C'est un dépot…

Ce titre est constitué par la phrase traditionnelle par laquelle les avocats annoncent parfois au magistrat qu’ils ne plaideront pas mais déposent simplement leur dossier -ça ne devrait jamais, mais ça arrive, exactement comme ces excuses en forme de billet.

Je pensais, en effet, pouvoir cumuler. Or, c’était pur orgueil : je suis au regret de devoir constater que malgré mes immenses qualités, et mon extraordinaire capacité à  détester dormir longtemps, la sagesse populaire avait, une fois n’est pas coutume, raison : on ne peut pas tout faire… La preuve en une phrase, la phrase d’excuses la plus longue du monde, juste pour le fun, et pour refléter un peu mon état de confusion cervicale….

Ce n’était pourtant, en effet, en théorie pas la mer à  boire : avocat de gens, occupant en sus deux fonctions chronovores1 auprès d’organismes en rapport avec mon métier, mari heureux d’une femme d’exception, père heureux de deux beaux enfants, gestionnaire fantôme de ma copropriété, et vaillant homme n’ayant depuis toujours besoin que de quatre ou cinq heures de sommeil lourd par nuit, ajouter à  cette vie normale seulement bien remplie l’existence de ce blog ne me semblait pas insurmontable, et de fait ne l’est pas, mais je découvre finalement  qu’un peu quand-même, si : en termes de temps, celui qui passe, celui qui file à  la vitesse du météore, c’est la cata, je mettais auparavant à  profit, pour ne point trop spolier ma famille d’heures de mon attendue présence, le moment merveilleux s’écoulant entre, disons quatre et sept heures, tous les matins, pour effectuer mon travail de fond pour le cabinet, ce qui me permettait d’y arriver vers sept heures trente avec une bonne pile de boulot pour ma secrétaire préférée, de tenir mes délais, et d’assurer les différentes audiences de la journée et rendez-vous sans avoir l’arrière-pensée pointée sur l’horloge : je repartais ainsi chez moi vers dix-neuf heures, rarement plus tard, pouvant sacrifier à  la joie des bains et autres repas de fauves, en voyant grandir iceux autrement qu’au travers des compte-rendus de leur dompteur nounou, certes optimaux, mais moins émouvants qu’un constat de visu, et ce rythme, disais-je, me permettait aussi de m’épargner les aller-retours matinaux du week-end au bureau, restant auprès des miens sans trop léser mes clients, seulement voilà , tenir (je n’écris pas même maintenir) ce blog, est devenu l’occupation privilégiée du matin, il n’y a pas trente-six solutions ni pour écrire au calme (et suffisamment déconnecté de mon métier pour ne pas seulement y faire encore l’avocat2 ) ni pour être courtois vis-à -vis  de mes impénitents bavards, mes commentateurs chéris, en tachant de leur répondre à  tous dignement, de telle sorte que je ne dispose à  présent pour le travail normal que de pauvres journées normales, évidemment amputées, comme pour tout avocat qui se mêle de ce qui ne le regarde pas du destin des personnes, de très longues et très poireautantes3 audiences dévoreuses non seulement d’une énergie dont les réserves commencent à  baiser, hiver durable et enfants pétant de santé aidant, mais encore dudit sacro-saint temps qui court, court à  perdre haleine, et je n’en veux comme preuve du moment que les six audiences étalées sur ces lundi et mardi “sous” une septième qui les emporte toutes, à  savoir une jolie Cour d’Assises dans laquelle je m’assois de neuf heures à  dix-neuf heures, et me suis levé tout à  l’heure sans aucun autre réel espoir que d’y tenir mon rang, lesdites journées ainsi considérablement réduites ne m’autorisant que de très brefs passages matinaux en ces lieux enchanteurs, l’œil morne, le nez coulant4, contemplant les commentaires qui continuent pour l’instant vaillamment, en nombre, à  bouffer le peu de mémoire que m’octroie mon hébergement, sans pouvoir y répondre, mais m’interdisant concrètement, outre ces brillantes réponses drolatiques qui fabriquent petit à  petit ma légende sur le Ouaibe, d’élaborer de nouveaux articles, “Histoire Noire je-ne-sais-plus-combien” n’étant écrite que dans mon pauvre cerveau enrhumé, “Délibéré” étant en gestation et composé pour l’instant des seules plaidoirie de Pahdoc et réquisitions de Titejuriste, lesquelles vont donc continuer quelques temps a être terrorisées à  l’idée de voir leur prose respective lue par des millions de personnes, un article relatif à  la honte d’être magistrat et la fierté non corrélative d’être avocat étant également en stand by, de même que les aventures comparées de Jean/John/Johan, arracheur de sacs-à -main de vieilles dames récidiviste5 ayant commis son acte horrible à  Lille, à  Londres et à  Bruxelles, de même encore qu’un bon millier d’autres textes passionnants qu’il n’y a plus qu’à  écrire, tandis que pire, je rentre en mon logis nuit largement tombée et ne vois plus mes enfants se réjouir en braillant de manger l’immonde plâtrée de nouilles mélangées à  des tas de trucs non identifiés qui leur est habituellement amoureusement préparée par le micro-ondes de papa, et que pire aussi mais sur un autre plan, mes dossiers prennent des retards qu’ils n’avaient jamais envisagés de connaître, leurs propriétaires encore moins, et que, Saint Yves me pardonne, j’ai tout récemment et pour la première fois de ma carrière failli péter un délai de recours, merci ô subconscient salvateur qui vers trois heures du matin jeudi m’a sursautamment6 éveillé en hurlant tel le loup “Merde, l’appel de Madame X !!!”, même si ça m’a couté l’habituelle jovialité des réveils de ma douce et adorée Madame Mô, qui s’il m’en souvient a cru devoir remplacer ce “matin” là  son habituel “Bonjour, que tu es beau”, par un “connard” peu amène, et sans parler, moins encore peut-être, de mes amis vrais, peu nombreux, et pour lesquels, ils le savent, j’irais habituellement au bout du monde sur simple appel les aider à  rouler le cadavre dans le tapis, et que je maltraite pourtant actuellement, il me faut le reconnaître, à  mon grand dam itou.

Une phrase simple, disais-je : je n’y arrive plus.7

J’avais oublié la petite “définition” en exergue de ce blog, cette chronique étant conçue ab initio de telle sorte qu’elle “se développera quand elle le pourra” … Et non pas quand elle le devra, car elle ne “doit” rien du tout, “devoir” étant un terme juridique répugnant contenu en général dans des lois de même nature.

Vouloir tout faire revient à  tout mal faire : je me la ferme quelques temps, ou peut-être pas, mais en me souvenant à  nouveau des priorités, à  nouveau dans le bon ordre : l’argent, bien évidemment d’abord, mais tout de suite après la famille, la santé, le boulot; quant aux mots… Après vous, s’il en reste !

Pardon à  tous, qui m’aime bien ne me châtisse8 point mais patiente : onc ne faiblit, mais là , si.

PS tout à  fait dans le sujet : Didou, on n’a finalement fait que se croiser, et tu as eu selon moi à  la fois tort et raison de fermer, mais bises et bon vent -tu reviendras autrement, je gage9

  1. C’est un premier néologisme : normal pour une situation nouvelle, il y en aura d’autres… []
  2. Le “y” de cette parenthèse vise “ce blog”, c’est l’inconvénient des longues phrases, je sais… []
  3. Autre néologisme qui mériterait d’entrer dans tous les codes de procédure en vigueur à  ce jour : “audiences poireauteantes” = “audiences” []
  4. Rien à  voir avec ces lieux magiques, c’est juste que je traîne une crève carabinée, n’allez pas croire… []
  5. Jean, pas la vieille dame []
  6. Oui, il s’agit à  nouveau d’un pur néologisme, et alors ? []
  7. Oui, je pouvais ne dire que ça : je suis avocat, en même temps, il faut bien justifier mes honoraires considérables… []
  8. J’ai la flemme absolue de vérifier ce verbe sous cette forme, ça doit être “châtie”, mais on comprend l’idée… []
  9. Et j’espère, parce que cette page 404 vide est sinistre. []

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