Joyeuse Nouvelle Annie !

Au final, je suis donc un peu triste, il est un peu tard, les gens finissent probablement leurs fêtes, la plupart de nature avariée ce qui me console un peu, je n’ai rien résolu mais ai donc longuement pensé à  tout ça; fatigue et solitude aidant, pourquoi ne pas avouer que, comme devant un film héroïque et truffé de beaux sentiments, j’ai un peu pleuré, mais tendrement bien plus que par déconfiture, en pensant à  Nathalie (pour sourire aussitôt de ce qu’elle penserait en me voyant, probablement totalement sidérée et convaincue désormais et de plus fort que je suis con, fou ou les deux…), et je me dis (même si je viens par erreur de lancer le café au lieu de le programmer pour tout à  l’heure; tant pis j’en referai) que je vais tout de même aller me coucher normalement maintenant (comprendre : dans un lit, au détriment du canapé, ce qui lui fera du bien, et à  mes cervicales aussi).
C’est à  ce moment que la voiture d’Annie percute la façade du petit immeuble dont le premier des quatre étages constitue mon appartement.
C’est la nuit des poivrots, mon immeuble est d’angle et l’heure des retours a sonnée, mais je fais tout de même un sacré bond.
Je me précipite à  l’une des fenêtres qui donnent sur la largeur de l’appart’ et ne vois rien; je fonce à  l’angle et je la vois cette fois, Twingo, de cette couleur anormale qui aurait du être interdite (vous savez, ce vert “caca de très jeune enfant” à  la fois criard et terne qui fait tout sauf envie et s’étale pourtant sur moult carrosseries, Dieu, n’existant pas, ne pouvant pourtant a fortiori pas être presbyte)…
Il fait noir et je ne distingue pas l’intérieur, d’en haut, mais elle est plantée, pas trop profondément elle ne devait pas rouler vite, pile dans l’angle de l’immeuble et de l’appartement de ma voisine du dessous (heureusement partie réveillonner je ne sais où, c’est une hystérique, je pense que le choc aurait eu de très graves conséquences sur son équilibre mental nocturne et partant sur mes oreilles; d’ailleurs mes deux voisins du dessus sont également à  l’extérieur, je suis seul dans la vieille bâtisse de 1900, qui malgré cet âge et ce manque de lest n’a pas spécialement bronché sous le choc, vibration de mon plancher, bruit proportionnellement énorme mais le son court fort la nuit, et c’est tout).
Je m’aperçois quand même de ce que le choc a déclenché les airbags, le pare-brise ressemble à  un slip kangourou géant; les warnings clignotent à  tout va.
Je continue à  regarder, m’attendant à  voir les occupants sortir, mais rien ne vient, et je prends peur après une ou deux minutes, d’autant que même le gros sachet plastique blanc ne frémit pas, rien ne bouge. Je dis “putain” car j’ai le sens de l’à  propos, prends mes clés à  la volée et me rue dans l’escalier, pour m’y rendre compte froid global aidant que je suis en caleçon et pieds nus, et donc remonter dare-dare enfiler un jean, un pull et des pompes, ce qui me laisse le temps de me rassurer un peu en me disant qu’ils sont probablement bourrés ce qui explique leur lenteur, le choc n’ayant pas été si violent…
Je dévale les marches, ouvre la grand porte et trottine jusqu’à  la voiture accidentée, dans laquelle pour autant que je puisse en juger rien n’a bougé.
Personne côté passager, il fait nuit noire mais un lampadaire trône à  cinq mètres, et la fameuse place du mort est totalement envahie par le gros sac blanc; je contourne la voiture et je vois Annie.
Pas exactement en fait, je vois des cheveux longs, des bouts de ce qui indéniablement dans d’autres circonstances doit constituer un visage : haut de front, aile de nez, oreille et même, tout en bas dans le dernier repli du sac qui en ce moment plaque la créature (conductrice ou homme à  cheveux longs, selon que j’ai du pot ou pas, me souviens-je avoir tout de même eu la lucidité de penser; la question étant de savoir quelle solution représenterait un coup de bol, mais ça je ne peux pas le savoir encore, je ne suis au fond que très peu préparé aux vilenies d’un Dieu auquel je ne crois pas) à  son siège en lui écrasant la face (comment respire-t-elle depuis les deux ou trois minutes qu’il m’a fallu?).
Je vois son bras gauche aussi, fin, manteau noir, et au bout un portable qui clignote. Dans une main qui par sa finesse et ses ongles me fait comprendre que son détenteur est une détentrice (Yes, and thanks Lord !).
Elle ne bouge pas, je frappe au carreau, la main lâche le portable et disparaît, la vitre descend électriquement, et celle qui vient de l’actionner dit ” Meughennhhhhmeuh “, ce qui ne signifie pas qu’elle n’a aucune lésion cervicale, mais en tout cas qu’elle est en vie.
Je passe les deux bras pour tenter de l’aider à  se dégager de cette saloperie mais c’est très tendu. Ni une, ni deux, l’homme d’action saisit son trousseau de clés à  pleine main, et frappe sec le ballon, qui explose assez mollement et pendouille bientôt sur le volant, mais permet au visage qu’il broyait d’exploser lui aussi, en pleine lumière, donc à  mes yeux, d’une part; et d’autre part, de colère alcoolique se déversant tout à  coup sous forme d’injures invraisemblables à  l’Univers Malveillant.
Annie est vraiment très jolie, même saoule, accidentée et en colère.
Elle a les yeux verts, un visage très dessiné et légèrement asymétrique, le front haut, les os des côtés un peu saillants, cheveux châtain clair je dirais, bouche tout aussi dessinée et qui doit souvent sourire vues les ridules des commissures, même si là  elle est un peu déformée sur des dents blanches par des invectives colériques crachées à  Très Haut Débit, qui me laissent le temps de penser, assez sobrement, ” whaouh “.
Mais rien de plus car je l’entends immédiatement ensuite, affirmer sans respirer ” Enculés putain les enculés mais MERDE pourquoi je suis là  moi ah putain je vais dire quoi à  l’autre merde tu vois je devais pas conduire ah putain quelle conne y font chier aussi merde merde MERDE et lui là  le veau t’as jamais rien vu Réveillon tu parles quelle connerie manque que les flics Joyeux Noël Bonne Année DE MERDE…” J’abrège, vous aurez compris que l’essentiel est dit et que je l’aime déjà  beaucoup.
Dix minutes plus tard elle cède : elle a d’abord refusé d’appeler qui que ce soit, puis si, me confiant son portable pour le dépanneur mais “gaffe au forfait merde” (je lui mens en prétendant l’appel gratuit), on a parlé beaucoup, et elle n’insulte à  présent plus personne, le froid la dessaoulant un peu et me faisant claquer des dents, tandis que le second contentieux majeur immédiatement né entre nous vient de trouver aussi sa solution: elle est descendue de voiture en acceptant enfin l’idée, que j’ai exprimé un peu énervé sur la fin, que je voulais bien pousser la voiture pour dégager la rue sur laquelle elle empiète en biais et dans un virage dangereux, mais que je la pousserai mieux sans son poids dedans, même s’il doit être tout à  fait admissible dans l’absolu, et que par ailleurs si elle restait obstinément à  bord assises comme une conne d’une part elle allait mourir de froid, d’autre part elle allait mourir de percussion par un gros camion qui tournerait à  l’angle de cette rue, et de troisième part elle allait mourir car un autre chauffard allait avoir la même idée si on ne trouvait pas de camion disponible.
Elle est sur le trottoir, et je constate qu’elle est fine et grande, et que sa voiture ne bougera pas d’un millimètre avec ou sans elle dedans, le déclenchement des airbags devant aussi l’immobiliser…
Le dépanneur arrive, j’ai positionné son triangle avant le carrefour et le mien, piqué dans mon garage, juste avant la voiture, elle est plus calme maintenant, nous sommes toujours sur le trottoir, elle est vraiment très belle, je claque des dents et je tremble -de froid, attention, personne ne s’énerve- et sa voix, maintenant apaisée, l’est aussi, son seul défaut détectable en l’état étant qu’elle pue le vin.
Elle me sourit, me dit d’y aller, qu’elle me remercie et que c’est déjà  génial ce que j’ai fait, mais qu’elle ne va pas en plus avoir ma mort par pneumonie sur la conscience et qu’elle va attendre seule, tout ça avec un sourire timide mais vraiment très joli (oh là , personne ne s’énerve, j’ai dit, halte là , je ne tremble QUE de froid, qu’est-ce qu’on s’imagine là  ho là … HO LA !), et en me frottant désormais le dos pour tenter de me réchauffer, toute emmitouflée quant à  elle dans un très beau manteau noir épais…
“Pas question, je ne t’abandonne pas. Écoute, j’ai fait du café juste avant ta petite visite, on surveille ta voiture de là  haut, c’est juste là , et il fait super chaud, et ça te fera du bien. En plus si les flics passent tu es morte, tu dois être encore complètement dedans…”
Jusque là , je dis bien joué. Mais je vois qu’elle me regarde un peu doucement, avec un petit questionnement dans les yeux, de type non pas crainte de viol sauvage mais léger doute sur mes intentions réelles, et là  je dis ceci, de manière assez extraordinaire, au sens premier du terme (D’accord, Démons, bien sur que je ne tremble pas QUE de froid, cette fille est belle et je la désire, et même au prix de feindre d’ignorer sa relative probable faiblesse du moment, oh là  Belzébuth, à  moi, toi qui pas plus que l’Autre n’existe mais l’a fait se fracasser la gueule dans MON immeuble et m’a tenu éveillé pour l’entendre !):
“Écoute, ne me regarde pas comme ça. Je n’ai violé personne depuis des années, tu vas voir tout de suite que j’ai réellement fait du café, et je pense que tu en as réellement besoin. Je suis gentil comme tout, même si tu es très belle et que je ne suis ni aveugle ni asexué, et je te jure solennellement qu’il ne se passera rien que tu n’aie pas totalement voulu, en plus je suis plein de Noblesse et je ne profiterai donc pas de … Ta fatigue [seul moment d’adaptation de la Vérité, note du traducteur], même si je ne peux pas ignorer, et toi non plus quand bien même tu serais une Déesse au dessus des lois qui régissent les petits mortels dans mon genre, que c’est toi qui est venu percuter mon mur, qui ne t’avait rien fait, et que le fait que ma mère s’appelle Annie aussi, et que tu roules dans une voiture dont j’abhorre la couleur de toute mon âme, et que je suis grand et toi aussi, et que le dépanneur m’a justement dit qu’il ne serait pas là  immédiatement, et que j’ai fait du café par erreur parce que je voulais juste en programmer pour demain, ne PEUVENT PAS n’être que des coïncidences, mais tu en feras ce que tu voudras. Par ailleurs je suis gelé, tu crains rien”.
Elle rit ( un peu rauque et grave, j’adore ), me dit qu’effectivement elle ne peut pas négliger tout ça, “excepté pour ta mère, franchement je ne sais pas si tu as bien fait de la mentionner, celle-là “, puis prononce coup sur coup deux phrases miraculeuses qui me font l’effet de deux coups de poing dans le ventre, la première un mastoc: elle vient de cesser de rire et affiche le même sourire un peu tendre et interrogatif que tout à  l’heure: “En plus, t’as oublié une autre coïncidence : mon type de mecs, c’est grand, mince, à  grosse voix, les yeux verts et les oreilles décollées.”
Ca c’est la première les gars (vous aurez compris qu’elle vient de me décrire, sauf que je suis plus maigre que mince, bon signe supplémentaire, si ça se trouve en plus elle est gentille), je crois que j’ai les yeux qui roulent comme ces personnages de vieux films qui accentuaient leur jeu à  outrance, elle fait mine de ne pas s’en apercevoir et enchaîne joyeusement : “Finalement, voisin, je boirais bien un bon café pour fêter la Nouvelle Année, c’est très gentil à  vous ” …
On est montés, tandis que j’entrais désormais en phase “état second”; on a bu du café, on a parlé, suffisamment pour s’apercevoir qu’on se parlait bien, et qu’il n’y avait pas de dichotomie criarde dans nos discours et nos façons de les dire.
Et Le Grand Moment Invraisemblable est advenu, comme il était Écrit : nous étions maintenant assis à  respectable (mais pas trop) distance l’un de l’autre dans mon fameux canapé (dont j’espérais plus que jamais que trois feuilles d’essuie-tout l’avaient préservé des outrages du temps…), et elle m’a dit, très doucement et en posant la néme tasse de café qui fumait lentement devant elle (réglons ça tout de suite, au fait : nous avions totalement oublié la voiture, le dépanneur est venu, n’a pas osé klaxonner en quête d’un propriétaire facturable vu l’heure et le fait que tout le monde devait s’être couché tard, et est reparti seul en maudissant les salauds qui l’avaient fait venir), tandis que je commençais à  devenir doucement dingue, la contemplant depuis longtemps sans son manteau désormais, robe dite “de soirée” qui devrait être dite “de nuit” et en tout cas être légalement interdite, très simple et droite, près du corps et en matière qui bouge toute seule, je ne sais pas si vous voyez ( lycra, soie, fils d’araignées magiques de la grotte des sirènes envoûtantes ?), avec des bas, pas de bijoux pas de maquillage les cheveux plus blonds que prévus, deux seins, exactement, un cul et deux jambes, mollets fins (on les voit) et cuisses parfaites (on les voit), et surtout son visage, vraiment découpé, racé comme si un designer l’avait dessiné, regard très clair, dont le vert d’eau n’a rien de commun avec mon vert vert, totalement envahissant et absorbant (termes normalement incompatibles mais là  non), encore un peu tamisé à  la lumière du jour qui naît maintenant en prenant son temps, je la dévore des yeux en ne pensant qu’à  faire en sorte que ça n’exsude pas trop de mon regard, elle m’a dit, donc, elle m’a dit : ” Tu trembles encore..?”.
J’ai braqué mes yeux dans les siens, longtemps (au moins dix secondes, mon record jusque là  cette même nuit), j’ai répondu : ” C’est toi “.
Elle s’est levée, Annie Pleine de Grâce, a franchi le mètre cinquante qui nous séparait, et s’est agenouillée devant moi en posant ses mains (deux œuvres d’art, franchement, les petits doigts semblaient transparents de finesse, j’ai immédiatement eu une érection totale, démesurée, douloureuse) sur mes genoux – non, mes cuisses, le haut de mes cuisses; la partie basse de sa robe remontait ainsi au haut des siennes, mais je ne l’ai pas vu tout de suite. Elle soutenait mon regard qui ne la quittait pas non plus, et s’approchait du mien millimètre par millimètre, nos bouches s’entrouvrant de même, pendant que des Tsunamis de fréquences de plus en plus grandes et d’amplitudes planétaires déferlaient à  l’intérieur de mon corps… Et nous nous embrassions, de magnifiques baisers forts, immédiatement sexuels, et qui nous dirent l’ultime compatibilité des odeurs et des salives, des peaux que désormais nous touchions et allions bientôt nous prendre pour nous en recouvrir mutuellement…
J’ai eu le cœur battant d’un bout à  l’autre, un sentiment de perfection et d’accomplissement immédiat, et qui a duré tout le temps de sa présence. De la douceur et du sexe comme j’en aurais rêvé. Nous avons aussi encore beaucoup parlé, entre deux reprises par l’un de l’autre, le plus souvent les deux aux mêmes moments car il était dit que tout serait idéal cette nuit là , même en ce qu’elle m’a dit ressentir exactement la même chose.
Elle est partie l’après-midi de ce Jour de l’An dont les semblables seraient désormais effectivement des jours anniversaires émouvants.
J’étais amoureux d’elle, fort. Même si je savais désormais qu’elle avait quelqu’un, ce qui étais particulièrement normal, me disais-je avec affection tandis que j’y réfléchissais maintenant, physiquement réduit à  l’état de loque humaine, couvert de son parfum qui flottait partout et que j’allais tâcher de conserver le plus longtemps possible, en commençant par ne pas me laver, fumant une nouvelle cigarette assis devant une fenêtre, les yeux dans le vague, et tremblant de plus belle, mais doucement, cette fois, comme par bonheur… C’est ça, oui, voilà , j’étais heureux. Pleinement.
Heureux malgré cet autre qu’elle était partie pour quitter, m’avait elle dit, sans sourire, sans quêter une approbation de ma part, que pourtant je lui donnais, comme une simple évidence, à  dégager le plus vite possible. D’accord.
Je me demandais si j’avais le temps de ranger un peu avant qu’elle revienne, si je pouvais aller acheter des fleurs sans risquer qu’elle ne sonne pile à  ce moment…
Heureux. Béat. Attendant simplement qu’elle revienne.
Je ne l’ai jamais revue.
Le reste du premier janvier, puis le dimanche deux, se sont écoulés pendant que j’attendais, heureux et de plus en plus effrayé par le temps qui s’écoulait sans qu’elle ne reprenne sa place logique sur terre, désormais la sienne à  jamais, au creux de mes bras, collée à  mon corps.
J’ai écouté de la musique triste toute la nuit, pleuré beaucoup, maudit cette perfection apparente qui notamment m’avait interdit de me préoccuper d’une chose aussi bassement matérielle et connement pragmatique qu’un numéro de téléphone… Et espéré comme jamais, à  m’en arracher le ventre, j’ai même prié.
Ce petit matin du lundi trois janvier, je suis dans un état indescriptible, je suis souillé, je suis presque mort, j’ai une tête effrayante et mon cœur ne bat plus, il est brisé et il me fait mal, je suis déchiré, j’éprouve une incompréhension absolue, totale, de ce qui se passe ou a pu se passer, j’ai envie de ma lacérer le visage – heureusement ça fait mal et j’arrête très vite.
Je n’en peux plus de rester là , alors je décide d’aller travailler quand même. J’ai réussi à  m’habiller et me suis passé un peu d’eau sur le visage, et ma tête est au bord de l’explosion, “ANNIE” y résonne constamment, je ne peux ni raisonner ni cesser d’y penser.
Je vais au cabinet, les autres voient immédiatement que je suis très mal, mais j’élude et demande ce que j’ai ce matin : une audience, un divorce par consentement mutuel, rien du tout mais je dois y aller, personne n’est disponible et c’était fixé comme ça, m’entends-je répondre par ma collaboratrice, qui est aussi une amie et sait parfaitement que quelque chose de grave s’est produit, par ma tête et le fait que, pour la première fois, lorsqu’elle m’a demandé de lui en parler je l’ai durement rembarrée – mais de ce fait elle n’y peut rien, et j’y vais.
Foule de rentrée au Palais, dans les locaux de l’Ordre. J’y passe pour un fêtard, donc essuie sans y répondre quelques blagues sur ma mine, dont personne ne s’étonne à  outrance en pensant que j’ai abusé et suis maintenant logiquement malade – et est-ce que ce n’est pas vrai, finalement ?
J’enfile ma robe, brisé de douleur, et le Bâtonnier me rejoint devant le distributeur de café, belge savoureux à  la voix tonitruante et au cœur débordant d’amour pour “ses” confrères : ” Salut mon Confrère Mô, Bonne Année, hein ! J’espère que… Ouh là  oui, tu m’as l’air d’avoir passé un bon Réveillon, on se remet moins vite qu’à  vingt ans hein…”. Il a beau y mettre du sien et moi tâcher de gérer ma tristesse et ma fatigue, j’entends bien que quelque chose ne va pas ou l’affecte :

“- Merci Patrick ( je ne reconnais pas ma voix, j’ai connu des meuleuses plus humaines ); et toi, ça va, ça c’est bien passé ?
– Les Fêtes oui, mais ce matin… T’es pas au courant ? Tout le monde parle que de ça, dramatique… Je ne sais pas si tu vois qui, Nathalie Fourniret, une jeune consoeur?
– Oui, je vois [tu parles si je vois, décidément tous les fers rouges sont au feu ce matin ou quoi ?], qu’est-ce qui se passe ?
– Écoute, je te le dis parce que tu le sauras de toute façon, il y a eu un drame. Elle est en garde à  vue depuis hier, le procureur m’a appelé, elle a tué sa copine ce week-end. Par balles. Je suis allé la voir en garde à  vue, tu vois, évidemment, elle reconnaît, elle me l’a dit tout de suite… Elle est mal… On a du interrompre l’entretien, elle s’est mise à  être incohérente – les flics m’ont dit que c’était ça depuis son arrestation – elle me racontait ce qu’elle pouvait et j’essayais de la réconforter, enfin tu vois comme je pouvais, quoi, et puis ses yeux se sont révulsés, et elle s’est mise à  gueuler, et pourquoi, et pourquoi, elle hurlait des “J’ai mal”.. Putain j’étais effrayé… Et le nom de sa copine, aussi, je ne savais même pas qu’elle était homo, j’oublierai jamais tu peux me croire, des ANNIE ANNIE ANNIE ANNIE qui te glaçaient le…”

Ils m’ont dit que je m’étais évanoui. Je les ai cru.
J’ai pourtant continué.
Avec mes questionnements et les histoires qui vont souvent avec, la tendresse sexuelle, le sexe, l’Amour Véritable – pour ce dernier, je le mentionne parce que j’y pense encore, bien sur, comme vous aussi je suppose, comme probablement toute l’humanité sous toutes ses formes – mais je ne l’ai pas rencontré. Je ne l’ai plus rencontré.
J’ai le même humour qu’avant, et je continue à  dire que Dieu n’existe pas en essayant de le dire de façon parfois un peu souriante…
Non seulement Dieu n’existe pas, mais en plus…
Il ne m’aime pas.

Même jour, 9 heures trente trois.

15 Commentaires

  1. Anaïs
    Ça alors ! C'est un délice, ça m'a tenu en haleine entre deux tableaux Excel et je n'avais vraiment pas vu venir la chute ! Et c'est écrit de façon si réaliste que j'en suis encore à me demander si cette aventure vous est réellement arrivée ou pas...

    Oui je sais, je déterre, mais c'est le Monde qui m'a fait connaître ce blog la semaine dernière, alors je profite honteusement des heures de boulot pour rattraper doucement mon retard.
    Et là je ne pouvais pas juste passer en silence ;)
  2. Bonsoir Maître,

    Un peu de retard dans mon commentaire, mais je ne découvre vos pages que depuis quelques jours!
    Je passe ici dès que possible, pour me déconnecter un peu en parcourant un ou deux billets, toujours savoureux...
    Cette histoire est... comment dire sans sombrer dans le maniérisme?... bon, j'en ai encore des frissons, voilà !...
    Si d'aventure, en rangeant l'invraisemblable bordel le fruit de votre labeur sous lequel doit être dissimulé votre bureau, vous dénichiez d'autres petits trésors de ce genre... pensez à  nous!!!...
  3. "Je n'aime pas écrire, j'aime avoir écrit " (Louis Scutenaire) !
    Merci, en tout cas, mais vous avez raison : ça pourrait être bien mieux écrit, mais je ne suis absolument jamais satisfait, en fait, et donc règle imposée sur ce blog : une relecture et envoi, terminé..!
  4. Mô tus et bouche cousue
    J'ai passé un très bon moment ce matin à  la découverte de votre site.
    Bravo pour la nouvelle : l'intrigue est très bonne mais si j'étais votre éditeur, je vous la referais travailler. Mais attention, « L'écriture est une aventure. Au début c'est un jeu, puis c'est une amante, ensuite c'est un maître et ça devient un tyran. » Winston CHURCHILL
  5. Pingback : World Wild Web | Comme une image

  6. Ouf, voilà , vendredi 29 août, tandis que la journée s'écoulait vraiment trop lentement (j'ai une envie de bosser au plus bas en ce moment, une catastrophe), je suis retourné dans le 10e onglet de mon navigateur qui en compte 25 à  l'heure où je vous parle et j'ai repris ma lecture. J'ai eu du mal à  rentrer dans le texte mais une fois le rythme pris, je suis allé jusqu'au bout, emporté par le récit. Joli coup, ton histoire d'Hômme...
  7. Merci, Jacques-Marie : vous revenez ici quand vous le souhaitez ! C'est très gentil... Et... Oui, ça existe ! La question étant de savoir si je les ai vraiment rencontrées...
    Changer de métier ne me paraît pas indispensable, mais d'étage, ça, tant que les voitures se contenteront de rouler...

  8. Jacques-Marie
    Ah, ben oui, hein. Impossible de s'arreter en cours de lecture.
    Je ne sais pas critiquer les aspects techniques d'écriture, mais ce récit est passionnant. Tout y est : l'humour, la tendresse, l'action, l'ironie, l'intimité. Je veux aussi une Nathalie et une Annie. Ca existe des femmes pareilles ?
    Dites-moi ce qu'il faut faire. Je change de profession, j'apprends le droit et deviens avocat, quitte mon trente-et-unième étage pour un premier ; un rez-de-chaussée en angle s'il le faut.

Fin des commentaires


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