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Histoire noire III

III GARDE A VUE

Jean-Marc est, littéralement, vidé, liquéfié, anéanti.
Il y a quatre heures, il somnolait devant sa télé avec sa femme. Maintenant il se les gèle sur un banc en bois, dans une cellule, avec deux pochards et un jeune type qui vend de la drogue; il n’a plus ni lacets, ni ceinture, ni aucun objet d’aucune sorte, même pas sa montre, il n’a que son alliance. Il a faim, il a froid, il a mal. Et il a peur.

Ils n’avaient pas dit grand chose, finalement, pour des gens qui voulaient “parler”, mais ils ont très rapidement lancé la bombe : “Vous êtes accusé d’un chose très grave… Quelqu’un a déposé plainte contre vous pour viol”.
Jean-Marc et sa femme se sont regardés, leurs deux visages complètement ahuris, pendant que les policiers scrutaient ses réactions -il n’en a eu aucune autre, juste la bouche grande ouverte…
“Vous ne voyez pas du tout ?” Ah non, il ne voyait pas du tout, il est abasourdi, et il souriait presque, tant cette histoire lui semblait incongrue et invraisemblable… “Mais qu’est-ce que..?”
Christelle, l’air soudain sévère, manifestement agacée par son sourire d’abruti, ne lui a pas dit de quoi il s’agissait précisément; mais elle a expliqué qu’ils allaient devoir en parler, mais que les faits étaient graves, suffisamment pour les avoir fait se déplacer de suite, et elle a ajouté, mais ça Jean-Marc ne l’entend réellement que maintenant (comme son expression, “les faits”, pas “les accusations” ou “les faits supposés” …), que s’il avait quelque chose sur la conscience, il pouvait se libérer tout de suite, le leur dire immédiatement…
Il était naïf, et pour cause, et leur a proposé de s’asseoir, bien évidemment tout disposé à  “en parler” … Ils ont décliné l’invitation, et lui ont expliqué ce qu’il n’avait pas encore compris : la procédure voulait qu’on l’interroge “dans les formes”, et ces formes, ça se passait au Central, et sous le régime de la garde à  vue. Il pouvait tout à  fait ne pas venir immédiatement, d’ailleurs, comme il voulait -mais alors ils reviendraient tôt le lendemain matin, et puis ça n’était peut-être pas un gage de bonne foi, puisqu’apparemment il ne voyait pas ce qu’il aurait pu faire de mal, autant s’expliquer tout de suite, ça ne pourrait pas être bien long…
Manu, sa femme, a demandé timidement ce que ça voulait dire “garde à  vue”, apeurée surtout par ça; l’homme a répondu : “Pas grand chose, Madame. C’est juste la loi, quelqu’un qui est accusé comme votre mari, on l’entend dans ce cadre-là , ça veut juste dire qu’il est chez nous…”
Jean-Marc n’a pas réfléchi une seconde, il l’a rassurée tout de suite : “Bon Chérie, écoute, j’y vais tout de suite, on en aura le cœur net, t’inquiète pas il y a eu une erreur, évidemment, autant régler ça maintenant…”
Il a remis son blouson, et suivi Christelle et son collègue sans difficulté aucune, évidemment, pressé d’en finir, pressé de lever la moindre once d’ambiguïté sur l’histoire totalement atterrante qui lui valait leur visite et ne pouvait, décidément, qu’être une erreur -il allait le regretter toute sa vie, mais il y était allé sans même embrasser Manu…

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Christelle et son collègue n’ont rien dit dans la voiture. Il avait essayé d’engager la conversation, de leur parler de leur métier, de leurs horaires, mais il n’avait obtenu que des réponses laconiques et manifestement peu amènes, et il avait laissé tomber.
Il avait réfléchi, aussi, à  fond, mais ne voyait décidément pas du tout à  quoi tout ceci pouvait correspondre. Une ex’ d’avant Manu ? C’était possible, mais invraisemblable, il avait gardé des relations correctes avec ses anciennes amies, et c’était vieux… Non, ça ne pouvait être qu’une erreur complète, totale, on se trompait de bonhomme, une homonymie, va savoir…
Il en était là  lorsque la voiture était arrivée sur le parking devant le Central (il connaissait, il y était venu déposer plainte deux fois déjà , un vol de voiture et les violences légères d’un gamin, au lycée), lorsque tout à  coup, un prénom lui avait sauté à  l’esprit, le lien entre l’incident de tout à  l’heure et ces policiers s’établissant soudain : “Dalila” ? Oui mais non, impossible, elle n’était pas dingue et…
Pas eu le temps d’y penser plus, ou mieux, les policiers lui demandaient de sortir, et l’accompagnaient au commissariat.
Jean-Marc y découvrait immédiatement que c’était un peu plus que ce que le flic en avait dit à  Manu, une garde à  vue…
Il était passé par l’accueil, puis dans des couloirs, en croisant d’autres policiers, certains en tenue et d’autres en civils, mais qui tous apparemment étaient autorisés à  savoir pourquoi il était là , le demandant à  Christelle ou à  l’autre, et obtenant à  chaque fois un laconique “viol”, à l’énoncé duquel les visages se fermaient ou devenaient méprisants.
Il avait commencé à  avoir peur, sortant enfin progressivement d’une sorte d’inconscience qui l’avait enveloppé jusque là , depuis qu’il avait ouvert la porte…
Il avait du remettre à  un policier tout ce que contenaient ses poches, et aussi les objets qu’il portait; et ôter les lacets de ses chaussures, sa ceinture; subir une fouille à  corps des plus poussées, à  poil, caleçon baissé, devant quatre ou cinq types goguenards “Il y a un local pour ça, en principe, mais on ne va pas s’emmerder à  cette heure-ci”, avait dit l’un d’eux pendant qu’un autre lui demandait de se baisser et de tousser. Il avait protesté tout de suite, ça, dès qu’on lui avait demandé ses objets; la réponse avait été tellement cinglante, “tu te tais et tu donnes tes trucs, c’est comme ça”, le tutoiement, le ton méprisant, il s’était raisonné immédiatement en essayant de se dire que c’était normal, que c’était la règle…
On lui avait dit qu’on pouvait prévenir quelqu’un de sa présence ici, il ne l’avait pas jugé utile, Manu savait. Est-ce qu’il voulait un médecin, avait-on demandé sans qu’il ne comprenne pourquoi, et il avait répondu non. Et un avocat ? Là , il avait hésité, tout son être lui disant qu’il n’en avait aucun besoin, mais une petite voix lui rappelant qu’il était manifestement entré à  l’instant dans un monde hostile… Oui, tout bien réfléchi, il voulait un avocat. Le flic avait froncé les sourcils : “Tu es sur ? A cette heure-ci un vendredi soir, si tu n’en connais pas,  tu auras le baveux de permanence, un jeune qui n’y connaît rien, et puis… T’étais pas innocent, toi ?” Jean-Marc avait trouvé suspecte l’insistance du flic à  le faire renoncer, et il avait maintenu, confirmant qu’il ne connaissait aucun avocat (pour les affaires dont il avait été victime, c’est sa mutuelle d’enseignant qui le lui avait fourni, et il n’avait eu aucun contact avec lui), et faisant donc le choix d’un avocat commis d’office.
Il s’attendait, après ces “formalités”, qui toutes, déjà, l’avaient heurté, à  être immédiatement interrogé, mais non : on l’avait placé ensuite dans une cellule, point. Sans un mot d’explication.
Il y était resté deux heures, pensait-il, à la fois sidéré, au sens propre, en état de sidération; et à  la fois plongé dans des affres de réflexions sur ce qui lui arrivait : il était, évidemment, certain de son innocence, la question n’était pas là , il voulait juste savoir enfin ce qui se passait, ce qu’on lui reprochait, qui, quoi et quand, bon sang, qu’on règle ça vite, qu’il sorte de là , que cette méprise se termine…
Plus il y pensait, plus l’hypothèse Dalila lui semblait plausible, justement aujourd’hui, et avec une fille dont le comportement l’avait lui-même alerté… Mais enfin, ils avait bien dit “viol” ? Il y avait forcément des preuves que non, jamais, des indices techniques, l’ADN, tous ces trucs dont on parlait si souvent à  la télé… Et puis i n’y avait rien à  faire, il n’imaginait pas Dalila l’accuser aussi gravement, et encore moins qu’on puisse croire un truc pareil…
Il comprenait bien que les policiers faisaient leur travail, mais bon sang, il n’avait strictement rien fait, on le traitait comme un bandit, d’office, sans même avoir suscité un commencement d’explications de sa part… Il avait la tremblote, et ne savait plus trop si c’était à  cause du froid ou par trouille, ce sentiment insidieux qui montait en lui sans qu’il n’y puisse rien…
Le type du Quart était venu le chercher alors qu’il n’en menait pas large, et lui avait dit qu’il allait rencontrer l’avocat de permanence; on l’avait amené dans une pièce minuscule, un cagibi, avec une vitre à  trous, et il avait attendu là  ce qu’il fallait bien appeler “son” avocat… Incroyable, invraisemblable, Jean-Marc était cette nuit là  en garde à  vue au Central et attendait son avocat qui l’aiderait à  faire face à  une accusation de viol dont il ignorait tout : il en aurait sûrement ri, ailleurs, mais là …

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Barnabé Mussipont était un bon avocat, mais un bon avocat fatigué.
Il portait encore bien sa quarantaine débonnaire, cette nuit là , mais son visage s’était creusé au rythme des appels particulièrement nombreux dont il avait été destinataire depuis sa prise de permanence à  dix-huit heures -une dizaine en tout, dont une sorte de taré qui avait voulu le frapper, ce qui avait fait rire les flics, mais lui moins, merde à  la fin…
Il n’aurait jamais dû se trouver là , c’était la permanence de l’une de ses collaboratrices, lui n’en faisait plus tellement, désormais; mais bon, Madame avait décidé d’accoucher cette nuit là , il ne pouvait quand-même pas refuser de la remplacer… Il souriait, en roulant dans le noir vers le type à  l’origine de son onzième appel de la soirée, en pensant à  Coralie, et en espérant que tout se passait bien pour elle -ce n’était pas faute de lui avoir demandé de s’arrêter plus tôt, mais elle faisait du pénal non seulement pour lui, mais aussi désormais pour elle-même, à  titre personnel, et il était bien placé pour savoir qu’on ne s’arrête pas, jamais…
Il restait concentré : un vendredi soit, les rues de Lille étaient pleines de bagnoles conduites par des types bourrés, ou commençant à  l’être, qui avaient entrepris de se poivrer dans les bistrots avant d’aller se finir en boîte en Belgique… “Il faut bien que j’aie de nouveaux dossiers”, souriait-il derechef, arrivé sans encombres sur le parking du Central, rempli de véhicules de police comme toujours, et s’y garant derrière l’un d’eux; le planton était aussitôt venu lui demander de bouger, il avait expliqué qu’il était avocat et venait voir un gardé à  vue, le type avait laissé tomber sans y mettre trop de joie.
Il avait, comme toujours, discuté le bout de gras avec les policiers qui étaient, eux-aussi, de garde, et ça fait longtemps qu’on ne l’avait pas vu, et comment vont les affaires (“Comme les vôtres, ah-ah-ah !”), et c’est toujours aussi joyeux ici (l’accueil du Central ressemblait à  celui d’une piscine désaffectée, carrelage ébréché sale partout, un comptoir truffé de coups en bois bas de gamme, des affichettes déchirées dont la plus récente parlait d’un concours vieux de trois ans…), on lui avait proposé le café qu’il avait accepté, pendant qu’on prévenait l’OPJ en charge de cette affaire de sa venue -il avait ainsi appris que c’était Christelle, qu’il connaissait, et avait aussitôt pris le type qu’il venait voir en pitié : elle était dure.
Christelle était descendue de son bureau, manifestement fatiguée, elle aussi, et l’avait salué : regard franc et direct, mais il savait qu’il n’aurait rien d’elle. La loi voulait que l’OPJ n’ait pour obligation que de l’informer de la raison juridique de la présence en garde à  vue du bonhomme, Jean-Marc Caron, et c’est tout “c’est un viol”; beaucoup de flics donnaient plus d’informations, le plus souvent fiables, et renseignaient un peu l’avocat, qui débarquait et n’avait aucun accès légal au dossier à  ce stade; mais pas elle. Il respectait son travail, c’était un bon policier, mais elle était dure, et faisait partie de ces gens, chez les flics comme les magistrats, qui font leur métier avec la conviction qu’ils ont une mission, un rôle quasi divin, celui de protéger les innocentes victimes : bons, mais dangereux, car ne cherchant qu’à  l’aune de cette conviction.
Elle avait quand-même souris : “Oh là , Maître Mussipont en personne ! Je ne savais pas que mon type était si important..!”; il avait été flatté, comme un con, mais avait expliqué que c’était un hasard, qu’il était de permanence, pour une fois – et qu’il ne défendait, répondit-il en souriant, “que des innocents, mais tous les innocents”
Et puis elle l’avait amené à  la porte du réduit où, de l’autre côté d’une vitre, Jean-Marc Caron l’attendait.
Il était ressorti de là  exactement vingt-deux minutes plus tard, inquiet et troublé.
Oui, il était avocat pénaliste depuis des années maintenant, il connaissait le mensonge comme on connaît son pire ennemi, ou son meilleur ami; il s’était parfois fait avoir, mais pas si souvent que ça, et de plus en plus rarement, à  mesure que son expérience à  lui grandissait, et qu’il entendait les mecs raconter tout et son contraire…
Et là , il avait bien l’impression que Jean-Marc Caron était un type tout ce qu’il y a de normal et honnête, et avait fortement envie de le croire lorsqu’il disait ne même pas savoir encore pourquoi il était là , mais en tout cas n’avoir rien à  se reprocher…
Jean-Marc, très déçu que l’avocat ne puisse lui apporter d’informations nouvelles, lui avait aussi parlé rapidement de Dalila, et il avait semblé à  Maître Mussipont qu’effectivement, cette histoire était trouble, et pouvait peut-être être concernée…
L’avocat avait, surtout, dans ce temps très limité, fait ce pourquoi il était principalement utile : lui avait souris, lui avait passé une cigarette allumée par un trou de la vitre, lui avait confirmé qu’on allait l’interroger, à  plusieurs reprises, qu’on allait probablement lui “mettre la pression”, peut-être lui mentir, lui dire par exemple que sa propre femme avait dit le suspecter, qu’il ne fallait croire que ce qu’on lui ferait lire et qui serait signé; s’exprimer clairement, à  son tour, pas avec des phrases d’intellectuel qu’il était, mais avec des réponses directes et précises, dont les termes ne seraient pas, plus tard, retournés contre lui; rester poli et courtois quelle que soit l’attitude des gens qui l’interrogeraient, mais ferme aussi : ne pas varier, rester concentré, relire ses déclarations avant de les signer.
Il lui avait appris que la garde à  vue ne pouvait légalement durer au plus que quarante-huit heures, et que quoi qu’il arrive dans le pire des cas il sortirait de là  à  l’expiration de ce délai, avec en gros à  la clé soit une libération pure et simple et un retour chez lui, soit un transport au Palais et une mise en examen par un juge d’instruction.
L’enjeu était celui-là ; alors il fallait répondre, bien sur, à  tout, et en répondant être prudent, ne pas se saborder soi-même, mais en même temps tâcher de convaincre quelqu’un qui par nature, était a priori probablement convaincu, au contraire, que Monsieur Caron était coupable…
Celui-ci l’avait remercié lorsqu’il se levait pour partir, et un courant de sympathie mutuelle était manifestement passé -Barnabé Mussipont lui avait expliqué que, si sa tête lui revenait, il ne fallait pas hésiter à  le désigner le moment venu, lors de son arrivée au Palais; ou bien le contacter une fois reposé s’il était libéré.
Mais il était inquiet.
Jean-Marc lui était apparu très naïf, comme si souvent, mais aussi assez fragile, finalement, et déjà  très atteint par le début de sa garde à  vue… Il s’était dit convaincu d’une erreur pure et simple, et en conséquence certain qu’on le libérerait rapidement… Il avait dû lui expliquer comme il pouvait que ce n’était, peut-être, pas forcément aussi simple… Mussipont ne savait pas comment il affronterait la suite -qu’il avait l’avantage sur Jean-Marc de bien connaître, et qui n’allait pas exactement être un chemin pavé de roses, surtout sous la férule de Christelle…
Il croisa à  nouveau celle-ci avant de repartir, qui lui demanda s’il avait des observations écrites à  formuler. Il lui confirma que non, mais que Monsieur Caron ne savait pas pourquoi il était là , sincèrement, et lui faisait l’effet d’être un mec bien, et cette fois il ne souriait pas.
Elle non plus quand elle lui répondit : “C’est ce qu’il vous dit, qu’il ne sait pas pourquoi il est là … Faut croire que même des mecs biens violent des gamines !”
Seize ans de Barreau, une bonne connaissance du pénal, et même de cette femme, archange de l’accusation, mais il ne s’usait pas trop, et partit une fois de plus au quart de tour :
“Attendez, Lieutenant, attendez, sérieusement : ce type m’a fait une impression sincère, il n’a aucun passé judiciaire, il a eu le temps de me dire qu’il pensait être apprécié des élèves… Alors attention, on n’a peut-être pas à  le condamner tout de suite, avec vous en accusatrice et en juge et moi en défenseur aveugle, non ? Je ne sais pas ce que vous avez, mais je vous dis que jusqu’à  preuve contraire moi je le crois, je vous dis qu’il y a de vrais innocents, et je vous dis de faire attention aussi à  ça !”
Il avait monté le volume, l’OPJ fit immédiatement de même : “Il va le savoir, ce qui lui est reproché et ce que j’ai, vous le savez très bien, et si je n’avais pas attendu votre visite avant de l’interroger il le saurait déjà , mais vous m’en auriez fait le reproche ! Et je n’ai absolument pas à  vous dire ce que j’ai, mais sachez qu’une ado l’accuse formellement, qu’on a constaté des choses, et que je n’ai pas besoin qu’on me rappelle que s’il est innocent, si cette gamine que j’ai moi-même entendue me mentait, il n’a rien à  craindre, ne vous inquiétez pas. Bonsoir !”
Elle avait tourné les talons aussi sec, il s’était aussitôt reproché de l’avoir énervée, et, au planton qui lui faisait un petit geste de la main genre “ouh ça chauffe”, fit un petit sourire crispé…
On lui rendit son portable de permanence avant qu’il ne remonte dans sa voiture, et Maître Mussipont, tout en constatant qu’il avait un nouveau message et décidément ne dormirait pas cette nuit là , redémarra vers un autre commissariat en se disant que Jean-Marc Caron n’allait pas passer une bonne nuit, lui non plus…

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Jean-Marc vit repartir l’avocat avec une boule au ventre, seul désormais pour affronter une chose totalement inconnue.
Il était totalement ahuri par le fait que même l’avocat ne sache rien de son affaire.
Le type était sympa, sinon, et au moins il savait à  quoi s’en tenir sur les suites, et lui était fermement convaincu qu’il serait vite libéré, c’était et ça ne pouvait être qu’une erreur ! Maître Mussipont lui avait dit qu’il ne fallait pas y penser pour l’instant, juste se concentrer sur les réponses -et il s’y connaissait manifestement, faisant mentir le policier de tout à  l’heure…
Mais enfin bien sur que si, il pensait au moment où ça s’arrêterait, au moment où on lui rendrait ses affaires avec un petit mot d’excuse, et où il repartirait chez lui !! Il ne pensait même qu’à  ça, et avait encore plus hâte qu’on le questionne, à  présent -même s’il n’était pas sot, et avait écouté l’avocat, qui l’avait enjoint à  la plus grande prudence, “innocent ou pas”, dans ses réponses, “ne pas tendre le bâton pour se faire battre”, d’accord, d’accord, il comprenait…
La femme qui était venue chez lui était enfin venue le chercher : “Allez, Monsieur Caron, on y va…”.
Il avait bondi de son banc, et l’avait suivie dans des escaliers et vers un bureau minuscule encombré d’un fatras de papiers et de dossiers en tous genres; elle s’était assise derrière, lui avait fait signe de prendre place sur l’unique vieille chaise qui restait, en face d’elle, presque derrière l’écran informatique; elle l’avait regardé quelques secondes, et ça avait commencé :

“- Alors, vous avez réfléchi ?
– Il n’y a pas à  réfléchir, vous savez, je voudrais savoir de quoi on m’accuse, et je n’ai jamais rien fait de mal, à  personne.
(Elle l’avait regardé encore, avait soupiré, puis : )
– …Bon. Est-ce qu’il y a eu un incident quelconque, tout récemment, au lycée ?
– Ah ! C’était donc bien ça ! Dalila !! Alors oui, mais je…
– Je croyais que vous ne saviez pas de quoi vous étiez accusé, et que vous n’aviez jamais fait de mal..?” …

Jean-Marc est maintenant assis sur un banc en bois, dans une cellule. Il n’a plus ni lacets, ni ceinture, ni aucun objet. Il a faim, il a froid, il a mal. Et il a peur.

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