En direct du Juge aux Affaires Familiales de Lille, cette petite histoire étonnante…
Un homme et son avocate ont déposé une demande en divorce -lorsqu’il ne s’agit pas du célèbre divorce par consentement mutuel, en substance, la procédure commence par le dépôt d’une requête, à réception de laquelle le greffe convoque les deux parties pour ce qu’on appelle l’audience de tentative de conciliation.
Cette audience arrive donc, et l’homme et son avocate s’y présentent, mais pas la défenderesse, l’épouse.
S’ensuit ce dialogue, qui m’a été très fidèlement rapporté par quelqu’un que je connais bien :
– La juge : Bien, Monsieur, votre épouse n’est pas là … Bon, c’est son droit, mais malheureusement dans ce cas, si elle ne vient pas, il va falloir reporter cette audience à une date ultérieure, pour qu’elle puisse être convoquée dans les formes légales, c’est-à -dire par citation, c’est la procédure, qui exige que l’on soit certain qu’elle est bien au courant de votre demande en divorce…
– L’homme : Oui mais elle m’a appelé, elle ne viendra pas…
– La juge : Ah, peut-être, Monsieur, mais vous comprenez, nous devons malgré tout respecter la procédure, et je suis obligée de régulariser plus officiellement sa convocation quand-même…
– L’homme : Bon, je comprends. Mais elle ne viendra pas, c’est certain, c’est son mari qui le lui interdit, je pense…
– L’avocate : …(hoquette et tousse…)
– La juge : Oui, c’est possible, mais… Pardon ? Comment ça, “c’est son mari” ? Son ami, vous voulez dire ?
– L’homme : Non, non, son mari -elle est remariée depuis six mois…
– L’avocate : hoquette, tousse, se dandine, re-tousse…
– La juge : Mais enfin, Monsieur, vous faites aujourd’hui une demande en divorce… Donc Madame est toujours votre épouse ! Donc elle ne peut pas être mariée avec quelqu’un d’autre, heuh… C’est interdit d’être marié deux fois !
– L’homme : ah ben pourtant, je vous assure…
– La juge : Attendez… (Elle ouvre son dossier, et vérifie les actes d’état civil qui y ont été versés avec la requête par l’avocate, pièces obligatoires : extraits d’acte de mariage, des actes de naissance des époux, et de ceux des enfants… Elle relève la tête, effarée) Mais enfin, Monsieur, effectivement, je vois sur vos actes d’état civil que vous n’êtes plus mariés, il y a eu un jugement l’année dernière, en janvier, c’est transcrit..!!!
– L’homme : Ah bon ? Ah, c’est possible, mais ça ne me dit rien…
– La juge : Incroyable… Enfin, Monsieur, ça ne vous dit rien, d’être déjà venu ici, et d’avoir divorcé de votre épouse, ce n’est pas si vieux…
– L’homme : Ben non, vous me l’apprenez, il y avait eu une procédure mais… Ah bon, bon, ben d’accord. Alors donc, on est déjà divorcés, en fait ?
– La juge : Ah oui, Monsieur -c’est bien pour ça que votre femme a pu se remarier… Bien, Maître (regard lourd vers l’avocate), je pense que nous allons pouvoir radier cette affaire..?
– L’avocate : Hum… Oui, heuh… Je ne savais pas… Oui, bien sûr, on peut radier…
– L’homme : Oui, mais alors, pour les enfants, comment on fait, nous ?
– La juge : Alors Monsieur c’est simple, vous avez la date du jugement marquée là , sur vos actes officiels, vous voyez ? Vous vous procurez le jugement, si vous ne l’avez pas chez vous, et je pense que des règles ont déjà été établies pour la garde des enfants, c’est même sûr, vous savez…
– L’homme : Ah bon ? Bon, ben je vais regarder, alors… Merci, Madame le juge, heuh… Bonne fin de journée.
– La juge : A vous également… Au revoir, Maître…
Voilà -voilà …
S’ensuivra un moment de stupeur dans le cabinet de la JAF, puis un bon gros fou-rire avec la greffière…
Enfin une affaire matrimoniale qui se termine bien et sans haine dans le couple !
Merci pour ce post
A l'issue du rendez-vous, et sans attendre que son client lui ait remis les pièces d'état civil, l'avocat avait lancé la procédure, se basant sur les infos données oralement par le client en question.
A l'audience, la "mère" de cet enfant qui n'existait pas était venu faire part de sa lassitude devant les affabulations de son ex. Lequel admettait piteusement son mensonge.
Moment d'étonnement, mais pas de rigolade. Au final, retrait de l'aide juridictionnelle pour procédure abusive, amende civile, dommages et intérêts pour la "mère", et transmission du dossier au parquet.
Voila donc une histoire qui prouve que les avocats ne servent à rien, et confirme donc que seul un puissant lobby corporatiste peut expliquer qu'ils continuent à profiter de la misère du peuple.
Allez Maître, ayez un peu de pitié pour les futurs clients de votre consoeur, dites nous son nom !
Bon, sinon, évidemment qu'on ne regarde jamais les pièces des clients, si vous croyez qu'on a le temps..! En plus, le plus souvent, elles sont sans intérêt...
Non, plus sérieusement, ces pièces-là sont automatiques et c'est vrai qu'on les demande machinalement, et les annexe de même à la requête : les actes d'état civil sont requis par la procédure à peine d'irrecevabilité, mais qui irait les vérifier, sauf les secrétaires en tapant, pour la réalité des dates que le client aura indiquées verbalement...
Donc ça peut se concevoir : il est assez difficile de penser qu'un homme vous donne des sous pour mener à bien une procédure... Déjà terminée !
ça en dit long en revanche sur le "ratage" que peut représenter un rendez-vous, quand la communication est moyenne entre le client et l'avocat...
Suis-je d'un autre temps, ou d'un autre monde?
J'ai le souvenir, cher Mô, d'avoir travaillé dans un service juridique (celui d'une banque aujourd'hui disparue - mais je n'y suis pour rien, je le jure) sous la direction d'une femme qui se reconnaitra ici si, d'aventure, elle devait se promener sur la Toile. Elle m'a appris qu'on ne se prévaut jamais de la moindre pièce, du moindre document, du moindre argument, sans l'avoir lu, et pourquoi pas relu; qu'on ne fournit jamais à une personne extérieure (cela faisait beaucoup de monde, car nous étions moins d'une demi-douzaine dans ce département à l'époque) le moindre brouillon, le moindre projet, la moindre note sans qu'elle ait été d'abord approuvée et dument "gelée" (mais c'était au temps des machines IBM à boule, un original, deux copies, trois pelures); qu'on est totalement et personnellement responsable du travail qui vous est confié, c'est à dire qu'on le mène à son terme quels que soient les efforts à faire, quel que soit le temps à y passer, et qu'en cas d'erreur on a une chance et une seule de ne pas recommencer, sous peine de "passer par la fenêtre" - ce furent les termes qui furent employés une fois (et une seule) à mon égard.
A l'évidence, je n'avais peut-être pas les épaules pour une telle charge. Mais j'ai gardé tout au long de cette trop longue vie une reconnaissance et une fidélité totale à celle qui m'avait si bien appris à travailler.
Et je puis également garantir que si votre consœur avait travaillé avec la personne que j'évoque, quels que soient tous les aléas judiciaires du monde, se serait fait tellement eng... qu'elle aurait illico donné sa démission pour aller se faire embaucher ailleurs, là où on accepte de se laisser ridiculiser d'une telle façon.
PS Je suis assez bien placé pour savoir qu'un avocat doit aussi gagner sa vie, et qu'il peut accepter des dossiers indéfendables qui n'ont pour but que de faire tourner la boutique. Mais il y a tout de même des limites, non?
En tout cas, votre petit Mô m'inspire plus que leurs grands maux de demain ... Merci pour ce sourire du week-end !
(enfin, c'est quand même rare, vu de chez moi)
Et j'ai omis un détail juridique savoureux : le précédent jugement, sa transcription en marge de l'état civil du Monsieur en faisait foi, avait été contradictoire... Autrement dit, il ne se souvenait simplement plus qu'il était bien venu à une précédente audience, et était bien divorcé au terme d'une précédente procédure à laquelle il était valablement représenté ou en tout cas pouvait l'être...
J'espère que les enfants n'attendaient pas trop qu'il exerce ses éventuels et probables droits de visite...