009 par Stefan Squillaci)
Merci à tous ceux qui m'ont soutenu jeunes et moins jeunes
J'ai découvert des soutiens inattendus et des amitiés insoupçonnées.
Je reprends mes activités professionnelles sur le champ
La vie continue.
ENCORE UN IMMENSE MERCI A TOUS."
Voilà , rien à dire.
Manu a la classe, normal c'est le futur Bâtonnier :
"Mes pensées vont à Didier et à Stefan. La campagne a été longue et éprouvante mais, grâce à eux, elle a été digne, passionnante et riche de débats d'idées. Elle a montré la richesse et la diversité de notre Barreau. Je sais que leur implication et leur dévouement sont sincères et je veux pouvoir continuer à compter sur eux."
Rien à dire -sauf qu'il n'avait pas dû lire le blog de Me Richard... Si oui, la classe, encore plus !
Quant à celui-ci, ma foi, même lorsqu'un commentateur vient gentiment tenter de lui remonter le moral, il persiste et l'envoie dans les roses, alors... Passons vite à autre chose !
On m'a dit qu'un candidat malheureux de votre Barreau a un coup de fièvre.....alors me voilà !
Mais je ne peux rien faire, ce n'est pas la grippe H1ninnin.
Il n'y a pas de remède pour un candidat déçu d'avoir perdu dès le premier tour.
C'est une bonne "Jospinite". Il n'y a pas de vaccin.
Il faut attendre que la température de l'égo redescende.
Bonne soiréeeeee !!!!