Dernière s-CEA-nce

(Le 38e appel du pied – dont personne ici n’ignore plus qu’il l’a grand – du Maître, qui a tendance à  diriger lesdits appels virtuels vers mon arrière-train, me pousse à  publier un texte ni émouvant, ni spécialement drôle, probablement aride et pourvu d’un titre moyen, qui n’aura pour mérite que de donner une idée à  ses lecteurs de ce à  quoi ils peuvent s’attendre s’ils se retrouvent poursuivis dans le cadre que je décris, ce qui peut arriver à  tout le monde ou presque1 . Il faudra néanmoins que j’apprenne un jour à  résister aux pressions des avocats, quand même. C’est terrible de toujours céder ainsi.)

8 h 20 : je passe récupérer Eric au greffe correctionnel, et nous descendons ensemble en salle des délibérés après un crochet par le bureau du JAP, qui a rédigé quelques rapports concernant des personnes convoquées à  mon audience dont il assure déjà  le suivi. Dix minutes plus tard, un coup d’oeil en salle d’audience nous apprend que le Parquet est à  son pupitre, que l’huissier semble en voie d’achever l’appel des présents, et que plusieurs avocats sont déjà  en place. Dernière vérification mutuelle, nos rabats2 sont réglementairement sortis, la sangle du parachute ne nous fait pas risquer le vol plané inaugural, nous pouvons lancer un coup de sonnette et entrer en scène.

La salle s’emplit immédiatement de robes noires, ce qui est un mauvais présage en termes de durée d’audience …

“L’audience du Tribunal correctionnel est ouverte, vous pouvez vous asseoir” (bien penser à  ne pas trop hurler cette phrase, même si ce n’est pas évident quand c’est le matin et qu’on fait un essai de placement de voix, Tî m’ayant obligeamment avertie qu’il était inutile qu’on entende mes ouvertures d’audience depuis les locaux de l’Ordre).

L’huissier m’apporte le premier dossier, et c’est parti. Vingt-sept dossiers sont inscrits au rôle ce matin, les deux tiers concernant des conduites de véhicules en état alcoolique (CEA), le reste se répartissant entre conduites sans permis, ou malgré suspension de celui-ci, défauts d’assurance, conduites sous l’influence de stupéfiants, blessures involontaires et infractions à  la législation sur les transports. Les dossiers des prévenus assistés d’avocats passeront en priorité, comme il est d’usage.

Le premier prévenu en est à  sa troisième CEA. Je vérifie son identité, lis la prévention, résume les circonstances du contrôle et ses déclarations, pour finir par le rappel de son casier judiciaire. Je lui demande ensuite de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés. Et en suis pour mes frais : il reconnaît avoir bu (cinq “apéritifs anisés en doses maison”), conduit ensuite, se rappelle bien son interpellation, ne trouve rien à  redire concernant sa garde à  vue, mais le pourquoi du comment, que dalle.

“Monsieur, vous êtes déjà  passé deux fois devant le Tribunal pour la même infraction, vous avez été condamné contradictoirement à  deux mois de prison avec sursis, puis à  des jours-amende, votre permis a été annulé la dernière fois, et tout ça ne vous a pas fait réfléchir ?- Ben si …

– Mais pas au point de ne pas vous retrouver une troisième fois devant le Tribunal ?

– Ben non …

– Eu égard à  votre casier judiciaire, vous êtes aujourd’hui inaccessible au sursis. Savez-vous ce qui va vous arriver si je prononce à  votre encontre ne serait-ce qu’un jour d’emprisonnement ? Vous vous souvenez de ce qu’on vous a dit lors de votre premier passage devant le Tribunal sur la révocation de votre peine avec sursis ?

– …”

Personne ne souhaitant poser de questions, le substitut se lève, et s’adresse, ainsi qu’il est de coutume, à  l’ensemble des prévenus. Malgré les difficultés posées par un nez patatoïde et une voix inhabituellement nasillarde (tiens, c’est l’hiver, le rhume sévit), il informe les personnes présentes des principales peines encourues, de l’annulation automatique du permis de conduire pour les récidivistes, du nombre d’accidents de la route dus chaque année aux conducteurs pris de boisson, avant d’en venir au cas particulier de ce premier prévenu. Sans surprise, il requiert à  l’encontre de celui-ci une peine d’emprisonnement relativement importante, intégralement assortie d’un sursis avec mise à  l’épreuve, ainsi qu’une peine d’amende. L’avocat du prévenu axe sa plaidoirie sur l’inutilité d’un éventuel emprisonnement ferme (non requis, mais il est manifestement méfiant) ainsi que sur la nécessité de limiter la durée de la période pendant laquelle son client se verra interdire de repasser les épreuves du permis, dont il a professionnellement besoin.

Dans la mesure où je rends la majorité de mes décisions “sur le siège”, c’est-à -dire dans la foulée de l’examen du dossier à  l’audience et sans suspendre celle-ci3, le prévenu n° 1, après que je lui ai redonné la parole, se voit immédiatement condamner à  une peine d’emprisonnement avec sursis assorti d’une mise à  l’épreuve (avec explications sur la signification de cette mesure, pour laquelle une convocation devant le SPIP lui est immédiatement remise) et une peine d’amende “sur le montant de laquelle vous pourrez bénéficier d’une réduction légale de 20 % si vous vous en acquittez dans un délai de trente jours”4 conformes aux réquisitions du Parquet. Je constate également l’annulation de plein droit de son permis de conduire, et lui interdis d’en repasser les épreuves durant trois mois.

Dossier suivant, celui d’une jeune femme, également récidiviste de la CEA, qui a pour sa part commis les faits que je dois juger pendant son délai de mise à  l’épreuve. S’y ajoute par surcroît aujourd’hui un délit de port d’arme de 6e catégorie (arme blanche). Après avoir évoqué les faits puis son casier judiciaire, je donne lecture des rapports du SPIP5 et du JAP la concernant, et recevrai ultérieurement pour celà  une lettre incendiaire de la mère de la prévenue, qui estime que cette lecture a porté atteinte à  mon secret professionnel et à  l’honneur de sa fille. Cette dernière me parle quant à  elle d’un alcoolisme de fond, dont elle ne parvient pas à  se débarrasser malgré les soins suivis dans le cadre de sa mise à  l’épreuve. Laurent, le parquetier aujourd’hui nasalement contrarié, requiert la même peine que celle à  laquelle elle avait déjà  été condamnée la première fois. Je prononce une peine d’emprisonnement avec mise à  l’épreuve dont le quantum et la durée s’élèvent au double des réquisitions, ce qui ne plaît pas à  l’avocate de la défense (et je la comprends, mais la peine requise m’a réellement paru très insuffisante).

Le troisième prévenu est encore une femme, assez âgée, dont je n’arriverai à  tirer que quelques mots intelligibles, car elle sanglote depuis le moment où j’ai appelé son nom et repartira de même. Elle parvient à  m’expliquer qu’elle n’arrive pas à  se contenir parce qu’elle trouve bien plus honteux de commettre une CEA pour une femme que pour un homme. Pas de récidive dans son cas, ni d’alcoolisme chronique d’après elle, mais un taux d’alcool ahurissant : 4 g dans le sang, sachant que le seuil du coma éthylique se situe aux alentours de 3 g pour la plupart d’entre nous6 . Rien d’étonnant donc à  ce qu’on l’ait retrouvée dans un fossé le jour des faits … Qu’a-t-elle bien pu ingurgiter pour tutoyer un plafond pareil ? Elle ne s’en rappelle plus, a peut-être le souvenir d’une bouteille de vodka vide, mais c’est flou … Emprisonnement avec sursis simple, “que vous n’effectuerez donc pas si vous n’êtes pas de nouveau condamnée, dans un délai de cinq ans, à  une nouvelle peine d’emprisonnement”7, amende et suspension de permis de même durée que la suspension administrative décidée par le Préfet pour elle.

On continue.

“J’avais fêté un anniversaire chez des amis, et j’avais bu un apéro et cinq ou six verres de vin, plus une coupe de champagne à  la fin, je pensais que c’était bon et que j’étais en état de conduire …

– Qu’est-ce que c’est, pour vous conduire ? Juste s’asseoir dans le siège et mettre le contact ?

– Non, je sais bien, les réflexes et tout, mais je me disais que quand on n’abuse pas, ça va encore …”

Les dossiers s’enchaînent, pas trop rapidement aujourd’hui. Pour le moment, ils sont encore tous plaidés. L’un d’entre eux nous occupe 1 h 15 durant, qui concerne un ouvrier agricole poursuivi pour blessures involontaires sur un couple de motards, qui se sont encastrés dans son attelage tracté. Il faudra étudier les photos des lieux, les témoignages des automobilistes ayant assisté à  la scène, essayer d’évaluer la vitesse de chacun suivant notamment leurs heures et lieux de départ … La condamnation du conducteur du tracteur est requise. Je mets la décision en délibéré à  un mois (et ce sera une relaxe, eu égard en particulier au point d’impact de la moto sur l’attelage, et à  la vitesse à  laquelle elle semblait circuler, qui provoquera un appel du Parquet).

Au beau milieu des explications d’un prévenu, qui après avoir bu une quinzaine de “shots” de tequila en boîte, se pensait net et en état de reprendre le volant après avoir pris la précaution de dormir deux heures, je sursaute subitement. Pas à  cause de lui, mais de moi : à  force de relire depuis des heures les mêmes préventions et les même articles de loi sur le même ton, qui semblent devenir au fil de la matinée autant de formules incantatoires, j’ai l’impression d’avoir négligé de lire à  ce jeune homme ceux qui le concernent. Je passe discrètement un petit mot à  Eric, qui m’assure que j’ai normalement lu le contenu de la convocation. Ouf. Je peux donc en revenir immédiatement au prévenu, et lui demander s’il réalise la chance qu’il a de comparaître devant moi, pour une “simple” CEA, et non devant trois de mes collègues pour homicide involontaire, sans même parler de l’éventualité de son propre décès entre la boîte et son domicile. Non sans franchise, il me répond qu’il sait bien qu’il a eu de la chance ce soir-là , qu’il y a beaucoup réfléchi depuis, et le réalisera sans doute encore mieux à  la sortie du Tribunal, mais que là , à  la minute même, il ne se sent pas si chanceux que ça, car il ne ressent pas du tout cette comparution comme une expérience agréable … Je le rassure, ce n’est pas le but de la séance.

Original : l’avocate d’un prévenu poursuivi pour CEA et feu rouge grillé m’indique que son client “ne conteste nullement la CEA, mais n’a pas le sentiment d’avoir grillé un feu rouge, et d’ailleurs, de là  où ils se trouvaient, les policiers ne pouvaient pas apercevoir la couleur du feu. Vous devrez donc le relaxer pour la contravention de non-respect du feu rouge.” Sauf que, d’une part, le procès-verbal est particulièrement précis quant aux circonstances de la fameuse grillade de feu rouge, que je passe d’autre part chaque jour devant ce feu, qui est parfaitement visible de là  où les policiers se trouvaient, et qu’enfin, le “non-sentiment d’avoir grillé ce feu” a peut-être été aidé par les 2 g d’alcool mesurés chez l’intéressé ce soir-là . Condamnation pour les deux infractions donc. Je vois bien que l’avocate ronchonne.

“En sortant de la soirée, j’ai pensé que j’étais peut-être limite, mais peut-être pas, alors j’ai tenté le coup …

– La prochaine fois, si vous voulez en être sûr, vous pourriez éventuellement acheter des éthylotests en pharmacie avant d’aller à  votre soirée, ça vous donnerait une idée de vos capacités à  prendre la route ensuite ?

– Oh, mais il paraît que ça n’est pas fiable du tout, ces trucs !

– Manifestement, votre estimation pifométrique non plus …

– Tiens, c’est vrai ! Vous avez raison !”

L’affaire suivante, si elle est simple (une CEA en récidive commise par un homme qui rentrait de l’école avec son enfant non attaché sur le siège passager), mériterait une plaidoirie, non pas d’Assises, n’exagérons rien8, mais enfin, qui consiste en autre chose que “Oui ben mon client est alcoolique mais c’est bien normal parce que sa première femme a tué leur enfant commun avant de se suicider et sa deuxième femme est morte il y a quelques mois d’une maladie rare le laissant seul avec leur fils du coup là  il déprime donc il boit enfin vous apprécierez surtout sur la nécessité d’annuler son permis”, dévidée d’une petite voix monocorde et à  toute vitesse par une avocate habituellement plutôt spécialisée en matière d’expulsions. J’indique à  l’intéressé que je n’ai aucun pouvoir d’appréciation sur l’annulation de son permis, vu son état de récidive, en essayant de lui cacher ma frustration vis-à -vis de sa défense.

La matinée se poursuit, avec un dossier qui nous arrive sur opposition à  une ordonnance pénale9 prononcée pour défaut d’assurance et plusieurs contraventions de 4e et 5e classes. J’en profite pour renseigner le prévenu sur les conséquences financières d’un accident corporel de la circulation routière commis avec un véhicule non assuré (en gros, passer sa vie active à  rembourser le Fonds de garantie qui aura indemnisé la victime avant de se retourner contre lui). Le Parquet requiert la confirmation de l’ordonnance pénale, l’avocat plaide … et mentionne en passant que “M. le Procureur aura en tout cas pris son temps pour décider de poursuivre mon client, puisque les faits datent de février 2008 et les réquisitions du Parquet d’avril 2009 !”. Ce qui me fait bondir sur le dossier, et le compulser frénétiquement, en pestant pour l’avoir mal préparé. L’avocat s’arrête donc de plaider, en indiquant sèchement préférer attendre d’avoir ma pleine attention avant de poursuivre. Je lui réponds que non seulement il l’aura sous peu, mais que je vais même lui donner matière à  plaider sur la prescription de l’action publique concernant les contraventions poursuivies, dès que le Parquet m’aura donné son avis sur la question. Les parties en présence s’accordent dans les minutes qui suivent sur cette prescription, que je constaterai donc, avant de condamner le prévenu pour le délit.

Tiens, un prévenu assisté d’un avocat qui essaye de dissimuler un sourire qui va d’une oreille à  l’autre ? Ah oui, je sais pourquoi. Son client a été interpellé, véhicule stoppé au beau milieu d’un rond-point, car pris d’une envie pressante, il avait décidé de l’assouvir exactement là , sans rouler un mètre de plus. Après quoi, les multiples verres d’alcool ingérés dans l’heure précédente aidant, il n’avait pu retrouver les clés de sa voiture. Les gendarmes arrivés fortuitement sur les lieux l’avaient donc aidé dans sa quête “et d’ailleurs c’est eux qui les ont retrouvées, mes clés, pile là  où j’avais fait pipi. En plein milieu en fait … J’ai trouvé ça très sympa de leur part d’ailleurs ! Bon, après, ils m’ont quand même fait souffler …” Gendarme, c’est un dur métier, on ne le rappellera jamais assez.

A 12 h 45, escale technique de dix minutes, afin de permettre au greffier d’aller fumer une clope, au substitut d’aller se mettre des gouttes dans le nez, et à  moi de boire un verre d’eau, car depuis plus de quatre heures que je parle sans interruption ou presque, ma bouche commence à  être pâteuse.

Nous reprenons avec un dossier d’infractions à  la législation sur les transports, contentieux technique s’il en est. Tellement qu’en préparant le dossier, je me suis dit que la relaxe pour “obscurité caractérisée de la réglementation européenne en cause” était plaidable. Le prévenu, gérant d’une société de transports poursuivi pour diverses infractions ésotériques tournant autour du poids du véhicule de transport et de celui des voitures prises en charge, plaide effectivement sa propre relaxe, mais en me démontrant que les articles de loi repris dans sa convocation ne lui sont guère applicables, puisqu’il n’effectuait pas au moment des faits de transport à  but lucratif et que le poids total de l’attelage était inférieur au poids fixé par les règlements. Son avocat reprendra évidemment ses arguments, me précisant au passage n’avoir pas réussi à  retrouver les règlements applicables sur Legifrance, et soulevant de plus l’absence de procès-verbal de pesée par les enquêteurs ayant procédé à  l’interpellation. Je mets ma décision en délibéré à  une semaine, à  l’issue de laquelle j’aurai réussi à  retrouver, via divers sites d’institutions communautaires, les cinq textes réglementaires applicables (prévoyant chacun des exceptions au précédent, et renvoyant au suivant pour le régime de ces exceptions, sinon ce n’est pas drôle), pour finalement donner raison au transporteur pour l’ensemble des motifs soulevés.

Tiens, une nullité ! Pas un mauvais avocat, bien sûr, mais une nullité de procédure soulevée par le conseil d’un prévenu, qui conteste la régularité du contrôle effectué selon lui par des APJ10 non supervisés par un OPJ11. Il soulève également au fond l’absence de caractérisation des faits de conduite en état d’ivresse manifeste et de refus de se soumettre aux vérifications tenant à  l’état alcoolique pour lesquels son client a été poursuivi : l’intéressé n’a refusé de se soumettre qu’à  l’éthylotest (le “ballon”), et non à  l’épreuve de l’éthylomètre. La procédure ne mentionnerait par ailleurs qu’un seul signe d’ivresse manifeste (une odeur de vin persistante), au demeurant non mentionné dans la convocation qui a saisi le Tribunal, alors que la Cour de cassation en exige plusieurs pour caractériser cet état. Décision en délibéré à  la fin de l’audience, aux termes de laquelle je rejetterai la nullité soulevée (il y avait bien un OPJ présent sur les lieux) mais relaxerai au fond, les arguments présentés étant pertinents.

Dix-septième et dernier dossier plaidé à  14 h 15. Fait inquiétant, il reste une vingtaine de personnes dans la salle … Essayant d’en faire abstraction, nous attaquons l’examen de la procédure concernant Monsieur L., qui comparaît pour la quatrième fois en quelques années pour CEA en récidive. Il a été interpellé endormi au volant d’un véhicule professionnel, arrêté au beau milieu d’une départementale, deux bouteilles de whisky vides dans le vide-poches. Il est assez émouvant, Monsieur L., et raconte si bien son histoire qu’il laisse peu de place à  la plaidoirie de son avocat : il y a sept ans, son fils de 30 mois est mort dans ses bras pour avoir échappé quelques minutes à  sa surveillance et sauté pendant ce laps de temps du toit d’un appentis, atterrissant la tête la première sur un tas de pierres et de ferraille rouillée. Depuis, Monsieur L. est un salarié modèle de l’entreprise qui l’emploie … onze mois de l’année du moins, car avec la régularité d’une horloge, il replonge dans l’alcool chaque mois de juin, autour de l’anniversaire de la mort du garçon, et se fait quasi immanquablement contrôler, poursuivre, et condamner. Son dernier passage devant le Tribunal correctionnel s’est soldé par un mandat de dépôt à  la barre, pratique que j’ai en horreur12, de même que Laurent, en temps normal. Ce dernier prend d’ailleurs la parole pour expliquer qu’un quantum élevé d’emprisonnement ferme assorti d’un mandat de dépôt immédiat pourrait se justifier, mais qu’il préfère requérir une peine évidemment plus longue que la dernière fois, tout en restant “aménageable”, et susceptible ainsi d’être effectuée sous le régime de la semi-liberté ou du placement sous surveillance électronique. L’avocate adhère, sans surprise, à  ces réquisitions relativement clémentes, et Monsieur L. repart libre avec sa convocation devant le JAP aux fins d’aménagement de peine. Non sans que je me dise que si, au mois de juin prochain, Monsieur L. se retrouve poursuivi pour homicide involontaire commis en état alcoolique, je vais avoir du mal à  dormir pendant longtemps … Je jette un regard à  mon parquetier, qui observe le condamné quitter la salle d’un oeil qui me semble humide, et pas seulement à  cause du rhume.

Les avocats ayant déserté la salle d’audience, restent les personnes comparaissant sans assistance. Le piège serait maintenant d’accélérer la cadence (même s’il faut bien avouer que déjà , on est soulagé de gagner le temps de plaidoirie sur les dix derniers dossiers) en oubliant que ces prévenus sont justement ceux avec lesquels il faut être le plus clair possible, histoire qu’ils ne repartent pas chez eux sans rien avoir compris au jugement de leur propre affaire.

Un homme poursuivi pour CEA en récidive s’approche. Un puissant relent d’alcool me parvient, qui me rappelle une discussion avec un ami avocat, durant laquelle celui-ci m’avait dit n’avoir commis qu’une seule fois l’erreur de demander à  son client de s’abstenir de boire avant l’audience, ce qui avait eu pour effet de le faire venir à  la barre en arborant tous les symptômes du manque … Le prévenu qui m’occupe tremble de tous ses membres, mais soutient qu’il ne boit JAMAIS d’alcool, qu’il avait simplement avalé quelques cuillères de sirop pour la toux au moment du contrôle, et qu’avec ses médicaments pour l’hypertension, celà  expliquait l’alcoolémie élevée mesurée par l’éthylomètre. Devant mon incrédulité, il s’avance à  un mètre de mon bureau, pour brandir sa main en me montrant qu’elle ne tremble pas … sauf évidemment si l’on prend en compte les bonds de 30 cm qu’elle effectue dans les airs sous mon nez (lequel est mis à  plus rude épreuve encore). Revenant aux éléments de personnalité contenus dans le dossier, je lui demande s’il se rappelle de sa première condamnation prononcée contradictoirement, deux ans auparavant, pour des faits identiques (six mois d’emprisonnement avec sursis, une amende, quatre mois de suspension du permis). Il répond qu’on lui a enlevé son permis pendant plusieurs mois et qu’il a dû payer une somme dont il ne se rappelle plus exactement le montant. J’insiste, en évoquant une peine de prison, un délai de cinq ans pendant lequel il faudrait se tenir à  carreau … non ? Il me regarde avec des yeux ronds, et rétorque que s’il avait eu de la prison, il s’en souviendrait, quand même ! Sursis avec mise à  l’épreuve comprenant obligation de soins, annulation de plein droit de son permis … Il sort de la salle en criant qu’il va faire appel. Ca arrive parfois.

Les deux dossiers suivants concernent encore une fois un récidiviste, mais pas n’importe lequel : à  six jours d’intervalle, Monsieur B. a commis ses dixième et onzième CEA, si j’en crois son casier. Typiquement le genre de dossier susceptible de faire péter une durite au parquetier de permanence, puis d’audience, et de donner lieu à  une procédure bien plus expéditive que la paire de COPJ13 qui amène Monsieur B. devant moi aujourd’hui. Je ne peux m’empêcher d’échanger un regard avec Laurent (“Vous faites passer des gens en comparution immédiate pour moins que ça, quand même ?”), qui hausse légèrement une épaule (“Parfois, ça peut passer entre les mailles du filet à  la perm …”). Quant au principal intéressé, il m’explique immédiatement que “tout ça, c’est la faute des gendarmes ! Ils se planquent derrière des buissons dès que je sors de chez moi et paf ! Ils m’arrêtent à  tous les coups ! Vous trouvez ça normal qu’ils me contrôlent tout le temps ?

– Vu les taux relevés dans l’air que vous expirez à  chaque fois, je dirais qu’ils ont raison de vous contrôler, Monsieur …

– Mais c’est pas juste, ils ont repéré ma voiturette, alors c’est facile !

– Et ce qui vous semble anormal, c’est que les gendarmes vous soupçonnent – légitimement – de conduire alcoolisé, pas le fait que vous preniez le volant après avoir bu ?

– J’étais parfaitement en état de conduire, d’ailleurs ils le savent bien, ça fait au moins cinq ans que je n’ai pas eu d’accident.

– Et vous pensez mériter une médaille pour n’avoir pas encore réussi à  tuer quelqu’un, à  commencer par vous-même ?…”

Monsieur B., qui a épuisé à  peu près tout l’arsenal dont nous disposons en matière de peines, est évidemment inaccessible au sursis et a déjà  écopé de deux sursis avec mise à  l’épreuve au cours des trois dernières années, sera condamné, conformément aux réquisitions, à  une lourde peine d’emprisonnement ferme. Sans mandat de dépôt à  la barre toutefois.

“Je suis dépressif, je n’y peux rien, je ne peux pas m’empêcher de boire …

– Monsieur, ce que le Ministère public vous reproche, ce n’est pas de boire, c’est de conduire en ayant bu.

– Oui, mais souvent, quand je déprime, je bois, et après ça me détend d’aller faire un tour en voiture …”

Le dernier dossier arrive enfin, celui d’un jeune homme qui a été contrôlé alors qu’il venait déposer plainte pour vol à  la gendarmerie, effectuant à  cette fin un magnifique créneau sur le parking d’icelle … non sans emboutir un véhicule de dotation, de plein fouet. Avec 2,8 g dans le sang, ceci expliquant probablement celà .

16 h 40, la dernière décision est rendue. Il reste pourtant une dizaine de personnes dans la salle, qui viennent se présenter : ils sont moniteurs d’auto-école débutants, et leurs employeurs les ont envoyés passer ici une partie de la journée pour parfaire leur formation (plutôt une bonne idée en soi, je trouve). Ils ont quelques questions à  nous poser … qui se résument à  une seule, en fait : “Le Procureur a dit tout à  l’heure que les récidivistes encouraient quatre ans de prison, mais vous n’avez prononcé aucune peine supérieure à  quinze mois fermes, on trouve que c’est pas beaucoup. Pour quelle raison avez-vous la main si légère ?…”

Laurent leur parle dimension sociale des décisions de justice, personnalisation et nécessité des peines, réinsertion des condamnés …

J’arrive tout juste pour ma part à  décoller ma langue de mon palais14 pour leur demander s’ils ont déjà  visité une prison, et s’ils imaginent ce que ça peut représenter d’y passer ne serait-ce qu’une journée, sans même parler de centaines de jours …

“L’audience est levée.”

  1. Surtout si l’on prend en considération le nombre de créatures assoiffées de champagne qui fréquentent ces lieux … []
  2. = cravates blanches plissées []
  3. Je sais, les avocats n’aiment pas ça, mais je prends malgré tout le temps nécessaire pour examiner les pièces fournies et réfléchir, quitte à  créer de longues minutes de silence ; et puis je ne vois pas l’intérêt d’obliger des gens qui n’ont en général posé qu’une demi-journée de congés à  attendre plusieurs heures durant la décision les concernant. []
  4. Il s’agit là  de l’une des informations que l’on doit porter à  la connaissance de chaque condamné, qui transforment à  mon avis le prononcé de la peine en une sorte de masse verbale à  la limite de l’intelligibilité, celle-ci revêtant en prime un petit aspect “marchand de tapis”, mais bon, on est bien obligé … []
  5. Service pénitentiaire d’insertion et de probation. []
  6. Enfin, d’entre vous, parce qu’en ce qui me concerne, je suppose que ce serait plus près de 0,5 g … []
  7. cf note 4 []
  8. Et surtout, ne donnons d’idées à  personne … []
  9. Procédure simplifiée aboutissant à  un jugement sans audience, sauf opposition du condamné. []
  10. Agents de police judiciaire []
  11. Officier de police judiciaire []
  12. Consistant à  ordonner l’incarcération immédiate du condamné arrivé libre au Tribunal. []
  13. Convocation par OPJ. []
  14. Mine de rien, huit heures d’audience en continu, ça dessèche. []

164 Commentaires

  1. PA
    Merci pour ce billet fastidieux, mais très intéressant.

    J'ai dévoré en quelques semaines toutes les pages de ce blog (en commençant par la fin bien sûr) et d'habitude je ne poste pas de commentaires.

    Mais cette dernière ligne m'a fait bondir. Pour la petite histoire, étant auxiliaire aumônier de prison, je cotoye des détenus régulièrement et j'ai donc une infime idée de ce qu'est la prison et de ce que sont (un genre de détenu assez particulier il est vrai) une partie de ces personnes.

    A défaut de pouvoir garder ma langue collée à  mon palais, je vais finir là  mon commentaire avant d'écrire des propos incorrects envers les personnes qui requièrent 4 ans de prison pour CEA (bien que je sois tout à  fait révolté envers l'incapacité de se contrôler des récidivistes en la matière - j'en connais un paquet, des chanceux puisque toujours vivants) et je vous remercie de cette avant dernière phrase, concise mais résumant bien l'absurdité de 'Pour quelle raison avez-vous la main si légère ?'.

    Au plaisir, donc, de vous relire !

    (mes excuses si des discussions ont été soulevées à  ce propos, mais je ne peux me permettre de lire tous les commentaires. Peut être le ferai-je quand j'aurais épuisé toutes les pages de ce blog et que j'en voudrais encore :) )
  2. tinotino
    Je ne sais pas si cela a été dit, si cette expression est en vigueur ailleurs, mais vous relatez ici, le déroulé des fameuses audiences "muscadets", comme on dit par chez moi.

    Dans le ressort de mon TGI, elles tendent d'ailleurs à  "disparaître", le parquet orientant systématiquement vers les CRPC ou composition pénale. Tout récemment, un gars avec 1,19 mg d'alcool par litre d'air expiré, défaut d'assurance et défaut de contrôle technique s'est vu notifier une CRPC bien qu'en récidive légale. Un autre, primaire, avec 1,5 g d'alcool par litre de sang (prise de sang effectuée suite à  un accident), a été convoqué devant le délégué du Procureur aux fins de composition pénale.
  3. Gagarine
    Très intéressant compte rendu d'audience!

    Toutefois, l'affaire de transport routier confirme mon expérience devant le tribunal de police (et correctionnel) en matière d'infractions aux réglementations spéciales: les juges judiciaires et les avocats généralistes ne sont pas outillés pour traiter ce contentieux.

    Concernant les avocats généralistes, leur modèle économique repose généralement sur le traitement rapide d'un contentieux de masse bien balisé (divorces, baux, pénal, etc.). Ils ne peuvent pas investir le temps nécessaire pour ne serait-ce que comprendre superficiellement une réglementation technique.

    En l'espèce, s'ajoute une incompétence navrante en matière de droit communautaire. L'avocat devrait tout de même savoir que la règlementation européenne n'est pas publiée au JORF, mais dans le JOUE. Celui-ci est aisément disponible sur l'équivalent européen de Legifrance, Eur-lex (http://eur-lex.europa.eu). La France est toute même membre des Communautés européennes depuis cinquante ans, et le transport routier une compétence communautaire depuis le Traité de Rome. Cela ne date donc pas tout à  fait d'hier.

    Concernant le juge judiciaire, vu le nombre de dossiers à  traiter dans un temps très court et la variété des contentieux (surtout en police ou en correctionnelle), il n'a pas le temps non plus le temps de se plonger dans la réglementation technique, et quand il le fait, c'est à  contre-coeur (ce qu'on peut comprendre). Par ailleurs, il n'est généralement pas aidé par les avocats (voir plus haut), ni par le parquet, dont le job commun est de débroussailler le terrain juridique.

    Enfin, concernant le peu de limpidité de la réglementation communautaire (dont j'ai été victime, ou plutôt: dont le portefeuille de mes clients a été victime), il faut tout de même se rappeler qu'il s'agit d'un domaine technique et qui appelle donc des solutions techniques et complexes. D'autre part, la législation européenne est adoptée par le Conseil (27 Etats membres représentés qui négocient bec et ongle) et le Parlement (qui n'est pas tout à  fait une chambre d'enregistrement comme le parlement français). Il est donc sensiblement plus difficile d'arriver à  une solution simple. C'est plus facile en droit interne: un parlement qui vote ce que lui demande le gouvernement, qui lui-même prend ensuite des décrets d'application qu'il rédige dans le confort des bureaux.

    Pour terminer sur une note constructive, pour ceux qui sont à  la recherche d'un acte communautaire. Il faut aller sur Eur-lex (lien plus haut), et choisir "recherche simple" dans la colonne de droite, puis "Recherche par numéro de document: numéro naturel". On rentre le numéro de l'acte et l'année (par ex, pour le règlement 881/92, l'année c'est 1992 et le numéro 881). Il faut ensuite cliquer sur "notice bibliographique", qui donne accès au texte de l'acte en question, ainsi que, en particulier:
    - les actes qu'il modifie et qui l'ont modifié (avec lien hypertexte);
    - les versions consolidées successives (pratique pour les actes modifiés moulte fois);
    - les éventuelles modifications proposées mais non encore adoptées;
    - les arrêts de la CJCE qui interprêtent (ou visent) l'acte en question (avec lien hypertexte).
    Il y a encore d'autres outils dans Eur-lex qui peuvent être très utile selon les dossiers. Par exemple, les notices bibliographiques d'Eur-lex pour les arrêts de la CJCE citent les articles de doctrine qui commentent la décision.

    Enfin, des présentations synthétiques de chaque acte communautaire sont dispo ici (c'est l'ex-SCADPLUS).
  4. Qsmb
    Bataille ! :D

    "la piètre dimension de la défenderesse qui voudrait rivaliser avec les plus grands escrocs, ce qui ne constitue nullement un but louable en soi sauf pour certains personnages pétris de malhonnêteté comme ici Mme X... dotée d'un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane, ses préoccupations manifestement strictement financières et dont la cupidité le dispute à  la fourberie, le fait qu'elle acculait ainsi sans état d'âme et avec l'expérience de l'impunité ses futurs locataires et qu'elle était sortie du domaine virtuel où elle prétendait sévir impunément du moins jusqu'à  ce jour, les agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par elle nécessitant la mise en œuvre d'investigations de nature à  la neutraliser définitivement" :x
    (2e civ, 14 septembre 2006, affaire de la caravane)

    Encore que la dimension comique du juge de proximité qui a statué ce jour-là  soit discutable (mais ça fait bien marrer en amphi quand même)... Dîtes, ils servent du lion à  la cafèt' du palais ?!
  5. grain de sable
    cher collègue, plutôt que d'avoir la bouche aussi pateuse, vous devriez refuser de siéger aussi longtemps et vous en tenir à  la circulaire dite " le branchu " qui préconise 6 h d'audience ce qui est bien suffisant... de plus siéger aussi longtemps et non seulement mauvais pour sa propre santé mentale mais aussi pour l'image de la justice
    1. Cher collègue,
      Ah, la circulaire Lebranchu ...
      Très franchement (et je ne saurais parler qu'en mon nom propre sans porter de jugement sur les juridictions qui l'ont imposée ou pas), je n'ai strictement rien contre dans le principe, mais en l'occurrence, il ne m'est pas venu à  l'idée de la mettre en application, pour diverses raisons d'ailleurs :
      - comme le diraient certains de mes prévenus, "je me sentais en état", même après six heures d'audience, de continuer. Fatiguée physiquement, oui, mais intellectuellement, sans problème. Probablement en partie grâce à  la nature similaire de la plupart des dossiers et à  leur volume réduit.
      - je comprends parfaitement la mise en application de cette disposition dans le cadre d'audiences de contentieux général mal calibrées (25 dossiers en collégiale, par exemple, on peut dès la phase de préparation se dire que c'est excessif et que l'on ouvrira l'audience en ordonnant certains renvois), mais là , arrêter de siéger au bout de six heures serait revenu à  dire à  14 h 30 plus d'un tiers des prévenus (et à  tous les prévenus dépourvus d'avocat), qui auraient attendu de passer durant tout ce temps, qu'il leur faudrait revenir une autre fois. Je ne sais pas si j'aurais pu m'y résoudre.
      - je trouverais d'ailleurs paradoxal de siéger d'une part sans broncher aux Assises, où les journées d'audience durent facilement dix à  douze heures, à  l'issue desquelles on peut délibérer X heures encore et infliger néanmoins une peine de réclusion criminelle à  perpétuité sans que personne ne se pose la question de la "fraîcheur" des juges, sous la présidence d'un collègue pour qui une telle tâche représente un effort intellectuel considérable, en compagnie de jurés dont ce n'est pas le métier et qui pourtant n'imaginent pas bénéficier d'un arrêt quotidien au bout de six heures, tout en décidant d'autre part de limiter mes audiences CEA à  cette fameuse durée ...

      J'avoue ne pas savoir ce qui est préférable en termes d'image de la Justice (quand on colle son nez à  une image, après tout, on la voit mal). Tiens, si ceux qui passent par ici voulaient bien me donner leur avis sur la question, je leur en serais reconnaissante !
      1. Miaou34+1
        "J’avoue ne pas savoir ce qui est préférable en termes d’image de la Justice (quand on colle son nez à  une image, après tout, on la voit mal). Tiens, si ceux qui passent par ici voulaient bien me donner leur avis sur la question, je leur en serais reconnaissante !"


        Bonjour,

        De ma faible expérience des tribunaux, l'image perçue de ces magistrats qui appellent les affaires le matin et s'y tiennent jusqu'au soir si ce n'est la nuit a toujours été celle d'une forte conscience professionnelle.

        De même lorsqu'un interne de garde depuis X heures s'occupe de ses patients, un taxi qui travaille depuis plus de dix heures d'affilé accepte une dernière course.

        Que cela soit cause d'erreurs potentielle est toutefois une certitude.
        Mais le pré-supposé est que si les magistrats ne se sentent pas en état, ils prennent alors la décision d'arrêter, comme tout professionnel le ferait.
        1. Jalisco
          - Commentaire n° 29.1.1.1
          De ma ptite expérience de la robe, ce qui compte, quelle que soit la durée de l'audience, c'est d'avoir du début à  la fin un magistrat attentif, qui ne s'enfonce pas ds son fauteuil et ds ses baillements (voire ronflements, hélas) au fur et à  mesure que l'horloge tourne!

          Par ailleurs, j'espère que la bouche pâteuse était l'expression d'une sensation, et pas qqch d'audible... Sinon, une audience de CEA avec un magistrat dont l'élocution pourrait laisser penser qu'il a consommé autre chose que de l'eau, c'est effectivement bof en terme d'image!
          Vous ne pouvez pas garder une bouteille d'eau à  portée de main?
      2. Qsmb
        Bonjour Marie,

        Merci pour ce billet (on peut rédiger les jugements avec le même humour ou ça ferait désordre ?).
        Pour l'image de la justice, une audience longue montre a priori que les magistrats ont à  coeur leur travail, et ce serait plutôt de nature à  inspirer le respect que la crainte (pas convaincue que ce soit une source d'erreur, malheureusement d'ailleurs, s'il suffisait de réduire la durée des audiences pour être sûrs à  100% que les juges deviennes des surhommes - femmes - infaillibles...)
  6. Tendance
    " Les parties en présence s’accordent dans les minutes qui suivent sur cette prescription, que je constaterai donc :D , avant de condamner le prévenu pour le délit. :x "

    Les faits sont prescrits et le prévenu est condamné. Ah! bon......
        1. - Commentaire n° 28.1.1.1
          Eh non ! (de découverte en découverte, n'est-ce pas ?)
          Une contravention est une contravention, et un délit un délit, suivant la classification tripartite des infractions, exposée avec plus de talent que je ne saurais le faire à  cet endroit.
  7. Vous écrivez « je rejetterai la nullité soulevée (il y avait bien un OPJ présent sur les lieux) mais relaxerai au fond, les arguments présentés étant pertinents ».

    Les contrôles routiers sont fondés sur l'article R233-1 du code de la route. Rien dans cet article ne prévoit la présence d'un OPJ.
    Même le contrôle d'identité vu l'article 78-2 du code de procédure pénale (bien plus contraignant que le contrôle routier, à  caractère administratif) prévoit qu'il puisse être effectué « sur l'ordre et sous la responsabilité » d'un OPJ, c'est à  dire hors la présence de l'OPJ

    Les OPJ sont rarement affectés à  des services de voie publique. En d'autres termes, il n'arrive presque jamais que des OPJ soient présents sur des contrôles routiers . Exiger le contraire signifierait, d'ailleurs, interdire aux policiers municipaux, portant chargés de constater les infractions au code de la route, de procéder à  des contrôles routiers.


    Vous dites en outre avoir « en horreur » la pratique des « mandats de dépôt à  la barre ». Pourriez-vous l'expliquer ? Est-il souhaitable que le condamné voit sa condamnation delayée sine die ? Il arrive que des condamnés se voient contraint d'effectuer une peine privative de liberté plusieurs années après leur condamnation ; n'est-ce pas là  obérer toute tentative de reclassement social entre le jour de la condamnation et le début de l'exécution de la peine (à  quoi bon, par exemple, chercher un travail, si on est susceptible du jour au lendemain d'être écarté de la société ?) ; en quoi la peine revet-elle un caractère dissuasif dans l'esprit du délinquant qui a l'habitude de vivre au jour le jour si elle est remise à  plus tard ?
    1. D'accord avec vous sur le premier point, mais le cas était extrêmement particulier, puisqu'il ne s'agissait pas au départ d'un contrôle routier mais justement d'un contrôle d'identité. Le PV d'intervention ne mentionnait pas d'ordre d'un OPJ (à  juste titre, puisque celui qui l'a pratiqué l'était), ce qui a dû induire en erreur l'avocat et lui faire oublier de vérifier la qualité propre du policier intervenant.

      Sur le second point, je maintiens mon opinion, pour diverses raisons. La loi impose aujourd'hui d'étudier les possibilités d'aménagement des peines s'élevant jusqu'à  deux ans fermes, je ne vois donc pas pourquoi je mettrais immédiatement à  exécution, de façon brutale et sans disposer d'études de faisabilité concernant d'éventuels placement sous semi-liberté ou surveillance électronique, les peines que je prononce, qui concernent par surcroît, la plupart du temps, des personnes disposant d'emplois qui seraient forcément anéantis par une incarcération immédiate.
      J'ai de plus la chance que les services d'exécution et d'application des peines dans ma juridiction ne mettent pas "des années", mais quelques mois seulement à  diligenter leur mission, ce qui permet aux personnes concernées de préparer correctement leur incarcération, et aux peines de garder leur sens. Les condamnés à  des peines aménageables sont ainsi convoqués, à  la fin de l'audience, devant le SPIP ou le JAP dans un délai de quelques semaines (inférieur à  six semaines, me semble-t-il).
      Je considère enfin qu'il relève de la politique pénale du Parquet d'orienter les procédures en fonction, notamment, de critères de gravité rendant souhaitable une peine d'emprisonnement ferme exécutable le plus rapidement possible et donc, de faire par exemple le choix de la comparution immédiate plutôt que celui de la COPJ.
      1. Marie, même dans le cas du contrôle d'identité, le simple « agissant conformément aux instructions reçus de XXXX, Officier de Police Judiciaire territorialement compétent » dans les premières ligne du procès-verbal suffit à  légitimer lesdits contrôles (ex : http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000018176281&fastReqId=316873406&fastPos=5).

        Concernant le mandat de dépôt, en somme, si je suis votre idée, cela signifie que lorsque vous condamnez à  un an ferme, c'est dans l'idée cependant qu'une sanction, au choix du JAP avec l'appui du CIP, puisse être plus adaptée. En somme, la doctrine de la personnalisation des peines ne trouve pas sa fin au prononcé de la peine.
        C'est dans l'air du temps.
        Toutefois, je persiste à  ne pas comprendre ce raisonnement qui dévalue le prononcé des peines. C'est à  la juridiction répressive, à  mon sens, de statuer sur la peine nécessaire. La juridiction répressive ne devrait jamais prononcer de peine privative de liberté ferme sans être persuadé qu'une telle sanction soit nécessaire (c'est bien ce que dit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, n'est-ce pas ?) ; de sorte que l'éventualité de commuer cette peine en un port de bracelet électronique n'a aucun sens. On ne devrait pas décider officiellement d'écarter quelqu'un de la société pour dire quelques mois (c'est long, quelques mois, dans le processus délinquant d'un individu tout juste majeur) plus tard que finalement il est acceptable de ne lui faire subir qu'une peine restrictive.
        Au yeux du délinquant, la justice n'en devient qu'une blague, avec un épisode de plus où il est possible de minorer les faits établis. Au yeux des plaignants, la justice ne devient garante d'aucune sécurité, avec un épisode de plus où ils n'ont pas leur mot à  dire.
        L'audience répressive n'est plus maitresse et je m'en lamente.
        1. - Commentaire n° 27.1.1.1
          Chere Enclume (hum ...),
          Sur le premier point, oui, certes. Mais ce n'était pas le cas dans cette procédure.
          J'entends bien par ailleurs votre opinion sur l'exécution des peines d'emprisonnement, mais plus que dans l'air du temps, il est dans l'esprit des dernières dispositions légales prises en la matière qu'une telle peine fasse par principe l'objet d'une mesure d'aménagement (le bracelet électronique ou la semi-liberté ne constituant pas des peines d'une autre nature, mais des modalités d'exécution de l'emprisonnement). Et appliquer la loi, c'est justement ce qu'on me demande, n'est-ce pas ?
  8. Nemo
    Bonsoir,

    Ce texte me fait penser à  une rubrique du Canard Enchaîné d'une tonalité proche même si le "point de vue" est autre et me ramène à  de vieux souvenirs où, stagiaire, j'assistais aux audiences correctionnelles dans ma bonne ville "sudiste".
    J'en ai gardé le souvenir d'une humanité et d'une désespérance ...
    De mon temps (au siècle dernier) il y avait , quand j'étais au lycée, les fameux "10 %". Prof timbré a raison : 10 ans c'est l'âge de la plus jeune de mes nièces dont je constate avec plaisir et un certain étonnement qu'elle s'intéresse à  beaucoup de choses ...dont la justice.
    J'ai diffusé autour de moi les coordonnées de ce blog riche et dense et surtout ...sans fla-fla.
    Merci à  vous donc tous "écrivants" et commentateurs.
    Comme je suis trop paresseuse pour réagir séparément au précédent post de notre Maître, je dirais, pour l'avoir vécu de très très près que le passage à  l'acte que constitue le suicide, qui est une violence ultime infligée à  soi - même, m'est incompréhensible. Pour moi, ce n'est "concevable", en quelque sorte, qu'en étant "hors de soi" (les anglo-saxons parlent d'"acting-out", expression que je ne sais traduire autrement que comme cela). A la réflexion, il m'a semblé que ma tâche , si j'en avais une, était de rendre présent, sans jugement ni pathos, à  ceux des miens qui ne l'avaient pas connu, ce que je gardais vivant de ce parent, parce qu'il fait partie de notre histoire familiale, que son acte lui appartient comme est nôtre ce qu'on a pu vivre ensemble ...
    A ce titre, j'espère que les proches de votre client auront pu vous lire. Parce que c'est sensible et vrai.
    Bien amicalement à  vous tous.
    1. Vous citez la rubrique de Dominique Simonot, je suppose : j'adore, elle retranscrit très bien ce que j'appellerais les petites misères ordinaires de la correctionnelle (elle a fait un papier sur une de mes affaires il y a longtemps, je crois qu'elle était à  Libé, elle connait le monde judiciaire par cœur)...

      Vous parlez très bien du suicide, qui effectivement n'est pas compréhensible, et dont je suis certain que le passage à  l'acte ne se fait que dans un été de conscience modifiée. Qui rend les regrets, logiques, des proches, de n'avoir pas su l'éviter, bien inutiles : personne, pas même le suicidaire, ne pouvait l'éviter, je crois.

      Ce qui est terrible, c'est le degré de désespérance que l'on doit avoir atteint, pour envisager de disparaître, un stade où strictement rien de la vie, croit-on, ne vous est favorable, où plus rien ne vous oblige à  rester ou ne vous fait envie. J'ai une peur bleue de cet état : même sans avoir basculé, sans maladie, il arrive parfois qu'on le frôle, qu'on se retrouve accablé, avec une impression que tout est écrasant, le boulot ne va pas, engueulade à  la maison, finances trouées : on ne fait alors que frôler ce désespoir, mais quand-même, on sent bien dans ces -rares- moments-là  que le cerveau est une machine perfectible, qui ne résisterait pas à  une certaine dose de pressions supplémentaires...

      Merci, en tout cas !
  9. Wouah, Marie, tu viens de me filer la trouille, là , tout d'un coup : Je dois passer en correctionnelle bientôt, pour conduite sous stups

    J'avais fumé un pti pétard, le test salivaire m'a balancé, le salaudBah, m'en fous, pas d'antécédent, pis je ne bois pas de toute façon.

    C'était mon premier contrôle routier en six ans de permis, et aussi la première fois que mon véhicule était en règleo_OPas d'bol ?

    Les gendarmes qui m'ont interpellé, agissant sur réquisition du procureur, spécifiquement invités à  fouiller les véhicules et les personnes à  la recherche¹(), n'avaient même jamais utilisé ce foutu test, il a (presque) fallu que je leur lise la notice ! En tout cas, ils ont été très sympas avec moi², ont bien fait leur boulot, on a même bien rigolé (avec sincérité)

    Ben, ils m'ont pris mon permis, immobilisé ma voiture à  vingt bornes de la gendarmerie avec toutes mes affaires dedans, et je m'suis retrouvé à  pinces au fin fond de l'ardèche, à  huit cents bornes de chez moi !
    Tout ça pour un pti pétard, roôh
    Merci M. le procureur ! ;-) Bah, m'en fous j'ai l'habitude du pouce

    Enfin, j'espère m'en tirer avec une amende³

    ¹Si ça ce n'est pas la politique du chiffre, je ne sais ce que c'est.

    ²ils étaient bien contents de me trouver, ça caillait dehors ce matin de décembre; quand je lui ai donné mon pochon, l' OPJ a crié à  ses collègues : "C'est bon, on en a un, on peut s'rentrer !" (sic)

    ³en sus de la mise à  pinces administrative pour quatre mois, dont j'espère bien qu'elle ne sera pas prolongée

    Est-ce que je rêve ?
        1. - Commentaire n° 25.1.1.1
          Merci à  tous deux d'avoir pris le temps de me répondre, cela me fait très plaisir !
          Sachez que je vous lis avec délectation, vous avez de très-belles plumes.

          Promis, Maître, je ferai ça que vous m'avez dit

          Marie, s'il est sans doute vrai qu'il vaut mieux se méfier des juges, et si je ne manquerai pas de suivre ce conseil, les deux fois où j'ai dû me présenter devant eux, accusé de faits dont j'étais innocent (les deux fois, manifestement le seul de la journée !), en sus d'avoir fort apprécié le spectacle (excusez, j'ai eu vraiment l'impression de me trouver au théâtre :P ), j'ai été frappé par leur pertinence et leur vivacité d'espritpeut-être ne sont-ils pas tous ainsi, mais cela a malgré tout reconforté (un peu) ma vision de la Justice. D'autant que, la seconde fois, je ne partais, quoique parfaitement innocent, pas gagnant : accusé d'actes de rébellion par des policiers(je fus relaxé ; même le greffier s'est levé pour prendre ma défense et confirmer mes propos :mrgreen: )

          Alà s, pourquoi faut-il toujours que je me trouve du mauvais côté ? :eek:

          Magistrats, je vous tire mon chapeau, et s'il en est que je dois vilipender, il en est, et ce sont les législateurs fous ! :twisted:
          1. Miaou34+1
            - Commentaire n° 25.1.1.1.1
            accusé d’actes de rébellion par des policiers[sic] Alà s, pourquoi faut-il toujours que je me trouve du mauvais côté ?


            Quand on porte un sweat à  capuche, un baggy et une casquette, on ne pose pas ce genre de questions :P
          2. - Commentaire n° 25.1.1.1.2
            Merci pour tout, déjà  ! Et pour préciser mon message précédent : ce n'est pas du manque d'intelligence des juges qu'il faut généralement se méfier, mais plutôt des jurisprudences locales, fréquemment plus sévères (en matière de stups notamment) que dans les grandes juridictions. Encore que depuis qu'on m'a renseignée, pas plus tard qu'hier, sur la jurisprudence CEA pratiquée au sein d'une très grosse juridiction, je me dis que c'est plus aléatoire que je ne le pensais, tout ça ...
  10. Cassandre
    C'est rigolo, je n'arrive pas à  me détacher de l'image d'une petite blonde à  la peau bleu azur dans une robe de magistrat trop grande :lol:

    En tout cas, merci de nous faire partager ça, Marie. On se représente trop peu comment peut être le quotidien judiciaire de ce côté-là  du tribunal, vous autres magistrats êtes bien moins représentés que les avocats dans la blogosphère.
  11. Pour méditer sur les lois automatiques ou presque, trois historiettes sur trois récentes CEA :

    - la première, une femme boit en tout et pour tout deux coupettes à  l'apéro lors d'un repas réunissant une vingtaine de copains et son mari, car il est convenu que c'est elle qui conduira. Ils sont contrôlés des heures plus tard, sur le chemin du retour, elle en l'occurrence, comme convenu, son mari bourré dormant sur le siège passager : elle est à  0.60... J'ai vingt attestations confirmant qu'elle n'a bu que ces maudites deux coupes, et de bonnes raisons, même sans ça, de la croire (c'est ma grand-mère. Non, je plaisante.)... J'ai deux thèses : soit une petite partie de la population a une distillerie interne très lente, soit le fait d'être enfermée dans un espace clos où son époux expirait de l'alcool a maintenu son taux...

    - la seconde : un homme boit six ou sept verres de blanc lors d'un repas au restaurant entre collègues. Il sait qu'il ne peut pas conduire, et se couche dans sa voiture, vers minuit. Il fait froid, il met son moteur en marche pour avoir le chauffage qui va avec, et il s'endort, sous les quolibets des copains qui, eux, repartent (et témoigneront : notre homme est allongé en travers des deux sièges avant, son veston sur lui). Contrôle vers deux heures, positif, il explique qu'il ne roulait pas, l'ont pas cru, véhicule terrestre à  moteur, moteur en marche.

    - la troisième : une cadre sup' participe à  un repas professionnel, et y boit trop. Elle renonce en fin de soirée à  prendre sa voiture, se fait ramener chez elle par une collègue, et se couche, vers une heure. Elle se lève à  sept heures avec un bon mal de crâne, appelle un taxi après petit déj' et douche, se fait déposer à  côté de sa voiture, et y monte pour partir au travail. Contrôle. Positive, 0.76. Récidive.

    Bon weekend -pédestre- à  tous.
    1. - Tout dépend du volume des coupettes de ta grand-mère ...
      - Mais ... il était garé là  où il avait passé la soirée, non ?
      - Je crois qu'on évacue à  peu près 0,10 g par heure ... ça peut donc prendre un temps certain, quand on a bien bu ...
      1. Shadok
        C'est malheureusement très aléatoire, en fait. L'alcool est métabolisé par le foie te tout dépend du métabolisme de celui ou celle qui a ingéré la drogue. Il y a aussi un stockage probable dans les graisses qui modifie sensiblement le taux sanguin (et donc respiratoire) chez les personnes « enrobées ». Les femmes semble aussi défavorisées par rapport aux hommes dans la vitesse d'élimination, etc.

        L'éthylomètre fait de plus une mesure toute relative : seule la prise de sang permet d'avoir une idée relativement précise, mais elle a été, il me semble, abandonnée, n'est-il pas ?.

        De plus, fixer une « limite » est un peu illusoire, car un alcoolique chronique sera tout à  fait en état de conduire à  1,5g, alors que celui qui ne boit jamais peu être dangereux dès 0,2g. Ce qui ne simplifie pas les choses. Pareil pour le seuil du coma éthylique : il est très majoré chez les personnes en état d'addiction (on a déjà  vu des personnes à  10g qui étaient encore conscientes !). Mais comme pour toute drogue addictive, il arrive un seuil individuel qu'on ne peut plus dépasser.

        Ceci dit, la mortalité par overdose, comparé à  d'autres drogues, est très faible, car le temps d'ingurgiter la quantité nécessaire pour en mourir est trop long (quoi qu'à  l'alcool à  90° en intra-veineuse, ça ne doit poser aucun probème, mais personne ne le fait jamais !), alors que pour d'autres drogues, la dose létale est très faible et facile à  introduire rapidement dans l'organisme (comme l'hérouïne en intra-veineuse, par exemple).

        Comme toute addiction réelle, il y a un risque de décès par manque et une prise en charge symptomatique et médicamenteuse est indispensable (chez l'alcoolique, le premier symptôme est les délirium trémens qui peut être mortel), mais contrairement à  de nombreuses croyances, le sevrage physique est relativement court (entre trois jours et une semaine, quelle que soit la drogue). Le reste du « sevrage » est purement psychologique et généralement traité par une obligation d'abstinence pendant une durée variable d'un individu à  l'autre. Et là  encore, nous ne somme pas égaux : certains ne retoucheront jamais à  la drogue qu'ils consommaient sans difficulté, pour d'autres, ce sera beaucoup plus difficile (surtout que pour l'alcool, on le vend au super-marché ou les revendeur qui incitent leur « clients » à  recommencer...). Et puis il y a des drogues qui ne sont pas addictives du tout, comme le cannabis ou la cocaïne pour lesquelles il n'y a pas de syndrome de sevrage... De même que des drogues très dangereuses durant leur manifestations psychotrope, comme le LSD. Certaines sont en plus dépressogènes à  court et moyen terme, comme l'alcool (=> cercle vicieux) voire très dépressogènes comme la cocaïne, mais pour une courte durée, => moins de difficultés si plus de doses.

        Et que dire des molécules psychotropes, telles les anxyolitiques ou les antidépresseurs qui sont dangereux durant quelques jours, le temps que l'organisme s'y habitue. Ou les hypnotiques, qui peuvent être terriblement dangereux (certains s'élimine très vite, d'autre plus lentement mais il y a aussi souvent des phénomène d'accoutumance qui peuvent en minorer les effet à  moyen terme (le lendemain). Là , c'est au médecin de décider, puisque c'est sa prescription. C'est bien, mais il n'en a, lui non plus, aucune idée, objectivement. On lui a juste renvoyé la patate chaude.

        Tout ça pour en arriver à  la conclusion que le taux « légal » est une vue de l'esprit destiné à  trancher juridiquement, alors que le problème est beaucoup plus complexe...

        Et une élimination de 0,10g/heure est une moyenne très pondérée : certains seront repassé sous les 0,5g fatidiques en 3 heures de temps, pour d'autres, ce sera 8, voire 10 heure pour la même surconsommation. En fonction de la bonne volonté du foie. En plus, l'élimination n'est pas linéaire : elle est très rapide au début puis de plus en plus lente...

        Non que je défende le fait d'être ivre en conduisant, bien au contraire, mais juste pour expliquer que c'est, dans la réalité médicale et non judiciaire, très discutable. Et discuté.

        Personnellement, je suis pour le système suédois du 0g/l, qui remet les compteurs à  zéro et rend de nouveau les gens égaux entre eux (quand il y a fête, il y a le conducteur ne boit pas du tout : c'est simple et là , tout le monde comprend !). Pour les ethyliques chroniques en milieu rural : je n'ai aucune idée a priori de ce qui pourrait être fait. Il faudrait voir les vraies statistiques pour savoir s'ils représentent véritablement un problème de dangerosité pour la collectivité car il fréquentent des routes souvent très peu pratiquées...

        Mais bon tout ça relève bien plus de la politique que du juridique. Mais j'espère que ça vous aura peut-être fait comprendre, ou au moins, appréhender le gouffre qui sépare le médical du judiciaire dans ce domaine (la seule solution serait d'avoir un expert médical sur place au moment de l'infraction pour pratiquer des test d'aptitude : réflexes, champs visuel, etc. – mais pareil, ou situer la barre ? Quelqu'un de « clean » mais pas bien réveillé au volant peut être bien plus dangereux que quelqu'un qui est à  0,6g/l d'alcool, mais bien réveillé.

        Voilà , je vous laisse à  votre débat, par ailleurs fort intéressant... que je suis désolé d'avoir « pollué » par un long texte surement rébarbatif (en plus, je suis un très mauvais rédacteur et souvent mes idées viennent en vrac et je n'est pas le courage de le retravailler)
    2. Philou
      Anecdote totalement authentique de mon village : Fête d'été (genre le banquet de la chasse...), au soleil sous une tente. Contrée chaude. Forcément, ça donne soif, donc on éponge. Un homme s'y astreint avec une constance méritoire, au vin blanc. Dans ce genre de lieu, l'unité de vente, c'est le verre de 25 cl, alors, forcément, si on a beaucoup d'amis et qu'on est poli.... Le Monsieur s'avère exceptionnellement titubant au moment de rentrer au point que son épouse, qui avait pourtant de l'entraînement, exige de conduire le véhicule. Monsieur a le vin blanc revendicatif, assure n'avoir bu que deux petits verres et rentre chez lui, s'enferme dans sa chambre avec son téléphone. On saura plus tard qu'il avait dérangé à  peu près tout ce que le canton comptait de médecins, pour obtenir un certificat comme quoi on avait trafiqué son vin, vu qu'on peut pas être dans son état avec deux petits verres... Une demi-heure plus tard, il sort en lançant à  la cantonade, avant de claquer la porte "Je sais ce qu'il me reste à  faire !". Perplexité de l'entourage, et élucidation une heure plus tard par un coup de téléphone de la gendarmerie demandant à  Madame si elle voudrait bien avoir l'obligeance de venir prendre en charge son époux. Cet homme obstiné, convaincu qu'on lui avait trafiqué sa boisson, était monté à  la Gendarmerie, exigeant qu'on mette en route l'éthylomètre, devant un gendarme de permanence assez agacé, afin de prouver qu'il n'avait rien bu. Diagnostic rapide : 2,1 gr...

      C'est le seul cas dont j'ai eu connaissance d'un poivrot qui se soit constitué prisonnier...
    3. ADRIEN BIS
      Pour votre théorie de la distillerie interne à  vitesse variable, je vote pour. Une fois à  une féria, après avoir bu plus que de raison, je vais dans un poste de secours, pour m'amuser à  souffler... Positif. après un demi bouteille de vodka, quelque whisky et moult jacqueline, normal. Je ressoufle dans un autre poste de secours (en fait je chercher à  récupérer des éthylotest jetable, il n'avaient que des machines...), environ une heure après. Là  surprise, négatif. Me sentant bien, je reprend ma voiture, les gendarmes me font souffler, négatif encore. J'en reviens pas encore moi-même.
      1. Et toujours sur la vitesse aléatoire de la distillerie, on m'a déjà  sorti en audience une théorie selon laquelle l'alcool persistait plus longtemps dans les organismes féminins en raison (attention, ça peut faire moyennement plaisir) de leur masse graisseuse plus élevée que celle des hommes. Je ne sais pas ce que ça vaut, mais je le mets dans le débat ...
              1. - Commentaire n° 23.3.1.1.1.1.1
                Ce qui est rigolo avec les hommes, c'est qu'il suffit d'agiter le bon chiffon pour qu'ils galopent tous dans la même direction ... :P
                Sur le fond, masse graisseuse, je veux bien, mais le fameux "bide à  bière", qui doit bien retenir l'alcool aussi, c'est quand même plutôt un (volumineux) apanage masculin, non ?
                1. salah
                  - Commentaire n° 23.3.1.1.1.1.1.1
                  [aimg]http://http://maitremo.fr/wp-content/box/reise-1 copie.jpg[arel]reise-1 copie[/arel][atitre]aucune idàƒ©e[/atitre][img]http://http://maitremo.fr/wp-content/box/thumbreise-1 copie.jpg [rel]reise-1 copie[/rel][titre]aucune idàƒ©e[/titre][/img][/aimg]A vrai dire ,c'est toujours une affaire de point de vue
                2. - Commentaire n° 23.3.1.1.1.1.1.2
                  Mais non, voyons, c'est juste que nous sommes tous de preux chevaliers, galants, prévenants et tout et tout et que jamais nous n'aurions voulu te faire l'affront de ne pas réagir à  tes propos :P Tu aurais pu croire qu'on t'ignorait après :mrgreen:
    4. Miaou34+1
      Allez une petite anecdote d'hier (1973), dans le Journal Officiel : "les doses d'alcool dans le sang de monsieur Bonnell (0,41gramme-litre) et de M. Aubert (0,53 gramme-litre) étaient trop faibles pour être de nature à  altérer le comportement et la vigilance de ces 2 pilotes".

      C'est en rubrique 2.14.1 de ce rapport du BEA accessible au format pdf ici: Accident avion 1972

      Je ne sais pas si à  l'époque il prenaient déjà  en compte la fermentation post-mortem.
      1. Shadok
        [TOTALEMENT HS]

        J'avoue avoir piloté (un petit monomoteur) juste après avoir bu un kir (il n'y a pas de législation et j'avais un slot de disponible.

        Je n'était pas « bourré », juste très légèrement « euphorique » et je dois dire que ça ne pose vraiment pas de problème particulier : en fait, piloter un avion est bien plus facile que conduire une voiture, contrairement à  ce qu'on pourrait croire... et les risques de problèmes sont très faibles. Un accident d'avion est toujours lié à  un enchaînement de circonstances pendant lequel se produit un certain nombre de problèmes.

        La « règle du pouce » est « un problème : ça va, deux : ça se gère, trois : danger, plus : accident potentiel  ».

        Le fait d'être légèrement pompette représente la valeur d'un petit problème. Et deux problèmes simultanés sont rarissimes en avion. Un seul est par contre relativement fréquent (incident isolé, rapporté).

        J'ai aussi très souvent volé en place droite avec un pilote qui abusait franchement de la bouteille : il n'y avait vraiment rien à  redire à  son pilotage. Il n'a d'ailleurs jamais eu d'incident ou d'AIRMISS (demande d'enquête par un PCB* ou un contrôleur) lancé à  son encontre.

        Il n'y a qu'à  voir le nombre d'accidents (pas d'incidents) comparé au nombre de vols sans problèmes : l'avion est infiniment moins dangereux que la voiture !

        C'est pourquoi, paradoxalement, je suis assez d'accord avec les conclusions du BEA : leur état n'a pas participé à  la réalisation de l'accident.

        (dans 99.99% des accident impliquant des décès, les pilotes et copilotes étaient parfaitement sobres). Dans 99,9999 des vol ou ils ont légèrement bu, il n'y a pas eu d'accident et il n'y a pas de « violence aéronautique » comme pour l'automobile). CQFD : l'alcool (à  une dose raisonnable, quand même) n'est pas un facteur accidentogène en avion.

        Mais comme pour tout, on a l'esprit plus clair quand on ne boit pas : donc il ne faut pas boire. Je n'aurais pas dû prendre le manche, c'est clair (mais je pensais avoir fini pour la journée et l'occasion s'est présentée... le chef pilote m'a donné sa bénédiction et j'y suis allé, les probabilité d'accident étant proche de zéro).

        En règle général, les causes des crash, a posteriori, sont bêtes à  pleurer :x Mais elles font évoluer les procédures pour éviter qu'elles ne se reproduise (les incidents rapportés aussi !). L'alcool chez l'équipage n'a jamais été à  l'origine d'un crash, sinon, les fabricants et compagnies auraient déjà  imposer une « tolérance zéro », ce qui n'est pas le cas.

        (*) Pilote Commandant de Bord
  12. Prof Timbré
    Dites Marie, votre article me fait penser à  une discussion que j'ai eue avec Mô il y a déjà  quelques temps.

    Je souhaiterais emmener la prochaine année scolaire une classe d'élèves de CM2 à  une audience publique de mon tribunal préféré, avec en amont et en aval une "information" en classe sur notre belle justice et dans un souci d'édification de nos chères têtes blondes.

    De qui puis-je me rapprocher pour ce faire ?
        1. - Commentaire n° 22.1.1.2
          Ou même au Procureur : les parquetiers sont encore plus spécialisés que les juges, en la matière. Et ils se chargent généralement d'organiser la chose, et de convaincre leurs collègues de participer à  l'intervention prévue.
  13. Coyote
    Des audiences désespérantes, pour y avoir plaidé de temps à  autre.
    Et ce sont toujours les mêmes excuses qui reviennent, inlassablement, la palme de la plus utilisée étant "mais je me sentais bien".
    Mais la palme du courage revient à  ce qui doivent conserver leur impartialité et regarder chaque dossier comme s'il n'était pas identique aux 25 qui ont précédés.

    Sinon, je viens de constater que le Sieur OPH avait commis le donjon de Naheulbeuk, ce qui me confirme la qualité des lecteurs dudit blog (et de ses auteurs)
      1. Oph
        J'ai commis quelques menus trucs dans le monde de Naheulbeuk (*), mais on ne saurait m'attribuer la création de la saga, quand même ! :oops:


        (*) pour ceux qui se demanderaient pourquoi les artefacts divins les plus puissants de la Justice s'appellent la "flûte à  champagne de Mhau" et la "boule à  thé de Métréolash"... oui, c'est de moi.
        1. - Commentaire n° 21.1.1.1
          La vache, j'avais raté ces excellentes allusions !!!

          Je vous l'ai proposé sous je ne sais plus lequel de vos commentaires, Oph, mais vous ne me regardez plus : on devrait, si ça vous dit, faire une planche de temps en temps ici (sur la base du personnage d'avocat que vous connaissez) !
          1. Oph
            - Commentaire n° 21.1.1.2.1
            Essentiellement l'Encyclopédie (tous articles signés "Nak'hua Thorp"), et puis tout un tas de concepts qui sont partis de là  et se sont retrouvés dans les BD, les romans...
            Ma première participation officielle à  un produit payant vient de sortir puisqu'il s'agit du tome 3 des Arcanes.
            1. Bziaou
              - Commentaire n° 21.1.1.2.1.1
              Et bien déjà  : bravo!
              J'avoue ne pas encore avoir eu le temps de découvrir autre chose que la série audio (et étant bien portée sur la SF, l'autre série, Survivaure... les gens aiment moins en général, mais quand on a grandi avec Star Trek, on ne peut qu'aimer), mais je vais regarder le reste, rien que pour pouvoir voir ce que vous avez fait! :D

              J'adore le concept de "flûte à  champagne de Mhau" et "boule à  thé de Métréolash" : j'espère au moins qu'elles donnent +2 au niveau de la défense (et +4 au niveau de l'éloquence...)
              1. Coyote
                - Commentaire n° 21.1.1.2.1.1.1
                Et pour ceux qui ne connaissent pas ces affligeantes et réjouissantes séries audio, ça se met très bien sur un CD et ça s'écoute tout aussi bien sur la route, dans la voiture, quand on a quelques heures de longues autoroutes à  se taper.

                Mes excuses à  Dame OPH, promis le ferait plus.
                1. Bziaou
                  - Commentaire n° 21.1.1.2.1.1.1.1
                  "ça s’écoute tout aussi bien sur la route, dans la voiture, quand on a quelques heures de longues autoroutes à  se taper."

                  A nuancer... il parait que la pratique du fou rire est contre-indiquée lors de la conduite :p

Fin des commentaires


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