Kader est d’accord…

ACTE II, Scène Unique : Veille de fin de garde à  vue, aux alentours de 17 heures, en mon cabinet.

Une famille éplorée, sœurs, frères et épouse de mon futur client, m’explique que les deux gars dont je vous parlais à  l’instant sont en garde à  vue, que les policiers ont été sympas et lui ont à  peu près dit de quoi il retournait, le braquage d’un commerce, reconnu par ses auteurs, et qu’ils sont tous catastrophés et ne comprennent pas : Kader, appelons-le ainsi, à  part une bêtise une seule fois, n’a jamais rien fait de mal, c’est un gentil, il fait uniquement du sport, ne traîne pas au Quartier, ne boit pas, ne fume pas, ne se drogue pas, c’est un drame, d’autant plus terrible que son épouse est enceinte de quelques mois …

Ils souhaitent que je le défende demain, puisque les policiers ont également bien voulu leur indiquer que ça se passerait demain, ce qui est conforme aux dispositions légales régissant la garde à  vue, leur confirmé-je, puisque la sienne, une fois renouvelée, arrive à  expiration demain midi, et j’accepte, évidemment, très sensibilisé notamment par leur détresse -ainsi bien sûr que par la spontanéité de leur offre de règlement immédiat d’une modeste provision.

Il existe, pénalement comme dans les faits, un tas de vols, tous prévus et réprimés par les articles 311-1 et suivants du Code Pénal, où ils se classent du moins au plus grave, et ça va du vol simple (3 ans), aggravé par l’une des circonstances prévues par l’article 311-4 (cinq ans), deux de ces circonstances (sept ans) ou trois (dix ans), en passant par certains vols spécifiques (sept ans), ou commis avec des violences aux conséquences plus ou moins graves (sept et dix ans), qui sont tous des délits ; au vol de nature criminelle, c’est à  dire soit commis avec des violences aux conséquences très lourdes (quinze ans), soit, c’est notre cas et c’est l’article 311-8, commis avec arme (vingt ans) (soit encore pour être totalement complet commis en bande organisée avec plus ou moins de circonstances aggravantes (de quinze à  trente ans), et enfin le vol commis avec des violences ayant entraîné la mort ou avec tortures et actes de barbarie (perpétuité) ).

Comme j’oublie parfois d’être uniquement attendri, en rendez-vous, et que l’exposé de la dure réalité judiciaire fait partie du boulot, je leur explique donc que si ce que les policiers leur ont dit est vrai, et je n’ai pas de raison d’en douter, d’autant moins que la presse locale s’est fait l’écho et du braquage, et de l’interpellation des deux auteurs, il s’agit d’un vol avec arme, autrement dit de faits de nature criminelle : le parquet, demain, lorsqu’il devra prendre une décision quant aux suites judiciaires de l’affaire, n’aura d’autre choix que d’en saisir un juge d’instruction, puisque comme vous le savez tous l’instruction est obligatoire en matière de crime -pour l’instant encore, en tout cas, merci Thémis.

Ce qui, poursuis-je1, entraîne différentes conséquences : demain, on ouvre une enquête plus complète, Kader ne sera pas jugé tout de suite, il sera présenté à  un magistrat, puis on se verra, et j’aurai alors accès au dossier, puis il sera mis en examen par un juge d’instruction, puis, surtout, se posera la question de savoir ce qu’on fera de lui immédiatement après, c’est-à -dire celle de la liberté ou du placement en détention -et c’est évidemment tout l’enjeu, pour la famille de Kader, dans l’immédiat …

Je leur explique que l’éventuel placement en détention provisoire obéit à  un certain nombre de critères, dont je pressens évidemment et sans avoir besoin d’être un grand avocat que celui du trouble à  l’ordre public va nous ennuyer, tant à  raison du fait que les braquages en tous genres sont très à  la mode ces derniers temps, que de la gravité intrinsèque des faits, évidemment, que de l’existence de victimes choquées, que de la presse ayant entouré ce méfait 2 -étant probable qu’il sera difficile à  un Juge des Libertés et de la Détention de renvoyer quelqu’un chez lui juste après avoir braqué les employés d’un commerce, et d’adresser ainsi un signal un peu moyen aux dizaines de jeunes idiots qui pourraient avoir le même genre d’idées …

C’est une famille en détresse, mais qui en conserve son intelligence, et comprend le problème.

En revanche, on peut tout faire pour renforcer le dossier de personnalité, et même atténuer un peu la portée de ce critère, le seul à  vrai dire qui me saute aux yeux pour l’instant : les éventuels autres (nouveau lien car texte fondamental, l’une des essences mêmes du métier d’avocat) sont principalement la conservation des preuves, et on a déjà  tout ; les risques de pressions sur les témoins ou victimes, inexistants si les faits sont reconnus ; le risque de réitération, qui me semble faible si la vie habituelle de Kader est celle que sa famille me décrit, la quasi-absence d’antécédents plaidant plutôt pour cette faiblesse, de même que la frayeur qu’ils -paradoxalement- se sont fait -et ils n’avaient qu’une arme, qui non seulement est un pistolet de Paintball, mais s’avèrera être non-approvisionnée et hors-service, et seraient bien en peine de s’en procurer une autre ; sa propre protection, ici inutile ; et le risque de fuite, qui est carrément nul : Kader n’est pas un bandit et n’a nulle part où aller, non plus qu’une filière d’exfiltration3 à  sa disposition, toute sa vie est ici …

Donc, la famille peut-elle, d’ici à  demain, m’amener tout, en vrac, les justificatifs de domicile et de revenus de l’épouse, une attestation d’hébergement le plus loin possible4, une promesse d’embauche si libération, des attestations de moralité en pagaille, en provenance du sport et des anciens employeurs, les justificatifs de la grossesse de Madame, éventuellement en plus la copie du précédent jugement5, ses précédents contrats de travail …?

Ils m’affirment que oui, notent tout, me remercient, et partent courir leur marathon personnel, celui qui va consister à  me rassembler tous ces éléments en douze heures, tandis que le mien démarre, plutôt un petit prologue, d’abord téléphoniquement.

Il est maintenant près de 19 heures, je n’ai plus aucune chance d’obtenir l’information du nom du juge de permanence demain ou de m’organiser avec lui, ç’aurait peut-être pu plus tôt, mais là  le Palais est presque vide. On verra demain matin.

J’appelle les policiers concernés, qui me confirment à  peu près ce que je savais déjà , très gentiment d’ailleurs puisqu’ils ne me connaissent pas6 et que Kader n’a désigné personne, ne connaissant aucun avocat. En revanche, ils savaient que la famille allait en contacter un, et ils acceptent, encore plus gentiment7, de prévenir Kader que je vais le défendre, à  la demande de sa famille, et que je le retrouverai demain, au Palais. Ils me confirment qu’il y sera présenté demain à  onze heures, et l’ouverture d’une information judiciaire.

J’appelle ensuite le portable du Coordinateur Pénal de permanence8, à  la fois pour le prévenir de ce qu’il n’aura pas à  s’occuper de ce dossier-là , et pour lui demander en revanche de s’assurer de ma désignation par Kader lors de l’un de ses nombreux allers-retours aux geôles du Palais, demain -les policiers l’ont en principe déjà  fait, mais la gentillesse n’implique pas la confiance absolue, laquelle n’exclut  de toute façon pas le le contrôle.

Je souligne auprès de mes lecteurs chéris à  cet instant l’importance vitale du “off” en matière pénale : dans les textes, seul Kader peut désigner un avocat, et s’il n’en connaît pas, ce sera le permanent Palais, comme d’ailleurs il a du coup eu la visite du permanent Garde à  vue … On doit souvent bien plus à  la bonne volonté de chaque acteur qu’aux textes, lorsqu’on veut construire quelque chose d’efficace, en termes de défense, dans un temps très bref …

Enfin, j’ai plusieurs rendez-vous demain qu’en l’absence de ma collaboratrice, qui aura la joie d’assurer mes autres audiences, il faudra faire sauter ou pas, en fonction de l’heure à  laquelle le magistrat instructeur prendra effectivement le dossier : ici encore, on verra demain.

  1. Qu’est-ce que c’est laid, “poursuis-je”, tellement que ça ne doit pas être ça. “Poursuivais-je”, peut-être ? Ben non, j’étais au présent en début de paragraphe précédent, concordance des temps m’a dit mon père ce week-end en m’expliquant que mon petit article BDesque “Oph, t’as l’Mô  !” était truffé d’incorrections, merci papa, c’est si bon le soutien familial … Ah là  là , qu’est-ce que ça me fatigue, tout ça… []
  2. Même si en principe ce dernier point n’a plus d’efficacité à  lui seul, l’article 144 du code de procédure pénale l’excluant []
  3. Dans la série des visa de critères qui m’agacent au plus haut point, et à  part le trouble à  l’ordre public, qui est évident à  chaque infraction commise, faute de quoi elle ne serait pas une infraction, il y a le risque de fuite, appliqué à  un primo-délinquant qui n’est pas un bandit : allez-y, interrogez vous, si vous deviez fuir la police française, demain, vous feriez comment, sans argent, sans relations, sans faux-papiers, et avec toute votre famille habitant votre ville …? []
  4. Ça, c’est pour ce fameux trouble à  l’ordre public : le faire rentrer dans sa rue habituelle aurait été compliqué, mais loin et où personne ne sait ni qui il est, ni ce qu’il a fait, peut-être … “Sa grande sœur, Eolhaz, habite Paris, elle l’hébergera ?” Génial … []
  5. Demain je n’aurai que le casier, qui ne dira que peu de quoi il s’agissait, ils savent qu’il n’a été condamné qu’à  une peine de sursis simple, mais pas trop pourquoi, “recel de vol je crois” me dit le frère -et ça peut être important, notamment pour la récidive, donc c’est une précaution utile, ça se vérifiera : le casier mentionne seulement “6 mois avec sursis, vol aggravé par deux circonstances”, ce qui pouvait laisser planer un doute -il était en fait à  l’époque rentré avec un groupe dans un garage, réunion et effraction, mais pas bien grave, mais encore fallait-il le savoir, le dossier de ce précédent ne figurant pas à  la procédure … []
  6. Sauf de réputation, évidemment ! []
  7. Et ça arrive souvent, heureusement, alors que la Loi ne prévoit absolument pas cette possibilité … []
  8. L’avocat de Lille qui se colle demain tout ce qui ressort des urgences pénales, comparutions immédiates, nouvelles affaires à  l’instruction, présentations sur commissions rogatoires … Il est désigné par l’Ordre pour deux ans avec neuf autres confrères pénalistes, et dispose d’Avocats de Permanence, désignés à  tour de rôle sur la liste des volontaires, tous les jours, ainsi si besoin est que de “Renforts”, avocats supplémentaires appelés sur le pouce si trop de dossiers. C’est bien, hein, la défense pénale à  Lille ? []

161 Commentaires

  1. Nicolas
    « étant probable qu'il sera difficile à un Juge des Libertés et de la Détention de renvoyer quelqu'un chez lui juste après avoir braqué les employés d'un commerce, et d'adresser ainsi un signal un peu moyen aux dizaines de jeunes idiots qui pourraient avoir le même genre d'idées ... »

    Mais quel signal, que diable ?! Il ne faut pas tout mélanger, comme le faisait allègrement une certaine procureuse de Grenoble de sinistre mémoire. La détention provisoire n'a qu'une visée pratique, ce n'est pas une peine. En dehors de ces quelques considérations pratiques — l'oiseau ne doit pas s'envoler, ne doit pas détruire les preuves, les victimes, les témoins, ni se faire dézinguer par un chasseur… —, le mis en cause doit être libre tant qu'il n'est pas condamné, il est présumé innocent. Cette liberté provisoire ne signifie en rien que la justice l'absout, elle pourra fort bien, le jour du jugement, le condamner à de la prison ferme.
  2. vpo
    Quand la réalité dépasse la fiction.

    Marrant, l'histoire que vous racontez ressemble au début du synopsis du Telefilm qui passe ce soir sur France 2:
    Le 3e jour
    Bon sauf que Kader se rend à  la police au lieu d'être entraîné dans une spirale de violence comme indiquédans le résumé...
  3. Fassbinder
    Perso, ce que je retiens dans ce récit c'est lorsque, la parquetière vous soutient naturellement qu'un des prévenus (en l'occurence le votre) peut être libéré sous conditions, mais pas son complice !
    Les c...., ils les ont faites ensemble, je ne vois pas pourquoi lui aurait pu bénéficier de clémence et pas son "co-équipier" ?
    N' y aurait-il pas comme une injustice flagrante,non ?

    Si demain mon avocat, acceptait cela sans broncher et d'autant plus si j'en suis la bénéficiaire, eh bien je serais choquée et déçu de sa part !
    La Justice doit être la même pour tous le monde et non pas parce que l'un des deux est mieux nanti que l'autre ! :(
  4. Temps des Cerises
    Parmi les "blogs de flics" vous pouvez aller voir les deux suivants : http://moreas.blog.lemonde.fr/ et http://police.etc.over-blog.net/. Personellement je les classerais dans les bons, mais je vous laisse vous faire votre propre avis :lol:
  5. Cédric
    Comme beaucoup de vos lecteurs, j’apprécie votre blog, comme celui de votre confrère Eolas d’ailleurs. J’aime la qualité de votre rédaction, toujours teinté d’humour, et la richesse du fond juridique que vous nous apportez.
    J’ai évidement dévoré ce récit d’un trait, n’en déplaise à  Madame Mô. Je porte un intérêt particulier à  ce genre de thème car je suis fonctionnaire de police et suis amené de par mes fonctions d’enquêteur (OPJ) à  côtoyer ce que vous nous avez décrit avec tant de passion.
    En effet, tout les palais de justice de France, ne possèdent pas leurs « petit dépôts » ou leur « souricière » et il arrive régulièrement qu’en province, dans de petits TGI, ce soit les enquêteurs - ayant eux même rédigé la procédure - qui assurent les missions de présentation devant les magistrats du parquet ou du siège et même la conduite en Maison d’Arrêt, si la Détention Provisoire est décidée par le JLD.
    A ce titre, je viens apporter ma vision des choses. Dans l’histoire que vous nous avez narré, vous vous efforcez de nous décrire les émotions, le stress, la fatigue et les passions vécues par les différentes parties du procès pénal lors de cette journée de comparution, le tout romancé à  la « sauce Maitre Mô », ce qui rend l’ensemble extrêmement plaisant à  lire et fort en émotion. Les commentaires de vos lecteurs l’attestent, ils réclament désormais la rédaction de votre premier livre. (Dépêchez-vous, il ne vous reste plus que quelques mois. Après la mise en place de la réforme de la GAV, vous passerez une grande partie de vos journées dans les commissariats et gendarmerie du Nord à  assister vos clients).
    Si effectivement dans cette histoire, je partage la peine de la famille du prévenu, l’agacement des avocats face à  une situation judiciaire aussi rocambolesque qu’ubuesque, je n’arrive pas à  éprouver de compassion pour « Kader », même s’il parait être un garçon sincère et sympathique comme vous nous l’avez répété bien trop de fois. Les faits qu’il a commis y sont sans doute pour beaucoup et les éléments atténuants que vous lui avez trouvés n’ont que peu d’effet sur moi. Heureusement que tous les futurs pères de famille en difficulté financière ne s’attaquent pas aux commerces avec des armes (même factices) car j’ai bien peur que toutes les situations ne se finissent pas aussi bien que celles vécues par Kader et son ami, surtout s’ils sont aussi « guignols » que nos deux compères. Encore bravo à  mes collègues intervenants.
    Je conçois que cette journée à  été harassante pour sa famille et son défenseur mais s’il se retrouve confronté à  cette journée usante s’est uniquement de sa faute et à  personne d’autre. Il est donc responsable d’avoir exposé sa famille à  cette « parodie de justice ». On ne peut pas toujours renvoyer la faute sur la mauvaise organisation de la justice ou critiquer le comportement de son escorte, l’ayant soumis lors de tous ses transfèrements, au port des entraves.
    Je ne sais pas quelle sanction prendra le Tribunal Correctionnelle ou la Cour d’Assises contre « Kader » mais la journée qu’il à  vécu au Tribunal, à  vos côté, est déjà  une forme de sanction, qui certes n’est pas prévu par la loi mais qui d’un point de vue psychologique aura sans doute des effets porteurs et positifs sur son avenir de père, car je suppose qu’il n’est pas pressé de re-soumettre sa famille à  pareil stress ou pareille peine.
    D’autre part, dans votre billet vous avez mis fermement l’accent sur la longueur de votre journée, ainsi que celle des magistrats. Je vais donc me permettre d’expliquer le travail des policiers car vous ne vous y êtes que très peu attardé, même si j’apprécie le fait que vous ayez venté les qualités humaines des procéduriers.
    La mission des policiers soumis à  l’exercice de la Police Judiciaire est lourde, stressante et fatigante. La vigilance et la clairvoyance sont de rigueur. Gare à  ne pas oublier une signature et attention de ne pas se tromper d’horaire sur un PV, l’avocat de la défense est là  pour veiller à  ce strict respect des règles et on sait qu’il n’hésitera pas à  détruire le travail de plusieurs mois. Vigilance aussi face à  la personne que l’on doit garder à  vue. Même s’il est gentil et parait sincère on ne le connait pas plus que ça. Nombreux sont ceux qui, derrière est un beau sourire et des paroles mielleuses, n’attendent que la bonne opportunité pour vous fausser compagnie. Les menottes, bien que très peu populaires chez les avocats, permettent au moins de limiter ce risque.
    Pour ma part, il m’arrive d’effectuer des missions bien plus longues que celle à  laquelle vous avez été confronté ce jour là , mais n’y voyer pas là  une attaque contre votre corporation. Je respecte les avocats.
    D’ailleurs, dans les mois à  venir, nous allons être amenés à  partager une grande partie de notre emploi du temps. Comme je l’ai déjà  dit, vous passerez bientôt plus temps avec les policiers qu’avec les magistrats et peut être qu’à  terme cette situation aura des conséquences sur votre vision des choses. Wait and see !!!
    Lorsque nous agissons dans le cadre d’une commission rogatoire, il nous arrive d’effectuer tous les actes de l’enquête policière, de l’interpellation jusqu'à  la mise à  exécution du mandat de dépôt, en passant par la phase des auditions, des perquisitions, des saisies et des présentations devant les magistrats (Proc, JI et JLD). Vous comprendrez alors aisément que le temps passé avec le prévenu est bien supérieur à  celui que vous avez passé avec « Kader ».
    Récemment, lors d’une mission, des collègues et moi-même avons été amené à  interpeller un individu à  PARIS, perquisitionné son domicile et l’entendre sur les faits reprochés dans une salle crasseuse d’un commissariat que nos collègues parisiens avaient consenti à  nous mettre à  disposition. A l’issue de ces investigations classiques, nous prenions la route en direction de la Province à  500 km de là , pour présenter notre gardé à  vue au magistrat mandant. Après plusieurs heures de route et à  l’issue de cette présentation, le JLD décidait de faire écrouer l’intéressé vers une Maison d’Arrêt situé à  60 km du siège de son TGI.
    Le nombres d’heures passés avec ce prévenu et les kilomètres réalisés en sa compagnie ont évidemment permis de créer un climat extrêmement serein, sein et j’irais même jusqu'à  à  dire presque d’amitié, tant une proximité s’était créer entre lui et nous.
    Si l’intéressé s’est retrouvé dans cette position, « bringbalé » pendant plus de 2 jours aux 3 coins de France, c’est uniquement de sa faute !!! Évidement, je n’ai pas éprouvé non plus de plaisir à  l’éloigner de ces proches ou à  le soumettre au port des menottes lors de nos déplacements, mais j’estime le port de celles-ci nécessaires et j’ai expliqué pourquoi. A ce titre, je regrette trop souvent dans vos billets, comme dans ceux de Maitre Eolas, que vous reprochiez aux policiers de menotter des prévenus, en accentuant ce reproche par l’utilisation d’un vocable fort : « laisse », alors que cet objet porte le nom de « chaine de transfèrement ».
    J’agit comme un professionnel et évite autant que faire se peu de m’alourdir de fardeaux dont je ne peux rien. Je me comporte envers les gardés à  vue avec la dignité que m’impose ma fonction et ma qualité d’homme, comme grand nombre de policiers soit dit en passant. Il m’arrive régulièrement de partager avec ceux-ci un sandwich, une boisson ou un café, le tout financé par mes soins. Ce comportement me parait normal et même logique surtout si j’ai à  faire à  une personne respectueuse, comme ce fut le cas lors de cette mission.
    Lorsque l’individu a été « déposé » à  la Maison d’Arrêt, c’est toujours avec une poignée de main franche et sincère que je salue celui qui a été plus proche de moi que les membres de ma famille lors des dernières heures. J’accompagne cette poignée de main, les yeux dans les yeux d’un aussi sincère « BONNE CHANCE POUR LA SUITE », laquelle parole se voit retourner un : « MERCI T’ES SYMPA ». Pas de haine
    Nous ne faisons que notre travail, bien que celui-ci soit de moins en moins populaire. La faute à  qui ?? Le débat est ouvert.
    En tout cas, merci de nous permettre d’avoir une tribune sur votre blog. J’aimerais que dans nos rangs, des gens est votre talent pour rédiger aussi régulièrement des billets passionnants sur le quotidien des policiers. Ils pourraient nous permettre de nous réconcilier avec la population. Nous en avons tant besoin, elle en a tant besoin !!

    Cédric
    1. Cédric, d'abord merci, et ensuite, croyez que je suis conscient de la charge qui est la vôtre, et partage totalement ce que vous dites ici.

      C'est vrai que j'insiste peu sur le boulot des policiers, mais c'est parce que, bien sûr, je connais mieux la phase judiciaire, et je pense effectivement que la réforme à  venir fera évoluer ça aussi (quoi que si le projet de réforme passe tel quel, je vais me retrouver des nuits entières muet sur une chaise à  côté de vous qui mènerez vos auditions tout seul comme avant : je sais où et quand je vais l'écrire, mon livre !).

      Croyez aussi que j'entretiens les meilleurs rapports du monde avec tous les enquêteurs que je connais -dont d'ailleurs plusieurs à  Lille ont été assis dans les mêmes amphis que moi, il y a déjà  un petit moment...

      Je parlais hier soir tard avec un procureur de l'époque, à  Lille, où ce sont les OPJ qui amenaient les suspects, époque que j'ai connue (et à  laquelle, pendant les temps d'attente, on avait des échanges passionnants ; une fois, une collègue à  vous amenait un pédophile récidiviste, à  mon sens pas dangereux en termes d'évasion ou de geste inconsidéré. Comme je la connaissait comme étant une enquêtrice particulièrement teigneuse, me voilà  parti dans une grande diatribe mi-chambreuse, mi-sérieuse, sur les menottes inutiles... Elle m'a répondu qu'elle ne voulait pas les lui enlever, pour les raisons que vous exposez, mais que si je voulais, elle pouvait m'attacher à  lui, ça lui ferait une main libre, puisque j'y tenais... Coincé, le Mô, j'ai dû dire chiche, et poireauter à  trente centimètres du bonhomme tout le reste de l'attente... C'était le bon temps !) : il s'avère qu'en fait un rapport à  décidé que les OPJ n'avaient pas que ça à  faire, et surtout qu'ils coûtaient en heures sups', bien plus cher que le policier de base... (Ce qui fait qu'hier on a attendu trois heures qu'un "équipage se libère, bref...).

      Il y a des "blogs de flics", sinon, un peu partout : ne désespérez pas !

      En gardant à  l'idée que ceux d'entre vous qui viennent me faire le plaisir de me lire, ou Eolas évidemment et d'autres confrères, ne sont à  mon avis pas ceux qui sont les plus radicaux ni les moins ouverts d'esprit...

      Si vous voulez, je vous raconterai un jour comment les policiers m'ont sauvé la vie, en pleine Cour d'Assises, et contre... Mon client ! Juré ! :lol:
      1. Cédric
        Merci d'avoir lu mon commentaire et surtout d'avoir pris le soins de le commenter à  votre tour. Lorsque l'on "post" en 175ème position, on craint toujours de ne pas être lu, ou du moins pas par le Maitre des lieux...

        Vous nous reparlez de votre livre et je sens que cette idée commence à  murir dans votre tête. J'ai bien compris aussi que lorsque vous me dites que vous envisagez de l'écrire à  mes côtés, pendant que j'auditionne votre client dans un silence forcée m que m'auront accordé les nouvelles dispositions du CPP, c'est une façon détournée de me proposer d'écrire la préface de votre ouvrage. Et bien, après avoir réfléchi longu ...... J'ACCEPTE !!

        Je savoure déjà  à  l'idée de connaître les circonstances qui ont permis à  des policiers de sauver la vie de Maitre Mô en pleine Cour d'Assises.

        Si vous avez des noms de bons "blogs de flics" , je suis preneur car je n'en connais point.
          1. Cédric
            - Commentaire n° 71.1.2.1.1
            Merci c'est flatteur !!

            Je crois malheureusement n'en n'avoir ni les compétences, ni les moyens intellectuels.

            Je me contenterais dans l'immédiat de quelques commentaires sur les blogs d'Eolas et de Mô....mais, comme pour ce dernier, laissons l'idée murir.
        1. Temps des Cerises
          Oupss, j'avais posté au mauvais endroit :? :? :?

          Parmi les "blogs de flics" vous pouvez aller voir les deux suivants : http://moreas.blog.lemonde.fr/ et http://police.etc.over-blog.net/. Personellement je les classerais dans les bons (intéressants sur le fond et bien écrit), mais je vous laisse vous faire votre propre avis. :lol: :lol:
  6. Motus
    Encore un texte écrit de main....de Maître.
    Toutes mes félicitations (avec une pointe de jalousie dedans, parce qu'écrire aussi vite relève de l'exploit...et qu'épouser une femme aussi compréhensive force le respect).
    1. Compréhensive, compréhensive... Elle m'interdit quand-même de me connecter au blog quand je suis chez nous et qu'elle ne dort pas ! Surtout à  vrai dire si les enfants ne dorment pas non plus... :mrgreen:

      Moralité : pourquoi croyez-vous que je me lève vers 3 heures 30/quatre heures tous les jours, dimanche inclus ? :x :D

      M'en fous, j'ai entrepris d'apprendre à  Petit Mô (3ans) à  se servir d'un clavier : il se trouve que je le fais en me connectant au blog, et que j'ai une pédagogie à  base de démonstration essentiellement... :P

      Un bon truc à  ceux qui sont dans le même cas : en partie droite de l'écran, tapez "comptines enfants" sur U-Tube ; asseyez l'impétrant sur vos genoux, il fixera les trucs qui défilent ; partie gauche, ce que vous avez à  faire sur le Ouaibe, évidemment, héhé... ;) :lol:
  7. Horse
    "la nécessité de relativiser un "trouble persistant à  l’ordre public" qui n’a pas tant persisté que ça, au fil de la journée, dans l’esprit du demandeur à  la détention".

    J'aime beaucoup la formule qui résume assez bien les errances de la justice pénale et du parquet en particulier durant cette journée.

    Je me permets une toute petite observation que je formule d'autant plus humblement que je m'en suis rendue compte il y a peu: il convient d'écrire "par acquit de conscience" et non par "acquis de conscience", il s'agit en effet du verbe acquitter, terme ô combien cher à  notre profession!
  8. Petite question Maître (courte, c'est promis !) : vous finissez en disant que le dossier va surement finir en correctionnel. Euh, d'accord, parfois la machine d'état est un peu lourde et aime tourner en rond, mais pourquoi ? Et surtout, comment sera justifiée (si elle l'est ...) la perte de temps, les aller-retours idiots entre étages, les ordres et contre-ordres donnés, tout ce joyeux cirque, quoi ! J'avoue avoir du mal à  saisir là  ...

    A part ça, bel exploit. D'ailleurs, pour arrondir vos fins de mois, vous pourriez tenter de vous faire sponsoriser par des fabricants de clavier. Je vois bien un logo indiquant "ce clavier a résisté à  la saisie d'un article par Maître Mô" ! :mrgreen:

    PS : les "an arrêt-maladie" des greffiers, c'est une faute ou c'est pour indiquer la durée moyenne des dits arrêts ? :mrgreen:
    PS2 : vous avez bien fait de ne pas publier ce texte en plusieurs fois ... Je ne voudrais surtout pas sous-entendre que, parfois, vous publiez des textes en plusieurs fois et qu'on attend la suite, hein, c'est pas du tout mon but :lol:
    PS3 : Le jour ou vous écrirez des livres et ou vous serez encore plus connu, je vous propose "oussel" comme prénom pour le comparse ... En plus, chanter des chansons sur des gens dont les maisons n'ont pas de murs, en prison, c'est original non ? :? (ok je sors ;) )
    1. Pour répondre à  ta question qui ne rencontre qu'indifférence de la part de l'Auteur (je dis ça, je dis rien) et te prouver que contrairement à  tes insinuations à  domicile, je te lis toujours, je pense que la justification ressemblera à  ça : "Attendu que les faits initialement poursuivis sous la qualification criminelle de vol avec arme sont en réalité constitutifs du délit de vol avec violences et en réunion ..." et hop, disqualification.
      1. Merci Marie de te substituer à  l'avocat ... C'est un entrainement pour ta future reconversion ? :mrgreen:

        Ceci dit, c'est quand même un peu limite non, comme argument ? Parce que, dans ce cas, la question suivante qui me vient à  l'esprit c'est "comment le proc (euh, c'est bien le proc, hein, qui poursuit, je dis pas de bêtises ?) arrive t'il à  justifier qu'il se soit gouré (y'a pas d'autre terme) entre vol avec arme et vol avec violence ?" C'est quand même pas pareil :x
        1. Eh bien, en fait, on ne justifie pas davantage que ça, car personne n'a intérêt à  soulever le caractère criminel de la qualification réelle. Toutes les parties doivent être d'accord pour correctionnaliser.
  9. Elo
    Lu en entier et d'une traite !!! (désolée de donner tort à  Madame mô) Bravo, très beau récit, merci de nous avoir fait partager votre expérience, on s'y est cru, on y a cru... vous avez fait tout ce que vous pouviez pour Kader
  10. Janger
    Bravo Maître..lu en entier itou...sur un portable en salle d'audience de Conseil de Prud'homme en attendant d'être appelé pour plaider le dossier du salarié que je représentais ce jour...(non, non, je ne suis pas avocat...juste un humble défenseur syndical...mais j'apprécie au plus haut point tout vos billets...Merci encore...)
    J'espère lire votre prochain article avant que ne "tombe" le délibéré de l'affaire qui m'a conduit devant le CPH... ;) (et qu'icelui soit favorable au salarié que je représente :? ....Je sais, je sais, "icelui" est un plagiat...C'est de la langue de Mô, pardon Maître :!: )
  11. Robert
    Maître, vous me donneriez presque envie de devenir avocat ...

    Et vous feriez un piètre délinquant, tant vous semez (volontairement ?) les indices (et les aveux) à  droite et à  gauche dans vos interventions et sur la toile.

    Je nous ai trouvé un nouveau point commun à  ajouter à  nos origines (avec cette différence que j'ai quitté le 59 et ai renoncé à  danser sur les tables chez Mademoiselle Fifi) , faute d'ENM : le marchfeld de l'ESM.

    N'auriez vous pas été un cijas du de génie ?
      1. Robert
        Non, non, rassurez vous, vous êtes bien trop vieux :mrgreen:

        Et puis j'avais vraiment été sélectionné pour mes aptitudes physiques et intellectuelles au combat . . .

        Et une fois affecté, je me suis pris la tête avec le cijas local, qui doit être avocat aujourd'hui (comme quoi il doit y avoir quelque chose de génétique ...)

        Quant à  ces soirées chez Mademoiselle Fifi, je suis sûr que c'était vous :P

        Ah , madame Mô n'est pas au courant, veuillez m'excuser :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen:
  12. Nola
    Pour faire justice à  Mme Mô, j'avoue n'avoir pas réussi à  lire cet article en une fois.
    Bien malgré moi, j'ai dû m'arrêter au milieu lundi après-midi (débordée, pas le temps, toussa), et j'avais même complétement oublié de venir lire la suite jusqu'à  aujourd'hui!

    Mention spéciale à  "ledit ballet ressemble le plus souvent à  un ballet à  chiottes" qui m'a fait beaucoup rire, et à  "mon ami enrobé" qui m'a d'abord fait croire que Gildas avait de l'embonpoint, avant de comprendre qu'il avait uniquement une robe!

    Merci pour ce récit, une fois de plus poignant, instructif, et humoristique (ah oui j'oubliais, très bonne entracte!!).

    En tant que jeune avocate, j'avoue avoir failli faire la gaffe que vous mentionnez (solliciter la nullité de la garde à  vue au motif que tous les actes ne sont pas contresignés par l'OPJ ni par le gardé à  vue), fort heureusement d'autres confrères à  qui j'en ai parlé m'ont appris qu'on ne nous donne jamais la vraie "copie du dossier", mais en réalité on nous donne une copie imprimée par les services de police à  partir des fichiers informatiques des PV... par conséquent ils ne sont jamais signés (ce qui n'est pas du tout pratique pour vérifier la conformité des signatures...)

    Et je confirme aussi que pour les compa on n'a jamais le PV du parquet dans notre copie du dossier, ni le casier judiciaire, ni l'enquête sociale rapide, si bien qu'on les consulte lorsque l'audience débute, en urgence (comme tout ce qu'on fait en compa!).
  13. kuk
    Félicitations et merci, Maître, la longueur de votre prose n'a d'égale que son humanité
    La réaction de Kader, telle que vous la relatez, face au Juge des Libertés et de la Détention en est, par sa simplicité et son authenticité le bouleversant point d'orgue.
    Les petites notes de bas de page ne sont pas les passages les moins appréciés, je m'essaie à  la rhétorique juridique de l'euphémisme, notamment les 3, 4, 6, 8, 16, 19, 23, 24, 26, 29, 30, 31, 32, à  ce propos de 32, ne craignez vous pas que la dite procureur interprète mal l'affirmation que sa beauté est romancée ?, 33, 34, m'a bien fait rire la 34, 36, 38, 41, 42 et les autres aussi.

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