[ Avertissement : l’affaire que j’ai hésité à , puis voulu, vous raconter ici, a été la plus dure de ma carrière. Elle m’a obnubilé de nombreux mois, à l’époque, et littéralement possédé pendant les dix-huit jours qu’a duré le procès, à l’issue duquel j’avais perdu huit kilos… J’ai souffert, encore, près de trois semaines, pour parvenir à l’écrire, et je suppose donc, non, je sais, qu’elle sera extrêmement dure à lire, bien plus encore que l’histoire de Noël, pour laquelle on m’a parfois reproché de ne pas avoir prévenu mes lecteurs -ce que je fais donc cette fois : certains passages de ce texte peuvent choquer. ]
C’est le Bâtonnier en personne, ce qui est très rare, qui m’avait appelé pour me demander si j’accepterais, à compter du jour même, d’être commis d’office au soutien des intérêts de Denis, dont la mise en examen était prévue dans quelques heures, et j’avais compris immédiatement pourquoi il prenait cette peine en entendant le nom de mon éventuel futur client : Denis, ainsi que toute la presse le racontait depuis deux jours, était suspecté de vingt-deux viols accompagnés ou suivis d’actes de torture et de barbarie, souvent commis sur des mineures, et dans des conditions d’une atrocité inimaginable…
J’avais même lu, la veille, un article dans lequel, vue la multiplicité et la sauvagerie de certains actes, les enquêteurs indiquaient avoir d’abord été persuadés qu’il ne pouvait s’agir d’un seul criminel, même totalement dément -avant de se rendre à l’évidence, en recueillant, dans la douleur, les froids aveux de Denis, qui avait fini par raconter chaque scène, avec une glaciale précision chirurgicale, et sans la moindre émotion apparente : il avait tout fait. Seul.
Un fou… Un fou assoiffé de sexe et de sang, qui avait, en dix ans, jeté vingt-deux victimes en Enfer. Vingt-deux terribles victimes qu’il allait falloir affronter, à terme, ou parfois leurs familles : certaines de ses proies, certaines de ces malheureuses petites filles, n’avaient pas survécu à leurs blessures…
J’acceptais, sans réfléchir, immédiatement -comme sans doute on saute d’une falaise sans savoir s’il y a assez de fond, en bas, dans l’eau. Sans savoir encore que le plus extraordinaire, et le plus terrifiant, ne tenait pas même dans les incroyables douleurs infligées, dans le nombre de ces anges massacrés, mais que l’indicible, le plus inhumain, se trouvait en réalité dans un regard, deux yeux aux pupilles fixes qui vous transperçaient en permanence, et dans des mots : ceux dont allait, pendant de longs mois, m’abreuver en permanence, au point qu’il m’arrive encore parfois aujourd’hui de les entendre, celui qui, dans un instant, serait devenu mon client…
Oh, et puis non : ce serait vraiment trop dur à raconter.
C’est bête, hein ?
En fait, Maitre, ce n'est pas tant par fascination de vos clients que je lis ce blog, mais plutôt par fascination pour vous.
Je me demande comment vous êtes fait, de quels éléments vous êtes construit, quel est l'enchainement des pensées qui vous permet de prendre la défense de vos clients.
Cela me fascine, je l'avoue.
Je crois que j'arrive mieux à comprendre le nazi que l'avocat du nazi.
Vous êtes une sorte de mystère insondable.
J'ai beau vous retourner, vous examiner, vous écouter, vous êtes imperméable à ma compréhension, exactement comme "la résolution des intégrales complexes par la méthode des résidus" l'était pendant mes études.
J'avais beau lire et relire les phrases et les équations de mon cours de math, elles n'avaient aucun sens.
je viens de lire ce post :
police.etc.
J'ai le cœur écrasé par cette histoire, et pourtant, je n'ai pas d'enfant, ni le désir d'en avoir.
On ne peut donc pas me taxer de "défenseur de la cause enfantine" comme il existe des "défenseur de la cause animale".
Mais penser qu'un enfant a pu rester seul douze ans enfermé, sans soins, jusqu'à mourir de faim, comme un animal en cage dans la pire des conditions, je ne comprends pas comment on peut prendre la défense de la mère. Et pourtant je sais que vous pourriez.
Vous êtes mon Maitre Mystère.
Tout d'abord je constate que l'on rit bien au tribunal, et dire que certain vous traite de tous les noms d'oiseau, encore heureux qu'ils ne soient pas à votre place Maître Mô.
Et pour conclure, je voudrais revenir sur une assertion tout à fait fausse ! Que ce soit dans Tolkiens ou Nahalbeuk, les Elfes ont en grippe les nains pas les trolls. Les trolls les répugnent seulement. Me voilà soulager.
"Denis, ainsi que toute la presse le racontais depuis deux jours, [...]".
Je me suis fait avoir, mais j'ai toujours autant de plaisir à le relire, ce qui est curieux pour un poisson d'avril qui est normalement éventé dès la première lecture. En un mot : bravo !
Très cordialement,
Jean Lobry
alors que j'étais en train de glander sur internet en quête d'une huile sur toile de Weisbuch, je me suis dit que j'allais jeter un coup d'oeil à la dernière publication de mon ami.
certes, le décalage temporel avec le 1er avril n'est en rien dans le fait que je me sois fait piéger et fus déçu de ne pouvoir lire la suite.
cela m'a fait sourire et je me suis dit pour la énième fois...................... mais quel con!
merci pour la decrispation de mes zygomatiques.
have a nice week-end my friend and many kisses to your family.
Jimouze
Merci, maître.
fainéantise au travailgourmandise intellectuelle vient de m'être brutalement enlevé!Attention à la redondance cependant, le poisson d'avril 2009 ressemble à celui-ci à s'y méprendre... Merci en tous cas pour ces rares mais ô combien passionnants posts que vous nous délivrez à des heures indues, au péril de votre santé (et de la santé de votre mariage je suppose...), J'ai réellement aimé certaines de vos histoires, notamment celles ou votre humour édulcore des vérités trop crues pour être lues sans ressentir une gêne ou même, parfois (Noël), le dégoût d'être humain tout simplement. Il est facile de vous encenser var vous incarnez l'avocat aux idéaux purs et à la probité immaculée. Pourtant, je le sais, le pénal est gris, comme la vie d'ailleurs, et des compromis il est certain que vous en faites, même avec ce en quoi vous croyez. J'adorerais vous lire sur ce sujet.
Quel dommage que vous soyez un provincial...on ne croirait pas!
D'ailleurs je me précipitais avec impatience sur la fin du récit pour espérer y connaître ce visage véridique de l'inhumain révélé à nous-même par le truchement de son prétendue avocat, avec l'avidité du spectateur des émissions de Hondelatte, rivé à son siège tandis que défilent sous ses yeux, gendarmes, journalistes, magistrats et avocats, chacun apportant une parcelle de vérité à une histoire complexe de douleur et de sang.
PS: je n'ai marché qu'à moitié, car quand même s'il y avait réellement un tueur au tel passif, la guillotine aurait été promptement rétablie, étant donnée l'ambiance actuelle.
en même temps, lire les articles 4 jours plus tard, forcément, j'ai plus trop pensé au 1er avril.
Comme les copains, je me suis arrêtée, et mise en condition pour lire les horreurs qui suivraient.;
puis.. quwé ? hein ? (oui je suis un peu longue à la détente) et finalement je suis bien contente de ne pas en lire.
Un bon poisson d'avril (trouvée par une collègue, mais où ?) : la chanson que Carla aurait chanté à Nicolas, et lui disant notamment
d'oublier la république et laisser sa place à Dominique...
Bon, je vais aller voir chez Eolas, histoire de rigoler un peu aussi.
et sinon, Histoire Noire, c'est pour quand ??? (trépigne trépigne )
Ce blog n'est plus ce qu'il était.
D'une écriture simple régulière et entrainante nous sommes passés à des messages rares, puérils, vils, et meme pas drole!
Tchao pantin
Mais vous êtes libre de ne pas partager mon avis.
Ceci dit je comprend qu'il puisse choquer des personnes qui ont été personellement touchées par des évènements similaires.
Ne nous démoraliser pas nos chers Maître MO et Marie déjà que nous sommes en manque de leurs billets.
Dans le même esprit, ce genre de réaction brutale devant l'humour d'un praticien dont nous connaissons le respect qu'il manifeste généralement pour les vicitmes des affaires glauques dont il nous entretient, révèle généralement une susceptibilité particulière à l'égard desdites questions qui a sans doute des raisons légitimes. Notamment une certaine humanité.
Mais précisément, sous la plume de Maître Mô, ce qui m'eût choqué dans la bouche d'autres personnes me paraît un direct dans la machoire du lecteur voyeur et sans doute une mise à distance de son quotidien assez amusants.
C'est de mauvais goût, oui, mais si on ne peut rire avec n'importe qui, tout dépend aussi de qui rit...
je ne connaît pas votre profession mais si vous cotoyez un peu le milieu médical, comme par exemple les anesthésistes-réanimateurs, vous verriez que les blagues pas drôles mais, oh combien salutaires, font florès. Et on y réflechissant un peu elle ne sont pas, pas si drôles que ça.
Avocat aux assises aussi ça ne doit pas être drôle tous les jours et je peux comprendre ce genre d'humour. Enfin ça ne fait que confirmer ce que disait feu Pierre Desproges "On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde"
Em.
PS : Pour "Tchao pantin" je ne vois pas en quoi Maître Mô ne serait-il pas maître de son destin ?
Et à Emilio !
Pierre DESPROGES avait raison !
"On peut rire de tout... mais pas avec n'importe qui !"
Certes le blog publie moins. Je me permets d'être idiot en disant que c'est bon signe pour Maître Mô: ça veut dire qu'il a du pain sur le billot et nous rappelle en outre qu'il a une famille qui ne se nourrit pas que de champagne et du plaisir sadique de tirer (en dehors des heures de perquisition qui plus est )le pater familias de son
coma éthyliquesommeil du Juste.L'aspect aguicheur de ce billet a mis mon cerveau en appétit, le cortex écument, les crocs luisants, je m'apprêtais à teinter ma truffe et mes babines d'élève avocat de l'écarlate irisée de faits divers sordides et encore palpitants.
Les griffes frémissant d'aise à l'idée de caresser à nouveau la douceur voluptueuse du pelage des rêves de procès d'assises... rêves plus excitants encore que
le corsage de la substitut du proc'la fraîche brise du printemps.Oui, déjà , je me ramassais sur moi-même, roulant des épaules, ajustant mes antérieures, prêt à bondir sur ce nouveau billet.
Sauf que, de biche appétissante que dalle, juste un paillasson fleurant l'infâme poisson d'avril.
Toute frustration bue, je me suis surpris à sourire d'avoir été eu, puis, en pensant au plaisir débonnaire et au demeurant jubilatoire que Maître des lieux a du se procurer en nous tendant ce gentil traquenard, je me suis fendu la gueule (rien à voir avec l'action combinée de l'instabilité de ma chaise de bureau avec les arrêtes tranchantes de ladite table).
Maître Mô, une question, cependant taraude ma cervelle viciée tant dans la forme que dans le fond: si le Parquet peut s'auto-saisir, est-ce par goût prononcé pour l'onanisme? (Oah... la vieille blague éculée de juriste!)