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Môktoub

Hier, j’ai rêvé à  une histoire rigolote, celle d’un garçon qui commettrait parfois des bêtises1, qui serait très mauvais dans son domaine, puisqu’il se ferait prendre régulièrement, mais qui, inexplicablement, aurait une chance incroyable, à  chaque fois…

Précisément, j’ai dû rêver -je pense que c’était un rêve, parce qu’autant de chance, ça n’existe pas, en principe- que j’assistais, hier donc, toute l’après-midi et une bonne partie de la soirée, l’un de mes clients fétiches2,et qu’il s’agissait de la deuxième fois où il risquait l’emprisonnement dans le même dossier, et la sixième fois en tout dans sa pourtant relativement courte vie -et dans mon rêve, je me disais que cette fois-ci, je pourrais toujours me rouler par terre devant ses juges, ou bien me planter une orchidée dans le rectum pour les faire rire, le résultat serait le même : cette fois, il dormirait en prison…

Ce garçon -qu’au petit bonheur… La chance (encore que lui parle plus volontiers de destin, d’où le titre), je vais nommer Merco, qui a par ailleurs et déjà  la double chance insolente d’être beau comme un dieu et d’avoir une femme3 magnifiquement belle, elle aussi4, a donc parfois, bien malgré lui et à  la suite de tas de hasards et de concours de circonstances tous plus malheureux les uns que les autres, été impliqué dans quatre affaires différentes avant celle-ci, le destin, donc, ou ces coïncidences de la vie qui nous surprennent tant, parfois, ayant voulu qu’il se soit à  chaque fois agi de faits relatifs à  des voitures plus ou moins de grandes marques…

Il a, je ne dis pas ça parce que je suis son avocat (n’hésitez quand même pas à  me contacter par mail), à  chaque fois échappé à  la prison.

Et voilà  que survient dans sa vie ce cinquième dossier, il y a quelques mois, de loin le plus lourd puisque, pour de futiles prétextes juridiques totalement abscons, il se trouve soudain impliqué dans un dossier d’instruction de cinq tomes, ouvert au criminel…

Il est interpellé, placé en garde à  vue -nous sommes dans le cadre de l’un de ces magnifiques régimes dérogatoires qui vont lui permettre d’y rester trois jours sans avocat (je vais d’ailleurs prochainement soulever la nullité de la procédure sur le fondement de la jurisprudence CEDH qui secoue tant nos prétoires ces temps-ci, avec lui je ne risque rien, on va forcément tout annuler, ce gamin est un porte-bonheur à  lui tout seul) – puis transféré au Palais de Justice, après que quelqu’un de mon cabinet l’a vu trente minutes inutilement sauf pour lui filer une clope à  travers l’hygiaphone du parloir sans savoir de quoi on parlait rencontré sereinement et utilement conseillé, peu avant la fin d’icelle garde à  vue, où je l’assiste, en ayant enfin accès à  la procédure, pour son interrogatoire de première comparution, et pour, surtout, qu’il soit statué sur son sort, successivement par le juge d’instruction, puis le cas échéant le juge des libertés et de la détention, je ne détaille pas, vous connaissez ça à  fond, maintenant que vous me lisez lisez Eolas.

Ce que c’est que l’âge, tout de même : c’est en tapant ce texte que je m’aperçois que je radote complètement, puisque je vous avais brièvement parlé de cette affaire dans ce précédent papier -c’est fou, quand même, des mois avant un rêve, d’en avoir déjà  raconté une partie…

Bref, il avait déjà  eu de la chance, à  l’époque, puisque, malgré le caractère du dossier, le nombre de faits allégués et le nombre de personnes suspectées, il n’avait finalement pas été placé en détention provisoire, mais simplement soumis à  un contrôle judiciaire assez strict, le juge d’instruction n’ayant pas saisi le juge des libertés et de la détention pour qu’il soit emprisonné, malgré les réquisitions contraires du procureur.

Je dis qu’il avait eu de la chance car j’étais disponible, d’abord, bien sûr, mais également parce qu’il avait eu affaire à  un juge humain et accessible, qui avait bien voulu tenir compte de ses garanties de représentation notamment, et c’est loin d’être toujours le cas; et parce que, enfin, déjà  à  l’époque, son audition avait été l’objet d’un incident qui, selon moi, avait en partie joué dans la décision du magistrat : la substitute du parquet5 en charge ce jour-là  de défendre l’incarcération6 de mon camarade, lors du futur débat devant le juge des libertés, était particulièrement impatiente.

Comme j’avais conseillé à  Renault de choisir de répondre7 aux questions du juge (dès qu’il y a un espoir tangible de remise en liberté, c’est je crois le choix à  faire, rien à  cacher), son audition durait évidemment un temps certain.

Là -dessus, notre Accusatrice Publique Pressée avait tout à  coup ouvert à  la volée la porte du cabinet d’instruction, au beau milieu de l’audition, en demandant en criant s’il y en avait “encore pour longtemps, non parce qu’on est vendredi, on poireaute depuis trois heures, le JLD aimerait bien être fixé, ça commence à  bien faire…” !

Les praticiens apprécieront : non seulement ce genre d’irruption n’est, vraiment, pas prévue dans les textes, mais en plus elle ne figure pas non plus dans les manuels de courtoisie -et pour tout dire, elle était assez sidérante, bien qu’étant le fait d’une magistrate particulièrement coutumière de ce type d’exactions8 .

Pendant que votre serviteur ouvrait des yeux ronds, pour une fois à  court de réplique cinglante, tant l’incident était incongru, et que son client se demandait tout à  coup si on n’allait pas le pendre à  un arbre dans la foulée, il s’ensuivait un bref échange pour le moins lapidaire entre le magistrat interrompu et l’impromptue parquetière, au terme duquel en résumé il la sommait de dégager et d’aller prendre des cours de politesse, et elle le sommait de se magner le train et de prendre des cours d’efficacité-dans-un-dossier-où-de-toute-façon-prison-il-y-aurait, et il lui répondait qu’il faudrait d’abord qu’il saisisse le JLD et que ce n’était pas ses réquisitions-type-mal-torchées qui allaient le convaincre (je résume, évidemment, et en rajoute, mais à  peine, juste le soupçon d’exagération propres aux défenseurs -j’édulcore, en revanche, certains enfants me lisent…).

Une fois celle-ci enfin repartie, non sans dégonder la porte tant elle la claquait violemment, je ne vous cache pas que le juge d’instruction était devenu un peu nerveux, et que j’ai même pensé pendant quelques secondes que j’allais être témoin d’un incesto-magistraticide (meurtre commis dans la magistrature par un collatéral, aggravé par la circonstance que l’auteur est une juge du siège et la victime un membre du parquet)9

Bref, je n’ai pas su si cet incident avait joué, mais le fait est qu’à  la fin de l’audition, le juge ne saisissait pas le JLD, refusant donc de suivre les réquisitions écrites, et plaçait Béhemdoublevé sous contrôle judiciaire.

J’estimais donc qu’il avait de la chance, ce dont je ne manquais pas de lui faire part à  l’époque, en l’adjurant de respecter à  la lettre ses obligations nouvelles, nombreuses (caution, travail, pointage hebdomadaire, ne rencontrer aucun des co-mis en examens, ne pas sortir du Nord, ne pas travailler dans un garage,  etc…), faute de quoi il serait incarcéré, sans que ni moi, ni le Pape, ni même Gilbert Collard ne puissions rien y faire…

Je vous le disais, cependant, il existe des coïncidences qui laissent parfois penser que le Grand Ordonnateur existe, et qu’il s’amuse bien, sans que mon client n’y soit pour rien -je ne sais plus si je vous l’ai dit, mais il est innocent, de tout. A chaque fois.

Voilà  en effet que dix jours après, très exactement, son épouse m’informait que Porsche aurait désormais quelques difficultés à  respecter ses obligations de contrôle judiciaire : il s’était fait interpeller en Belgique, passager d’un véhicule de luxe conduit par son frère, volé10,et que la Maréchaussée belge n’avait pas eu trop de mal à  identifier, puisque ce même véhicule s’était encastré dans son fourgon !

J’ai en toute circonstance le sens de la formule, et je m’exclamai : “Putain ! C’est pas vrai, quel con !”.

Mais si, tout ceci a beau être un rêve, c’était vrai, et, ainsi placé devant le fait accompli, de façon particulièrement somptueuse, dirais-je, je ne pus que me résoudre à  informer le juge d’instruction, qui l’eût très vite été de toute façon, de l’infortune de ce garçon, auquel bien entendu je continuais à  croire, il s’agit de l’un de mes rares clients payants, qui une fois encore se retrouvait dans une affaire dans laquelle il n’était pour rien “Euh, non, Monsieur le Juge, je ne m’explique pas encore comment il a pu passer la frontière assis dans une voiture volée dont le conducteur allait foncer sur un fourgon de policiers dans la nuit, mais je crois me souvenir qu’il souffre parfois de somnambulisme, c’est peut-être un début de piste”

Le magistrat prit note de l’information, et, avec un petit air étrange, qui je crois était un composite entre la nette impression de s’être fait avoir dix jours plus tôt et la farouche détermination de ne pas renouveler l’expérience, m’annonça qu’il lancerait un mandat d’arrêt européen, et que j’aurais cette fois beaucoup de mal à  le convaincre de ne pas emprisonner VolksWagen dès sa sortie de prison belge.

Je fis semblant de ne pas comprendre sa colère (Puisqu’il faisait semblant de ne pas comprendre que je faisais semblant de penser qu’il n’y était pour rien, vous comprenez ? Oui, les relations entre magistrats et avocats sont tout à  la fois d’une rare subtilité, et d’une transparence absolue…)  et attendis donc qu’on libérât mon galopin, outre Quiévrain11 .

Beau pays que la Belgique : on y révise systématiquement, tous les mois, devant une chambre spéciale, la situation des détenus, et mon confrère belge m’apprit, au fil des quatre mois qu’il allait finalement falloir pour qu’il soit libéré là -bas et ramené en France, que notre client “devrrrait déjo êtrrr librrr depuye le prrremier mois, sais-tu, ouiye, le dossier n’est pas grrrove pourrr luye, ouiye, il n’était que passager, alleaï, qu’en peut-il, mais du faite du mandat, le Procurreurrr du Rrrroy et les policiers belges recherrrchent dans tous les autrrres faites pas rrrésolus, comprrrends-tu, c’est ça qui frrreine…”12 .

Bref, il était libéré il y a quelques jours, maintenu cependant en détention sur place jusqu’à  avant-hier, comme la loi13 le permet, puis remis aux autorités françaises mercredi vers 14 heures trente, lesquelles autorités, en l’occurrence deux policiers, l’amenaient devant un procureur à  Lille vers 15 heures, qui l’envoyait en maison d’arrêt, sans le moindre débat, jusqu’à  sa comparution devant le juge d’instruction pour que celui-ci, comme la première fois, décide ou pas de demander au juge des libertés et de la détention de l’embastiller14, c’est ici encore la loi, et on n’y peut rien -vous noterez qu’il demeure présumé innocent, d’ailleurs des deux côtés de la frontière et dans les deux dossiers, mais bon, on ne va pas s’énerver un vendredi…

Ainsi fut donc fait, et, si vous avez lu attentivement le paragraphe précédent, et êtes féru de défense de la liberté individuelle, vous vous êtes nécessairement dit, à  ce stade : “détenu jusqu’à  sa comparution devant le juge”, mais comment, alors comme ça le juge peut le voir quand il veut, et l’autre reste au trou en attendant ?”

Je vous reconnais bien là  : que nenni, a dit le Législateur, dont on sait toute la clairvoyance sur des sujets aussi sensibles : un article du code de procédure pénale a prévu le cas, n’allez pas croire qu’on fait tous ce qu’on veut et que l’incurie règne à  tous les étages, il y a encore deux ou trois bastions protecteurs comme celui-là  dans les centaines d’articles dont les deux tiers d’incompréhensibles de ce même code…

L’article 126, donc, dispose, court et net : “Toute personne arrêtée en vertu d’un mandat d’amener, qui a été retenue pendant plus de vingt-quatre heures sans avoir été interrogée, est considérée comme arbitrairement détenue.”

Il dit même ensuite en substance que les magistrats qui violeraient ce texte pourraient aller en prison -et il s’applique bien, en vertu d’un autre texte, au mandat d’arrêt.

Pourquoi je vous dis ça, alors que je l’ai assisté hier jeudi, et qu’il avait été présenté au parquet et écroué mercredi après-midi ? Pour rien, pour rien, juste pour vous apprendre un truc…

Bref, le magistrat me convoquait donc hier pour l’audition de mon client, à  quatorze heures trente -quatorze heures initialement, mais je devais plaider un divorce à  la même heure et lui avait demandé de décaler un peu, ce qu’il m’avait accordé sans problème -après tout, moi, je n’ai qu’une voiture, et je l’ai payée, et en plus elle ne marche plus, rien de suspect, bref…

Comme il m’arrive d’être sérieux, quand vraiment je ne peux plus faire autrement, je consultai le dossier le matin même entre deux audiences, et y recherchai désespérément une nullité valable, aussi bien dans la procédure belge que française -parce que sur le fond, vous voyez, je n’aime pas trop le reconnaître mais là  on est entre nous, je manquais un tout petit peu d’arguments pour espérer sortir une nouvelle fois Audiquatro de la panade…

C’est ce que j’expliquai également à  toute la famille, venue catastrophée, briser les noisettes toute l’après-midi (de l’avocat) et en soutien moral potentiel (du  mis en examen).

Je rendais en fin de matinée son dossier au magistrat, fort marri de n’y avoir point trouvé la moindre miette procédurale exploitable, et me demandant bien ce que j’allais raconter tout à  l’heure, pendant qu’il me dédiait un de ces petits sourires sardoniques dont les magistrats ont le secret, et qui signifie en substance : “Cher Maître, vous l’avez dans le cul, vous avez vu ?”15

Il m’indiquait juste qu’une collègue étant souffrante, j’allais avoir tout le temps pour mon audience de divorce, puisqu’il devrait d’abord lui-même la remplacer à  l’audience où elle était initialement prévue, et n’en sortirait qu’à  seize heures : rendez-vous était pris pour démarrer l’audition à  cette heure-là , et je sortais du Palais avec le moral à  zéro -très sérieusement et quoi qu’ait commis ou pas JaguarXK8, rencontrer un homme encore “libre”, si peu que ce soit, dont on sait qu’il entrera dans le Grand Pourrissoir quelques heures à  peine plus tard, sans même un caleçon de rechange, et avec peut-être, pour tout bagage, le droit d’embrasser sa femme, si l’escorte est sympa, me remplit, à  chaque fois, d’une sorte de terreur froide, je ne sais pas si l’expression est parlante, mais elle est vraie.

Vous avez probablement déjà  compris d’où allait venir, dans mon rêve, le fait que je trouve que SLK500 a le cul bordé de nouilles tellement énormes qu’elles en deviennent inhumaines ? Moi, tout à  mon stress, il m’a fallu une bonne demi-heure pour tilter.

Mais ça me laissait encore quelques heures pour m’assurer de la chose, en faisant fumer tout ce que les ressources du cabinet et celles de mon Ordre comptent de moteurs de recherche jurisprudentiels pour être bien certain de ne pas me tromper.

L’audition démarrait à  seize heures quinze exactement, après que j’ai longuement parlé à  Maserati, dans le blanc des yeux, en tachant de lui ré-expliquer par le menu toute sa bêtise, et en lui disant à  quel point ce qu’il croyait savoir était vrai : il allait au trou, tout à  l’heure, il avait joué, il avait perdu, et à  moins d’un énorme miracle… Oui, c’est sans doute moralement critiquable, mais si j’entretenais désormais quelqu’espoir d’une issue autre, il ne l’a pas su immédiatement -un jour, on comprendra, le “on” en question étant le bouffeur d’avocat standard, tout le rôle pédagogique que nous exerçons, aussi, auprès des personnes, sans lequel si vous voulez mon avis l’équilibre de la Justice serait une vaste plaisanterie, et les Palais brûlés depuis longtemps -rien à  voir évidemment avec le fait qu’inconsciemment, le faire marner me semblait une juste compensation. Ni avec le fait que dans ce bas monde judiciaire, tant qu’on n’a pas la décision en mains, on n’est jamais sûr de rien…

A seize heures seize, j’indiquai au magistrat instructeur, “off” car je suis courtois, que je pensais que Twingodiésel était en détention arbitraire depuis exactement une heure et seize minutes, au bas mot -et qu’évidemment, j’allais lui en parler, “on”, et plus encore au JLD s’il le saisissait quand même.

Encore un mot de droit, ça a beau être aussi attrayant qu’un Chant de Joie pendant une messe de mariage, on est bien obligé de s’y référer un peu : dans beaucoup de domaines similaires, la jurisprudence a considéré qu’on n’était pas à  quelques heures près, en substance -c’est notamment le cas à  l’issue des gardes à  vue, lorsque la personne n’y est plus, étant amenée au Palais, mais qu’elle glande, parfois pendant des heures, en attendant d’être jugée par le Tribunal. Dans ces cas, qu’on soit d’accord ou pas, d’éminents juristes ont décidé que même si la garde à  vue était terminée, qu’on était allé au bout de sa durée maximale, du moment que la personne était “à  la disposition de la Justice” dans le délai légal, alors on ne pouvait tirer parti du fait qu’elle était en réalité encore retenue de force, au Palais, dans l’attente de sa comparution effective, que ce délai n’entrait dans aucun délai légal -bref, ces magistrats ont décidé une fois pour toutes que les textes pouvaient “coulisser” en fonction de la pauvreté de leurs moyens, se tirant ainsi eux-mêmes des chargeurs complets de balles dans les pieds, mais ma foi, personne ne les y forçait, on leur demandait même l’inverse…

Sauf que pour le mandat d’arrêt, ça viendra peut-être, mais ils n’ont pas encore osé.

Les “vingt-quatre heures” du texte sont vingt-quatre heures, pas une minute de plus -à  la fois je suppose parce que les délais applicables aux mandats d’arrêts européens sont eux aussi strictement interprétés, et parce qu’il s’agit d’un des très rares cas de détention, tout de même, qui est ordonnée sans débat, sans avocat, et automatiquement, dans le seul et unique but de permettre au juge du siège de s’organiser -et qu’on a dû accepter de considérer que  les contraintes de l’organisation matérielle d’une journée complète de magistrat ne valaient pas deux minutes de privation de liberté “de confort”, louée soit la Judiciaire Raison, si absente de nos textes ces derniers temps…

Bref, on compte d’heure à  heure, c’est ainsi, et c’est bien.

J’ignore si le juge d’instruction a oublié cet élément, à  la faveur du remplacement impromptu qu’on lui demandait d’effectuer, ou bien l’a négligé délibérément en considérant que c’était l’heure d’arrivée de ChryslerVoyager au Palais, vers quatorze heures le jour-même, son “heure de mise à  disposition de la Justice”, qui valait heure d’interruption du délai précité -dans les deux cas, je ne lui en veux pas.

J’ignore s’il m’a répondu que je disais n’importe quoi et que c’était son heure de convocation qui comptait parce qu’il le pensait, ou parce qu’il savait que j’avais raison et était en colère -dans les deux cas, je ne lui en veux pas.

Toujours est-il qu’après une brève audition, portant uniquement sur le fait de savoir si LamborghiniKountach16 avait conscience d’avoir bien violé son contrôle judiciaire, brève, l’audition, mais, comment dirais-je, assez tendue, le magistrat saisissait néanmoins le juge des libertés et de la détention, malgré une brillante plaidoirie de votre avocat préféré, d’environ vingt secondes sur le fond (“L’a pas fait exprès l’est jeune”) et de dix minutes sur la forme (“Droits de l’homme, de la femme, de l’alien, droit d’aînesse, droit devant, arbitraire, abusif, Révolution Française,  “Les petits abandons entraînent les grands”, Gandhi,, Justice, justesse, Dura Lex, that’s life, “un de perdu…”, baux ruraux, drapeau tricolore, noblesse de nos robes, etc…”)   – à  mon grand dam, mais nous n’avons, nous autres, avocats omnipotents, strictement aucun recours immédiat contre ce type de décision, à  ce stade.

Après quatre heures d’attente supplémentaires, il y avait du monde au JLD hier, toujours cette délinquance dont les chiffres sont en chute libre, donc quatre heures de détention arbitraire de plus pour Batmobile17, sans parler de mes honoraires, ce qui devait, tout de même, arriver, arriva : le JLD sortit, nous confirma à  moi et à  la représentante du parquet qu’une “difficulté procédurale” faisait que le débat serait nettement plus court que les débats habituels, et ledit débat eut lieu, rapide effectivement, puisqu’elle18 souleva le problème d’office, directement, en indiquant que Simca1000ouimaisdecollection était en détention arbitraire depuis quinze heures GMT, et qu’elle n’entendait dans ces conditions pas l’incarcérer.

Force restant à  la loi, le parquet s’en rapportait sagement à  celle-ci, et je prenais la parole en dernier pour effectuer l’une des plus courtes plaidoiries de ma carrière : “Pas mieux !”19 .

C’est ainsi que Patinsà roulettes (car, je l’espère, tel est son nom désormais, ayant tout de même subi cette très, très longue journée, précédée de quatre mois de détention, oui, j’espère qu’il a un peu compris, désormais…) est parti, hier soir, effectuer sa levée d’écrou, puis est ressorti immédiatement de maison d’arrêt, et a retrouvé, dans la nuit et le froid, son épouse, et son fils, qu’il n’avait pas vus en homme libre depuis tout ce temps.

C’est ainsi, sur ce concours de circonstances dont je n’ose pas calculer les chances théoriques qu’il avait de survenir, qu’il m’a définitivement démontré qu’il était, malgré tout, un chançard absolu, le genre de type à  qui il ne peut finalement jamais rien arriver de grave, un homme qui attire, par lui-même, les circonstances favorables, dans n’importe quelle situation -bref, quelqu’un qui ne peut pas exister, sauf dans un rêve…

Ah, oui, c’est anecdotique, mais tout de même, à  propos de concours de circonstances qui fait réfléchir, je trouve, aux conjugaisons des trames de la vie, à  leur improbabilité, et au fait que de temps à  autre, il en arrive d’énormes : en admettant que, par extraordinaire, l’avocat de notre homme, dans la vraie vie, ait commis l’erreur notable d’épouser une magistrate -je sais, c’est déjà  en soi peu probable, mais enfin, admettons…

Combien de chances, à  votre avis, que ce soit elle qui soit justement souffrante ce jour-là , et qu’il s’agisse d’un jour où elle était de service pour une audience correctionnelle, alors que ce n’est pas son domaine habituel, et que le magistrat choisi pour la remplacer soit justement celui devant lequel le client dudit avocat doit comparaître, dans une grosse juridiction comme celle de Lille ?

Mektoub.

  1. Lorsque c’est un pénaleux qui utilise ce terme, traduisez : “des actes criminels lourdement répréhensibles” ! []
  2. Déjà , lorsqu’un pénaleux qualifie un client de cette façon, vous êtes en droit de penser récidive… []
  3. A propos, ou plutôt rien à  voir, mais j’en ris encore, mon vieil ami Hugo Renard vient de m’appeler, il se réveillait tout juste car c’est un artiste, pour me narrer la blague suivante, que je vous offre pour le weekend : “Pourquoi les femmes se maquillent-elles et se mettent-elles du parfum ? Parce qu’elles sont moches et qu’elles puent.” Voilà , remarquable, merci Hugo ! []
  4. Chance dont je croyais jusqu’ici être l’unique bénéficiaire… []
  5. Je sais parfaitement que c’est laid et que ça ne s’écrit pas ainsi, mais je mène ma guerre contre la stupidissime féminisation des mots à  outrance, laissez-moi tranquille ! []
  6. ??? Ben oui, il y a des métiers plus hideux que d’autres… []
  7. Allez, un rappel pour ceux qui ne lisent Eolas que sur Twitter : il avait le choix de se taire, de faire des déclarations spontanées, ou de répondre aux questions. []
  8. Si d’aventure elle perd son temps à  lire -pardon, à  lire des blogs, voulais-je dire, je la salue en souriant -comme dans la vraie vie ! []
  9. Note aux Élus qui lisent ce blog par centaines, je le sais j’ai les adresses IP : il est totalement inutile de voter une loi comportant la “surqualification” de “magistraticide” pour un meurtre, il y a peu de victimes, et elles ne réclament rien, merci pour elles. []
  10. Le véhicule, pas le frère []
  11. On dit comme ça “Belgique”, quant on veut se la péter dans le Nord []
  12. Je fais bien l’accent belge, hein ? En même temps je me moque, mais moi, à  part trois insultes, je ne parle pas le flamand, heureusement que lui était bilingue… []
  13. Scandaleuse, mais c’est la loi en matière de mandats d’arrêt européens, ça peut durer dix jours -particulièrement scandaleuse lorsque comme ici il s’agit de deux pays frontaliers, et que donc les maisons d’arrêt respectives sont distantes de soixante kilomètres à  vol d’oiseau, mais passons… []
  14. Gros suspense ! Le juge est furax, mon client a violé son contrôle judiciaire, et il a lancé un mandat d’arrêt contre lui, on se demande bien s’il a envie de le faire emprisonner, hein ? []
  15. J’ai horreur de la vulgarité, mais enfin faut reconnaître qu’elle fait gagner du temps ! []
  16. Je m’épuise sur les noms de bagnoles chères que je connais, il se peut que je les écorche, je prie les éventuels connaisseurs de bien vouloir m’en excuser… []
  17. C’est vraiment la fin… []
  18. “Le” JLD était une femme, mais, dans ma grande croisade contre la féminisation stupide des mots-pas-faits-pour, je refuse d’écrire “La JLD”, ça fait souillon, ça fait “La Marie”, mais pas comme l’autre Vénérée Rédactrice de ce blog, non, comme dans les chansons paillardes ou les vieux films grivois… []
  19. La plus courte ayant été “Innocent !”, suivi d’un claquage-de-dossier-sur-comptoir dont la présidente, qui venait de me demander d’être bref, se souvient probablement. Relaxe. A méditer… []