[ Suite et fin de “La Cour !“, par T0rv4ld. ]
Soir du premier jour.
En rentrant chez moi, je m’allonge, repense à cette journée et tente de me mettre à la place de l’accusé : pourquoi faire un tel geste ? Jusque-là, dans ses brèves tentatives pour essayer de s’expliquer, une expression revenait régulièrement : “Je voulais lui faire peur…” Avait-il l’impression de perdre le pouvoir sur sa compagne ? Quoi qu’il en soit, il me fait penser, toutes proportions gardées, à un enfant qui a fait une grosse bêtise et qui file se cacher dans sa chambre car il sait qu’il va se faire gronder. Le parallèle avec la fuite dans le champ de maïs est à ce titre saisissant… Je m’endors, difficilement.
Troisième demi-journée.
J’arrive au tribunal sur les coups de neuf heures. Je note qu’à proximité de l’entrée stationne une camionnette de France 3 et que des journalistes ont fait le déplacement en plus grand nombre que la veille. Quelques caméras pointent le bout de leur nez, prêtes à interviewer les avocats des deux parties pour avoir leurs impressions. Elles ne seront toutefois pas admises dans la salle d’audience.
Accusé, levez-vous !
La cour fait son entrée vers neuf heures quinze, comme prévu.1 Cette matinée, nous explique le président, va être consacrée, après celle du psychiatre la veille, à l’audition du psychologue, aux contre-expertises psychiatrique et psychologique, mais aussi et surtout au témoignage de la victime, puis, s’il accepte de répondre, de l’accusé. Au premier rang, c’est la panique : la victime n’avait, à l’évidence, pas été préparée à cette éventualité. La faute à son avocat ?2 Je ne suis pas familier avec le système judiciaire, mais il me paraissait évident3 depuis le début que, à un moment ou à un autre, la victime allait devoir témoigner ! Le calme revient, et il est temps d’accueillir le premier expert.
Celui-ci est psychologue, et il parle au nom de l’accusé : “Pour lui (l’accusé, donc), c’est de la faute de la victime si cela s’est produit car c’est elle qui aurait rompu l’équilibre“. L’expert met en lumière un cumul de frustrations : un motoculteur en panne, un voisin en retard, des boudins qui s’avèreront mal cuits et une jalousie latente. D’après lui, cela ressemble à de l’infantilisme, lié à son esprit simple et peu développé. Il mentionne également le plaisir pris par l’accusé lorsqu’il provoque autrui. Il rappelle que celui-ci connaît les dégâts que peut occasionner le feu4 , et souligne à nouveau sa symbolique de toute-puissance : il y a une volonté de montrer qu’on détient toujours le pouvoir. L’expert conclut que l’accusé peut être considéré comme un enfant tyrannique faisant usage des armes d’un adulte.
Le président demande aux avocats s’ils ont des observations5 : c’est le cas du côté de la défense. L’avocat soulève un point auquel je n’avais personnellement pas pensé, à savoir le mélange de médicaments (traitement contre l’alcool) et d’alcool, pour tenter d’expliquer le comportement de son client. Il avance que, les médicaments agissant, à la façon des patchs nicotiniques pour le tabac, donc comme des substituts, en ingérant de l’alcool en même temps on amplifie les effets de celui-ci sur le comportement et donc les actes qui peuvent en découler. L’avocat de la partie civile rétorque que, comme le montrera l’une des contre-expertises, cet argument n’est pas valide, car l’accusé adopte constamment un comportement identique quel que soit son état.
Les deux contre-expertises qui suivent seront unanimes : comportement infantile, aucune remise en question de l’accusé, et traitement psychiatrique non souhaité. Le psychologue ajoutera même : “Chez lui, l’homme à jeun appuie les actes de l’homme alcoolisé“. On comprend qu’alcool ou pas, son comportement n’est pas excusable, d’autant que les précédentes condamnations et cures auraient dû avoir pour effet de le faire réfléchir sur la question.
Il est temps de faire une pause, car la prochaine personne à intervenir n’est autre que la victime.
Quinze minutes plus tard, celle-ci s’installe dans un siège spécial, très confortable, la position debout lui étant particulièrement fatigante. Sa jambe gauche, celle qui a le plus souffert, repose à l’horizontale sur un tabouret, et on devine à ses grimaces que la douleur physique est encore bien présente… Comme les témoins entendus la veille, elle est libre de parler mais ne sait pas par où commencer6. Le président l’aiguille donc en lui proposant de commencer par le début : qui est-elle, que fait-elle dans la vie et comment a-t-elle rencontré l’accusé.
C’est une ancienne militaire. Elle avait croisé l’accusé une première fois lors de son service, et ils se sont revu bien des années plus tard, lors d’une brocante. Elle dit avoir été amoureuse, heureuse. Ses proches confirment. Après avoir passé plusieurs mois dans des appartements séparés, ils ont emménagé ensemble dans la maison de l’accusé. Elle connaissait l’attirance de son compagnon pour la bouteille, mais en sa présence, il restait généralement raisonnable (les épisodes comme celui précédant les faits sont rares, d’après ses dires). Elle indique qu’elle ignorait que son compagnon entretenait une relation, sous forme de baisers et de contacts réguliers, avec son ex-compagne. Mais surtout, elle ne comprend pas. Elle voudrait comprendre7 .
Le président reprend la parole, et, avec d’infinies précautions, demande à la victime de raconter sa version des faits : “Prenez tout votre temps. Dites-nous tout ce qui vous revient. Vous pouvez à tout instant faire une pause, si vous le souhaitez“.
“Bon, ben il y a eu l’histoire des boudins la veille. Il était pas content, son motoculteur ne marchait plus, il pensait que c’était de la faute du voisin. Notre ami qui devait nous aider était en retard et du coup il est allé boire à la cave. Quand notre ami est arrivé, il m’a demandé : “il est où ?”, et je lui ai répondu “par terre, dans la cuisine”. Mais bon, il dormait, alors on s’est dit qu’on allait quand même faire les boudins, maintenant que tout le monde était là. On était dans la grange. J’allais vérifier régulièrement qu’il n’était pas inconscient, on sait jamais ce qui peut arriver vous savez. Et puis vers vingt-trois heures, on l’a entendu gueuler, il s’était réveillé, et il s’est amusé à allumer et éteindre la lumière de la grange, pour jouer ou pour nous embêter j’en sais rien. Et quand il est sorti, il a vu que j’étais avec mes deux voisins, il s’est énervé et les a insulté. Je vais pas répéter ce qu’il a dit, ça sert à rien. Je leur ai dit de partir pour éviter les problèmes, et on est allé se coucher.
Le lendemain, on devait aller à un banquet au village ensemble, mais il voulait plus. Je lui ai dit “si t’y vas pas, j’y vais pas non plus”. On est un couple, on fait des choses ensemble, c’est normal. Du coup, bah on est resté chez nous, mais il voulait pas parler, il était dans sa grange.
Vers dix-huit heures, j’étais en train d’étendre le linge, et il a foutu un coup de pied dans la panière et tout est tombé par terre. Il m’a dit “t’as quinze minutes pour tout ramasser et tout étendre !”. C’était dans le salon ça. Lui, il est reparti dehors. Il avait l’air énervé. Il est revenu quelques minutes après, quatre ou cinq, je sais pas, et pendant que j’étendais le linge, j’ai senti un liquide froid me couler dans le dos. Je lui ai demandé “mais qu’est-ce tu fous ?”, et mes yeux ont commencé à me piquer. Ça sentait beaucoup l’essence, vous savez, comme à la station-service, et je suis partie changer mon t-shirt dans la salle de bain.
[…Pause dans le récit…le silence dans la salle est pesant, et on sent la voix de la victime devenir tremblotante…] Quand je suis revenue, j’ai voulu prendre une serviette pour éponger la flaque d’essence par terre (…) et là (…la victime se met à pleurer…) j’ai vu la flaque prendre feu (…) et juste après c’était moi qui brulait (…). J’étais une torche vivante. J’ai senti un liquide froid arriver sur moi sur mes épaules, je savais pas ce que c’était, peut-être de l’eau, mais mes jambes étaient encore en feu, car mon jeans n’avait pas fondu.8 (…) Alors j’ai couru sous la douche, sans réfléchir, et le feu s’est arrêté. J’ai retiré quelques vêtements, quand ils n’avaient pas déjà fondus.9 Ma peau ressemblait à du carton. Mais j’avais mal au ventre, et j’ai couru prendre le téléphone. Mais mon compagnon, il voulait pas que j’appelle les pompiers10 , car il savait que la police allait venir et il avait eu des problèmes avec la police. Alors j’ai hurlé que non, j’appellerai les pompiers, et il est parti. En attendant les pompiers, j’ai pris une serviette humide et j’ai essayé d’enlever mes vêtements mais c’était difficile, et je suis allé dehors sous le robinet car ma jambe me faisait mal. Et après, c’était les pompiers, et puis l’hôpital…“.
L’émotion dans la salle est à son comble. Le récit par la victime elle-même était tellement poignant que même l’accusé n’a pas osé la regarder, pas un seul instant. Comme la veille, lors de la diffusion de l’enregistrement de l’appel aux pompiers, les proches sont en pleurs, mais ils ne sont pas les seuls. Quelques personnes du public sont même sorties de la salle, livides.
Après une à deux minutes de silence (peut-être davantage, je ne sais même plus), le président reprend délicatement la parole et la remercie de son témoignage, conscient de l’effort que cela demande de revenir sur des évènements aussi dramatiques. Il ajoute que ce récit est conforme à ceux qu’a déjà effectué la victime dans le passé, devant l’Officier de Police Judiciaire, devant les forces de gendarmerie et auprès des pompiers, juste après les faits.
Son avocat souhaite intervenir : il dispose de photographies récentes de la victime, qui montrent le stade actuel des soins et le travail qui a été effectué au niveau des greffes (le terme médical de “consolidation”11 est utilisé). Ces photos, qu’on devine dures12 , seront également montrées à l’accusé, avec l’accord de la victime. Celui-ci ne pourra pas les regarder plus de quelques secondes : il se retournera puis se mettra à sangloter pendant de longues minutes dans le prétoire, dos à l’audience…13
Le président remercie la victime pour toutes ses réponses, et lui dit qu’elle peut rejoindre son banc et ses proches, et qu’elle pourra redemander la parole plus tard si elle le souhaite.
“Accusé, levez-vous !”
Le président prend la parole, et souhaite maintenant avoir des réponses de la part de l’accusé, car à ce stade, tous les témoins et personnes en charge de l’enquête sont intervenus. Il reprend les principales étapes décrites par la victime et validées par la reconstitution et les experts. Mais l’accusé reste vague :
– “Avez-vous aspergé la victime d’essence ?
– J’sais plus…
– Avez-vous enflammé un papier ou maintenez-vous que c’était un mégot ?
– Pt’être…”
Le président hausse alors le ton, ce qui jusque-là ne lui était pas arrivé :
– “Dites, il va falloir répondre clairement maintenant. Vous livrez depuis le début plusieurs versions des faits qui ne collent absolument pas avec le témoignage des pompiers, des experts et de la victime. Victime qui, je vous le rappelle, souffre encore aujourd’hui et doit affronter la personne accusée de l’avoir transformée en torche vivante. Elle mérite la vérité ! Répondez donc à cette question, très simple : avez-vous, oui ou non, versé de l’essence sur la victime et déposé une feuille de papier enflammée qui a provoqué l’embrasement ?
– M’oui, oui…
– Merci !”
J’ai été étonné que l’avocat de la défense ne réagisse pas face à la prise de position du président, qui demandait donc expressément à l’accusé de répondre en s’accusant.14 Cet aveu a en tout cas manifestement eu un goût de petite victoire dans les rangs de la victime : il reconnaissait enfin son acte.
Il est treize heures quarante-cinq, l’audience est suspendue et reprendra à quinze heures quinze.
Quatrième demi-journée.
A la reprise, le président, conformément à sa promesse, donne à nouveau la parole à la victime, pour la laisser exprimer ce qu’elle a sur le cœur.
“Quand les pompiers m’ont pris en charge, je me suis senti faiblir. J’ai jamais perdu conscience15 , mais j’avais de plus en plus mal. A l’hôpital, tout le monde s’est très bien occupé de moi. Mais mon état impliquait un isolement strict pendant trois mois, si bien que je n’ai pas pu avoir de visites de ma famille pendant ce temps. Et trois mois, c’est très long. Après, j’ai commencé les séances pour réapprendre à marcher. J’ai fait une mauvaise chute avec mon déambulateur et je me suis cassé le fémur. C’était très problématique, car je devais éviter les infections, et il fallait que je me fasse opérer. Mais tout s’est bien passé, et pendant plus d’un an, j’ai subi des greffes de peau. Dans toute cette histoire, Monsieur le Président, j’ai eu une chance : mon visage et mon cou n’ont pas été touché. Si bien qu’aujourd’hui, si je croise quelqu’un dans la rue, il ne peut pas deviner ce qui a pu m’arriver. Et ma force de caractère a fait le reste, je n’ai jamais voulu abandonner, je me suis battue et aujourd’hui je suis en vie.
Alors bien sûr, je ne travaille plus, je ne peux plus faire de sport, je ne peux plus bronzer quand je pars en vacances, je ne peux plus m’habiller comme je le souhaite, j’ai des traitements médicamenteux lourds, mais je suis en vie, alors je ne me plains pas. C’est dur parfois, mais j’apprends à vivre avec…
Je voulais comprendre. Mais je crois que je ne comprendrai jamais ce qui a poussé mon ex-compagnon à me faire ça.”
Le président la remercie, et annonce que l’on va désormais entendre les plaidoiries des avocats16 , le premier à s’exprimer étant l’avocat de la partie civile17 .
Il va citer et reprendre tous les points soulevés par les experts, les témoins et sa cliente durant ces deux jours, mais également rappeler que l’accusé a déjà été condamné pour des menaces de mort et qu’il a déjà fait des cures sans que cela n’ait, de toute évidence, eu d’impact sur son comportement. Il profite de l’aveu de l’ex-compagne, en s’indignant sur le fait que l’accusé est jaloux de sa femme, qui a assuré n’être jamais allé voir ailleurs, alors que lui-même fricote encore avec son ex-compagne… D’après lui, l’alcool est un facteur aggravant, car l’accusé n’ignorait pas les effets de celui-ci sur son comportement. Enfin, il conclut en disant qu’en dépit des demandes de la victime, aucune réponse ne sera apportée à la question “Pourquoi ?“, et que malgré ces deux jours d’audience, jamais l’accusé ne s’est remis en question, au grand dam de la victime.
En ce qui me concerne, j’ai trouvé sa plaidoirie correcte, mais construite beaucoup trop comme une simple synthèse des éléments discutés au long des deux jours. Et cet avocat manque, d’après moi, de charisme ; sa voix était peu portante, il se tenait un peu penché, bref, il ne m’a pas emporté, même si ce qu’il dit est vrai et justifié18 .
La parole est maintenant à l’avocate générale, qu’on a jusque-là peu entendue. Elle se présente comme la représentante du ministère public19 : son rôle est d’expliquer aux jurés ce sur quoi ils vont devoir se baser pour juger l’accusé, et d’évaluer le poids de la condamnation qu’elle va demander, via un réquisitoire. Elle va exposer, de façon exemplaire (et très claire pour le quidam) :
– qu’il s’agit d’une tentative d’assassinat, l’acte d’asperger d’essence et de mettre le feu à quelqu’un étant considéré comme tel aux yeux de la loi ;
– que l’acte incendiaire est volontaire, en se basant sur le témoignage de la victime, les conclusions des experts et le fait que cette thèse a été validée à demi-mots par l’accusé ;
– que la thèse de l’accident ou du “vouloir faire peur” ne tient pas : il y a différentes étapes qui s’enchainent pour aboutir au drame ;
– et enfin qu’il y a eu préméditation, car le crime ne s’est pas fait sur un coup de tête, mais qu’il y avait au contraire déjà eu des menaces à répétition par le passé.20
Pour l’ensemble des faits, elle réclame une peine de prison21 ferme de quinze ans, assortie d’une période de sureté équivalente aux deux tiers de la peine totale,22 soit dix ans dans le cas présent.
L’accusé ne réagit pas. Il semble résigné, tête baissée, comme c’est le cas depuis le début du procès.
Quelques avocats font leur entrée dans la salle d’audience et prennent place sur les bancs. Ce manège se poursuivra d’ailleurs tout au long de la plaidoirie. L’une d’elle s’installe à côté de moi, sourire aux lèvres. Je me permets de lui demander ce qui vaut cet arrivage massif de juristes en robe : est-il réputé ? L’affaire l’intéresse-t-elle ? Elle me répond que c’est son collègue de cabinet23 , et qu’en effet, il a récemment défendu des affaires compliquées avec un certain brio. Je ne sais que répondre, esquisse un sourire et c’est à ce moment que l’avocat de la défense décide de démarrer sa plaidoirie.
Et ça commence très fort : l’avocat se lève, regarde la salle d’audience et la victime, et entame la lecture d’une lettre qu’à écrite l’accusé durant les premiers jours de sa détention. Il lui dit qu’il est malheureux, il lui dit qu’il l’aime, il lui dit qu’il espère qu’elle va bien et qu’il la reverra bientôt, peut-être la semaine prochaine. Il ne comprend pas, il ne se souvient plus, il ne sait plus. A cet instant, la victime et ses proches sont sous le choc : quel culot de la part de cet avocat ! A partir de cette lettre, et en se basant sur les dires de son client, l’avocat va dans un premier temps réfuter l’argument de la préméditation énoncé par l’avocate générale : d’après lui, il n’y a aucun lien entre les broutilles intervenues la veille du drame, les menaces de mort proférées dans le passé et l’acte. Non, pour lui, il s’agit bien d’une impulsion sous l’effet de l’alcool : comme d’autres se transformeraient en de joyeux lurons, lui devient méchant et capable du pire. L’avocat, lui, met du cœur à l’ouvrage : il a investi l’espace, regarde la cour puis l’audience, et parle à haute et intelligible voix, avec la volonté de convaincre.
Il va, dans un deuxième temps, réfuter l’affirmation selon laquelle il y avait volonté de tuer : si c’était le cas, comment alors expliquer que l’accusé ait aidé la victime en lui versant de l’eau sur le corps et l’ait, d’après lui, aidé à retirer ses vêtements au lieu de la laisser agoniser ? L’argument fait mouche. L’avocat reviendra enfin sur les circonstances atténuantes applicables à son client, comme le fameux cocktail de médicaments et d’alcool, avant de conclure en demandant aux jurés de ne pas retenir la préméditation ni la volonté de tuer dans leur décision.24
La séance est levée, le président demande à l’huissier de verrouiller les portes de la salle une fois la cour réunie pour délibérer, afin que personne n’entre ou ne sorte25 .
Trois longues heures plus tard (il est alors vingt-et-une heures passées), la cour entre et, par la voix de son président, indique qu’elle a statué sur les deux questions posées par l’avocate générale, à savoir la préméditation et la volonté de tuer, et ce par deux “oui“. Les questions subsidiaires26 deviennent de ce fait inutiles.
Le président, lentement et distinctement, énonce le verdict : l’accusé est condamné à vingt ans de (réclusion criminelle) prison ferme, assortis d’une période de sureté équivalente aux deux tiers de la peine totale, soit treize ans. L’accusé ayant déjà passé deux ans derrière les barreaux, il devra donc purger une peine minimale et incompressible de 11 ans en prison.
L’accusé, tête basse, entend le jugement. Aucune réaction.
Son avocat semble mécontent mais tente de le cacher. On peut le comprendre, même si le cas était pour le moins désespéré aux vues des deux journées passées.
Du côté de la victime, c’est le soulagement. Les sourires apparaissent sur les visages. On entend le public lâcher discrètement des “il méritait bien ça” ou “ce n’est que justice“. Je peux comprendre une telle réaction de la part des proches, moins du côté du public, j’ai du mal à admettre qu’on puisse se réjouir de la peine d’autrui, toujours. Mais c’est un autre débat, et n’étant pas la victime, je ne suis certainement pas à même de juger.
L’audience criminelle est désormais close, la cour se retire pour statuer sur les dédommagements à accorder à la victime27 . Les demandes de l’avocat de la partie civile sont conformes à la jurisprudence, outre apparemment des demandes pour des frais supplémentaires moins usuellement pris en compte. Vingt minutes plus tard, la cour fait une dernière entrée28 , et annonce les montants qu’elle accorde à la victime.
Le président indique que la défense a 10 jours pour faire appel, et remercie l’ensemble de la cour et particulièrement les jurés pour leur travail.
Il est 22 heures, le procès prend fin, après 17h d’audience cumulées29 .
Dernier soir.
Cette seconde journée s’est avérée très différente de la première : les témoins ayant déjà été auditionnés, c’était au tour de la victime et des avocats d’intervenir. J’ai compris quel était le rôle de l’avocat général : il représente le ministère public, plus connu sous le nom de “parquet”. En revanche, et malgré son appellation, il n’est pas avocat mais magistrat30 ! Quant aux deux personnes qui entourent le président, elles resteront pour moi d’illustres inconnues. La seule déduction que j’ai pu faire est qu’elles doivent appartenir au corps judiciaire puisqu’elles ont participé toutes deux aux délibérations31 .
La plaidoirie était un grand moment ; après deux jours assis à écouter, on sentait les avocats (notamment celui de la défense) prêts à discourir. Je me suis pris à imaginer un débat opposant les deux avocats, non pas par plaidoiries interposées comme c’était le cas aujourd’hui, mais via des échanges directs. Je doute toutefois que cela arrive un jour32 .
Dans un registre plus général, en tant que spectateur, on a parfois la bizarre impression d’observer passivement des personnes faire leur travail. Ce qui explique peut-être pourquoi on ne sait parfois pas ce que fait exactement chacun des membres de la cour33 . J’ai également remarqué que certains jurés avaient pris beaucoup, beaucoup de notes, quand certains autres avaient l’air pensifs, passifs… Peut-être un moyen de passer outre la cruauté de l’acte de juger..?
Je ne peux que vous recommander, si vous en avez l’opportunité, d’assister à un procès. Pas forcément aux assises, si le sujet vous est trop choquant, mais c’est vraiment quelque chose à vivre au moins une fois. Je peux vous assurer qu’en rentrant chez moi le premier soir, j’avais très envie d’être au lendemain pour savoir quel serait le dénouement ! Et on est face à ce que l’homme est capable de faire de pire, pour des raisons qui souvent nous dépassent. Une vraie leçon d’humanité.
Oh… Pour la petite histoire, la défense a décidé de faire appel. Tout recommencera dans un an…
[ Note de Mô. Encore un immense merci à T0rv4ld pour ce récit passionnant, et le cadeau qu’il m’a offert en me permettant de le publier ici. Et comme il a raison : la justice, si décriée et si peu connue, est, la plupart du temps, publique ! Rendez-vous aux audiences correctionnelles du tribunal de votre ville, il y en a en permanence, et allez assister, mieux encore, aux procès d’assises qui se tiennent près de chez vous, presque en continu là aussi.
La cour d’assises, pardon, la Cour d’Assises, est tout sauf ce qu’on en dit -et en aucun cas un procès expéditif, ou une séance de laxisme, ou l’oubli de la victime, entre autres… On y prend le temps, on y débat, à la hauteur des enjeux humains qui y sont exposés. C’est le théâtre des pires faits commis par les hommes, l’endroit des douleurs les plus immenses, mais aussi celui où, parfois, les plus beaux moments de rédemption et les sentiments les plus bouleversants qu’Être Humain puisse ressentir, se dévoilent, loin de tout spectaculaire, seulement dans… La Vérité. La Cour d’Assises est la salle de toutes nos larmes. ]
[ Note de T0rv4ld : une pensée pour tous ceux qui ont commenté “La cour”, ici et sur Twitter, ce qui m’a permis de corriger les quelques erreurs et imprécisions qui s’étaient glissées dans mon texte. N’hésitez pas à faire de même pour celui-ci ! Enfin, le dernier mot sera pour Maitre Mô : MERCI ! ]
- Ce sera d’ailleurs la seule fois où elle ne sera pas en retard durant cette journée. [↩]
- C’est l’impression ressentie par le spectateur mais, cf. note suivante, il est impossible que l’avocat n’ait pas prévenu la partie civile de sa future audition lors du procès… [↩]
- Peut-être à tort… Non, à raison évidemment : le témoignage de la partie civile n’est pas obligatoire, et on ne peut, si elle ne le souhaite pas, l’obliger à déposer, contrairement aux témoins au sens propre ; mais il est plus que fréquent, elle est le principal témoin des faits… Et si souvent elle redoute terriblement ce moment, il est aussi salvateur pour elle, une fois trouvé le courage de dire les choses… C’est un moment majeur du procès criminel – un procès qui, quoi qu’en dise certain “Institut” auto-proclamé, est, dans les faits, bien sûr aussi le sien, et où elle a toute sa place… [↩]
- Incident de son père pompier, voir “La Cour !” [↩]
- Je n’en ai pas parlé jusque-là, pour la simple et bonne raison qu’ils n’étaient quasiment jamais intervenus (celui de la défense comme celui de la partie civile). [↩]
- C’est très souvent le cas chez les témoins qui se retrouvent pris au dépourvu. [↩]
- Le fameux “Pourquoi ?“… Selon mon expérience, c’est, effectivement, la demande principale, voire exclusive, des victimes, le plus souvent – bien loin d’une vengeance quelconque, et, même, d’une lourde peine pour l’accusé, contrairement à ce que veulent souvent faire croire ceux qui parlent en leur nom ; être reconnues en tant que victimes par la juridiction, des tiers qui les valideront objectivement dans ce statut ; et comprendre, quand faire se peut, de quoi et pourquoi elles ont été victimes… [↩]
- Le jeans, contrairement au nylon ou polyester, ne fond pas, et résiste au feu. Avec les avantages et inconvénients, comme ici, que cela comporte… [↩]
- C’était notamment le cas du soutien-gorge de la malheureuse… [↩]
- Il me semble qu’on appelle cela une entrave et une non-assistance à personne en danger. Maitre, vous confirmez ? Oui, les deux qualifications existent. [↩]
- Terme médico-légal : une victime est dite “consolidée” lorsque, plus ou moins longtemps après les faits, ses lésions et leurs conséquences médicales sont fixées et n’évoluent plus, ou ne vont plus évoluer sauf complications futures. Le délai entre le drame et cette date de consolidation est important, en termes d’indemnisation, car, pour faire simple, il sera celui de la durée de “l’incapacité”, totale ou partielle, toujours au sens médico-légal, de la victime. [↩]
- Souvent, désormais, les salles d’assises sont équipées d’un rétro-projecteur et d’écrans assez grands pour être vus de loin, orientés vers les parties mais donc également visibles depuis la salle… Ici, et durant tout le procès, aucune photo ne sera montrée au public. [↩]
- Difficile une nouvelle fois de ne pas faire le parallèle avec l’enfant qu’on met face à ses responsabilités et qui réalise que ce qu’il a fait est mal. [↩]
- Je comprends. Mais, à la décharge de mon confrère, il sait parfaitement, à ce stade des débats, d’une part, que son client est fruste et s’exprime très mal, qu’il aura donc du mal à “en tirer” autre chose ; et, d’autre part, que les charges sont accablantes, et que l’accusé est au pied de l’échafaud… Se lever en hurlant qu’il est encore présumé innocent, à cet instant, est devenu assez compliqué – et pour obtenir quoi..? En écrivant cela, je pensais plus à ce que l’avocat se lève pour demander au président de ne pas “forcer” l’accusé à répondre, car c’est un peu ce qu’il a fait… [↩]
- Avec ce qu’elle a subi, c’est tout bonnement hors-du-commun ! [↩]
- Ce moment marque la fin de l’instruction du procès à l’audience : tout est dit, et, selon la formule rituelle, “les débats sont clos” ; désormais, il n’est plus possible d’entendre aucun témoin, ni de communiquer aucune pièce. [↩]
- Je crois me souvenir que c’est la règle, afin de laisser le dernier mot à la défense avant les délibérations. Ça demeure effectivement le principe, ici comme en correctionnelle (pour les délits) : d’abord la partie civile, puis l’accusation, enfin la défense, en dernier, toujours. Le prévenu, ou l’accusé, aura même, une ultime fois, la parole personnellement, après les réquisitions et plaidoiries. [↩]
- Là, normalement, je suppose que vous vous demandez si ce sera le cas pour l’avocat de la défense, non..? Patience..! Mes confrères, si vous lisez ce texte, souvenez-vous s’il vous plaît qu’il est le reflet du ressenti de l’auteur, sur ce point – et que, ici comme ailleurs, on plait rarement à tout le monde… [↩]
- Qu’est-ce que c’est que ça ? [↩]
- Rappelons seulement que le meurtre est un homicide volontaire, puni de trente ans, tandis que l’assassinat est un meurtre aggravé par la circonstance qu’il a été préparé et conçu avant sa commission, par la préméditation ou le guet-apens, donc, en bonne logique, plus lourdement réprimé (perpétuité). Ici, l’assassinat, ou plutôt sa tentative (c’est à dire le fait de l’avoir voulu, sans y parvenir du fait d’une circonstance extérieure à sa propre volonté), me semble, au delà des menaces précédentes, surtout incontestable du fait des deux temps de l’action : essence d’abord, puis, pas immédiatement, feu – la préméditation peut n’être antérieure que de quelques minutes à l’acte lui-même, qui a ainsi été préparé et mené non pas en quelques secondes et dans un même temps de colère, mais en plusieurs étapes, donc réfléchi, si on peut dire – il a eu le temps et la possibilité de faire marche arrière… [↩]
- A compter de dix ans, en matière de crime, on parle de “réclusion”. [↩]
- Les deux tiers sous forme d’une période de sureté sont obligatoires. Petite erreur, très compréhensible vue la complexité de cette fameuse période de sûreté, qui je le rappelle est la partie “bloquée” d’une peine de réclusion criminelle pendant laquelle le condamné ne bénéficiera d’aucun aménagement de peine, entre autres joyeusetés ; ici, comme indiqué par l’article 221-3 précité qui prévoit et réprime l’assassinat, il faut se référer à l’article 132-23 du code pénal, qui dispose qu’une telle période est automatique en matière d’assassinat, mais que, par défaut, elle est de la moitié de la peine ; c’est par décision spéciale, qu’apparemment on demandait ici à la Cour, que celle-ci peut la porter aux deux-tiers. [↩]
- Un “collègue de cabinet” n’est pas un voisin d’urinoirs, mais un confrère associé. [↩]
- Autrement dit, mon confrère s’est placé dans deux hypothèses, et essaye d’obtenir : d’une part, si la volonté de donner la mort était retenue, qu’alors on la qualifie de tentative de meurtre, et pas de tentative d’assassinat ; mais surtout, d’autre part, en tout état de cause, qu’on ne retienne pas l’intention homicide, auquel cas les faits deviendraient forcément des violences volontaires, ayant je pense entrainé une mutilation ou une infirmité permanente, aggravées par la qualité de concubine de la victime : on passerait alors à un maximum légal encouru de quinze ans, donc à une peine effectivement prononcée forcément moindre. Il pouvait avoir raison en fait, peut-être était-ce la seule volonté réelle de son client, faire mal ; mais la jurisprudence, en revanche,était hostile : asperger quelqu’un d’essence et y mettre le feu, c’est a priori avoir conscience qu’on peut tuer, et c’est donc, juridiquement, le vouloir, en substance. [↩]
- Et en cas d’incendie ? Ils sortiront : la loi est stricte, mais pas à ce point ! Sinon, je remarque que T0rv4ld ne parle pas du moment où l’accusé a obligatoirement, au préalable, eu la parole en dernier ; peut-être n’en a-t-il pas fait usage, mais on la lui a donnée. C’était un oubli de ma part : il avait décidé de ne pas s’exprimer. Moment assez crucial en général, d’ailleurs : quelques phrases, toujours risques de maladresse, comme une ultime tentative d’excuses qu’un client a cru un jour devoir faire à sa victime à cet instant en lui disant : “Je m’excuse du mal que j’ai fait, parce que maintenant ma vie est foutue“… Difficile, quand vous venez de plaider la rédemption et le remord sincères d’un homme – tous mes confrères ont au moins vécu une scène de ce genre, quand ce n’est pas des excuses après une demande d’acquittement ! [↩]
- Celles donc, si les réponses avaient été négatives, des violences volontaires aggravées. [↩]
- Petit raccourci. En fait, l’audience pénale se termine, les jurés sortent, et démarre l’audience civile, très rapide, quelques minutes, où seuls les magistrats professionnels siègent, et qui permet à la victime de demander des sous au désormais condamné, via des conclusions. Sorte d’audience minimale très pénible pour un avocat qui vient de plaider un acquittement, et ne l’a pas obtenu… [↩]
- L’huissier me manquera ! [↩]
- C’est beaucoup et peu à la fois : une fois que l’on y est, on ne voit pas le temps passer. Ce n’est que lorsque notre ventre se met à nous rappeler qu’il est l’heure d’aller manger qu’on se rend compte de la vitesse à laquelle la matinée a défilée. Et ce même si, parfois, certains témoignages (notamment les contre-expertises) donnent l’impression de n’être que des redites des précédents intervenants. [↩]
- Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? [↩]
- Bien pensé ! Articles 248 et suivants du code de procédure pénale. [↩]
- Bonjour le bazar ! Vous allez faire sourire tous les avocats, là, qui ne cessent au contraire de “plaider” entre eux, plus ou moins durement selon leur degré d’amitié ou d’inimitié, en “off”, tant avant l’audience et à chaque pause qu’après..! Voire de devenir de grands amis, ou au contraire, l’un estimant par exemple tel propos outrancier ou déloyal, de se brouiller à vie ! Et on dit parfois que les avocats doivent ne pas s’impliquer. Mais comment faire autrement, vu la force du drame humain soutenu ou défendu..? [↩]
- Vous vous présentez chaque matin en allant au travail, vous ? [↩]
Mô a une vie aussi.
Il nous reviendra quand il pourra.
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Telle est la question... vite une petite réponse pour vos fans! MERCI
Désolé de ces délais, ça a été une année vraiment dense - mais je reviens, vite.
Pffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffff!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Parce que là ce blog je l'envoie en réanimation et choquage là!!
Dernière étape avant le cimetière!!
Sérieusement, on attend, mais ON ESPERE!!
Il y a des Raisonneurs puants qui viennentenvahir votre espace.
Profitez de vos vacances.
Pour limiter les dégâts, je me dois de préciser que toutes mes pensées vont avant tout à la victime. La brûlure généralisée (pas juste se brûler la main avec un fer à repasser) est sûrement l'une des douleurs les plus atroces que l'on puisse ressentir, voire La douleur. Et malgré ça, elle n'est rien comparée à la douleur d'avoir été blessée par la personne qu'elle aimait.
Maintenant, les témoignages sont là, il y a des faits et surtout un jugement. Je ne veux rien remettre en question.
Il reste juste la question du "pourquoi". Ou plutôt : "Quel a été le cheminement intellectuel de l'accusé pendant l'exécution des faits qui lui sont reprochés ?"
Je n'ai pas la prétention de vouloir tout expliquer, j'essaie juste de faire preuve d'empathie et de l'écouter.
Entre ce que dit l'accusé et les faits tels qu'ils se révèlent avoir été dans le procès, il n'y a pas de cohérence. Soit.
Par contre, entre les faits tels qu'ils les a ressentis, ce qu'il a pensé, ce qu'il a fait puis ce qu'il a dit, il y a forcément une cohérence quelque part.
Voici mon ressenti sur l'affaire, autrement dit "voila comment ça aurait pu arriver".
Tout d'abord, deux éléments ont été peu pris en considération à mon goût dans les débats ou du moins dans le récit :
L'accusé est impulsif sous les effets de l'alcool, mais surtout, il est bête. "Simple d'esprit" si on préfère, et je trouve cette image beaucoup plus représentative de la réalité.
Donc voilà. Quand l'accusé boit, il est triste, ça on le sait. Vers 23heures, il voit sa femme ainsi que ses 2 voisins heureux (je sais, je spécule, mais j'imagine qu'ils font des boudins dans une bonne ambiance), alors que lui est triste, et il ne le supporte pas. Alors il joue avec la lumière pour les emm... leur gâcher une part du plaisir en les gênant dans l'activité qu'ils étaient censés faire avec lui. D'autant plus que le motoculteur ne marchait pas "à cause de" ce même voisin. Il y avait une part de profonde injustice dans cette situation. Ils ont eu du plaisir avec sa femme dans la grange, puisque tous 3 étaient heureux. D'où les insultes.
Le lendemain, il se sent mal, il est d'humeur associable. Il repense à ce qui s'est passé la veille, et qui est la base à mon avis du passage à l'acte. Il repense à leur bonheur à tous les trois, à sa tristesse, à l'injustice de la situation, et il s'emporte auprès de sa femme. Pendant qu'elle étend le linge, il repasse dans la grange, parce que vraiment cette histoire le tracasse. Et il tombe sur le motoculteur, qui ne fonctionne toujours pas, et puis un bidon d'essence à côté.
Pourquoi il arrose sa femme, je ne veux pas le dire, mais il a un moment d'arrêt. Mine de rien, il a versé de l'essence sur son t-shirt, il a attendu que sa femme change son t-shirt, et c'est quand elle est revenue éponger l'essence qu'il a mis le feu à la flaque et il semble que l'esprit de la victime ait enregistré les faits avec une précision remarquable : c'est d'abord la flaque qui a pris feu, puis ses vêtements. Le feu, c'est peut-être pas juste le truc qui détruit, c'est aussi le truc qui fait peur : en tant qu'enfant, c'est peut-être ce qui l'avait marqué, plus que les séquelles. Alors il met le feu à la flaque, pour que "ça pète" à la figure de sa femme, pour lui faire peur, parce qu'il est énervé, parce qu'il est en colère après elle, après son voisin... C'est du même niveau que la lumière de la grange la veille.
Sauf que le jean est encore bien imbibé, le soutiens-gorge aussi, et même la peau est encore bien humide d'essence, et tout prend feu. Lui se rend compte trop tard de son geste.
Dans toute la suite, il a un comportement de fuite, mais à part la puérilité de son attitude, ce n'est pas trop ça qui est important : Je voulais surtout en arriver au fait qu'il n'y a peut-être pas eu dans l'esprit de l'accusé une quelconque préméditation. Tout simplement parce qu'il faut quand même un certain calcul. Et qu'il est bête.
Cela n'excuse rien, les faits sont là et c'est affreux ce qu'il a fait. Il en a conscience, trop tard certes, et pour la suite il y a des lois à appliquer. Et puis je vois mal la défense plaider la "tentative de meurtre involontaire avec ou sans préméditation selon dans quel sens on prend l'affaire"... Hum.
Humour noir mis à part, j'ai pu juxtaposer des choses évidentes et d'autres farfelues, d'accoler des faits et de la pure spéculation. En romançant les choses avec le talent du maître de ces lieux (hop des fleurs !) et avec son diplôme, j'eus acquis plus de crédit dans mes discours. C'est juste mon ressenti de l'affaire.
PS : piquer les gens bêtes parce qu'ils font des choses nuisibles pour la société, mais ça serait horrible ! Jamais les cimetières ne seront assez grands pour 6 milliards d'individus d'un seul coup ! Et puis je n'ai pas envie d'être piqué non plus.
Je trouve votre réponse à la "piqure" bien plus pertinente que la mienne.
Je me suis laissée emporter par l'indignation.