Nous sommes le vendredi 3 septembre 2010, date à laquelle non seulement ma ville, Lille, se transforme provisoirement et pour trois jours en un monumental souk, rempli de camions dégueulant de marchandises en tous genres, de petits et de gros vendeurs, et de gens, de toutes catégories sociales et de tous coins de France et d’ailleurs, pour ce qui s’appelle la Braderie de Lille, énorme bordel organisé auquel on vient dans quatre buts exclusivement : boire, manger des moules, acheter, ou vendre ; mais encore, date à laquelle la Justice de mon pays se transforme, provisoirement j’espère, pour au maximum le week-end, en un autre monumental souk, rempli de poids-lourds de la République vomissant également leurs marchandises en tous genres, de petites et de grosses énormités, et de commentateurs, venant des quatre coins de France, pour ce qui s’appelle un Grand N’importe-quoi Judiciaire, énorme bordel pas du tout organisé duquel on se mêle dans un unique but : faire savoir qu’on ne sait rien, et le clamer très fort.
Je veux parler du placement sous contrôle judiciaire d’un homme soupçonné d’être pour quelque chose dans un dossier de braquage qui a particulièrement mal tourné, et particulièrement fait parler de lui au plan médiatique, puisqu’une fusillade s’en est suivie, que l’un des auteurs y a trouvé la mort, et que des émeutes subséquentes ont eu lieu ensuite – et je ne veux pas vous parler des émeutes physiques, mais bien de l’émeute prétendument intellectuelle que cette décision déclenche aujourd’hui…
Les auteurs étaient deux, et c’est le complice supposé de la personne décédée qui vient d’être arrêté, mis en examen, puis remis en liberté, cette décision judiciaire, objet d’un d’appel, étant au moment même où je tape compulsivement ces quelques lignes, commentée avec indignation par n’importe qui, n’importe comment, et en violation de la loi.
Nous sommes le vendredi 3 septembre 2010, dans un état de droit qui possède des règles, autrement dénommées lois, codifiées selon la matière sur laquelle elles portent, par exemple la procédure pénale, laquelle encadre assez précisément les cas dans lesquels il est possible de placer une personne mise en examen en détention provisoire – et tous ces gens s’en moquent – et mériteraient vraiment des poursuites sur le fondement du texte précité : police, ministres, parquet, les gens, tous1 .
Il s’agit pourtant de règles que n’importe quel praticien du droit pénal connaît par cœur, non seulement parce qu’elle constituent l’un des fondamentaux de l’instruction judiciaire, mais encore parce que, pour certains de ces praticiens, je pense ici aux avocats, ces mêmes règles sont, d’habitude, si souvent torturées pour leur revenir en pleine tête que même avec beaucoup d’efforts, le plus nul d’entre eux ne pourrait les ignorer.
En droit positif français, donc, celui-là même que certains des commentateurs outrés précités ont contribué à faire voter, le parquet dispose d’un tas de modalités de poursuites des infractions commises, et notamment de la possibilité de saisir un juge d’instruction de ces faits.
Par dérogation à ce principe général d’opportunité et de choix des poursuites, le code de procédure pénale prévoit qu’en matière d’affaire criminelle, par opposition à de “simples” délits, la saisine du juge d’instruction est obligatoire – c’était au temps lointain où l’on considérait, du côté du Législateur, qu’un dossier criminel, donc grave par nature, compte tenu de ses enjeux, devait obligatoirement faire l’objet d’une enquête approfondie, et peut-être aussi d’un temps-mort, avant jugement.
Les faits qui nous occupent sont de nature criminelle, ne serait-ce que parce qu’un vol avec arme est un crime2 .
Ici, donc, une instruction était ouverte sur les faits de braquage dont s’agit, et on a arrêté une personne soupçonnée d’y avoir participé.
Après sa garde à vue, on a estimé qu’il existait suffisamment de charges3 contre celle-ci, non pas pour la condamner, mais pour envisager de la mettre en examen, c’est à dire la doter d’un statut pénal officiel dans la procédure, qui lui donne un certain nombre de droits, notamment accès au dossier et avocat, contrepartie du fait qu’elle est désormais officiellement soupçonnée par la Justice.
C’est dans ce cadre que cette même personne a été présentée devant le juge d’instruction, pour que celui-ci procède à son interrogatoire de première comparution4 que cette mise en examen, après un débat avec la défense, lui soit officiellement notifiée, et que le juge envisage, pendant que l’enquête se poursuit, ce qu’on fait de l’impétrant : le libérer sans contraintes, le libérer avec contrôle judiciaire, l’assigner à résidence sous surveillance électronique, ou l’incarcérer, c’est à dire le placer en détention provisoire.
Je rappelle que cet homme n’est toujours que soupçonné à ce stade, en aucun cas condamné, et a fortiori et encore moins déclaré coupable.
C’est la raison pour laquelle notre code de procédure pénale, qui n’a cessé d’évoluer en ce sens, prévoit que ces mesures, par ordre d’aggravation croissant de la privation de liberté qu’elles représentent, doivent être nécessaires, et même indispensables, la détention, notamment, devant demeurer exceptionnelle – pas parce que ça me plaît, pas parce que c’est logique, parce c’est la loi.
Pour l’aider à faire son choix, le magistrat dispose des réquisitions du parquet, un texte qui expose les motifs pour lesquels le procureur souhaite une solution plutôt que l’autre ; et des observations orales de la défense, effectuées par l’avocat du même nom à la fin de l’interrogatoire de première comparution.
Ici, le parquet, aux termes d’une motivation qu’on ignore, moi, certes, mais également tous les scandalisés du jour, demandait que l’homme soit placé en détention provisoire.
Cette motivation était obligatoirement tirée de l’un des critères légaux permettant de l’envisager : il n’en existe pas d’autres, et si aucun n’est présent, la détention n’est pas possible.
Si, enfin, comme ça a été le cas, le juge d’instruction est d’accord avec l’avis du parquet, et souhaite lui aussi l’incarcération, ce n’est pas lui qui décide : il doit alors obligatoirement saisir un magistrat spécialisé, et surtout autonome de la procédure, dans laquelle il n’interviendra pas autrement, ayant d’ailleurs grade de vice-président au moins, si je ne me trompe pas5, le Juge des Libertés et de la Détention, et le saisit par ordonnance motivée6 qui lui va décider : remise en liberté, avec ou sans contrôle judiciaire, ou incarcération, et ce après un nouveau débat au cours duquel il entendra le mis en examen, les arguments du parquet, et ceux de la défense.
Et si quelqu’un n’est pas d’accord avec sa décision, qui ne peut intervenir que sur le fondement des critères de l’article 144 précité, et aucun autre, à savoir, je les répète malgré le lien parce qu’ils sont LE DROIT, et qu’eux seuls ont fait l’objet d’analyses et d’argumentations de la part des parties à ce dossier, qui seules le connaissent, contrairement à aucun des commentateurs qui s’excitent en ce moment même, et encore ces critères ne sont-ils valides que si un contrôle judiciaire et ses obligations ne permettent pas de les garantir, “conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ; empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ; empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ; protéger la personne mise en examen ; garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ; mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ; mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé”, ce quelqu’un pas d’accord peut faire appel de cette décision, et la Chambre de l’Instruction statuera, relativement rapidement, sur les mêmes critères d’ailleurs.
J’ignore tout du dossier, et ne sais si tel ou tel de ces critères pouvait ou pas se discuter – il semble bien que oui, et de toute façon nous n’en savons rien.
Parmi eux, le seul qui semble objectif et tangible ici était celui du trouble à l’ordre public, critère amusant, mis à toutes les sauces et d’ailleurs tellement qu’il a été depuis peu interdit pour une détention simplement délictuelle, qui tente d’indiquer qu’il y a des crimes qui troublent plus l’ordre public que d’autres, ce dont je ne suis pas persuadé quant à moi7, et que le texte complète tout de même maintenant en disposant que ce trouble “ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l’affaire” …
Mais peu importe : ici, en tout cas, le JLD a estimé que ce critère n’emportait pas, en tout cas, nécessité de détention – car elle doit être nécessaire, oui.
Et qu’aucun autre ne le faisait.
Le parquet n’est toujours pas d’accord, et a fait appel, ce qui est cohérent, et son droit le plus strict, comme mon confrère de la défense aurait je suppose interjeté appel de la décision contraire.
Et c’est strictement tout ce qu’il y a à en dire – et même, ce qu’il est permis d’en dire, en droit.
Bien jugé, mal jugé : qu’en savons-nous, qu’en savent-ils, et au nom de quoi se permet-on, en France, ce vendredi 3 septembre 2010, en France, et en l’état de notre droit pénal, de venir critiquer ouvertement une décision de justice, rendue après deux débats, des échanges d’arguments, sur un dossier volumineux dont on ne sait que ce que la presse en a dit, c’est à dire rien, et heureusement, il est, pour l’instant encore, soumis au secret de l’instruction ?
De quel droit viole-t-on allègrement la présomption d’innocence, et les critères exclusifs de cet article 144, en prétendant que cet homme serait “un délinquant devant être mis hors d’état de nuire” ? Au nom de quoi se permet-on de venir réclamer l’application d’un “droit républicain” que ce faisant l’on bafoue totalement ? Comment ai-je pu entendre tout à l’heure, de retour du sauvetage d’un innocent, une représentante du parquet expliquant que cette décision n’était pas acceptable “compte-tenu des charges” pesant sur la personne ??
OU EST DANS LE TEXTE CE CRITÈRE DE PRÉSOMPTION DE RESPONSABILITÉ, qui s’il existait viderait l’instruction de son sens – plus encore comme ici lorsque le mis en examen nie, et dispose de quelques éléments..?
La trahison de la loi, le souk judiciaire, et au final la Grande Braderie, c’est dans les déclarations scandaleuses et illégales de tous ordres qui ont été effectuées à l’annonce de cette remise en liberté qu’il faut les rechercher, nulle part ailleurs.
L’incurie judiciaire, elle est, énorme, dans les déclarations de policiers qui n’ont ni à être écœurés, ni à ne pas l’être, par une décision judiciaire, et moins encore à en accuser l’auteur ad hominem ; dans celles d’un ministre de l’Intérieur, approuvé par le Président de la République, bon sang, lequel a été avocat, ça me glace, venant faire d’un soupçonné un coupable…
Je suis furieux, à l’aune sans doute du nombre de fois, rien que cette année, où je me suis en vain cassé la voix devant un JLD, sur les mêmes critères, et plus encore sur la même absence de critères, ne pas confondre détention provisoire et pré-peine, ne pas considérer que des soupçons impliquent une possibilité de sanction avant jugement…
Seulement derrière, moi je la ferme -et heureusement, n’est-ce pas, parce que moi, on me poursuivrait aussitôt je parie, je fais appel, et si je me plante encore, je recommence, et je me bats pour ce que je crois juste, dans le respect le plus absolu de ce qu’on reproche à la personne que j’assiste d’avoir violé : la Loi.
Le sort que l’on fait actuellement de toutes parts, et a fortiori en “Haut-Lieu”, expression qu’il va falloir abandonner, à la Justice de France est de moins en moins supportable. Très sincèrement, je déteste être anti-quelque-chose primaire, ainsi qu’abonder là où tout le monde le fait déjà , mais réellement, quelque chose de pourri guette gravement aujourd’hui cette justice que nous savons tous être si difficile, à tous points de vue…
J’espère d’ailleurs que le magistrat concerné est solide, au fait, comme ça, au passage…
Je pars brader : marre de devoir manger des moules avec leurs coquilles, je m’en vais tester les vraies.
(PS : Merci à Mussipont, DMB, Ancilevien74, Marie, Isa, Ours Insomniaque, Ranide, Oph… Et les autres, de m’avoir, euh… Gâché la fin de semaine !)
- Oui, je suis énervé, j’ai toujours dit que j’aurais été un chien si j’avais dû décider de poursuites, ce qu’à Dieu ne plaise… [↩]
- Je dis cela parce que je suppose que d’autres infractions sont également poursuivies dans le cadre de cette instruction, ne sachant rien du dossier, mais je pense notamment à la “fusillade”, criminelle également, bien sûr. [↩]
- Vous noterez la formulation alambiquée, tant le principe est complexe à libeller, en ce notamment qu’il s’oppose à la présomption d’innocence. Qui, oui, malgré Eric Woerth et ce dossier, existe toujours, en France, à ce jour. [↩]
- En ce qui me concerne, je lui aurais proposé de faire une seule déclaration spontanée, “Je suis innocent”, puisqu’apparemment il nie, je ne sais pas ce qui a été choisi, et à ce propos, si mon confrère qui l’assistait, et dont je trouve qu’on parle peu et qu’on ne le salue pas assez, lit ceci et souhaite s’exprimer, qu’il soit définitivement le bienvenu, tribune libre – sous pseudo et au conditionnel, évidemment, je sens d’instinct que lui est du genre à respecter les textes, relatifs au secret professionnel et à celui de l’instruction notamment ! [↩]
- J’ai beau connaître la magistrature de l’intérieur, si je puis dire, je ne m’y ferai jamais, à sa titulature, et là je suis sur les nerfs, j’ai la flemme de vérifier – nous en tout cas, c’est simple, on est “avocat”, et après on est “bon” ou “mauvais”, c’est tout de même plus lisible ! [↩]
- Ouais, j’avais bon, sur le grade ! [↩]
- Ce qu’on sait, c’est qu’aucun crime ne trouble pas du tout l’ordre public, à défaut de quoi il ne peut en être un… [↩]
Ca recommence ou ça continue, et admirez le titre de la dépêche, vraisemblablement pompé servilement par l'AFP sur le communiqué du syndicat.
Une volonté de lyncher évidente : on ne sait pas mais comme c'est lui, on présume que c'est une erreur. Ben quoi, c'est un récidiviste, non ?
Oyez oyez, la loi non-écrite (oui ça aussi c'est nouveau, c'est l'expression directe de la volonté populaire, et c'est le ministre de la Place Beauvau qui tient le porte-voix) : les juges, et spécialement les JLD, sont tenus de répondre de leur décision devant les syndicats de policiers. D'ailleurs, parmi les réformes envisagées, il est question de supprimer les chambres de l'instruction et de décider que les appels des JLD seront portées devant les responsables des syndicats de police. Au nom du principe de précaution. Comme ça, la chaîne de sécurité ne s’interrompra plus brusquement après l’interpellation par les policiers.
Le malheureux JLD de Grenoble, même confirmé par sa chambre de l'instruction, est dans le collimateur. Sa situation va très vite devenir intenable et ils auront sa peau (professionnellement s'entend)
Voilà , mon week-end est gâché
Dans le même genre, un article signalé par Mô sur Twitter ou comment un officier de police fait libérer neuf dealers présumés : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/09/16/01016-20100916ARTFIG00381-remise-en-liberte-polemique-de-neuf-dealers-presumes.php
Cette capacité qu'a l'opinion publique pour clouer un homme au pilori. Certaines déclarations sont simplement injurieuses.
Pour le « comportement » de certains syndicats de police je suis plus partagé. Je comprends qu'ils soient énerver, même si je ne légitime pas certains de leurs propos. Cette affaire de braquage à une portée plus grande, elle révèle aussi le malaise dans l'institution policière. Mais ils se trompent d'ennemi. Ils sont d'une certaine façon partie civil dans cette affaire. Mais encore une fois ça n'excuse pas les propos mais ça permet d'une certaine façon de les expliquer.
Pour le comportement des autorités politiques, je ne trouve aucune explication si ce n'est une logique politique. Je trouve ça inquiétant quand le « garant de l'indépendance » des magistrats tient ce type de discours.
Sur la décision du J.L.D : mon grand père me disait toujours ' « quand tu sais pas de quoi tu parles, tu fermes ta g... »'
Je ne connais rien du dossier donc je ferme ma ... et je présume que le magistrat a fait son travail. On verra à l'avenir.
Pour conclure, Quand le lien entre un pompier et un médecin du SAMU est rompu c'est le malade qui trinque. Quand le lien entre un magistrat et un policier est rompu c'est la Démocratie qui trinque !
un policier qui le défaut d'être OPJ...
Ne vous laissez pas rebuter par son titre, ce n'est pas écrit avec une vision syndicaliste.
Ils sont censés (pour les spécialistes en orthographe, comment utilise-t-on censé et sensé ?) nous représenter, mais aussi être meilleurs que nous, nous guider vers des décisions qui, si elles peuvent être impopulaires, aideront la France à être un meilleur pays.
Et là que voit-on ? des gens prêt à appliquer une politique illégale, à s'attaquer à la constitution, à détourner le fonctionnement du pays à leur avantage pour rester élus, pour avoir du pouvoir, de l'argent.
Et ils ne comprennent pas que certains s'en révoltent.
Ils parlent de lutter contre l'insécurité, mais le comportement de M. Woerth (que ça soit condamnable ou pas) fait 1000x de dégat qu'un délinquant de banlieue.
Si ceux qui nous gouvernent, nos modèles, ne respectent pas la loi, qui la respectera ?
S'ils remettent en cause la justice comme dans ce cas, ils remettent en cause toutes les décisions, même celles qui sont bonnes pour la société.
Les gens ne vont plus avoir confiance, ils auront l'impression de se faire avoir en permanence, mais sans n'avoir aucune chance d'imaginer pouvoir changer cela (le fameux : "tous pourris").
Cela se traduira en comportements délictueux, avec en plus de l'incompréhension et un sentiment d'injustice en cas de condamnation.
Cela se traduira par de la violence, contre les étrangers, contre les riches, contre la police, contre les banquiers...
Et je me sens impuissant... il y a tellement de gens à qui enlever les oeillières, ça me décourage.
On notera que lui n'en dit que ce qui est strictement nécessaire...
Et on continuera à être stupéfait de ce que la polémique doive amener un magistrat a rappeler publiquement qu'il a statué en conscience, dans les termes de la loi, et est honnête... Et qu'on doive argumenter en sus sur sa "sévérité" du même jour dans d'autres dossiers (!), et sur les charges apparemment sujettes à débat de celui-ci (!!), couvert par le secret de l'instruction, en principe (mon confrère Dreyfus -ça ne s'invente pas- a dû je suppose se faire violence, mais lui n'a rien dit des éléments du dossier : re-chapeau !)...
4h26 Maître, les moules étaient bonnes ?
Pas facile de se faire une opinion
J’ai trouvé le point de vue de Michel HUYETTE (les spécialistes me répondront« Ben, évidemment ! ») logique, nuancé et compréhensible par le « vulgum pecus », le voici : http://www.huyette.net/
« De deux choses l'une. Soit le JLD a pris une décision manifestement aberrante au regard des éléments du dossier, mais ceux qui le prétendent doivent démontrer en quoi cela a été le cas. Soit le JLD, après un examen minutieux du dossier, a fait preuve d'une prudence justifiée et appliqué strictement la loi. Dans ce cas rien ne justifie de s'en prendre à lui avec une telle outrance. »
http://www.lejdd.fr/Societe/Justice/Actualite/Uriage-Le-procureur-aurait-pu-faire-appel-218015/
Le dernier paragraphe est particulièrement intéressant au sujet de la réaction du procureur général de Grenoble...
Zenblabla cite Ed. BUNKER chez Philippe BILGER
http://bit.ly/abopl1
Verbatim: "Prendre le risque d'une telle mansuétude dans ce climat[libérer le mec], même à l'égard d'une personne présumée innocente - la détention provisoire n'est pas incompatible avec ce statut - à l'évidence allait représenter une aberration technique pour le professionnel de justice, une offense pour les fonctionnaires de police et un défi au bon sens pour le citoyen (JDD)."
En fait c'est vachement complexe la présomption d'innocence: à la fois on est potentiellement innocent, mais on peut aller en taule, juste au cas où on serait un peu coupable sur les bords.
J'ai également adoré:
"Je rejoins absolument l'idée exprimée par le secrétaire général de Synergie - non pas l'outrance du terme "forfaiture" qui est inadapté et insultant inutilement - sur la nécessité d'une chaîne pénale cohérente. Je n'ai cessé d'ailleurs de développer ce point de vue qui vise à démontrer qu'une action policière efficace en amont doit absolument être complétée par une solidarité judiciaire en aval."
C'est une nouvelle appellation - la "solidarité judiciaire en aval" - pour un vieux concept, mais j'aime bien quand le vocabulaire se renouvelle, ça me donne l'impression de parcourir la grande galerie de l'évolution dans le sens du progrès. Mais c'est complètement optique comme impression.
Saisissez vous la nuance subtile que Monsieur Bilger, toujours habile, gomme par ses écrits alambiqués?
Si l'on reprend les trois critères utilisés par Ph. Bilger pour critiquer la décision du JLD, le premier pourrait être pertinent s'il ne me laissait perplexe (aberration technique?), le deuxième et le troisième (offense à la police, indignation du citoyen) ne se comprennent que si l'on assume qu'aussi bien dans l'esprit des dits policiers que des dits citoyens, la messe est dite: le mis en examen, coupable, et la détention provisoire, un gain de temps.
On prolongerait alors par la détention définitive comme neutralisation au moins temporaire du danger, pour finir par la peur de la libération (puisque le risque zéro n'existe pas, surtout après un passage en prison, ce lieu de réinsertion idyllique) .
Une vision qui a le mérite de la cohérence, certes, mais qui fait froid dans le dos et est en totale contradiction avec la mission de la justice tel que j'ai cru la comprendre.
A mon humble avis cette tendance repose sur la conjonction de plusieurs éléments épars :
1) il apparait de plus en plus que la seule mission que remplit correctement la prison est la neutralisation (temporaire certes mais bien réelle) des délinquants.
2) notre société refuse de plus en plus l'idée même de risque,
3) la conjoncture économique et l'endettement du pays n'incitent pas aux investissements à long terme or la prison ce n'est pas cher et c'est une "solution" immédiate. 80 €/jour par détenu c'est beaucoup moins que les 300 €/j d'une place en hopital psy et encore moins que tout ce qu'il faudrait investir dans les cités pour réussir à déghettoiser (pas mal comme néologisme, non?) les populations qui y vivent.
Je constate encore une fois que nos décideurs divers ont oublié quelques données et concepts du genre prévention, réflexion à long terme, investissement, formation...
cuvérécupéré de sa braderie .La faiblesse de la gauche en matière de sécurité, ce n'est pas son angélisme, c'est sa tendance à suivre la droite, ou à la précéder, en surfant sur l'émotion.
Dommage, il me semblait que c'était un domaine où il était aisé de montrer une différence notable, à un coût relativement faible, avec un net bénéfice pour la société et les justiciables.
Évidemment, ça supposerait de se faire traiter de dangereux irresponsable angélique ami des truands, mais il y a des insultes qui honorent ceux qui les reçoivent.
Désolé du vocabulaire "financier"...
Ah si.
Bon d'accord, ma haine viscérale de la prison me fait parfois sortir de mes gonds...
Je ne partage pas forcément le point de vue de Ph. BILGER sur le fait que la justice doit forcément avaliser le travail des forces de l'ordre. Elle doit le contrôler et s'il est carré, oui, y donner suite mais quand on voit certaines procédures passer, je me demande comment les magistrats pourraient ils prendre une décision juste, conforme aux attentes de la police ou de la population quand le dossier ne le permet pas.
La cohérence verticale est de retour...
On repère bien le petit mot permettant d'esquiver la critique (action efficace de la police, comme préalable à la "solidarité" de la chaîne en aval) et au final de ne rien dire (j'ai cru comprendre qu'en cas de besoin, et si le dossier est efficacement rempli d'arguments valables, le JLD confirme la mise en détention provisoire, et donc, à défaut d'être "solidaire", est cohérent avec ce qui précède) tout en critiquant joyeusement la décision prise.
L'idée derrière est par contre affolante. Il me semblait que couvrir systématiquement le travail d'enquête, même quand il est critiquable est une méthode qui a été déjà testée, et qui laisse des souvenirs mitigés. Non?
Attention, je ne dis pas que c'est le cas là , je n'en sais rien, je pose la question, c'est tout.
Bon, je laisse les professionnels de la filière devenir rouges à points mauves en lisant que leur rôle est juste d'avaliser des décisions.
PS méfions nous de l'emploi à toutes les sauces du mot "solidaire", qui finit par ne plus rien vouloir dire (enfin si, son emploi finit par indiquer le moment où on commence à tenter de nous noyer dans un nuage de fumée du plus bel effet).
Pingback : Les tweets qui mentionnent 144 | Maître Mô -- Topsy.com
J'adOOOOOre quand vous êtes en colère
Je confirme votre dernière remarque. Pour côtoyer régulièrement les magistrats de Grenoble, je peux vous assurer que bon nombre d'entre eux ont des 'Corones'. C'est le cas du magistrat concerné dont je tairais le nom.
La sérénité de la Justice, c'était pourtant bien beau comme principe.
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20100903.OBS9360/replique-des-magistrats-sur-la-liberation-critiquee-d-un-suspect.html
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour cet article.
Laissez moi ensuite partager un peu de votre énervement, cela peut paraître très con de s'énerver pour si peu dirons certains mais j'ose espérer que de plus en plus de gens le feront à l'avenir.
Acceptez de plus une petite partie de ma prose plus ou moins en rapport avec le sujet :
http://vuparmwa.over-blog.com/article-non-monsieur-le-ministre-il-n-existe-pas-encore-de-presomption-de-culpabilite-55134426.html
http://vuparmwa.over-blog.com/article-remise-en-liberte-d-un-mise-en-examen-pour-crime-et-si-ce-n-etait-que-l-application-de-la-loi-56417832.html
en vous remerciant encore pour votre bien souvent longue mais instructive prose
moi aussi je trouve ça laid mais c'est la loi de l'orthographe
Mais Google est mon ami : le premier lien obtenu à l'instant (j'ai toutes les peines du monde à me maintenir éveillé, deux jours et une nuit de Braderie c'est une épreuve physique de haute volée...) semble te donner raison : http://www.aidenet.eu/h_aucun.htm
Plus grave encore, et j'ai presque honte de l'écrire, il me semble que Mr Bilger, même s'il a juridiquement tort, a politiquement raison quand il écrit que dans le contexte actuel cette décision ressemble plus à une provocation un peu adolescente (le qualificatif n'engage que moi) qu'à un acte réfléchi. Notre président (j'ai toujours l'impression que c'est une blague, mais hélas non, il est président) n'a pas d'allié objectif plus sûr que le magistrat qui a rendu cette décision. Et je parierais que si Mr Ghabbour tentait à sa remise en liberté de fuir à l'étranger, notre génial ministre de l'intérieur ne ferait pas grand chose pour s'y opposer, afin de pouvoir plus aisément stigmatiser l'irresponsabilité des juges...et faire voter dans la foulée une nouvelle loi restreignant leurs prérogatives et leur indépendance pour la plus grande joie de cette fameuse "opinion publique" appelée à élire dans deux ans le successeur de notre président bien aimé. J'imagine même, mais c'est sans doute par déformation professionnelle, que Nicolas et Brice ont sablé le champagne en apprenant la décision du JLD....avant de se répartir la tâche de l'indignation à peine surjouée dans les media.
Maître Mô espère que le magistrat en question est "solide". J'espère, pour ma part, qu'il est conscient que sa décision n'est pas anodine. Et encore plus qu'elle est réellement fondée (la volonté de s'opposer à l'exécutif n'étant pas, dans ce cas de figure, une base suffisante ni même très judicieuse, tant les risques sont grands de conforter celui ci).
PS : désolé de faire entendre une voix discordante, qui n'enlève rien à la pertinence de vos observations sur le flot de commentaires accompagnant cette décision (effectivement difficilement supportables). La frustration d'avoir raté la braderie de Lille -et les moules, surtout- expliquent certainement cette provocation...
"voyez ce que fais la Justice, quand elle est indépendante ?"
J'ai bien peur que le message ne passe...
(damned if you don, damned if you don't, disent les outre-manchots)
NS et BH ont eu tort de s'indigner de la décision du juge de Grenble.
Nous avons tort de nous indigber de leur indignation.
Etc.
Comment sortir de cet engrenage délétère ?
Par la référence à une instance suprérieure, la loi en l'occurence.
La décision du juge de Grenoble est critiquable (voir l'argumentation de M. Bilger) mais elle n'est pas contraire à la loi.
Les propos du ministre de l'Intérieur sont contraire à la loi, me semble-t-il, sans aucun doute possible, puisqu'ils dénoncent publiquement une décision de justice. Réfrénons cependant notre indignation. Oui, ce serait sage. Et si ces propos sont poursuivis devant la justice, le débat sera fort intéressant.
Plus généralement, j'ai la faiblesse de croire qu'un juge qui statue en matière de détention sait que sa décision n'est jamais anodine, même pour les affaires moins médiatisées.
Il n'en reste pas moins que, sans être juristes ou impliqués d'une quelconque manière dans le système judiciaire, nous sommes je pense assez nombreux à ne pas comprendre la durée de la détention provisoire confirmée pour des suspects dans des affaires "moins médiatisées" ne menaçant que très médiocrement l'ordre public et assez fréquemment relaxés lors de l'audience, ou condamnés (sûrement le hasard...) à des peines couvrant juste les mois ou les années de détention déjà accomplis.
Il ne s'agit, par ailleurs, pas de faire un procès d'intention à qui que ce soit. Il est parfaitement envisageable que le dossier de Mr Ghabbour soit aujourd'hui assez léger pour que le JLD ait pris cette décision sur le "seul critère juridique" (sans se préoccuper du contexte mediatique, de la récupération politique antérieure des émeutes de Grenoble, ni de l'effervescence entourant l'affaire dont il a héritée) et je serais, dans ce cas, le premier à saluer le courage de celui qui ne cède pas aux pressions. S'il s'avérait en revanche (nous le saurons sans doute plus tard) que cette décision était, justement, motivée par ledit contexte, la faute juridique se doublerait d'une énorme faute politique dont non seulement les magistrats, mais également l'ensemble des justicaibles, risquent de pâtir à brève échéance.
("Attendu que les documents produits par le conseil de Moncif G. permettent d’établir qu’il s’est présenté à une convocation du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation de GRENOBLE le 22 juillet 2010, ainsi qu’à une consultation auprès de son médecin pour renouveler son traitement le 18 août 2010, ce qui n’est pas l’attitude d’un délinquant en cavale ;" voir le blog de Maître Eolas.
La tâche d'un juge de la liberté et de la détention doit, souvent, être difficile.
Une décision de liberté contestable est préférable à une décision de détention contestable.
Et si elle l'est, contestable, la décision en question, et peut-être l'est-elle, quelle décision ne l'est pas?, et la volonté d'affirmer l'indépendance des juges a pu jouer, elle est contestable en opportunité, elle n'est certainement contestable au regard de la loi, d'après tous les rappels des textes en vigueur faits ici et là et en particulirer ici par maître Mô.
Par contre l'indignation proclamée publiquement par le ministre de l'Intérieur, approuvée par le ministre de la justice et par le président de la république, est, elle contraire à la loi. On aimerait que la justice soit saisie.
Personne ne peut nier qu'un juge est un Homme qui vit en un lieu et un temps (sauf Marie, qui est un pur esprit - insensible au champagne qui plus est - conformément aux nouvelles exigences déontologiques). Mais je ne pense pas qu'un JLD choisisse de libérer une personne par m'en-foutisme ou pour contrarier délibérément les syndicats de policiers (ça c'est juste un bénéfice secondaire ! ).
Si Mr. Ghabbour n'a rien à voir avec le braquage du casino d'Uriage, comment aurait-il pu se douter qu'il était "recherché" dans le cadre de cette affaire ? Parce qu'il ne me semble pas que quelque journaliste que se soit ait jamais annoncé "la police recherche activement Mr. Ghabbour, le deuxième braqueur d'Uriage".
Surtout si comme je l'ai lu on a arrêté successivement plusieurs personnes dans cette affaire : rien ne se sait plus vite, dans un "quartier"...
Et il peut y avoir mille autres bonnes raisons ; par exemple, je vous parie que les adjoints de Monsieur Woerth de l'époque pré-Présidentielles, qu'ils aient ou pas quelque chose à se reprocher, doivent s'attendre un peu à être entendus, un jour ou l'autre...
Maintenant, encore une fois, je ne sais pas ce qu'il y a dans le dossier.
plausible une tentative de soustraction à la justice ou de subornation de témoins (légitimant une détention provisoire) que, au hasard, dans le cas de Julien Coupat ou de René Galinier. Certes le premier est proche de l'extrême gauche et le second est devenu un étendard de l'extrême droite tandis que Monsieur Ghabbour n'est proche que du Milieu, mais ce genre de considération politique n'a, à mon sens, guère à voir avec la Justice...
De même, je ne connaît ni Monsieur Galinier, ni monsieur Coupat autrement que par les journaux. Et je serai la dernière à justifier leur maintien en détention, même s'il m'arrive de débattre de la légitime défense.
Ce qui n'est pas le cas du discour de certains autres.
Un gaucher (qui ne connait pas le droit)
Alors que
mon cher et tendre et moi discutionsje parlais à mon cher et tendre de cette décision du JLD, et que je lui indiquais que la détention provisoire n'était que l'exception et que le JLD, lui avait eu accès au dossier, contrairement à nous autres, pouvait donc très bien décider autre chose...tout en arguant des propos de l'USM et des avocats, la seule chose qu'il trouve à me dire est "ouais, c'est quoi l'article du code qui dit que" .... une petite envie irrépressible de le baffer ...et ayant parcouru ce blog fort tardivement, c'est avec un immense plaisir que j'ai pu le réveiller pour lui susurrer : article 144 du code de procédure pénale !! (je sais je suis fourbe )@Pom l'AJ : bon anniv vu qu'on est le lendemain du 3 ^^)
pour en revenir à vos moutons, moi, j'ai laissé tomber depuis l'arrêt PERRUCHE et cette connerie de droit à ne pas naître !
Les décisions de justice doivent être lues avant d'être analysées, et ne peuvent d'ailleurs l'être par n'importe qui : eh oui, la fac de droit ça sert quand même à quelque chose !!
Et la séparation des pouvoirs, ça lui dit qqch à Sarko ??
Pour ceux qui ignoreraient tout de l'affaire, un petit rappel des faits chez l'autre Maître au paragraphe "l'inévitable arrêt Perruche"